dimanche 24 juillet 2011

Reconnaissance

Le voleur en volant les autres se vole en soi. Cette constatation évoque la fameuse remarque deSpinoza qui explique que l'effet moral est contenu dans l'action elle-même : la punition tiendrait dans l'action autant que la gratification. Mais - il y a un mais, la remarque de Spinozas'intègre dans l'immanentisme et vise à contredire le système de rétribution des bienfaits et des fautes du transcendantalisme dans la vie éternelle. Contre le transcendantalisme, l'immanentisme institue que la rétribution ne fait qu'un avec l'action pour éviter de reconnaître qu'une autre réalité existe en dehors de la réalité immanente.
C'est ici que l'on voit la différence entre le nihilisme (dont l'immanentisme est la forme moderne exacerbée) et le transcendantalisme : l'expression propre au transcendantalismerevient à jeter un pont théorique entre l'être sensible, à la portée de l'homme et de ses facultés de connaissance immédiate, et ce qui est étranger à l'homme, mais néanmoins réel et connaissable; tandis que l'immanentisme postule (de manière indémontrable) que seul existe ce qui est immanent. Si seul ce qui est immanent existe, la théorie immanentiste est juste.
Mais la structure du réel fait que le réel perdure en passant d'un niveau donné à un niveau supérieur. L'erreur de l'immanence provient de ce qu'elle réduit le réel au donné qu'elle appelle l'immanent. La différence entre la conception de la morale immanentiste (l'éthique) et la morale transcendantaliste ne tient pas dans une différence de nature, mais de réduction : letranscendantalisme reconnaît la réalité de la position strictement immanentiste, mais lui adjoint un massif prolongement; tandis que l'immanentisme refuse le prolongement - du coup réduit le réel au sensible.
Quand le nihilisme scinde en deux opposés (sur le mode être/non-être) le même réel, son raisonnement suit cette manière de procéder consistant à réduire ce qui est à une partie : l'être sensible. Le danger de cette réduction tient au fait qu'elle soumet sa reconnaissance du réel à destruction, car en ne reconnaissant qu'une partie, elle accélère le processus de contradiction qui est présent dans tout système fixiste. La non-reconnaissance d'une partie du réel entraîne son opposition et la contradiction destructrice : ce qui n'est pas reconnu dans le réel agit contre les intérêts humains. Le danger est qu'à l'encontre du mouvement historique tendant à faire croître le monde de l'homme, la non-reconnaissance du réel non immanent engendre une décroissance mortifère du monde de l'homme.
Le danger est que l'homme est contraint d'accroître son monde pour en pas se trouver détruit, voire anéanti. Mais la condition humaine, si l'on peut dire, joue un rôle dans la structure du réel consistant à dépasser la contradiction par le seul moyen dont dispose la non-contradiction: l'anti-entropie ou la croissance continue (infinie). La reconnaissance, c'est le moyen pour l'homme de rendre le réel non humain compatible avec son propre monde. Tel est le but de l'homme, qui le distingue des autres créatures notamment animales : la reconnaissance.
Rien n'indique que l'homme soit la seule créature à jouer ce rôle, ni à son niveau, ni à des niveaux supérieurs (inaccessibles pour l'homme). Mais l'homme joue ce rôle et agit d'une manière différente aux autres formes de vivant et de présence réelle qu'il côtoie et connaît. Son but est de permettre la poursuite de la pérennité du réel, qui passe par la croissance/anti-entropie. Du coup, l'éthique immanentiste est une morale tronquée, qui porte bien son nom d'éthique : quand on la distingue de la morale, c'est pour spécifier son caractère de relativité.
Le voleur qui se vole soi est ainsi un homme qui n'accomplit pas son rôle de reconnaissance (dans un sens plus ontologique que militaire). Il stagne et demeure sur place. C'est la vision de l'immanentisme et c'est en quoi l'éthique est tronquée : elle empêche d'aller de l'avant, de progresser, d'augmenter, de croître. Elle et une morale du marécage. Elle est tronquée. Le voleur se vole certes lui-même en volant - sa punition est dan sons action, mais ce n'est pas seulement son action qui se trouve sanctionnée, c'est l'intégralité du réel qui s'en trouve touchée à un degré ou un autre. La morale est unie, l'éthique relative.

Aucun commentaire: