mercredi 6 juillet 2011

Le procès de l'oligarchie


Le vaudeville glauque continue, qui habitue les peuples du monde à supporter le plus glauque et le plus sordide. A présent, une jeune femme française, bourgeoise, Blanche, belle, intelligente, journaliste et fille d'une conseillère générale socialiste (courant Strauss-Kahn!!) del'Eure accuse DSK d'un viol antérieur à l'affaire Nafissatou. Quand j'entends les torrents de boue (vrais ou faux) qui sont déversés sur la Guinéenne travaillant aux Etats-Unis, j'ai honte : où est le Prix Nobel de la Paix Barack Obama venant défendre la jeune femme victime d'un viol qui ne repose pas sur son seul témoignage ou sur des éléments fragiles, mais sur une expertise médico-légale dont il faudra qu'on nous explique comment des manipulateurs aussi ingénieuxsoient-ils ont pu la bidonner au point de faire ressortir les éléments de violence que l'on constate?
Comment le procureur Vance Jr. peut-il enterrer l'affaire de viol et accepter le non-lieu quand on connaît la teneur des violences attestées médico-légalement? Quel mépris que cette justice qui lèse les faibles comme Nafissatou et qui innocente partiellement les oligarques - comme DSK. J'ai entendu qu'on ne saurait sans doute jamais la vérité sur cette affaire, comme si c'était parole contre parole. Mais ce n'est pas parole contre parole. C'est parole de DSK (rapport sexuel librement consenti) contre l'expertise médicale scientifique (violences attestant du viol). Le témoignage de Nafissatou ne fait que corroborer (ou pas) ce qu'elle a subi. Sans autre élément venant remettre en question l'expertise médico-légale, cette affaire de viol politique tournant au nonl-lieu est un scandale éclatant d'injustice, qui par son symbolisme fort inspire le plus profond dégoût.
Du non-lieu au non-dit : comment laisser passer ce cas évident de justice oligarchique, où l'on se sert d'un viol pour discréditer le directeur du FMI partisan des renflouements financiers - et quand on obtient sa tête, on laisse tomber contre ce seigneur mondialiste les poursuites pourtant évidentes - du moins jusqu'à plus ample informé? Mais quelle fut la stratégie des avocats de DSK l'oligarque, relayée avec complaisance par les médias et par certains amis politiciens que le déshonneur posthume n'étrangle guère? Tous ont recouru à la stratégie qui s'avère payante dans le système médiatique actuel (bien que cette stratégie se révélera désastreuse sur le plus long terme) : nos rhéteurs et sophistes ont usé de rumeurs, calomnies, diversions qui ont toutes pour point commun de discréditer la victime sur de nombreux sujets, peut-être fondés, mais pas sur le point précis et fondamental de l'acte d'accusation - le viol.
On apprend que Nafissatou serait dealeuse, menteuse, prostituée, fellationneuse, bête, inculte, profiteuse, vénale... A quel moment nous délivre-t-on des éléments qui dédouaneraient son bourreau d'oligarque quant à l'accusation de viol? Je sais bien que dans de nombreuses affaires, les accusations de viol sont à prendre avec des pincettes, tant elles se révèlent pour la moitié d'entre elles fausses et fantaisistes (et je parle d'affaires portée sur le plan pénal, pas de rumeurs, ragots ou racontars déversés dans le dos d'un innocent qui ne peut répondre aux calomnies). Cette affaire d'injustice caractéristique, où l'on innocente un coupable à partir de rumeurs fondées sur la loi du plus fort et où l'on discrédite la victime sans remettre en question les preuves scientifiques de son viol fera date : symbole de la menace oligarchique, où le directeur du FMI est soutenu, malgré sa culpabilité évidente dans cette affaire - plus sa réputation désastreuse corroborant l'accusation de viol. Sous couvert de socialisme là également médiatique, nullement effectif, notre puissant valide dans le domaine privé et sexuel les principes les plus prédateurs de la finance mondiale folle.
L'histoire retiendra que ce sera suite à l'action d'une nouvelle jeune femme, sa compatriote et collègue socialiste Tristane Banon, que DSK a été mis hors d'état de jouir, pardon, de nuire. Comme si, pour qu'un oligarque se trouve condamné malgré sa culpabilité évidente, il fallait que ce soit une jeune femme venant de milieux socialement aisés, de facture oligarchique, qui l'accuse (sans doute à juste titre) - et qu'une pauvre Noire aux Etats-Unis ne pouvait recevoir la juste reconnaissance officielle, judiciaire de l'horreur qu'elle a subie.
L'injustice qui se produit dans cette affaire pourrait être résumée comme suit : la représentation prime sur le réel. Le réel : le viol. La représentation : ce qu'ont dit les protagonistes, leur réputation. On ne tient pas compte de ce qui est (l'expertise médico-légale), et l'on évacue les faits dérangeants, voire accablants, au profit de l'interprétation, du témoignage, comme si cette affaire se résumait à la crédibilité sociale de Nafissatou la menteuse contre DSK l'oligarque millionnaire, médiatisé, sioniste, influent, défendu par un bataillon d'avocats et d'enquêteurs marié à une riche héritière sioniste et fameuse journaliste française. A ce stade de rebondissements, il n'y a plus que les imbéciles fascinés depuis leur médiocrité par la puissance sociale qui défendront encore DSK le (multi)récidiviste; tandis qu'avec l'affaire Nafissatou, les moutons étaient susceptibles de défendre l'horrible prédateur politique et sexuel au nom du conformisme et du mimétisme.
Mais qu'apprend-on dans un grand journal conservateur français, qui relaye des informations internationales? Selon une adjointe du procureur Vance Jr., «une relation sexuelle est corroborée par des preuves médico-légales et la brièveté de la scène dans la suite suggère fortement un rapport non consenti».
http://www.lefigaro.fr/international/2011/07/03/01003-20110703ARTFIG00156-dominique-strauss-kahn-bientot-fixe-sur-son-sort.php
Dans ce cas, comment peut-on abandonner les charges du côté du procureur? Serait-ce qu'ils'agit d'une affaire politique, ce qui expliquerait le silence d'Obama, si prompt à enfourcher lecheval de bataille de la discrimination raciale? On tient la preuve dans cette affaire d'une justice oligarchique, une justice en faveur des riches et des puissants, méprisant les pauvres et les faibles. On le savait avec de nombreux cas politiques auparavant, mais ce procès, qui n'est pas simplement privé, n'est pas davantage seulement politique, au sens où il serait dominé par des considérations d'appartenance à des courants politiques. Il s'agit d'une affaire politique au sens où c'est le procès de l'oligarchie qui se joue.
Ceux qui ont instrumentalisé cette affaire aux fins de dégager DSK le symbole des renflouements et d'empêcher ces tsunamis avant qu'ils n'atteignent les USA, n'avaient pas prévu que le procès dépasserait le cadre d'un règlement de comptes utilisant un vice sévère et très connu de DSK pour lui conférer une portée politique universelle : la lutte contre l'oligarchie. Ce n'est pas le cas seul de Nafissatou qui nous intéresse. Est-elle vraiment cette prostituée menteuse et dealeuse - ou se trouve-t-elle calomniée? Quel degré de calomnie? A-t-on jamais osé qu'elle pourrait être innocente des rumeurs répandues complaisamment par la presse mondialiste et ordurière?
Qu'elle puisse se trouver détruite par le soutien dont bénéficie son agresseur? Qu'on peut mentir ou tromper - tout en ayant été violé? Le soutien que l'on accordera à Nafissatou ne s'établit pas à partir de la connaissance pointue des faits, mais en faveur du plus faible et surtout contre la loi du plus fort qui prévaut dans la mentalité oligarchique (dans laquelle une fois qu'on a dégagé ses concurrents dérangeants, ils redeviennent des rivaux oligarques, donc à protéger de toute déchéance sociale). Il ne s'agit plus de connaître la vérité, mais de s'en débarrasser au profit de la force sociale (pas physique).
Cette histoire restera gravée chez les historiens comme une preuve que notre époque était en voie d'oligarchisation et que la justice, un des symboles de la démocratie et de la liberté (indépendance), devenait de plus en plus soumise à la tutelle des financiers et de leurs vassaux les politiciens. Certains esprits chagrins rappelleront que la justice en Amérique n'a jamais été réputée impartiale dans les affaires politiques (ce qui serait vrai en Occident l'est a fortioridans les pays pauvres).
Revenons à cette idée effarante selon laquelle la représentation prime sur le réel extérieur. Ce n'est pas seulement Nafissatou qui risque de payer très cher cette évolution depuis une affirmation de principes républicains universels vers les arguties oligarchiques morcelées et multiples; ce ne sont pas seulement les observateurs lucides qui osent remettre en question la loi du plus fort et l'arbitraire juridique; c'est une marque historique très importante qui indique la crise violente du processus fixiste, qu'on pourrait qualifier d'antidynamique.
Si l'on décèle depuis l'Antiquité la disparition de la vérité, comme chez les sophistes (dontProtagoras), ou chez le fondateur de l'immanentisme Spinoza, c'est avec le kantisme que le symptôme de primauté de la représentation sur le réel extérieur apparaît. La démarche deKant n'est pas anodine. Je l'ai déjà analysée dans un billet précédent. Elle consiste pour restaurer la métaphysique (contre les attaques radicalement antimétaphysiques, émanant en particulier de Hume) à proposer une réduction de la métaphysique de format aristotélicien (déjà une réduction de l'ontologie platonicienne, de l'infini au fini) à une réalité qui se recroqueville dans les limites de la représentation subjective.
On comprend la fortune philosophique du kantisme (puis du néo-kantisme) à l'aune de l'évolution de l'immanentisme. Sans la mentalité croissante de l'immanentisme, qui domine à partir des Révolutions, jamais une théorie comme le kantisme n'aurait connu une telle reconnaissance. Le kantisme est une théorie bancale du réel, qui évacue le problème du réel (au départ examiné) en décrétant que seule la représentation peut être définie (reconnue comme réelle). Son succès témoigne de l'effondrement du réel, dont après avoir nié l'infini on accepte la dégénérescence, rappelant le sort de la peau de chagrin : condamnée à péricliter inexorablement, jusqu'à disparaître totalement.
C'est le destin de tout processus nihiliste et c'est le sort qui attend le diabolisme en termes religieux : le diable a peur de sa domination finissant en toute-puissance, comme s'il ne parvenait à résoudre la contradiction qu'il a posée en même temps que sa toute-puissance - et qui le détruit. La toute-puissance est ainsi contradiction fondamentale au sens où le fixe est contradiction non résolue. La destruction sanctionne la contradiction. La toute-puissance implique la fixité, sans laquelle la toute-puissance d'un état devient la faiblesse de l'état suivant et supérieur.
Ce que l'on nomme force se rapporte à la toute-puissance et se déploie dans un état donné, fini, fixe. Mais cette manière de considérer que la force, voire la toute-puissance, sont fascinantes provient d'une réduction de la réalité qui tend à rétrécir ce qui est réel à ce qui est représentation, tout en s'avérant masqué ou aveugle face aux autres parties. Comme si le réel non subjectif n'était plus représentable, mais indéchiffrable, à la manière d'inscriptions émanant d'un alphabet absolument inconnu et étranger. Le mythe de la caverne de Platondevient une incarnation ironique et saisissante avec le kantisme.
Les prisonniers qui éblouis s'avèrent incapables de sortir de la caverne et de découvrir que la réalité dépasse de loin ses projections sont ces figurines éthérées (et égarées) dans le kantisme qui prennent les représentations pour le réel et qui se montrent incapables de sortir de leur subjectivité. La loi du plus fort sanctionne toujours la faiblesse d'une position qui se voudrait inexpugnable et imprenable alors qu'elle repose sur la chimère et s'effondrera à la première bourrasque. L'oligarchie privilégie la représentation en ce qu'elle signale une réduction du réel et qu'elle ne peut pas se déployer dans un état de dynamique où le réel prévaut sur la représentation.
Quel attrait malsain et moribond pousse une époque à avaliser et adouber la mentalité oligarchique comme si elle acceptait le poison qui signe sa perte? C'est le refus du changement, qui commence avec l'affirmation conservatrice (mieux vaut cet état qu'un changement pire encore), puis finit dans la doctrine réactionnaire (c'était mieux avant). Le changement, c'est le va-et-vient croissant (antientropique), soit l'idée selon laquelle le seul moyen pour le réel de continuer à être consiste à changer dans le va-et-vient, soit à instaurer des différences, distinctions, déplacements.
Pour finir (pprovisoirement) ce billet anti-oligarchique, le procès scandaleux et injuste deNafissatou vient prolonger les abominations commises au moins de la guerre contre le terrorisme à Guantanamo : de la même manière que dans le dossier DSK, Obama protège les puissants contre les opprimés, de même n'a-t-il rien fait pour soulager les tortures et les angoisses des prisonniers de Guantanamo et des autres prisons dont les pires sont secrètes et naviguent en pleines eaux apatrides.
Qu'est-ce que Guantanamo - sinon le remake de la torture kafkaïenne? Guantanamo est le symbole du processus oligarchique parvenu à terme. Pas de jugement, de l'arbitraire, du plus fort. Dans le cas de Nafissatou, nous avons une parodie de jugement. Dans le cas deGuantanamo, c'est encore plus cru. Qui l'eût cru? Le jugement est sommaire etstructurellement injuste. Que ceux qui croient encore dans la justice américaine du moment se penche sur le lien entre le symbolique Guantanamo (incarnation de l'injustice) et le procèsNafissatou (parodie de justice). Dans les deux cas, il s'agit de souligner que c'est le procès de l'oligarchie qui a lieu et que l'oligarchie mène plus loin encore que l'injustice sommaire et douce, vers les zones les plus extrêmes et arides de l'injustice : la torture, la calomnie, la loi du plus fort.

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