dimanche 18 décembre 2011

Foi de folie

Que penser d'une personne soumise à des accès de délire qui présente pour particularité théorique (et clinique) de mal reconnaître la différence entre fiction et réel (une bonne définition de la folie)? Je me fais cette réflexion plus générale à propos de la folie : une femme d'âge mûr propose la caractéristique remarquable d'avoir dépassé les quarante années, accumulé les coups durs, subi les épisodes psychopathologiques les plus pénibles, les déceptions sentimentales dépréciantes, j'en passe et des pires - et malgré ces coups qui devraient logiquement (du moins rationnellement) l'inciter à la remise en question et la retenue, voire le détachement, notre quadragénaire adulescente (version périmée), toujours puérile - au sens où elle prend tout au premier degré au point de ne pas apprendre de l'existence, de se trouver dépourvue de jugement mémoriel, ose encore se comporter avec la candeur de la virulence, comme si elle n'avait pas pris acte de ses délires cliniquement traités.
Le propre de la folie conduirait à ne jamais se remettre en question malgré l'évidence? Comment expliquer qu'une hystérique aigrie estime qu'en agressant et en calomniant, elle se retrouverait dans la position inversée de l'agressée qui se défend? Sentiment de toute-puissance bien connu et qui caractérise la perversion, mais - à quoi renvoie cette toute-puissance perverse, où le fou se prend pour le Dieu et décrète son pouvoir absolu (et fantasmatique) sur les autres, surtout quand ceux-ci sont lointains et ne lui ont rien demandé? La toute-puissance renvoie à la complétude. On est tout-puissant quand on maîtrise l'intégralité du réel. La folie tournerait autour de la complétude du désir - la folie étant le désir qui se prétend d'autant plus complet qu'il souffre de déficiences profondes et pathétiques.
Mais si la folie émane d'un désir faussement complet, force est de constater que le programme des immanentistes posé par un Spinoza débouche sur la folie. Pourtant, Spinoza n'était pas fou, quoique Nietzsche ait fini fou, qu'Heidegger ait adhéré un temps au nazisme (perversion du jugement oligarchisé et nihilisé), que Deleuze se soit défenestré dans un acte de souffrance ou que Rosset soit un dépressif chronique. La perversité qui voisinerait de la folie s'approcherait de la complétude du désir - ce qui indique que le programme immanentiste est plus dangereux que faux. Que manque-t-il à la complétude du désir perverse pour renvoyer à la folie?
La différence entre l'immanentisme fondateur et la phase gradatoire interne de l'immanentisme tardif et dégénéré, c'est l'irrationalisme accru, soit la réduction accrue (alors que l'immanentisme constitue une réduction par rapport au nihilisme dès son expression initiale). La folie renverrait à l'alliance de la complétude avec la fixité arbitraire, d'où le décalage croissant et tragique entre ce qui est (le mouvant et le changeant) et le point de vue fou, complet et fixe. La perversion serait adaptée au réel parce qu'elle respecte des conditions précaires, partielles, quoique fondamentales du changeant, tout en réclamant la seule complétude; quand la folie ajouterait à la complétude la fixité, au sens où elle ne retient du réel que le fixe. D'où la paranoïa, moyen de se méfier du changement et d'aduler ce qui est passé et qui est mort; d'où l'hystérie, scandale virulent et incontrôlable face à ce qui change; d'où la projection, qui habille le changeant de tous les maux pour blanchir définitivement le fixe.

Aucun commentaire: