lundi 1 août 2011

La libre puissance

La puissance de la liberté exprime sa faiblesse croissante et bientôt écrasante.

Spinoza propose pour renouveler la définition de la liberté l'augmentation de la puissance comme alternative à la définition classique. Cette définition est incohérente (non viable) : peu augmentent leur puissance, quand la plupart, par un jeu d'équilibre, commenceront par diminuer leur propre puissance, avant que l'intégralité du système ne s'effondre. Cette incohérence se trouve en adéquation avec la vision de Spinoza, selon lequel il convient de privilégier la grille de lecture immanentiste en lieu et place de la grille de lecture précédente et classique (transcendantaliste). Justification invoquée : la nouveauté de l'immanentisme, alors que l'immanentisme n'est que la resucée-rengaine du nihilisme atavique, en particulier antique.
L'élitisme ontologique de Spinoza est évident dans sa définition de la liberté comme ce qui n'est accessible qu'au petit nombre des puissants : ce qui importe n'est pas tant de changer que de donner une portée théorique enfin viable - que le nihilisme avait échoué à établir. Selon le nihilisme laissé par Aristote et repris depuis par la scolastique métaphysico-monothéiste (tant le christianisme que l'Islam sont marqués par l'aristotélisme), le réel est fini, ce qui implique que la définition soit rationnellement incomplète. D'où l'ambition de l'immanentisme : trouver la complétude. L'immanentisme est la radicalisation viscérale du nihilisme antique, qui consiste à décréter qu'on peut trouver la complétude en rétrécissant le réel aux bornes du désir.
L'opération de réduction qu'opère le nihilisme atavique, sélectionnant le réel de sorte qu'on le contrôle intégralement, se trouve davantage renforcée par l'immanentisme, qui pour parvenir à la complétude se rend compte que le champ du réel est encore trop large et qu'il convient de réduire le réel au désir. Le problème du fini est qu'il prend encore trop en compte le réel étranger à l'homme : la définition de la finitude laisse en suspens la question de l'existence d'un quelque chose à côté de la finitude. La complétude du désir répond à cette imperfection en décrétant que le seul moyen de parvenir à la complétude est de s'en tenir à un champ pour le coup défini, délimité, et pouvant effectivement être fini tout en étant complet.
Du coup, l'immanentisme accroît le déni qui est déjà présent dans le nihilisme antique, à ceci près que la complétude est trouvée. Le raisonnement de l'immanentisme consiste à réduire le réel en fonction des bornes du raisonnement humain, quand le transcendantalisme essayait l'opération inverse : élargir la représentation afin de l'ajuster au réel incompréhensible et trop vaste pour une représentation finie. Le problème du nihilisme : surmonter le processus naturel du réel, qui est caractérisé par le va-et-vient du reflet. On peut se demander si la démesureantique (ubris) n'est pas une réponse à la théorie nihiliste, qui oppose au fonctionnement du réel le fonctionnement humain.
Le nihilisme propose contre la dynamique l'état, alors que le réel fonctionne à partir du reflet (va-et-vient). L'état est inférieur au reflet, au sens où la dynamique permet de surmonter l'état initial de chaos, alors que l'état y retourne furieusement - et souvent aveuglement. Il n'est pas possible d'isoler un état sans créer un no man's land ontologique, qui soit une sorte de poubelle hypocrite. D'où le déni, qui consiste à nier une grande part du réel pour définir le réel en tant qu'état - et une part croissante à l'image de la peau de chagrin, si l'on s'avise que le nihilisme est destructeur de réel, ainsi que son étymologie le laisse supposer.
L'état est toujours parcellaire, comme si l'identification figée du réel/état débouchait sur le déni de la majorité (destructrice) du réel. La complétude et l'état fixe ne sont pas possibles car le réel opère selon un mouvement de va-et-vient (une dynamique de nouvelle mouture). Si l'on examine la définition de Spinoza de la liberté, non seulement elle reprend une vieille tradition nihiliste dont un Calliclès serait l'archétype antique (fictif, quoique représentatif d'une certaine mentalité oligarchique méditerranéenne, perse, puis aussi bien qu'hellène), mais encore qu'elle fonctionne sur un mode destructeur et autodestructeur.
Le raisonnement de Spinoza s'engage dans une fuite en avant consistant à prolonger le problème tout en le laissant inachevé - ce qui revient à empirer le problème. La liberté classique posait la liberté en fonction des autres et par rapport au libre-arbitre, sans parvenir à expliquer en quoi la liberté s'opposait à la nécessité et découlait de l'Etre. La faiblesse théorique s'appuyait sur sa force pratique : en pratique, la liberté classique permet des rapports relativement harmonieux, et qui s'opposent à la nécessité oligarchique. Spinoza entend subvertir la liberté en la réconciliant (surtout en la liant) avec la nécessité.
La liberté de Spinoza entre en contradiction flagrante avec la liberté classique. Cette subversion de la liberté spinoziste, qui s'apparente à la négation de la liberté classique et qui relève de la nécessité oligarchique, n'est pas une alternative à la liberté classique, que Spinoza aurait découverte dans l'époque moderne ou même qu'il aurait reprise en la modifiant (un tant soit peu) au niveau du vocabulaire de la pensée nihiliste antique; la liberté spinoziste exprime au niveau philosophique la destruction de la théorie classique (transcendantaliste) et son remplacement par une théorie plus agressive et destructrice, dont on mesure les premiers effets quand on se rend compte que la liberté spinoziste se réduit à l'augmentation de la puissance - et que de ce fait c'est une conception inégalitariste et élitiste de la liberté qui se trouve à l'oeuvre.
L'augmentation de la puissance va de pair avec la diminution du monde de l'homme (sa faiblesse). Cette thématique de la puissance se trouve reliée directement au pouvoir impérialiste. Spinoza se situe entre Aristote et Nietzsche. Aristote propose la distinction entre ce qui est (l'acte) et ce qui est en devenir, sans être encore réalisé (la puissance). Aristote peine à expliquer ce qui permet au réel de passer de la puissance à l'acte, comme il n'explique pas le passage de la multiplicité de l'être à la multiplicité du non-être. Spinoza intervient pour conférer à la puissance la plénitude de l'acte, soit pour réconcilier la puissance et l'acte. La puissance est un acte complet, et non plus la possibilité assez mystérieuse et incertaine.
La doctrine thomiste tente de réconcilier la métaphysique et la théologie chrétienne en faisant de la puissance une imperfection qui touche le monde sensible, alors que Dieu serait Acte pur. Dans une optique théologique de perspective métaphysique, l'irrationalisme du Dieu indéfinissable et inexprimable, synonyme symbolique de la perfection, n'améliore pas la position aristotélicienne. La théologie thomiste, somme colossale de la pensée médiévale, substitue à la vacuité rationaliste d'Aristote le nom mystique (irrationaliste) de Dieu, qui est possible dans une utilisation théologique.
Le rationalisme d'Aristote ne parvient pas à substituer à la dynamique platonicienne une dynamique (subversive) qui resterait circonscrite à la matière (au sensible). Pour preuve, Aristote peine à définir l'entéléchie, tout comme il peine à expliquer l'être par le non-être. (D'une manière générale, Aristote opère une gigantesque subversion de l'ontologie par ce qui sera nommé métaphysique). L'entéléchie aristotélicienne s'applique à définir un état fixe, ancré dans l'acte, alors que Leibniz donnera à ce terme d'entéléchie une continuation platonicienne, en resituant la perspective de la dynamique dans une animation de la monade.
Leibniz oppose l'ontologie platonicienne à la scolastique, tout en cherchant à perfectionner les positions (innovations souvent internes et mineures) du platonisme et du néo-platonisme, en introduisant la monade comme fondement ontologique définissable et descriptible dans l'ordre physique, mais en reliant le domaine du physique avec le domaine de l'Etre (définition spécifique de la dynamique pour Leibniz). Leibniz réagit face à l'objection que l'on peut faire à l'ontologie platonicienne - l'indéfinition de l'Etre, qui est une idée trop large et générale, abstraite au sens de trop grande. Leibniz en conséquence concilie la précision du saisissable (l'infiniment petit) avec la dynamique. Ce faisant, il condamne la volonté de rendre statique le réel, en conciliant la fin du réel avec l'acte (l'état).
Leibniz est l'antidote historique à l'immanentisme - et à la figure tutélaire de Spinoza. Leibniz évite l'accusation principale du nihilisme contre l'école ontologique : la dissolution des choses sensibles dans les idées les plus abstraites, voire évanescentes. Sans doute est-ce par rapport à cette critique que Nietzsche essaye de perfectionner la puissance spinoziste, qui prétendait déjà résoudre la puissance aristotélicienne en lui apportant (enfin) de la complétude. Ne manque pas à Spinoza le manque intrinsèque au statut particulier du désir; mais le problème de la conformation du statut du désir au problème de la complétude indique que la solution envisagée par Spinoza est elle-même incomplète : y manque la justification de la réduction du réel au désir (justification injustifiable).
Chez Spinoza, la complétude est identifiée (trouvée de façon novatrice) à partir du moment où l'on réduit le réel au désir. Mais la justification de cette réduction par l'immanentisme depuis Spinoza est manquante (ne tient pas) si on n'explique pas la raison de cette réduction : pourquoi le désir se rendrait-il complet à l'intérieur du réel? La réponse qu'apporte Nieztsche lui est léguée par son maître Schopenhauer, avec sa volonté fondamentale (et absurde) : Nietzsche opérerait presque un assemblage baroque tenant plus du compromis biscornu que de la trouvaille rationnelle; en ajoutant la volonté à la puissance, en une addition puérile de type : Nietzsche + Spinoza, Nietzsche éprouve le sentiment triomphaliste d'avoir trouvé la justification définitive (le chaînon manquant) à l'identification du désir complet : le désir est justifié dans sa complétude par la volonté qui lui est interne - mieux, immanente.
Evidemment, les commentateurs érudits et avides de perfectionnisme rigoureux (dissolvant le sens dans la vétille) rappelleront :
- (avec raison) que la volonté de puissance intervint chez Nietzsche tellement sur le tard, avant l'effondrement, que le sens en demeure peu précisé, voire confus;
- sous le patronage de la haute autorité des experts, maîtres de l'estampe, on propose généralement, cette fois de manière fort critiquable, voire fallacieuse, que le sens de la volonté de puissance serait tellement juste et novateur - supérieur - que son entendement demeure largement incompris et incompréhensible pour le commun des mortels (largement majoritaire).
Il est vrai que les propositions conceptuelles positives de Nietzsche sont peu saisissables (contrairement aux négatives), mais c'est souvent le cas chez Nietzsche, et pas seulement parce que ses propositions constructives biscornues interviennent à un moment tardif de sa vie consciente. Le projet de Nietzsche souffre d'un problème de cohérence suivant le fait qu'il entend corriger les incohérences passées de l'immanentisme. La correction principale que propose Nietzsche se révèle lacunaire en ce qu'elle corrige le problème interne de l'immanentisme depuis Spinoza (donner une cohérence au désir), tout en gardant inchangé le problème général (externe) de l'immanentisme : la complétude du désir n'est pas le réel et ne résout en rien le problème du réel.
La liberté recoupe l'éthique spinoziste, qui remplace le problème de l'infini par le substitut de l'incréé, soit par une alternative indéfinie et pire encore indéfinissable - le programme immanentiste se trouve ironiquement respecté, puisque Spinoza propose de l'indéfinissable contre de l'indéfini. La volonté de puissance ne fait que renforcer la lacune de l'immanentisme inhérente avec le fondement Spinoza (d'où l'erreur avec usure) : l'indéfinition du réel, soit la dissolution du réel dans le non-être (ou néant), dénié et qui aboutit à la destruction.
Leibniz le contemporain de Spinoza ne rompt pas avec l'héritage de Descartes pour les mêmes raisons que Spinoza. Leibniz ne fait pas de la philosophie pour s'amuser (cas d'un libertin du Grand Siècle) ou sans repère de vérité (cas d'un Spinoza). Pour lui, on peut fort bien progresser en ontologie, comme Platon a progressé par rapport à Parménide. Leibniz est la réponse philosophique antiimmanentiste - et contre Spinoza. Leur rencontre et leur opposition théorique n'en est que plus fascinante. (D'une manière générale, l'opposition de Leibniz à Spinoza et plus encore au physicien Newton indique l'opposition de fond entre le transcendantalisme et l'immanentisme).
Leibniz se fait fort de progresser dans la continuité de Platon, contre Descartes et contre l'héritage de la scolastique néo-aristotélicienne se targuant d'avoir rompu avec la scolastique historique. Il est probable que Leibniz n'ait pas mesuré assez la lame de fond et le courant puissant de l'immanentisme en gestation et qu'il ne l'ait pas différencié véritablement du cartésianisme. Leibniz n'a pas identifié le nihilisme sous les successives formes métaphysiques. D'une manière révélatrice, l'opposition virulente à Newton (opposition judiciaire et personnelle) se fait sur le terrain scientifique, bien que les armes auxquelles recourt Newton soient diplomatiques et politiques (la puissance de l'Empire britannique et de sa Royal Society contre l'intégrité et la réputation scientifiques de Leibniz).
Leibniz aura attaqué l'immanentisme sur le terrain seulement physique, c'est-à-dire qu'il n'identifie pas l'immanentisme en tant que forme théorique philosophique, mais seulement sous sa forme de révolution scientifique. Du coup, renversant le caractère trop vaste, trop abstrait, trop insaisissable de l'Etre platonicien (difficulté ontologique que Platon n'aura pas su résoudre), Leibniz lui confère une portée physique saisissable, à laquelle il pourrait adjoindre un prolongement ontologique.
C'est la monade, qui cherche à donner à l'Etre une dimension physique et ontologique et qui, particularité notable, se situe non pas dans l'infiniment grand, mais dans l'infiniment petit. Aussi ingénieuses soient les propositions théoriques de Leibniz, elles souffrent du manque exponentiel propre au transcendantalisme, un peu comme les corrections de Nietzsche sont affectée du coefficient d'erreur (toujours exponentiel) propre à l'immanentisme (ou que la théorie marxienne sort fort paradoxalement du capitalisme en reprenant les erreurs libérales internes au libéralisme). Leibniz cherche dans l'erreur du prolongement et de l'englobement à sortir le transcendantalisme de son erreur. Du coup, il ne voit que l'erreur interne au transcendantalisme (l'erreur platonicienne imparfaitement corrigée par le néo-platonisme), sans considérer que le transcendantalisme comporte une erreur.
L'englobement selon Leibniz passe d'une manière inattendue et remarquable à la question de l'infiniment petit : Leibniz explique l'Etre par la monade qui est le fondement de l'Etre par l'infiniment petit, mais Leibniz ne parvient pas à expliquer l'Etre, soit à définir l'infini, fût-ce en passant par le plus petit. Le renversement (génial) de Leibniz ne peut être suffisant pour renverser l'impulsion puissante du mouvement nihiliste spécifiquement immanentiste : car il s'oppose à l'immanentisme novateur en ne permettant pas de rénover le transcendantalisme, mais en essayant de le perfectionner. Leibniz serait le réformateur du transcendantalisme au moment où son adversaire (théorique) Spinoza permet la mutation nihiliste en immanentisme (fournissant à la révolution physique moderne son substrat théorique philosophique).
Leibniz ne peut proposer une doctrine qui soit véritablement en rupture : car ce serait reconnaître que le courant aristotélicien et cartésien est fondé et que le platonisme (et la tradition ontologique dans son ensemble) est faux. Leibniz se trouve dans une optique où il cherche à prolonger tout en se situant dans une conception où l'histoire de la philosophie est marquée par les antagonismes, mais où l'ensemble des courants demeure subsumé sous une unité philosophique. Platon est prisonnier du transcendantalisme, qu'il réforme puissamment et auquel il apporte des progrès exceptionnels (surtout l'apport de l'autre), progrès qui se manifestent encore plus dans l'ontologie, avec l'apport de la monade que dans les domaines mathématiques, avec le calcul infinitésimal (chez Leibniz, chaque idée doit comporter un lien entre le physique et l'ontologique).
Leibniz est prisonnier de l'optique transcendantaliste à cause de son caractère admirable. Peut-être est-il trop admiratif, notamment à l'égard de Platon. Leibniz peut tout à fait critiquer, y compris vertement. C'est ce qu'il fait à l'encontre de Descartes, l'autorité philosophique postscoliaste; ou contre Spinoza, dont il sent le danger sans identifier le nihilisme. Leibniz est prisonnier de la philosophie - et dans la philosophie seulement d'une opposition interne à la philosophie,
- où il prend la mesure du problème des métaphysiciens, adversaires de l'ontologie - sans identifier le nihilisme à l'oeuvre dans cette opposition qui n'est pas qu'interne;
- et où il voit la validité du transcendantalisme (la souci de pérennité du réel) - sans déceler l'identité du transcendantalisme (le prolongement/englobement) et en lui décelant seulement des possibilités de réforme interne.
On ne fera guère plus ingénieux dans le transcendantalisme - que Leibniz; au point qu'on le considérerait avec profit comme le successeur et le continuateur du néo-platonisme (qui irigua des pans de la théologie chrétienne et de la philosophie) plus que comme un membre à part entière du platonisme. Leibniz a vraiment essayé de perfectionner l'héritage du platonisme. Il a montré que sa théorie philosophique (autour de la monade) pouvait accoucher de résultats scientifiques compatibles avec la révolution scientifique moderne. La question que l'on posera : pourquoi l'immanentisme présente-t-il un héritage plus important que le transcendantalisme dans le cours de la philosophie moderne?
La force sombre et paradoxale de l'immanentisme tient dans sa reconnaissance du non-être (néant, rien). Contrairement à ce qu'on attendrait du non-être, l'irrationnel est le socle dénié sur lequel prospère les découvertes rationalistes portant sur l'être fini. Les progrès de la science moderne sembleraient valider le système nihiliste qui les sous-tend; c'est oublier que Leibniz rappelle que l'on peut se trouver à la pointe des inventions scientifiques de son temps tout en prônant un système transcendantaliste (antinihiliste). S'il est vrai que la respectabilité de l'immanentisme consiste à appuyer sa force de découvertes scientifique sur le non-être, cette posture est valable sur le moyen terme, tant que l'être se maintient assez pour qu'on ne remarque pas l'action corrosive du non-être sur l'être; dès que l'être se délite, cette force provisoire devient faiblesse.
La liberté se révèle aussi significative parce qu'elle engage l'être dans sa structure. Le transcendantalisme affirme que l'Etre est libre (sans parvenir à concilier sa perception et cette liberté béante); tandis que le nihilisme décrète que l'être est codifié (nécessaire) sans pour autant réussir à articuler cette nécessité avec le non-être (surtout quand le non-être a une valeur antérieure, quasi causale). Seul moyen de sortir de cette béance : remarquer que le quelque chose ne peut être formé sur un modèle homogène (comme c'est le cas du transcendantalisme qui prolonge pour englober), ni antagoniste (avec une hétérogénéité particulière, qui provoque la destruction).
Le prolongement homogène promeut et permet (de manière inadéquate) le réel pérenne, quand l'antagonisme hétérogène détruit le réel dans sa composante humaine (ce qui est sans doute plus préjudiciable pour la pérennité du réel que pour la créature homme elle-même). Cette destruction survient quand on oppose le réel en structures antagonistes sur un modèle binaire ou duel (le terme idéal), alors que le réel se révèle pérenne quand il présente une unité d'ensemble qui s'apparente à de la continuité. Le problème survient suite à la multiplicité chère à Aristote, qui a pour conséquence de réduire à néant l'unité : le réel se détruit chaque fois que ses parties séparées ne sont pas reliées entre elles par un élément supérieur au morcellement.
Sans principe ultime d'unité, le réel se détruit en parties multiples et morcelées. Au contraire, le réel est pérenne et viable chaque fois que l'unité se montre supérieure au morcellement et à la multiplicité. Quant à cette multiplicité, elle ne met nullement en péril le réel en tant que force pérenne, car la structure du réel ne tient dans aucune de ses parties entendues comme état (Aristote dirait : des actes), mais dans l'unité hétérogène. Le réel se subdivise à la manière de métastases inarrêtables et incontrôlables chaque fois que l'on use du modèle antagoniste, soit que l'on détruit des parties en les rendant antagonistes. De ce point de vue, le nihilisme est rejeté dès les limbes humaines comme un modèle aussi tentant au départ que destructeur à l'arrivée (rapidement).
Et la liberté est une sorte de test cardinal qui permet de comprendre la centralité dans le dispositif réel : on ne peut comprendre le réel que si l'on comprend la liberté du reél. si l'on s'en tient à la nécessité, on passe à côté du réel; si l'on ose l'Etre, on rend la liberté incompréhensible. Alors osons comme Leibniz que l'on peut faire progresser la démarche philosophique dévouée à l'ontologie : et pour ce faire, commençons par définir la possibilité de liberté comme la preuve du réel uni et hétérogène. Uni par le reflet. Hétérogène par la texture des deux états (non-contradiction et contradiction).

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