mardi 1 mars 2011

Secret de Polichinelle


Le cas libyen n'est seulement instructif que si on le prend comme métonymique d'un processus d'effondrement généralisé et de révolte mondiale. Le cas Kadhafi nous rappelle que les simagrées de Michael Jackson peuvent s'appliquer aussi à la politique néo-coloniale. On nous bassine avec le caractère incompréhensible des révolutions dans les pays arabo-musulmans, alors que la cause directe en est l'explosion hyperinflationniste des prix des matières premières. L'effondrement de l'impérialisme véritable et vérifiable, de nature britannique, laisse la place à la politique du chaos. Les agglomérats et conglomérats qui dirigent cet Empire financier de structure labyrinthique n'ont eu d'autre choix pour conserver leur pouvoir de toute manière condamnée que de lâcher leurs satrapes à la tête de leurs dominions.
Kadhafi qui passe pour un ennemi de l'Occident dans les analyses simplistes se révèle en tous points comme un dictateur cruel et désaxé, sorte de compromis improbable entre Michael Jackson et Saddam Hussein, qui se trouve lâché par l'Empire britannique après que l'Empire britannique se soit servi de lui de manière détournée. On constate ainsi que les empires traitent de la pire des manières, sans reconnaissance, leurs laquais et leurs représentants : ils les pressent comme des citrons, puis les jettent quand ils sont périmés. C'est presque un secret de Polichinelle que la révolte populaire libyenne se trouve financée par les intérêts occidentaux qui contrôlent les riches réserves de pétrole du pays, notamment autour de la région de Benghazi, où les manifestants réclament le retour du descendant du roi Idriss, un allié de l'Empire britannique :

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/02/28/le-petrole-libyen-serait-sur-le-point-d-etre-a-nouveau-exporte_1485920_3218.html#ens_id=1481986

"Un responsable de la compagnie libyenne Arabian Gulf Oil, située dans l'est du pays, largement sous le contrôle des opposants au pouvoir du colonel Kadhafi, a affirmé au Wall Street Journal dimanche que les expéditions de pétrole étaient sur le point de reprendre. Un pétrolier transportant 700 000 barils de pétrole devait ainsi quitter le port de Tobrouk (nord-est de la Lybie) dans la nuit de dimanche à lundi, probablement à destination de la Chine, a indiquéHassan Bulifa, un membre du comité de direction de la compagnie, au quotidien économique américain.
La compagnie a été reprise en main par les opposants au colonel Mouammar Kadhafi depuis la démission de son président, Abdulwanis Saad, qui était fidèle au pouvoir, ajoute le journal. La dernière cargaison de pétrole à avoir quitté l'est de la Libye, qui échappe largement au pouvoir du gouvernement, remonte au samedi 19 février. Membre de l'OPEP, la Libye est l'un des principaux producteurs pétroliers en Afrique, avec 1,8 million de barils par jour. Ses réserves sont évaluées à 42 milliards de barils. Le pétrole représente plus de 95 % des exportations et 75 % du budget de l'Etat."

Rapide coup d'oeil sur l'Arabian Gulf Oil Company selon Wikipédia, pour se rendre compte que le contractant historique de cette société-écran est BP (avec des associés américains), qui est aussi un important partenaire libyen depuis le changement pro-occidental opéré par le Guide Perdu après 2001 :

http://en.wikipedia.org/wiki/Arabian_Gulf_Oil_Company

A noter que le groupe britannique d'origine écossaise Weir Westgarrth Ltd. fut chargé du projet de modernisation de la raffinerie de Tobrouk, notamment dans les années 90, ce qui en dit long sur l'image antioccidentale, antiaméricaine et antibritannique du Colonel et de son régime soi-disant panarabe. Une information distillée notamment par Jeune Afrique en dit long sur les accointances de Kadhafi avec l'Empire britannique : sa complicité avec le pacifique et loyal Tony Blair. Prière de ne pas rire. Finalement, dans ce marigot de caïmans, un mégalomane comme Kadhafi en serait presque touchant tant ses amis-adversaires se révèlent fourbes et duplices :

http://www.radio-canada.ca/nouvelles/international/2010/07/07/007-blair-kadhafi-afffaires.shtml

"L'ancien premier ministre britannique Tony Blair a opéré un changement de carrière inédit. Dans une entrevue au Daily Mail, Seif el-Islam Kadhafi, le fils du « Guide » libyen, a révélé que M. Blair travaillait avec le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi sur des « projets en Afrique » et serait également consultant pour l'Autorité d'investissement libyenne (LIA). Un organisme public qui gère quelque 90 millions de dollars.
Seif el-Islam Kadhafi juge qu'il est normal que M. Blair cherche à « amasser de l'argent ». Un porte-parole de M. Blair a démenti les propos du fils du dirigeant libyen, affirmant que l'ancien premier ministre britannique « ne joue aucun rôle, formel ou informel, auprès de la LIA, et n'a aucune relation commerciale avec des compagnies libyennes, ni aucun projet en Afrique ». Mais Seif el-Islam a maintenu ses déclarations.
Selon Seif el-Islam Kadhafi, M. Blair s'est rendu à plusieurs reprises, après son départ du 10, Downing Street, en Libye pour des entretiens avec M. Kadhafi. M. Blair est désormais « un ami de la famille », a déclaré Seif el-Islam Kadhafi. Selon Jeune Afrique, M. Blair a signé, en 2008, un contrat avec la banque américaine JP Morgan, qui l'a chargé, contre une rémunération de 3,17 millions de dollars par an, de développer en sa faveur les «opportunités bancaires» en Libye. Les relations entre la Libye et la Grande-Bretagne étaient très tendues durant de longues années, notamment en raison de l'attentat de Lockerbie dans lequel un agent libyen a été condamné, puis relâché pour des raisons « humanitaires ».
Cependant en 2004, le premier ministre britannique s'est rendu en Libye pour rencontrer Mouammar Kadhafi et sceller la réconciliation entre les deux pays. Dans la foulée de cette visite, plusieurs contrats ont été signés, notamment avec les compagnies pétrolières, dont BP.
Rappelons qu'après la fin de son mandat, M. Blair a été nommé représentant du Quartette (États-Unis, Union européenne, Russie et ONU) pour le Proche-Orient."

On sent la colère et le dépit poindre chez Salif le fils et héritier principal du Colonel, qui, après être passé par les meilleures écoles de formation de l'Empire et avoir libéralisé son pays de manière docile et révélatrice, traite certains de ses protecteurs de l'Empire britannique de lâcheurs et de manipulateurs. C'est vrai, mais ce n'est pas parce qu'on est lâché par un manipulateur qu'on est soi-même une victime innocente. Il se pourrait que le Coco soit un mégalomane psychopathe et psychotique? Quant à Blair, l'homme de la Troisième Voie fabienne, son titre moins diplomatique qu'honorifique devrait plutôt être : représentant de l'Empire britannique pour le Proche-Orient.
Le cas libyen indique que la politique du chaos exprime la stratégie de l'Empire britannique en déconfiture pour maintenir son pouvoir en lambeaux, stratégie appuyée dans la région par la monarchie saoudienne et son moyen de propagande islamiste le wahhabisme dégénéré. L'aveu des médias et des diplomaties occidentaux (ne plus contrôler la situation) est recevable par rapport à la situation d'avant la crise. L'ordre mondial d'avant le NOM s'appuyait sur la paix de Westphalie circonscrit aux Etats-nations d'Occident et développée dans le restant du monde par des relations néo-coloniales avec des Etats fantoches.
Quand les analystes autorisés d'Occident avancent que personne ne contrôle les révoltes populaires dans les pays arabes (et dans le monde), on oublie de mentionner que c'est à cette perte de contrôle qu'aboutit la stratégie du chaos et que le déclencheur de cette stratégie est l'effondrement du pouvoir impérialiste. La stratégie du chaos est rivée à l'effondrement impérialiste et le NOM correspond en fait à ce chaos. Diviser pour régner - rengaine stratégique des Empires. Nul doute que l'on en saura plus à propos des crimes de ces factions financières souvent mal identifiées sous des atours américains ou sionistes quand l'Empire britannique se sera effondré et que les historiens pourront enfin se pencher sur de précieux documents, débarrassés des intentions hagiographiques ou propagandistes.

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