mercredi 8 juin 2011

Splendeurs et misères

Toujours avec l'affaire DSK, riche de sens plus généraux que cette simple affaire de viol - au fond pauvre en sens et assez écoeurante (par les réactions mal ajustées et bornées qu'elle inspire le plus souvent, entre le lynchage et la défense mal venue). Alors que certains esprits empreints de fascination pour l'oligarchie osent professer un scepticisme salutaire pour relever que dans cette affaire, le jugement n'ayant pas été prononcé, nous n'en savons rien, cette position est de mauvaise foi : nous savons très bien, quoi qu'il advienne du procès, que DSKétait un prédateur sexuel violent, souvent aux limites du viol, ce depuis des décennies. Et le plus important, quoique le moins remarqué autour de cette affaire qui n'est pas un complot, mais une manipulation : nous savons très bien que cette attitude de prédateur sexuel de type privé, au fond méprisable et désaxée, recoupe une politique de prédation ultralibérale qu'il accomplissait en toute impunité à la tête du FMI (après l'avoir perpétrée en France, notamment comme ministre des Finances socialiste).
On se focalise de manière hystérique sur le caractère privé du personnage public DSK, jusqu'à parfois délirer, alors que le plus important pour l'homme demeure le caractère public et politique de son action. Pourquoi ne retenir dans l'affaire DSK que le volet privé (certes des plus scabreux) alors que la dimension politique lui est de loin supérieure et significative? Pourquoi lyncher un possible violeur tout en exemptant un prédateur politique avéré (demandez aux Grecs, aux Portugais ou aux Irlandais ce qu'il pense de DSK et du FMI; les Grecs les accusent de nazisme plus que de viol, ce qui indique le caractère politique de leur action prédatrice)?
En parlant de l'aveuglement consistant à ne pas remarquer un objet qu'on refuse d'autant plus de considérer qu'il est intrinsèquement gênant, le seul point que l'affaire DSK permet de dédouaner concerne le volet idéologique de son engagement. Peut-être est-il normal que ne considérant pas l'aspect politique, on se vautre dans le déni idéologique et qu'on ne remarque pas le comique de ce déni : DSK est un sioniste juif inconditionnel, qui se laisse aller à des déclarations choquantes quant à son identité politique, qui serait plus portée vers l'intérêtd'Israël que de la France. On peut se montrer raisonnablement opposé à l'engagement sioniste et considérer même qu'il recoupe actuellement l'appétit virulent et forcené de domination qui animait DSK tant dans le domaine privé que dans sa conception ultralibérale (économique).
Mais l'important, c'est que même si DSK est victime d'une manipulation (relative) ourdie contre son important personnage public, le traitement particulièrement sévère qui lui est infligé, dont l'injustice se caractérise par l'indulgence inversement proportionnelle dont il a joui auparavant, contredit le mythe du sionisme tout-puissant. La vision d'un grand complot mondial qui serait dominé par les sionistes (l'idéologie sioniste n'étant pas circonscrite à Israël, mais relevant d'une influence internationale) se révèle fausse par l'acharnement médiatique plus l'arrestation légale que subit DSK le sioniste déclaré.
Non pas que le sionisme soit dépourvu d'influence, ce qui serait faux et qui a été dénoncé notamment par les politologues américains Walt et Mearsheimer sur le sol américain, mais que l'influence du sionisme (indéniable et nullement à réfuter) ne relève en aucun cas de la toute-puissance qui lui est parfois prêtée de manière simpliste (j'explique le fonctionnement du monde par le monocausalisme simpliste et caricatural de la toute-puissance sioniste). Si tel était le cas, si le cas DSK n'avait pas subi le lynchage en plus de l'arrestation légale, notre serviteur zélé du sionisme international et financier aurait conservé l'impunité toute-puissante,a fortiori sur le sol américain, où la puissance du lobby sioniste est incontestable.
L'arrestation de DSK invalide définitivement le mythe de la toute-puissance du sionisme. Quoique déniée, le rapport de forces apparaît assez clairement dans cette affaire DSK - plus précisément : dans l'effondrement de l'oligarque DSK. Car DSK le sioniste ne tire pas son influence considérable du sionisme, aussi puissant les pouvoirs sionistes soient-il. DSK tire son influence du pouvoir qui rend l'idéologie sioniste si influente. Et la chute de DSK n'est possible que parce que ce pouvoir s'effondre. Je veux parler du pouvoir financier, dont la capitale est laCity de Londres et dont Wall Street n'est qu'un prolongement, aussi influent soit-il.
D'ailleurs, l'influence d'Israël s'effondre de manière impressionnante en même temps que l'effondrement financier s'accroît de manière déniée et prévisible. Demandez aux Egyptiens ce qu'il pense du mouroir de Gaza, en particulier depuis la chute du régime Moubarak. Il n'y a aucune raison intrinsèque pour que le sionisme s'effondre. Il n'y a aucune raison intrinsèque pour que DSK s'effondre. La véritable explication à l'effondrement de DSK implique qu'il existe un pouvoir supérieur au sionisme, ce qui discrédite du même coup l'interprétation accusatrice et haineuse selon laquelle le pouvoir mondial suprême serait aux mains des sionistes (avec une variante puérile selon laquelle ce pouvoir serait tout-puissant).
Le plus comique tient dans l'effondrement pathétique qui apporte la preuve de l'inanité de cette conception : si DSK a été arrêté de manière spectaculaire et humiliante aux Etats-Unis, c'est bien que le sionisme, aussi influent soit-il, n'est ni tout-puissant, fantasme puéril, ni le plus puissant, sur le sol américain, alors que l'on prête aux Etats-Unis un rôle de protecteur inconditionnel du sionisme. Les choses seraient-elles moins manichéennes que dans cette interprétation facile? L'interprétation selon laquelle la puissance du sionisme proviendrait de la puissance supérieure de son allié américain rendrait incohérente la position des Américains (qui auraient préféré détruire un rouage influent du sionisme plutôt que son pouvoir). Dans ce cas, les Américains ne seraient pas les alliés inconditionnels du sionisme, mais des alliés utilitaristes, quoique d'un utilitarisme souvent contre-productif, qui auraient ravalé le sionisme au rang de vassal (le sionisme se trouverait instrumentalisé, seulement soutenu dans les cas où il sert la stratégie de domination américaine).
La preuve que cette dernière interprétation demeure simpliste, quoique plus affinée que l'interprétation du sionisme dominant, voire tout-puissant, c'est qu'elle impliquerait que la domination des Etats-Unis sur le sionisme serve les intérêts exclusifs américains. Tel n'est pas le cas. Il faut être aveugle aujourd'hui pour ne pas se rendre compte que le pouvoir politique américain, dont celui d'Obama, faux Martin Luther King et vrai traître à ses promesses de campagne, se trouve sous la coupe des intérêts financiers, comme ceux de Wall Street et deChicago. Walt et Mearsheimer montrent que l'intérêt stratégique américain diverge de l'intérêt spécifique israélien et que le soutien américain à Israël ne peut pas s'expliquer par cette hypothèse, à moins de prêter aux stratèges américains une stupidité qui sur trente ans n'est pas envisageable (surtout quand on connaît l'intelligence acérée d'un Bill Clinton).
Par ailleurs, le constat de la domination des pouvoirs financiers sur les pouvoirs politiques auxEtats-Unis ne doit pas faire oublier que la capitale symbolique du financier se trouve toujours à la City de Londres, pas aux Etats-Unis. Ce que nous révèle cette affaire DSK, c'est que le sionisme est une idéologie manipulée grandement par les intérêts financiers qui ont présidé à son avènement mondial et qui n'ont jamais cessé de filer cette stratégie de manipulation. On mesure aussi que les intérêts oligarchiques ne sont pas des intérêts tout-puissants au sens où ils seraient à la fois dominateurs et unis, mais qu'au contraire l'oligarchie est un marigot où les intérêts divergents s'affrontent et où cet affrontement s'accroît à mesure que survient l'effondrement prévisible du système oligarchique.
L'effondrement vertigineux de l'influence sioniste entraîne dans sa chute la démystification de la toute-puissance sioniste. La chute du symbole DSK laisse apparaître que le sionisme est une idéologie plurielle et complexe au service historique des factions financières (et non l'inverse), qui elles-mêmes se trouvent profondément divisées, ce d'autant plus qu'elles sont confrontées à l'exacerbation des tensions internes causées par leur situation économique chaotique et condamnée (nullement toute-puissante et florissante). Au fait, qui est l'homme qui a fait tomber DSK? Cyrus Vance Jr. est le procureur de l'Etat de New York chargé d'instruire l'accusation contre DSK, mais il agit sous l'influence du Procureur général de New York qui s'appelle lui Eric Schneidermann.
En ce moment, Schneidermann s'occupe depuis le 24 mai d'approfondir une enquête lancée contre les éventuels délits de grosses banques européennes (UBS, Deutsche Bank, RBS, les intérêts Morgan), voie plus politique que juridique, vers laquelle l'a menée son action commencée avec une enquête préliminaire ouverte contre les grosses banques américaines (début 2011 avec Bank of America, Goldmann Sachs ou Morgan Stanley). Ces actions judiciaires de Schneidermann et de Vance Jr. sont des actes patriotes et civiques émanant de démocrates et contredisant les ordres donnés par Obama pour soutenir unilatéralement le pouvoir financier pourtant gravement coupable et vicié (où l'on vérifie aussi que les démocrates sont de plus en plus divisés entre eux et que les accusations de trahison à l'encontre d'Obamafleurissent dans le camp démocrate).
L'arrestation d'un ultralibéral socialiste comme DSK constitue un avertissement selon lequel le camp des progressistes lance contre ceux qui ont subverti et perverti le progressisme en l'alliant aux pires penchants du libéralisme : c'est Obama qui se trouve visé sur le sol américain par la chute de DSK, car leur profil et leur action politiques sont fort similaires. Et l'on se focalise sur l'identité du Procureur qui poursuit DSK en occultant le supérieur hiérarchique - car l'action de Schneidermann dépasse de loin le volet du crime sexuel et particulier et se révèle plus générale et politique : incriminer les méthodes destructrices des établissements financiers sous la juridiction de New-York (de laquelle relève Wall Street) bien plus que l'obsession sexuelle d'un de ses représentants au fond très dérisoire (aisément remplaçable).
Ce qui est infligé à DSK ou au sionisme recoupe le titre fameux que Balzac donna à l'un de ses romans de la Comédie humaine : Splendeurs et misères des courtisanes. Au début, aveuglé par le faste, l'on prend les vessie pour des lanternes; puis quand la maison s'effondre, on se rend compte que le carrosse doré n'a jamais été qu'une citrouille et que la principale raison de cet aveuglement impressionnant tient moins à la virtuosité des camoufleurs qu'à l'entêtement des observateurs, qui avaient les moyens de démasquer l'imposture, mais qui ont préféré la parade du paon pers.

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