(vers la trentième seconde).
"Le système éditorial est en train de s'écrouler. C'est une crise aussi à sa façon, donc ils vont comprendre bientôt, pas que seulement moi, mais d'autres vont comprendre que c'est en train de s'écrouler! Je trouve qu'il y a quelque chose de salissant aujourd'hui de participer à ce système éditorialo-journalistique promotionnel, vous voyez? Donc c'est pour ça que moi quand je viens dans des émissions, c'est pas pour faire la promotion des livres, et même des livres qui sont réédités, j'en ai rien à foutre de vendre des livres, j'écris des tracts, comme vous savez maintenant, qui sont affichés..."
Marc-Édouard Nabe, émission Chez FOG.
Intervention prophétique de MEN, dont je n'apprécie pourtant que peu la plupart des ouvrages (je fais exception du Vingt-septième livre, qui est pour moi une pépite). Les Journaux intimes sont bavards et assez irritants, surtout quand Nabe y narre ses histoires de sexe (caractéristique quand même minable du genre de l'autofiction). Peu importe. L'intervention télévisée de Nabe donne le ton à la mutation : non seulement la mode éditoriale actuelle ressortit des codes bourgeois de l'écriture, mais encore le système éditorial actuel suit la corruption généralisée et définitive de son temps.
Je me souviens de l'intervention d'un ponte de l'édition française, le triste sire Enthoven Sr., un cacique qui joue les bellâtres sur le retour et qui n'a manifestement rien compris à la vie. C'est la pire appréciation que l'on puisse porter sur un homme, surtout au coucher de sa carrière. Enthoven Sr., l'éditeur d'Onfray, le père de Raphaël et l'ami de BHL, est à l'ouest - de l'Occident. Il suffira de lire ses rots-ment pour mesurer à quel point notre éditeur à la pointe (du naufrage) est un répétiteur qui confond le professoral avec l'artistique.
Lors d'un Salon du livre snob et parisianiste, Enthoven Sr. veut justifier le fonctionnement de l'édition actuelle en expliquant que l'édition a toujours été en crise.
Du coup, il donne les clés de la mutation actuelle sans la comprendre d'un iota : s'il est vrai que la crise est la règle de l'édition, il faut vraiment être aveugle pour ne pas comprendre que les nouvelles formes d'éditions sont sur Internet et passent par Internet. Crise ou pas crise, Enthoven Sr. est dépassé et c'est tant mieux pour l'édition, qui y trouvera ainsi un vent de liberté et qui se trouvera débarrassée d'une de ses figures de censeur.
Enthoven Sr. incarne une démarche moribonde, dont l'aspect pathologique consiste à ne pas s'être encore rendu compte qu'elle était moribonde. Vitalité du mort-vivant. Virtualité du mot vivant. Quand on est l'éditeur d'Onfray, on ne peut pas cerner la profonde mutation de la littérature. On fait dans le succès, non dans le qualitatif. On comprend d'autant moins qu'on se trouve au coeur du problème. L'incompréhension est de toute façon la règle de ces milieux aussi putrides que mondains, où l'on ne peut que soutenir (en souteneur) le pouvoir et les influences dominantes.
Demandez au fiston œdipien de la famille : dans un éditorial délétère, notre commentateur de philosophie, qui est aussi incapable de penser véritablement qu'il est érudit et médiatique, condamne Internet et les blogs. C'est drôle : il est de bon ton dans les cercles institutionnels de l'édition, notamment les journaux, de condamner les nouvelles formes d'expression et d'édition au nom des anciennes. Comment s'appelle cette propension? De la réaction?
Les gauchistes de l'édition Gutenberg seraient-ils des réactionnaires qui s'ignorent à force de condamner (dans un bel élan d'amalgame) les menteurs, médiocres et mythomanes (souvent antisémites) qui sévissent sur la Toile, en opposition à leurs interventions remarquables et brillantes, genre Caroline Fourest ou son copain Valtaire? Là se trouve le problème : Internet amis en lumière de manière définitive le caractère contrôlé des méthodes bourgeoises de l'édition. Internet a fait exploser une forme somme toute récente qui du coup se venge comme elle le peut, avec un manque de discernement et de nuance qui en dit long sur son degré de déliquescence.
Au lieu de tempêter, de vitupérer et de pester, aveux d'impuissance et de dépassement, contentons-nous de comprendre le changement réjouissant : à l'avenir, c'est par Internet que se noueront les circuits de l'édition et de l'expression. Qu'on le veuille ou non, c'est sur des blogs comme celui-ci que se trouveront les paroles de qualité et les véritables formes d'expression. Après Gutenberg, place à Internet : il faut vraiment se montrer borné pour croire que la révolution Gutenberg est éternelle, comme ceux qui estiment que le libéralisme est éternel.
Les formes issues de Gutenberg sont désormais trop récupérées et contrôlées par le système oligarchique de forme bourgeoise, capitaliste, voire népotique pour donner lieu à autre chose qu'à de la répétition et de l'académisme pompier. Si vous en doutez, osez le vent frais d'Internet (pas tout, bien entendu; mais le novateur et l'innovant); quittez les relents dépassés et passéistes, dont le clan Enthoven constitue une illustration emblématique jusqu'au grotesque.
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