"Cette guerre n’est pas un choix, mais une nécessité. Ceux qui ont attaqué l’Amérique, le 11 septembre, complotent encore contre elle."
Obama, 7 août 2009, discours prononcé devant la convention des Veterans for War (anciens combattants) dans l’Arizona.
Avec cette petite phrase sortie d'un discours orwellien ou autiste, Obama n'a pas seulement fini de déconsidérer l'image du progressiste qu'il serait - parce qu'il est demi-Noir. Obama a aussi définitivement démenti l'un des arguments-choc que certains esprits conformistes et/ou conservateurs ressortent à l'envi dans des discussions privées, entre amis, pour faire taire la polémique et la controverse qu'ils jugent superfétatoire (et vaguement coupable).
Quand on est du côté du système, de l'officiel, il est impensable d'oser sous-entendre que la version officielle des attentats du 911 est une supercherie. Au lieu de perdre son temps à écouter des réfutations qui ne sont que pertes de temps, puisqu'on ne veut pas comprendre et qu'on se rit du critère dépassé de vérité, on se croit habile - on est (au mieux) demi-habile - en coupant l'herbe sous le pied de son interlocuteur.
On reprend l'un des arguments favoris de l'administration Obama depuis son accession au pouvoir : rien ne sert de remuer le couteau dans la plaie, soit de farfouiller dans le passé. Le 911 appartient au passé, il est inutile pour comprendre le présent ou le futur. Concentrons-nous précisément sur le présent et le futur - et laissons ainsi le 911 aux esprits paranoïaques, complotistes, décalés.
La question : "A quoi sert le 911 pour comprendre notre monde?" recoupe de fait la question "Pourquoi encore parler du 911?". Dans les deux cas, on a un problème évident de causalité ou de finalisme. On connaît le proverbe selon lequel quand on vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle. Il existe une multitude de sentences et aphorismes du même tonneau pour expliquer que sans la connaissance de l'histoire et du passé, les mécanismes des actions humaines recommencent.
Ceux qui osent ranger le 911 dans la catégorie des drames (dé)passés agissent comme les complices des criminels qui se gardent d'indiquer que le cadavre est caché dans le placard et qui escomptent qu'on ne parlera plus du macchabée s'il demeure dissimulé dans son ersatz de tombeau. La vérité est exactement inverse : plus on cache, plus on découvre. Raison de ce mécanisme qui évoque à la fois le déni et le tabou : le cadavre empêche le réel de se poursuivre de manière apaisée et tranquille pour les protagonistes.
Si l'on ne trouve pas le cadavre, pas de reconnaissance du reél, ce qui implique son remplacement par le néant. Le déni et le tabou sont les mécanismes du nihilisme. La négation du réel signifie rien de moins que la négation du fonctionnement du réel, qui repose sur le finalisme et la causalité. Si l'on ne respecte pas les règles élémentaires du devenir, rien ne sert de vivre dans le réel.
Sens dessus dessous : avec cette formule, on a l'interprétation de ce genre de raisonnement qui consiste à croire qu'on peut s'affranchir de la cause et se focaliser exclusivement sur l'effet. C'est un moyen commode d'éluder la cause qui dérange et de faire table rase du temps. Pour autant, le procédé du sens est fondé selon Aristote sur le finalisme : c'est l'intention finale qui meut l'ensemble de l'action, de sa cause à son effet schématique, ce qui implique que la suppression de la cause enraye le mécanisme chronologique. De la logique du temps, on passe à la logique du pire (titre d'un ouvrage de l'immanentiste terminal Rosset).
Le déni et le tabou enrayent tout bonnement le mécanisme du temps, comme si l'on refusait le temps et que l'on inventait un réel débarrassé des contraintes du devenir. Ce fantasme est imputé à Parménide par Nietzsche, qui oppose à cet Être décharné et dévitalisé son modèle du devenir et son Éternel Retour. Mais l'Etre de Parménide sublime et transcende l'être en proie aux affres du temps, quand l'Éternel Retour est explicitement nommé dans son intégralité évocatrice et valant aveu : Éternel Retour du Même.
Si l'on voulait répondre à la stratégie de déni et de tabou autour de 911 (se focalisant sur l'inutilité de discuter encore du 911), on expliquerait que le 911 a radicalement changé notre monde. Le fonctionnement de nos sociétés unicisées dans la mondialisation est défiguré par le 911 et ne pourra reprendre son visage et sa marche vers le changement tant que la vérité sur le 911 ne sera pas découverte.
Comme le cadavre qui empeste l'atmosphère jusqu'à vicier les âmes, le 911 est le cadavre putride de l'Occident. T'as une dent contre l'occis? Moins on en parle, plus il pue. Plus il pue, plus il nous empoisonne... Ceux qui rejettent le 911 comme le sujet vain et vaniteux par excellence sont des adeptes de la fin de l'histoire, déjà théorisée comme accomplissement de sa propre métaphysique par Hegel le démesuré, et surtout reprise par l'expert atlantiste Fukuyama, qui n'hésite pas à identifier sous cette expression l'Age d'Or du libéralisme...
La fin de l'histoire signifie rien moins que la fin du temps. Chez Hegel, l'avènement de cette ère est relégué aux calendes iéniennes de l'avenir, tandis que chez Fukuyama, la fin de l'histoire existe déjà. Quoi qu'il en soit, cette fin est nihiliste car impossible. Surtout, en tendant à nier le devenir, la mentalité fin de l'histoire se contrefiche éperdument de ce qui n'appartient pas à son processus.
La fin de l'histoire est l'achèvement de l'histoire. Rien ne sert quand on a accédé à l'éternité de se préoccuper de problèmes de mortels, mentalité qui pourrait figurer dans les mythologies antiques, où les dieux immortels font preuve de plus de cruauté et de cynisme que de pondération et de sagesse. Dans le cas du 911, le déni s'explique cependant par le fait que le 911 rappelle que la fin de l'histoire connaît quelques ratés et que le 911 risque à tout moment de faire basculer la fin de l'histoire vers les temps de l'histoire rétrograde.
Si seulement le 911 n'était que la cause de la guerre contre le terrorisme, qui a totalement changé notre monde et qui se caractérise par son mensonge éhonté... Si seulement le 911 n'était que la cause de millions de morts, en Mésopotamie ou au Caucase, de guerres de déstabilisation de type asymétrique dans l'Asie du Sud-Est (Proche-Orient compris), de menaces nucléaires (avec l'Iran), de conflits larvés avec la Russie, etc., etc...
Mais le 911 est bien plus qu'un mensonge mettant en scène un ennemi imaginaire comme pantin de sa course folle vers l'abîme (de qui Oussama l'âme morte est-il le reflet?). Le 911 est une mentalité, une façon de voir, dont les symptômes sont le Nouvel Ordre Mondial ou la crise, et dont le vrai nom est : impérialisme. Ceux qui ne veulent pas aborder le sujet 911 cautionnent ou profitent indirectement le plus souvent de cet impérialisme occidentaliste. Ils dénient d'autant plus qu'ils ne savent que trop que cet impérialisme se porte fort mal et qu'il est en phase terminale de déliquescence putride.
En d'autres termes : l'impérialisme occidentaliste est moribond. Il a pour nom Empire britannique et c'est du fait de son agonie que le 911 a eu lieu. Les factions financières qui ont commandité ce sacrifice en forme d'holocauste ont cru instiller un poison revivifiant ou un tonique extatique au grand cadavre à la renverse qu'est le système monétariste mondialiste tenant lieu d'impérialisme contemporain. système, lève-toi! C'est peine perdue. Vous pouvez appeler n'importe quel gourou, le système est mort. Jésus appellerait à sa résurrection; BHL à sa dissolution.
On n'échappe pas à la mort, ce qui est une manière d'insinuer qu'on n'échappe pas au temps. En osant le coup 911, les commanditaires ont cru prolonger leur fin de l'histoire. Il ont signé la fin de l'histoire. La fin de l'impérialisme occidentaliste? Ou la fin de l'Occident? Quel accident que cet acte manqué qui a réussi l'espace de trois Tours! Tour de passe-passe, tournant dans l'histoire : les individualistes paumés et sinistres qui profitent de l'occidentalisme, et qui le plus souvent sont des Occidentaux hagards et défoncés, ont voulu soutenir la VO atlantiste contre le bon sens et contre la raison en agitant leur carte famélique et méprisable du déni et du tabou.
Un peu d'étymologie ne fera pas de mal à ce stade pour la compréhension du déni qui entoure de sa violence caractéristique l'évocation du 911 et la portée du 911 dans le fonctionnement de notre système mondialiste :
1) Déni vient de denegare. Negare signifie nier et le préfixe - dé indique la cessation, la séparation ou la différence. Quand on débranche, on cesse de brancher. Quand on dénie, on cesse de nier. Le déni renvoie à la double négation, qui est l'acte d'absurdité par excellence. Selon Wiktionnaire, le préfixe -dé sert à renforcer le sens du verbe original : dénier serait ainsi plus que nier. Je crois plus précisément qu'il s'agit, littéralement de surcroît, de nier que l'on nie. Nier quelque chose implique l'inexistence de cette chose. Soit l'on ment, soit l'on dit vrai. Mais nier que l'on nie induit l'existence de cette chose, puisque le mensonge est inscrit au coeur dire la double négation.
Dénier signifie que la chose existe et que l'on fait comme si elle n'existe pas. On joue à comme si? Le 911 existe et je prétends qu'il n'existe pas. En d'autres termes, le nihilisme est inscrit au coeur de cette stratégie à la rhétorique perverse, dont le retournement de sens est patent. A l'impossible, nul n'est tenu. Pourtant, c'est à l'impossible que se condamne le déni, puisque le seul moyen pour faire disparaître un problème encombrant consiste à l'ignorer. Le problème revient avec usure et la stratégie du déni ne fonctionne pas. Pensez au cadavre dans le placard et vous aurez une juste idée du sort inéluctable qui attend les intérêts qui dénient le 911.
Reste à distinguer le déni de la mauvaise foi. Le déni serait l'occultation de bonne foi d'une partie de la réalité. Dans ce cas, le mécanisme du déni peut être changé en cercle vertueux, soit en reconnaissance de ce qui précédemment engendrait la fin de non-recevoir. Raison pour laquelle le déni renvoie à l'analyse psychanalytique, qui par la parole prétend transformer le déni en parole lucide. La technique employée par la psychanalyse repose sur une variante de la maïeutique socratique, selon laquelle le psychanalyste accouche le patient de la vérité qu'il détient sans le savoir, sur le modèle de l'esclave du Phédon.
C'est ainsi que la psychanalyse s'empare du mythe terrible d'Œdipe et prétend venir à bout du déni qui a abouti à la déchéance d'Œdipe. Dans le mythe, Œdipe finit cependant par inverser le maléfice en se plaçant sous la protection d'Apollon, d'Athènes (Athéna) et en parvenant à transformer la furie vengeresse des Erinyes en miséricorde protectrice. La psychanalyse se place sous le totem d'Œdipe en prétendant par la parole empêcher Œdipe de se crever les yeux et de perdre son statut de citoyen/roi. Et même si le patient a déjà commis l'irréparable (symboliquement coucher avec sa mère et tuer son père), il peut encore être sauvé : par la parole.
Au contraire, la mauvaise foi mise en scène par Sartre implique le mensonge, le manque de sincérité. Alors que la sincérité du dénieur est équivoque, mais réelle, la mauvaise foi implique que l'on sait et que l'on ne veut pas savoir. L'on ne veut pas savoir ce qui est trop dur à accepter, à endurer, à supporter. C'est le thème du double chez Rosset : on duplique la réalité pour ne pas avoir à la supporter. Moralité : on réalise l'insupportable avec usure, car plus on dénie le reél, plus il revient avec force - et fracas.
Précisons en corolaire que la frontière entre mauvaise foi et déni est ténue et qu'il est souvent peu pertinent de distinguer entre bonne et mauvaise foi, entre déni et mauvaise foi. Par ailleurs, Sartre a d'autant mieux théorisé la mauvaise foi qu'il exprime par tous les pores de son être athée collectiviste cette mauvaise foi : socialement, philosophiquement, idéologiquement, politiquement, affectivement.
2) Tabou : pour une fois, l'étymologie ne nous conduit pas vers Rome ou la Grèce. Il s'agit d'un mot polynésien désignant ce que les profanes ne peuvent toucher sans commettre un sacrilège - tabu. Ne pas aborder un sujet conduit à le rendre sacré. Le 911 ne peut être abordé parce qu'il est un acte religieux, un sacrifice dont la nature n'est pas d'être profane, mais nihiliste. Religion bel et bien effective, mais qui n'est pas classique et qui de ce point de vue se révèle antireligieuse. Si le tabou mène au religieux classique, le tabou du 911 dans des sociétés laïques et profanes mène vers le nihilisme, qui est la forme de la religion antireligieuse, la religion sacrilège qui conduit à la destruction.
Le tabou classique consiste à garder identiques les choses de telle sorte qu'aucun changement brusque n'intervienne. La notion de tabou et celle connexe de sacrilège permettent de maintenir l'ordre de la religion, avec cette idée qu'une forme religieuse est l'expression de la religion - et que de ce fait nous sommes parvenus à la fin de l'histoire. Le tabou nihiliste tend aussi à imposer cette fin de l'histoire dans laquelle l'éternité se résume à l'absence de changement, à cette réserve près que l'absence de changement ici ne renvoie pas à l'éternité ou à la différence telle qu'elle est divinisée dans le cours du transcendantalisme monothéiste de dernier type.
Dans les deux cas, tout raisonnement qui manie le déni et le tabou est d'inspiration nihiliste en ce qu'il tend vers la destruction - en lieu et place de la supériorité du dépassement ou de la synthèse de type hégélien. Le tabou et le déni ne sont bien entendu pas des techniques spécifiquement nihilistes à moins de considérer qu'il entre toujours une certaine dose de nihilisme dans tout acte de la vie, à commencer par les formes transcendantalistes.
Comme toujours, le nihilisme ne fait que renforcer des attitudes conventionnelles traditionnellement répertoriées. Si la destruction existe bien, le nihilisme la pose en principe de vie, j'oserais presque - de vide. La fin du nihilisme est limpide, quasi programmatique : la destruction, le rien, le néant. C'est assez fâcheux pour le cours des affaires humaines. Si bien que le raisonnement typiquement nihiliste selon lequel il ne faut pas réévoquer le 911 - car il est passé et non avenu - n'est pas seulement la marque de la confusion, de la bêtise ou de l'hallucination. Evidemment, l'affirmation apparaît d'autant plus péremptoire et hâtive qu'elle concerne l'évènement le plus important et le plus bouleversant de ce troisième millénaire chrétien - la cause qui explique le changement de politique internationale baptisée guerre contre le terrorisme et les guerres meurtrières qui en découlent.
Le plus grave est qu'en déniant l'histoire, en toisant le passé, en imposant en guise de fin de l'histoire le mode et la mode de la table rase, le raisonneur ne se rend pas compte qu'il exprime mot à mot, littéralement, le point de vue de l'immanentisme. Oublions le passé si l'immanence est le seul reél. Au final, en vivant comme un immanentiste, on meurt comme un immanentiste. Deux cas spécifiques suffiront à étayer cette affirmation irréfutable logiquement. Le premier est celui du prophète de l'immanentisme tardif et dégénéré, le maniaque Nietzsche qui à force de relier sa folie aux mannes de Dionysos et autres Erinyes déchaînées finit par s'effondrer définitivement et par sombrer dans le mutisme sénile.
La folie de Nietzsche n'est pas inexplicable comme tentent de nous le fait accroire ses commentateurs verbeux. Elle va plus loin que ce qu'analyse avec finesse René Girard. C'est une folie d'ordre religieux, un châtiment qui en dit long sur les souffrances qui attendent hors de notre monde ceux qui ont osé braver les interdits et professer une doctrine nihiliste. Le deuxième cas est celui d'un philosophe emblématique de la folie de l'immanentisme tardif et dégénéré : Gilles Deleuze.
Deleuze était un professeur de philosophie qui atteint par le mal de son siècle se prit pour un philosophe. Répétiteur et perroquet savant - de la Sorbonne, il crut que le passage de la répétition vers la création impliquait l'excellence répétitive. Après avoir commis un ouvrage qui s'intitule d'ailleurs Différence et Répétition, il passa à l'action sérieuse et se lança dans la création. Las! Ses livres sont tout au plus illisibles et révèlent surtout la prose délirante de celui qui crut qu'en s'associant avec un psychanalyste désirant (c'est-à-dire anti-œdipien), il inventerait une nouvelle forme d'écriture - à quatre mains!
Deleuze atteint par la maladie et en proie à d'autres maux finit par se suicider d'une défenestration tragique. Sans me moquer le moins du monde de son geste, que je n'ai pas à juger, je remarque que c'est la fin funeste qui attend tous ceux qui se rendent compte qu'ils ont vécu en vain, et pis, pensé de manière fausse. Deleuze se rendit-il compte qu'il avait raté sa vie de professeur de philosophie et qu'il avait confondu les honneurs que l'époque rend à ses serviteurs intellectuels zélés avec le génie et la création?
Je pense qu'il a seulement ressenti le symptôme non conscientisé de cette triste réalité, à savoir qu'il était coincé, bloqué dans la souricière. Le plan d'immanence de Deleuze est cette souris qui accouche de la souricière-montagne : la folie, le suicide, l'oubli. Des maux diaboliques, même si pour les immanentistes diaboliques, le diable n'existe pas. A une époque où comprendre le 911 est le seul moyen de sortir du guêpier ravagé de l'immanentisme terminal, qui se manifeste par la crise systémique et l'effondrement travesti en crise passagère qui n'en finit pas, et qui n'est pas prête d'en finir, parler de déni et de tabou est comique.
J'irai plus loin : l'intention est criminelle, parce que c'est en professant l'absurde que l'on mène le mouton vers le champ de ruine. Toute doctrine nihiliste, l'immanentisme ou le nihilisme antique contenu par le transcendantalisme, mène vers la disparition de l'homme. En tenant un discours immanentiste, on est complice de la destruction de l'homme et l'on ne pourra pas dire que l'on ne savait pas. Qui ne connaît pas l'idée dont Nerval propose une formulation moderne : "Notre passé et notre avenir sont solidaires. Nous vivons dans notre race, et notre race vit en nous"? Il est vrai que quand on prétend oublier le passé, on ne peut se souvenir.
Obama, 7 août 2009, discours prononcé devant la convention des Veterans for War (anciens combattants) dans l’Arizona.
Avec cette petite phrase sortie d'un discours orwellien ou autiste, Obama n'a pas seulement fini de déconsidérer l'image du progressiste qu'il serait - parce qu'il est demi-Noir. Obama a aussi définitivement démenti l'un des arguments-choc que certains esprits conformistes et/ou conservateurs ressortent à l'envi dans des discussions privées, entre amis, pour faire taire la polémique et la controverse qu'ils jugent superfétatoire (et vaguement coupable).
Quand on est du côté du système, de l'officiel, il est impensable d'oser sous-entendre que la version officielle des attentats du 911 est une supercherie. Au lieu de perdre son temps à écouter des réfutations qui ne sont que pertes de temps, puisqu'on ne veut pas comprendre et qu'on se rit du critère dépassé de vérité, on se croit habile - on est (au mieux) demi-habile - en coupant l'herbe sous le pied de son interlocuteur.
On reprend l'un des arguments favoris de l'administration Obama depuis son accession au pouvoir : rien ne sert de remuer le couteau dans la plaie, soit de farfouiller dans le passé. Le 911 appartient au passé, il est inutile pour comprendre le présent ou le futur. Concentrons-nous précisément sur le présent et le futur - et laissons ainsi le 911 aux esprits paranoïaques, complotistes, décalés.
La question : "A quoi sert le 911 pour comprendre notre monde?" recoupe de fait la question "Pourquoi encore parler du 911?". Dans les deux cas, on a un problème évident de causalité ou de finalisme. On connaît le proverbe selon lequel quand on vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle. Il existe une multitude de sentences et aphorismes du même tonneau pour expliquer que sans la connaissance de l'histoire et du passé, les mécanismes des actions humaines recommencent.
Ceux qui osent ranger le 911 dans la catégorie des drames (dé)passés agissent comme les complices des criminels qui se gardent d'indiquer que le cadavre est caché dans le placard et qui escomptent qu'on ne parlera plus du macchabée s'il demeure dissimulé dans son ersatz de tombeau. La vérité est exactement inverse : plus on cache, plus on découvre. Raison de ce mécanisme qui évoque à la fois le déni et le tabou : le cadavre empêche le réel de se poursuivre de manière apaisée et tranquille pour les protagonistes.
Si l'on ne trouve pas le cadavre, pas de reconnaissance du reél, ce qui implique son remplacement par le néant. Le déni et le tabou sont les mécanismes du nihilisme. La négation du réel signifie rien de moins que la négation du fonctionnement du réel, qui repose sur le finalisme et la causalité. Si l'on ne respecte pas les règles élémentaires du devenir, rien ne sert de vivre dans le réel.
Sens dessus dessous : avec cette formule, on a l'interprétation de ce genre de raisonnement qui consiste à croire qu'on peut s'affranchir de la cause et se focaliser exclusivement sur l'effet. C'est un moyen commode d'éluder la cause qui dérange et de faire table rase du temps. Pour autant, le procédé du sens est fondé selon Aristote sur le finalisme : c'est l'intention finale qui meut l'ensemble de l'action, de sa cause à son effet schématique, ce qui implique que la suppression de la cause enraye le mécanisme chronologique. De la logique du temps, on passe à la logique du pire (titre d'un ouvrage de l'immanentiste terminal Rosset).
Le déni et le tabou enrayent tout bonnement le mécanisme du temps, comme si l'on refusait le temps et que l'on inventait un réel débarrassé des contraintes du devenir. Ce fantasme est imputé à Parménide par Nietzsche, qui oppose à cet Être décharné et dévitalisé son modèle du devenir et son Éternel Retour. Mais l'Etre de Parménide sublime et transcende l'être en proie aux affres du temps, quand l'Éternel Retour est explicitement nommé dans son intégralité évocatrice et valant aveu : Éternel Retour du Même.
Si l'on voulait répondre à la stratégie de déni et de tabou autour de 911 (se focalisant sur l'inutilité de discuter encore du 911), on expliquerait que le 911 a radicalement changé notre monde. Le fonctionnement de nos sociétés unicisées dans la mondialisation est défiguré par le 911 et ne pourra reprendre son visage et sa marche vers le changement tant que la vérité sur le 911 ne sera pas découverte.
Comme le cadavre qui empeste l'atmosphère jusqu'à vicier les âmes, le 911 est le cadavre putride de l'Occident. T'as une dent contre l'occis? Moins on en parle, plus il pue. Plus il pue, plus il nous empoisonne... Ceux qui rejettent le 911 comme le sujet vain et vaniteux par excellence sont des adeptes de la fin de l'histoire, déjà théorisée comme accomplissement de sa propre métaphysique par Hegel le démesuré, et surtout reprise par l'expert atlantiste Fukuyama, qui n'hésite pas à identifier sous cette expression l'Age d'Or du libéralisme...
La fin de l'histoire signifie rien moins que la fin du temps. Chez Hegel, l'avènement de cette ère est relégué aux calendes iéniennes de l'avenir, tandis que chez Fukuyama, la fin de l'histoire existe déjà. Quoi qu'il en soit, cette fin est nihiliste car impossible. Surtout, en tendant à nier le devenir, la mentalité fin de l'histoire se contrefiche éperdument de ce qui n'appartient pas à son processus.
La fin de l'histoire est l'achèvement de l'histoire. Rien ne sert quand on a accédé à l'éternité de se préoccuper de problèmes de mortels, mentalité qui pourrait figurer dans les mythologies antiques, où les dieux immortels font preuve de plus de cruauté et de cynisme que de pondération et de sagesse. Dans le cas du 911, le déni s'explique cependant par le fait que le 911 rappelle que la fin de l'histoire connaît quelques ratés et que le 911 risque à tout moment de faire basculer la fin de l'histoire vers les temps de l'histoire rétrograde.
Si seulement le 911 n'était que la cause de la guerre contre le terrorisme, qui a totalement changé notre monde et qui se caractérise par son mensonge éhonté... Si seulement le 911 n'était que la cause de millions de morts, en Mésopotamie ou au Caucase, de guerres de déstabilisation de type asymétrique dans l'Asie du Sud-Est (Proche-Orient compris), de menaces nucléaires (avec l'Iran), de conflits larvés avec la Russie, etc., etc...
Mais le 911 est bien plus qu'un mensonge mettant en scène un ennemi imaginaire comme pantin de sa course folle vers l'abîme (de qui Oussama l'âme morte est-il le reflet?). Le 911 est une mentalité, une façon de voir, dont les symptômes sont le Nouvel Ordre Mondial ou la crise, et dont le vrai nom est : impérialisme. Ceux qui ne veulent pas aborder le sujet 911 cautionnent ou profitent indirectement le plus souvent de cet impérialisme occidentaliste. Ils dénient d'autant plus qu'ils ne savent que trop que cet impérialisme se porte fort mal et qu'il est en phase terminale de déliquescence putride.
En d'autres termes : l'impérialisme occidentaliste est moribond. Il a pour nom Empire britannique et c'est du fait de son agonie que le 911 a eu lieu. Les factions financières qui ont commandité ce sacrifice en forme d'holocauste ont cru instiller un poison revivifiant ou un tonique extatique au grand cadavre à la renverse qu'est le système monétariste mondialiste tenant lieu d'impérialisme contemporain. système, lève-toi! C'est peine perdue. Vous pouvez appeler n'importe quel gourou, le système est mort. Jésus appellerait à sa résurrection; BHL à sa dissolution.
On n'échappe pas à la mort, ce qui est une manière d'insinuer qu'on n'échappe pas au temps. En osant le coup 911, les commanditaires ont cru prolonger leur fin de l'histoire. Il ont signé la fin de l'histoire. La fin de l'impérialisme occidentaliste? Ou la fin de l'Occident? Quel accident que cet acte manqué qui a réussi l'espace de trois Tours! Tour de passe-passe, tournant dans l'histoire : les individualistes paumés et sinistres qui profitent de l'occidentalisme, et qui le plus souvent sont des Occidentaux hagards et défoncés, ont voulu soutenir la VO atlantiste contre le bon sens et contre la raison en agitant leur carte famélique et méprisable du déni et du tabou.
Un peu d'étymologie ne fera pas de mal à ce stade pour la compréhension du déni qui entoure de sa violence caractéristique l'évocation du 911 et la portée du 911 dans le fonctionnement de notre système mondialiste :
1) Déni vient de denegare. Negare signifie nier et le préfixe - dé indique la cessation, la séparation ou la différence. Quand on débranche, on cesse de brancher. Quand on dénie, on cesse de nier. Le déni renvoie à la double négation, qui est l'acte d'absurdité par excellence. Selon Wiktionnaire, le préfixe -dé sert à renforcer le sens du verbe original : dénier serait ainsi plus que nier. Je crois plus précisément qu'il s'agit, littéralement de surcroît, de nier que l'on nie. Nier quelque chose implique l'inexistence de cette chose. Soit l'on ment, soit l'on dit vrai. Mais nier que l'on nie induit l'existence de cette chose, puisque le mensonge est inscrit au coeur dire la double négation.
Dénier signifie que la chose existe et que l'on fait comme si elle n'existe pas. On joue à comme si? Le 911 existe et je prétends qu'il n'existe pas. En d'autres termes, le nihilisme est inscrit au coeur de cette stratégie à la rhétorique perverse, dont le retournement de sens est patent. A l'impossible, nul n'est tenu. Pourtant, c'est à l'impossible que se condamne le déni, puisque le seul moyen pour faire disparaître un problème encombrant consiste à l'ignorer. Le problème revient avec usure et la stratégie du déni ne fonctionne pas. Pensez au cadavre dans le placard et vous aurez une juste idée du sort inéluctable qui attend les intérêts qui dénient le 911.
Reste à distinguer le déni de la mauvaise foi. Le déni serait l'occultation de bonne foi d'une partie de la réalité. Dans ce cas, le mécanisme du déni peut être changé en cercle vertueux, soit en reconnaissance de ce qui précédemment engendrait la fin de non-recevoir. Raison pour laquelle le déni renvoie à l'analyse psychanalytique, qui par la parole prétend transformer le déni en parole lucide. La technique employée par la psychanalyse repose sur une variante de la maïeutique socratique, selon laquelle le psychanalyste accouche le patient de la vérité qu'il détient sans le savoir, sur le modèle de l'esclave du Phédon.
C'est ainsi que la psychanalyse s'empare du mythe terrible d'Œdipe et prétend venir à bout du déni qui a abouti à la déchéance d'Œdipe. Dans le mythe, Œdipe finit cependant par inverser le maléfice en se plaçant sous la protection d'Apollon, d'Athènes (Athéna) et en parvenant à transformer la furie vengeresse des Erinyes en miséricorde protectrice. La psychanalyse se place sous le totem d'Œdipe en prétendant par la parole empêcher Œdipe de se crever les yeux et de perdre son statut de citoyen/roi. Et même si le patient a déjà commis l'irréparable (symboliquement coucher avec sa mère et tuer son père), il peut encore être sauvé : par la parole.
Au contraire, la mauvaise foi mise en scène par Sartre implique le mensonge, le manque de sincérité. Alors que la sincérité du dénieur est équivoque, mais réelle, la mauvaise foi implique que l'on sait et que l'on ne veut pas savoir. L'on ne veut pas savoir ce qui est trop dur à accepter, à endurer, à supporter. C'est le thème du double chez Rosset : on duplique la réalité pour ne pas avoir à la supporter. Moralité : on réalise l'insupportable avec usure, car plus on dénie le reél, plus il revient avec force - et fracas.
Précisons en corolaire que la frontière entre mauvaise foi et déni est ténue et qu'il est souvent peu pertinent de distinguer entre bonne et mauvaise foi, entre déni et mauvaise foi. Par ailleurs, Sartre a d'autant mieux théorisé la mauvaise foi qu'il exprime par tous les pores de son être athée collectiviste cette mauvaise foi : socialement, philosophiquement, idéologiquement, politiquement, affectivement.
2) Tabou : pour une fois, l'étymologie ne nous conduit pas vers Rome ou la Grèce. Il s'agit d'un mot polynésien désignant ce que les profanes ne peuvent toucher sans commettre un sacrilège - tabu. Ne pas aborder un sujet conduit à le rendre sacré. Le 911 ne peut être abordé parce qu'il est un acte religieux, un sacrifice dont la nature n'est pas d'être profane, mais nihiliste. Religion bel et bien effective, mais qui n'est pas classique et qui de ce point de vue se révèle antireligieuse. Si le tabou mène au religieux classique, le tabou du 911 dans des sociétés laïques et profanes mène vers le nihilisme, qui est la forme de la religion antireligieuse, la religion sacrilège qui conduit à la destruction.
Le tabou classique consiste à garder identiques les choses de telle sorte qu'aucun changement brusque n'intervienne. La notion de tabou et celle connexe de sacrilège permettent de maintenir l'ordre de la religion, avec cette idée qu'une forme religieuse est l'expression de la religion - et que de ce fait nous sommes parvenus à la fin de l'histoire. Le tabou nihiliste tend aussi à imposer cette fin de l'histoire dans laquelle l'éternité se résume à l'absence de changement, à cette réserve près que l'absence de changement ici ne renvoie pas à l'éternité ou à la différence telle qu'elle est divinisée dans le cours du transcendantalisme monothéiste de dernier type.
Dans les deux cas, tout raisonnement qui manie le déni et le tabou est d'inspiration nihiliste en ce qu'il tend vers la destruction - en lieu et place de la supériorité du dépassement ou de la synthèse de type hégélien. Le tabou et le déni ne sont bien entendu pas des techniques spécifiquement nihilistes à moins de considérer qu'il entre toujours une certaine dose de nihilisme dans tout acte de la vie, à commencer par les formes transcendantalistes.
Comme toujours, le nihilisme ne fait que renforcer des attitudes conventionnelles traditionnellement répertoriées. Si la destruction existe bien, le nihilisme la pose en principe de vie, j'oserais presque - de vide. La fin du nihilisme est limpide, quasi programmatique : la destruction, le rien, le néant. C'est assez fâcheux pour le cours des affaires humaines. Si bien que le raisonnement typiquement nihiliste selon lequel il ne faut pas réévoquer le 911 - car il est passé et non avenu - n'est pas seulement la marque de la confusion, de la bêtise ou de l'hallucination. Evidemment, l'affirmation apparaît d'autant plus péremptoire et hâtive qu'elle concerne l'évènement le plus important et le plus bouleversant de ce troisième millénaire chrétien - la cause qui explique le changement de politique internationale baptisée guerre contre le terrorisme et les guerres meurtrières qui en découlent.
Le plus grave est qu'en déniant l'histoire, en toisant le passé, en imposant en guise de fin de l'histoire le mode et la mode de la table rase, le raisonneur ne se rend pas compte qu'il exprime mot à mot, littéralement, le point de vue de l'immanentisme. Oublions le passé si l'immanence est le seul reél. Au final, en vivant comme un immanentiste, on meurt comme un immanentiste. Deux cas spécifiques suffiront à étayer cette affirmation irréfutable logiquement. Le premier est celui du prophète de l'immanentisme tardif et dégénéré, le maniaque Nietzsche qui à force de relier sa folie aux mannes de Dionysos et autres Erinyes déchaînées finit par s'effondrer définitivement et par sombrer dans le mutisme sénile.
La folie de Nietzsche n'est pas inexplicable comme tentent de nous le fait accroire ses commentateurs verbeux. Elle va plus loin que ce qu'analyse avec finesse René Girard. C'est une folie d'ordre religieux, un châtiment qui en dit long sur les souffrances qui attendent hors de notre monde ceux qui ont osé braver les interdits et professer une doctrine nihiliste. Le deuxième cas est celui d'un philosophe emblématique de la folie de l'immanentisme tardif et dégénéré : Gilles Deleuze.
Deleuze était un professeur de philosophie qui atteint par le mal de son siècle se prit pour un philosophe. Répétiteur et perroquet savant - de la Sorbonne, il crut que le passage de la répétition vers la création impliquait l'excellence répétitive. Après avoir commis un ouvrage qui s'intitule d'ailleurs Différence et Répétition, il passa à l'action sérieuse et se lança dans la création. Las! Ses livres sont tout au plus illisibles et révèlent surtout la prose délirante de celui qui crut qu'en s'associant avec un psychanalyste désirant (c'est-à-dire anti-œdipien), il inventerait une nouvelle forme d'écriture - à quatre mains!
Deleuze atteint par la maladie et en proie à d'autres maux finit par se suicider d'une défenestration tragique. Sans me moquer le moins du monde de son geste, que je n'ai pas à juger, je remarque que c'est la fin funeste qui attend tous ceux qui se rendent compte qu'ils ont vécu en vain, et pis, pensé de manière fausse. Deleuze se rendit-il compte qu'il avait raté sa vie de professeur de philosophie et qu'il avait confondu les honneurs que l'époque rend à ses serviteurs intellectuels zélés avec le génie et la création?
Je pense qu'il a seulement ressenti le symptôme non conscientisé de cette triste réalité, à savoir qu'il était coincé, bloqué dans la souricière. Le plan d'immanence de Deleuze est cette souris qui accouche de la souricière-montagne : la folie, le suicide, l'oubli. Des maux diaboliques, même si pour les immanentistes diaboliques, le diable n'existe pas. A une époque où comprendre le 911 est le seul moyen de sortir du guêpier ravagé de l'immanentisme terminal, qui se manifeste par la crise systémique et l'effondrement travesti en crise passagère qui n'en finit pas, et qui n'est pas prête d'en finir, parler de déni et de tabou est comique.
J'irai plus loin : l'intention est criminelle, parce que c'est en professant l'absurde que l'on mène le mouton vers le champ de ruine. Toute doctrine nihiliste, l'immanentisme ou le nihilisme antique contenu par le transcendantalisme, mène vers la disparition de l'homme. En tenant un discours immanentiste, on est complice de la destruction de l'homme et l'on ne pourra pas dire que l'on ne savait pas. Qui ne connaît pas l'idée dont Nerval propose une formulation moderne : "Notre passé et notre avenir sont solidaires. Nous vivons dans notre race, et notre race vit en nous"? Il est vrai que quand on prétend oublier le passé, on ne peut se souvenir.
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