mercredi 15 mai 2013

L’insuffisance des complots

La raison pour laquelle les complots sont insuffisants et carencés, c'est-à-dire manquent en responsabilité et identité? Ils s'attachent aux individus, pas aux idées. Prenant au pied de la lettre la responsabilité comme règle (et non processus) d'individuation, ils pensent que le fondement du réel n'est pas l'idée, mais l'individu. Du coup, découvrir des individus responsables suffirait à identifier le complot. Si des individus sont insuffisants à expliquer le complot, c'est parce que le mécanisme du complot met en lumière l'importance de l'idée en tant que processus transindividuel : pour réussir à conférer la suffisance de responsabilité à l’histoire du complot, il faut l'appréhender en tant que processus.
Seule l'idée peut permettre de restituer le processus. L'individu le tronque et de ce fait se révèle carencé. L'interprétation a posteriori d'un complot révèle l'impossibilité à en identifier des responsables (ce qui ne veut pas dire que les complots n'existent pas ou qu'il n'existe pas de comploteurs a minima). C’est qu’il est impossible d'expliquer un complot par des hommes. Cette limite technique engendre le complotisme comme surinterprétation sous-interprétative du complot.
Surinterprétation : l'interprète complotiste accorde une importance grandiloquente aux comploteurs présumés;
sous-interprétative : la possibilité d'interprétation est bafouée dans le complot, puisqu'elle ne peut se développer et s'élaborer que dans la sphère pluriindividuelle, au profit d'une science des faits qui s'apparenterait à du néo-positivisme (l’obnubilation des faits chère aux enquêteurs complotistes).
Le processus de l'idée dans un complot n'est pas viable, mais traduit le délitement du processus en tant qu'il instaure la pérennité transindividuelle. On parle à ce propos de mentalité, parce que l'idée implique que ses éléments supérieurs, de nature créatrices, et qui favorisent la pérennité, soient absents, et qu’en lieu et place prolifère le mimétisme, engendrant l'impossibilité de l'interprétation au profit du factualisme (d'où le néo-positivisme). Le complot découle d'une mentalité, et non d’individus insuffisants, aussi coupables soient-ils, au sens où la mentalité est inférieure à l'idée. La mentalité est pauvre en idée, porteuse d'une idée médiocre, racornie, dévaluée.
Le mimétisme exprime la stagnation de l'homme dans une certaine conception, qui empêche de croître, et qui de ce fait rapporte l'idée à des individus insuffisants, tout en admettant que c'est elle qui est insuffisante : elle est insuffisante, en ce qu'elle exprime la sclérose et le rétrécissement de son domaine à la forme expurgée de la créativité, potentiellement croissante. Le domaine stable est pauvre en réel. Il s'autodétruit, parce qu'il génère la contradiction interne, qui dans le moment où elle autodétruit son domaine engendre par répercussion la croissance du réel.
Ce qui implique que le réel ne soit pas destructible, puisque pour détruire un domaine, il faut une force étrangère. Le propre du réel est d'être l'intégralité qui interdit l'extériorisation. Le réel est en ce sens une propriété couvrante - propriété qui consiste à ne pas se satisfaire du sensible, qui équivaudrait à un état comme la masse, mais à induire que le réel ne soit pas un état, plutôt un processus. Ce constat nous éloigne du complot, au sens où le complot est une dégénérescence politique de l'idée, qui surgit dans des périodes de crise - privées ou publiques. L'insuffisance du complot est une insuffisance idéelle qui rejaillit en insuffisance méthodologique.
La fixation (pathologique) sur l'identification d'individus ne peut suffire à identifier : l'identification pour opérer doit dépasser les cas individuels et opérer dans le transindividuel. Après, le mimétisme est du transindividualisme plus pauvre que le transindividualisme idéel. C'est un transindividuel fini, non dynamique, non extensible, qui est un intermédiaire entre l'individu et l'idée, entre le physique et le réel, dont la particularité est d'être extensible, malléable, s'opposant au donné et au physique compris selon cette acception.

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