mardi 28 mai 2013

Les miroirs du football


Ami lecteur, essayons de situer le sport-roi, qui est aussi le sport de référence du beauf : le football. Le beauf devient concerné à partir du moment où le sport ambitionne de devenir sport-spectacle et où l’artiste obéit au culte du corps, tel que Coubertin l’a théorisé pour relancer les Jeux olympiques. Il conviendrait d’opposer deux conceptions du corps, Lagrange contre Coubertin. La première favorise le développement de l’intellect par le sport. L’autre transforme des athlètes en corps, organismes dopés, bioniques, au service de la conception oligarchique, résumée par l’adage romain : du pain et des jeux. L’homme est perçu comme une machine à exploiter, et le sport sert à endormir les supporters via les médias, les paris Internet ou l’identification au club. L’essor du football participe de cette mentalité. Le réservoir de joueurs fut longtemps constitué par les beaufs : les immigrés ou leurs descendants.
La génération des Platini, Tigana, Fernandez, Amoros dans les années 80. Auparavant, Kopa. Le football est emblématique du sport médiatique en ce qu’il est dirigé pour que les spectateurs soient fanatisés et décérébrés. En témoigne l’état d’esprit des supporters, oscillant entre vulgarité et fanatisme. Depuis l’arrêt Bosman, le football a épousé l’avènement du 2.0 et de l’ultralibéralisme. Les beaufs étaient des inconditionnels qui voyaient dans le football le moyen de se faire plaisir après le travail; puis, le miracle de sortir de leur condition. Les plus grandes stars ne versaient pas dans le fric à outrance. L’arrêt Bosman entérine le changement des mentalités.
Ce qui compte, c’est l’argent. Du coup, les footballeurs sont les mercenaires d’un spectacle qui nie les valeurs du sport; les supporters de clubs désertent et sont remplacés par des comités d’entreprises. Le changement annonce la fin du sport-spectacle. Sa dérive vers la négation de ses valeurs a intronisé le dopage et le trucage. Les gladiateurs prolongent les Jeux du cirque, dans lesquels l’éthique a disparu au profit du spectateur sadique (le plaisir du spectacle de la mort). Le football reprend la tradition de la corrida et retrouve le rituel du bouc émissaire, qui recourait aux sacrifices humains. Le football porte l'évolution du beauf vers le 2.0. Les deux valeurs cardinales du sport-business sont le dopage et le trucage. Le mensonge comme arme de relation massive recoupe ces données. Le football travestit la réalité. Le réel pour tendre vers le plus physique a besoin d'être dopé. Comme l’on ne peut en change, on l’outre, le force, l’enfle. Il éclate en vol, comme dans la fable.
Ce qu'il y a derrière, c'est l'illusion oligarchique selon laquelle le réel est formé de manière homothétique : chaque partie est emblématique du fonctionnement général, avec une homogénéité qui garantit aux élites multiples et antagonistes de perdurer. Dans ce fatras, la disparition des sports-spectacles est une bonne nouvelle, autant qu’elle va de pair avec le remplacement du beauf par le plouc. Les valeurs ploucs ne peuvent supporter le format beauf. Elles ont besoin de recourir aux jeux, qui tous mettent en scène la mise à mort. Leur emblème est l’empereur, qui détient le pouvoir de vie et de mort, dans une configuration où les esclaves sont magnifiés en gladiateurs et où le sport est mâtiné de guerre.
Dans l’imagerie, il faut bien que les oligarques soient à la tête des clubs, ce qui donne lieu à la cooptation d’un panorama pittoresque allant du mécène russe au crypto-mafieux en passant par quelques couronnes royales. En parallèle, il faut bien que les sportifs soient issus des milieux populaires pour endurer leur sort. Le pacte de Faust joue à plein tube. Ils sont dopés, soumis au trucage et condamnés à mourir jeunes. Heureux ceux qui ont réussi leur carrière et mis des économies de côté. Ils auront réalisé le rêve de la richesse en contrepartie du sacrifice.
Même si le sportif améliore la condition du gladiateur, le rêve du beauf de faire de son fils un sportif relève du crime irresponsable plus qu'inconscient. Infanticide? Pour le père, le fils sera millionnaire et la famille profitera de la manne. Les retombées seront prestigieuses, comme avec Aldo Platini, immigré et professeur. Cela fait rêver les beaufs, qu’un intello préfère le sport au professorat. L’effondrement du sport professionnel est prévisible dans la mentalité oligarchique. A force de manipuler les sports, elle retient les combats au profit des sports de facture beauf (le football). La promesse de Lagrange est balayée comme une hérésie. Permettre aux classes modestes d’élever leur niveau intellectuel et culturel relève de la perte de temps. Les oligarques (polo) et les bobos (tennis) auront leurs sports chics et chers, tandis que les ploucs se défouleront dans le culte choc de leur sacrifice. 
A l’opposé de cette vision mortifère, ami lecteur, Lagrange estime que le sport peut être au service du développement intellectuel. Développer le corps pour développer l’esprit : le sport est amateur et rejette le professionnalisme et ses valeurs de dopage et de trucage. Il reprend la conception aristocratique et l’étend à tous les membres de la société, dans une optique socialiste. Il fonde le sport pour tous. Pratiquer une activité sportive revient à jouer avec ses amis et à entraîner son corps, dans le but de développer son esprit.
On se situe dans une conception du sport intelligent aux antipodes du sport-spectacle. L’esthétique aboutit avec le 2.0 au spectateur, qui ne veut plus devenir footballeur, mais préfère regarder le match, à condition qu’il soit télévisé et qu’il passe par la médiatisation. On ne comprend rien aux enjeux tactiques, en buvant des bières et en mangeant des pizzas. Il n’est plus question d’amitié. On se situe dans l’individualisme, où le téléspectateur profite du confort de la télévision payante pour des privilèges technologiques. 
Le sport professionnel constitue une synthèse métonymique de la beaufitude et accompagne le processus beauf. L’âge d’or du football va de pair avec l’âge d’or de la beaufitude, qui dégénère en spectacle. On aurait pu mentionner le cyclisme, mais il est trop viril, trop généreux pour correspondre au toc du beauf. Ce n’est pas la Coupe du monde de football, mais le Tour de France, qui a été discrédité par le dopage, alors que les médias dominants se gardent d’aborder le sujet qui fâche, le trucage, à l’exception d’une enquête pas assez sourcée.
http://www.sofoot.com/la-juve-chargee-a-l-epo-en-1996-169864.html

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