Vous voulez démasquer l'imposture de la philosophie. Écoutez les Nouveaux chemins de la connaissance sur France Culture. Avec ces tristes réactionnaires masqués en progressistes, tout est nouveau. L'émission de commentaire philosophique animée par le sirupeux professeur de philosophie Raphaël Enthoven et sa légion de Normaliennes plus brillantes les unes que les autres a changé de case horaire durant l'été et prend de la consistance : vous voulez dire, du narcissisme ampoulé, à l'image de son animateur, qui ne se rend plus compte que ses inflexions chics et snobinardes le confondent de ridicule taiseux. Enthoven Jr. est un germanopratin aussi vide que maniéré, un commentateur de philosophie qui ne vaut rien, strictement rien.
Sa réussite académique et scolaire illustre la faillite de l'académisme et de l'élitisme : on forme des répétiteurs savants, des perroquets fous, qui n'apportent rien de nouveau et qui à force de rabâcher l'air des autres finissent en roquets faux et en fauves pervers. Il serait temps de comprendre que l'amalgame de la philosophie et de l'histoire de la philosophie permet à de purs répétiteurs de passer pour des créateurs. La création de type immanentiste est laissée aux experts ou aux commentateurs, selon qui seule l'évocation ultra précise du donné passé ressortit de la pensée et de la création.
Créer n'est pas imiter. Nos clinquants académistes ont d'autant plus de difficulté à intégrer cette idée pourtant simple qu'ils sont perclus d'arrogance du fait de leur réussite scolaire. Leur égo boursoufflé, surdimensionné, peine à admettre qu'il sont des savants certes, mais que leur savoir ne leur délivre en aucun cas le visa de la création, de la différence, de l'originalité, de l'innovation, du changement. Autant il importe de respecter le savoir qui se donne comme tel, autant il est capital en cette période d'effondrement systémique de saisir l'imposture immanentiste qui consiste à amalgamer la création et l'imitation.
Comme il est facile de fabriquer un perroquet savant et qu'il est encore impossible de créer un créateur, nos immanentistes saisis de bouffées de démesure entendent personnifier la création au sous-nom de leur académisme pompier et pompeux. Heureuse justice immanente ou cru rappel des faits, simple piqure de rappel peut-être, l'académisme créatif accouche du médiocre et du clinquant. Les savants jouant le jeu de la création sont des pédants et des snobs qui évoquent irrésistiblement le comique du clan Verdurin.
Chez Proust, le snobisme vient de la rencontre du sentiment de supériorité avec l'erreur la plus obvie. D'où vient cette erreur? Les Verdurin croient que les valeurs de leur clan sont supérieures - justement. Mais l'illusion de supériorité repose sur l'académisme forcené, la répétition viscérale, l'imitation délurée. Parmi les mille passages indiquant avec un humour féroce et satirique ce lien entre le snobisme et l'académisme, soit l'erreur fondamentale d'une époque folle, je pense aux interventions du professeur Cottard, qui se croit supérieur parce qu'il débite un savoir médical reconnu - de son temps.
Quand Cottard transpose ce savoir à d'autres disciplines, en particulier à la création artistique, il sombre dans les outrances du snobisme et de l'illusion replète. Le lecteur rit de ce personnage ridicule, qui se croit d'autant plus au-dessus qu'il est dans les choux. Idem avec les Normaliens de NCC (abréviation classe et lasse, comme cette manie de l'abréviation qui saisit cette génération de propagandistes immanentistes versés dans le commentaire et la cabale fort peu ésotérique).
L'ambition de ces jeunes (mauvaises) gens est de prouver qu'ils sont les meilleurs. Tout simplement. Comme ils sont mauvais, alliage de l'excellence mimétique et de la nullité créatrice, nos étalons-plombs font dans les tics du toc : prouver qu'ils innovent par les méthodes les plus éculées qui soient. Chaque semaine des NCC est consacrée à un thème ou un auteur, qui donnent lieu à des commentaires érudits en compagnie d'invités excellant dans leur savoir particulier - qui se prennent le plus souvent pour des créateurs.
La semaine du lundi 31 août au vendredi 4 septembre est consacrée aux philosophies d'ailleurs en partenariat avec le magazine de philosophie branché Philosophie magazine et sous le patronage du ponte de ce type de philosophie qui consiste à commenter sans rien inventer - Roger-Paul Droit.
Que le monde des Normaliens est petit! Normal qu'Enthoven ne travaille qu'avec des Normaliens et n'invite que des Normaliens, tous agrégés de philosophie et repus de titres scintillants - ou presque. Ce n'est pas tout : Roger-Paul Droit, lui-même Normalien et agrégé de philosophie, collabore aux thèmes philosophiques du magazine ultralibéral Le Point, là où œuvrait le grand propagandiste atlantiste Revel. On y retrouve le père de Raphaël, l'éditeur classieux et commercial Jean-Paul, ami de BHL.
Comme par enchantement, BHL intervient en fin de numéro pour nous gratifier de numéros nullissimes et décalés, où il se prend pour Mauriac, alors qu'il n'a toujours pas compris que ses titres - Normalien et agrégé - ne lui confèrent en rien des facultés de création, au demeurant chez lui totalement absentes. Pour ce qui est de Philosophie magazine, dirigé par un certain Alexandre Lacroix (apparenté au philosophe personnaliste Jean Lacroix?), Raphaël Enthoven en est un conseiller et y livre chaque mois une chronique affligeante de goût convenu. Pour donner dans l'original, Enthoven abonde en jeux de mots sans se rendre compte qu'ils sont les maux de sa vacuité de pensée et de style.
Si tu n'as pas de style, lâche ton stylet! Enthoven Jr. abonde en opus flasques à la mesure de ses déficiences qualitatives. Si l'on veut se donner la peine de juger, que l'on parcourt son traité de philosophie dernier, une récupération systématique de ses chroniques éparpillées. Le marigot de la philosophie parisianiste, circonscrite en son cercle intime à Saint-Germain des Pets, croit sans doute que le maître-mot de la différence, c'est la répétition. Créer, c'est imiter.
Rien d'étonnant dès lors à ce que cette mentalité perverse accouche d'une méthode hilarante et incohérente, selon laquelle le neuf est l'ancien. C'est ainsi que R.P. Droit, comme un iota d'Ionie, clôture cette semaine par une intervention remarquable : on n'y apprend rien. Le brillant ici consiste à abonder en références savantes et en doctes considérations puisées à la meilleure source de l'érudition. Droit (dans ses bottes) reprend le à la mode Nietzsche pour expliquer que l'affirmation inconditionnelle exprime la différence entre la philosophie et la sagesse.
La spécificité de la philosophie serait de dire oui à la vie, quand la sagesse se contenterait d'accepter la vie avec ses oui et ses non. Droit oppose les vies de Diogène le vivifiant à un saint mortifère du non (dont j'ai oublié jusqu'au nom). Droit comme Iéna se rend-il compte qu'il dit vague par ses courants d'air philosophiques? D'abord, toujours affirmer est impossible. Rester toujours impassible ne l'est pas moins. Pour ce faire, il faut intégrer une mentalité dans laquelle le néant existe. Si le néant existe positivement, alors effectivement l'Éternel Retour est une mentalité qui se conçoit : quoi que tragique, le sensible demeure le seul réel et mérite d'être entièrement acquiescé.
Accessoirement, l'on finit fou, mais c'est un pis-aller dans ce monde joyeux, chaotique et si imprévisible. Parler pour ne rien dire, méthode de cette clique de Normaliens convenus et stéréotypés, dont l'excellence virtuose cache à grand peine la supercherie : rien de nouveau, sous le soleil - que du commentaire. No sun, no comment. Quand on est dans l'hétéronome, le commentaire, OK. En philosophie, le commentaire autonome, KO. C'est ainsi qu'à la suite de l'intervention vide de Droit, nous avons affaire à la grande innovation éditoriale des NCC 2009/2010 : la chronique finale d'une Normalienne agrégée de philosophie qui va nous présenter un livre. Du resucé et du pompé, quoi.
On a l'habitude. Pourtant, l'annonce vaut le déplacement. Après avoir fait la promo classique de Philosophie magazine, partenaire naturel et excellent (dixit Jr.) de l'émission affiliée du sieur Enthoven Jr., notre Adèle normalienne nous explique que le numéro consacré à quitter l'Occident pour découvrir l'ailleurs est construit sans aucune référence à un penseur occidental (Adèle propose poseur en place de penseur). Pour preuve de ce numéro d'équilibriste admirable, Adèle ose un exemple : afin de rendre accessible les philosophies d'ailleurs à nos cerveaux d'Occidentaux, comme si les Occidentaux n'étaient pas des hommes de la même race que ces penseurs de l'ailleurs, Adèle nous emmène chez les Inuits.
Afin de mieux comprendre la philosophie inuit, Philosophie magazine a interrogé l'anthropologue français Jean Mallaurie, un grand ponte français de l'académisme exotique, éditeur de Lévi-Strauss et auteur à succès. Je manque de tomber de mon siège tellement je m'esclaffe. Voilà une vertu de ces historiens de la philosophie : leur bêtise est fondante de naïveté. Pour comprendre la philosophie inuit, c'est inouï, on convoque un traducteur, interprète et commentateur français!!!
Outre cet ethnocentrisme travesti en culte de la pensée de l'ailleurs, Adèle s'attèle à nous détailler en quoi consiste la philosophie inuit... Roulement de tambour : "La Nature est chargée d'énergie, dans laquelle il s'agit de puiser pour établir une harmonie fusionnelle". Que c'est neuf! Que c'est renversant! Le but des philosophes inuits est de se trouver englobé dans cette nature, comme l'animal ou la pierre. Révolutionnaire! Ma compréhension du monde s'en trouve bouleversifiée! Je pèse mes mots d'émotion. Conclusion tout à fait logique d'Adèle la rationnelle : on peut donc bien parler de philosophie inuit, à condition de comprendre qu'il s'agit d'une philosophie de la constatation et non de l'argumentation.
N'importe quoi. On va arrêter là le massacre réflexif. Adèle, tes cachetons. Pas des ecstas, des tranquillisants. Cette fumeuse philosophie que voilà s'apparente à des conceptions religieuses de type animistes. A moins de vouloir tout récupérer sous l'étendard décati de la philosophie, qui à force de s'épuiser à faire sens reprend les anciens sens pour les intégrer aux nouveaux faux sens, on nage dans la mauvaise interprétation et la confusion patente. Sens interdit. La technique du commentaire permet de tout commenter et d'opérer des distinctions fallacieuses entre les donnés datés. Une fois le postulat sur le caractère philosophique des Inuits entériné, ne reste plus qu'à différencier les philosophies de la constatation des philosophies de l'argumentation et à s'extasier sur le caractère révolutionnaire de cette constatation, en oubliant que l'on désigne le vieux polythéisme comme un ouvrage dernier cri.
Bref, une fois de plus, une fois de trop, on a fait du neuf avec de l'ancien. Par ailleurs, l'expression de "philosophies de l'ailleurs" est à rapprocher de la valeur que Rosset, l'immanentiste terminal, confère à ce terme. Enthoven Jr. est un disciple fervent de Rosset. Selon Rosset, l'ailleurs est le synonyme de la duplication fantomatique. Selon cette grille de lecture, les philosophie de l'ailleurs désignent l'application de l'illusion : les philosophies de l'ailleurs sont illusoires! Sous couvert d'étudier par ouverture d'esprit les différences déniées injustement, on sous-entendrait grossièrement que seul ce qui est occidental est philosophique.
Non seulement c'est une mentalité emplie de préjugés, mais en plus c'est vraiment du recyclage. Pensez-vous que j'exagère? Eh bien, rendons-nous à l'émission consacrée à la philosophie africaine. Vous allez prendre conscience de l'ampleur des préjugés qui animent sous couvert d'ailleurs les cervelles trop conformistes de la bande à Enthoven Jr. Nous avons eu droit à un examen des pensées hébraïques, tibétaines et indiennes. Cette fois, on ne parle plus de pensées africaines, mais de philosophie. Au départ, ça fait mieux, mais vous allez vite comprendre le piège.
On invite deux commentateurs de philosophie, qui se sont distingués par des commentaires sur des commentateurs. Pigé? Piégé? Le but est de dresser le tableau de l'histoire de la philosophie africaine. Au lieu d'aborder les sagesses africaines, ou les pensées religieuses africaines, on se limitera à l'étude de ce que les commentateurs africains sous-pensent de la philosophie occidentale. Le tout sous couvert de critiquer le discours de Sarkozy à Dakar, déjà attaqué par l'étendard ultralibéral antiraciste de gauche BHL comme quintessence du racisme. Hegel est ébranlé, mais seulement pour ses envolées racistes, qui seraient la référence philosophique derrière le discours de Sarko/Guaino.
Autant vous le dire de suite : la méthode consistant à critiquer l'occidentalisme passé pour le remplacer pour un occidentaliste du jour est de l'impérialisme néocolonialiste. Au lieu de nous bassiner avec l'histoire de la philosophie africaine contemporaine, puis l'adaptation des philosophes occidentaux à la décolonisation africaine, pourquoi avoir invité un spécialiste de Cheikh Anta Diop, le théoricien (contesté) de l'afrocentricité comme reconquête de l'histoire africaine et de l'Egypte antique, pour nous parler de commentateurs mineurs et de néo-hégélianisme proto-africain?
Le plus stupéfiant dans ce néocolonialisme déguisé en antiracisme avant-gardiste (à la sauce Dray?), c'est de constater la liste des sujets de discussion abordés au cours de cet entretien, qui se veut une copie fidèle de l'art de la conversation légué par le Grand Siècle et la haute culture française. J'ai dressé le relevé. Que l'on juge :
1) citation de Sartre autour de la négritude, de l'imaginaire et de la décolonisation.
2) De l'usage de Hegel retourné contre le racisme occidental, en particulier de son concept de négation.
3) Un certain commentateur camerounais Towa, dont la stature est mineure au sein des commentateurs, ce qui en dit long sur son statut philosophique, sera utilisé pour aborder l'usage que l'on peut faire de Hegel en Afrique.
Pourtant, Towa a fermement critiqué l'amalgame grossier entre vision du monde et philosophie, amalgame auquel se livrent sans ciller les commentateurs partisans des NCC.
En outre, on aborde brièvement les maîtres de Towa, Goldmann, Ricoeur et Marcuse, trois Occidentaux.
4) On passe à partir de Hegel à la critique du discours de Dakar de Sarkozy.
Faux débat autour de Merleau-Ponty et d'éventuels préjugés colonialistes dans certains de ses écrits.
5) Bergson.
6) On se demande quand même si Sartre n'était pas un peu ambivalent en matière de préjugés colonialistes et impérialistes (tu m'étonnes!).
7) Pour finir, Enthoven Jr. annonce la fin de l'émission sans avoir évoqué à aucun moment la philosophie africaine. Petit exploit de désinformation, il aura abordé l'histoire de la philosophie occidentale par le prisme de l'histoire de la philosophie africaine contemporaine, en laissant entendre :
a) que cette histoire de la philosophie africaine est si moribonde qu'elle copie servilement l'histoire de la philosophie occidentale;
b) qu'il n'existe pas de philosophie africaine, seulement une histoire fragile de la philosophie africaine;
c) que les critiques contre la mentalité impérialiste occidentale n'obèrent en rien la supériorité de l'Occident en matière de philosophie (qui est la plus haute activité humaine il va sans dire).
Quand on a compris que la mentalité des clones-clowns identiques au sinistre Enthoven Jr. consistait à rédupliquer l'antiracisme raciste de leurs devanciers, en particulier celui des Nouveaux philosophes emmenés par (ex) beau-papa BHL, on comprend comment on peut charrier un néocolonialisme, un néo-racisme et un néo-occidentalisme qui se présentent comme des oppositions ultra tolérantes et ultra critiques au colonialisme, au racisme et à l'occidentalisme dans la mesure où elles ne changent rien du tout.
Toujours la tactique du neuf avec l'ancien. Il serait temps de se demander si l'élitisme extrémiste qu'affiche Enthoven Jr. dans le choix de ses invités ou dans son amalgame grossier entre philosophie et pensée religieuse, surtout quand la pensée religieuse est primitive ou polythéiste, ne ressortit pas tout simplement de l'intolérance la plus évidente, de l'occidentalisme, de l'impérialisme ou d'un sentiment diffus de supériorité qui tiendrait autant à ses titres universitaires, comme d'autres exhibent leurs titres de noblesse, qu'à ses origines de sioniste proto-spinoziste et ultra-nanti sis aux abords du Boulevard Saint-Germain.
Le plus simple sera de citer le commentaire Wikipédia concernant le commentateur camerounais Towa lui-même : "Marcien Towa, philosophe camerounais né vers 1935 a pourfendu les thèses de Léopold Sédar Senghor sur la négritude qu'il assimile au néo-colonialisme. Dans « L'essai sur la problématique philosophique de l'Afrique » (1971), il dénonce l'éthnophilosophie qui assimile la philosophie à n'importe quelle vison du monde. Mais dans « L'idée d'une philosophie africaine » (1979), après avoir critiqué la pensée mythique, domaine de l'opinion reçue, il tente en s'appuyant sur les exemples empruntés à l'Egypte et aux contes de l'Afrique noire, de montrer qu'il y a une véritable tradition philosophique africaine."
A-t-on abordé ce sujet autrement plus intéressant que l'histoire de la philosophie africaine, qui aurait permis de citer des penseurs autrement plus pertinents que Hegel ou Sartre sur l'Afrique? Que nenni, on s'est contenté de commencer l'émission en prétendant sortir l'Afrique de la naturalité et du colonialisme pour au final mieux l'y enfoncer. Je m'étonne que des commentateurs de philosophie africaine aient accepté de se laisser manipuler de la sorte et de n'aborder l'Afrique qu'à la condition expresse de n'en pas parler en propre, seulement du côté du prisme déformateur et colonialiste de l'Occident.
C'est un scandale, qu'on vous dit! Comprenez-vous enfin pourquoi les NCC abordent la philosophie africaine - et pas la pensée africaine? Si vous voulez conforter l'idée selon laquelle Enthoven Jr. propage une propagande d'occidentaliste impérialiste et colonialiste, alors venez-en à l'émission consacrée à la pensée juive. Cette fois, il n'est plus question de philosophie juive. Quand on aborde le judaïsme, on redevient miraculeusement rigoureux - et dénué de mauvaise foi. Serrait-ce qu'Enthoven Jr. vienne d'un milieu sioniste irréfutable et qu'il a invité un rabbin du même tonneau?
On va tout de suite comprendre à quel type de commentateurs nous avons affaire, en particulier Enthoven Jr., qui est tout sauf objectif et qui ajoute à la médiocrité la partialité la plus veule. Le rabbin commence par définir la pensée juive comme le lieu de l'hétéronomie, soit la pensée humaine comme commentaire de la parole divine. Soit. Il s'agit ni plus ni moins d'une approche théologique, qui n'a rien de spécifique au judaïsme, contrairement à ce que le rabbin et Enthoven cherchent à faire entendre.
La définition de l'interprétation juive consiste à adapter la parole divine à ses contemporains. C'est exactement le travail de n'importe quel théologien par rapport à l'immuabilité de la parole divine. La tâche du commentateur nous ramène aux historiens de la philosophie. Qu'un théologie soit commentateur de la parole divine se comprend : la parole divine est inépuisable et infinie. Mais qu'un commentateur de philosophie commente indique qu'il épuise la parole humaine.
Enthoven Jr. appartient à la caste élitiste et narcissique des destructeurs de la pensée, qui ne pensent pas et qui font mine de penser en dépensant les pensées - des autres. Enthoven Jr. est passé du statut de commentateur juif à celui de commentateur philosophique. Il a fait pire que ne pas évoluer : il a régressé, bien en dessous d'un Derrida ou d'autres herméneutes, devenus commentateurs sans doute parce qu'ils étaient marqués par le judaïsme et qu'ils entendaient faire de la philosophie un gigantesque terrain de commentaire reconverti en domaine de la pensée.
Je ne sais pas si l'on se rend bien compte, mais en se dépensant à commenter sous prétexte de penser, ces gens ont détruit la pensée. Pas la pensée humaine, mais la pensée philosophique, siège de la mauvaise foi et du mensonge retentissant depuis cinquante ans au moins. Enthoven Jr. fait pire que détruire : il explique pourquoi il se range dans la catégorie des rebelles du sionisme. Dieu reconnaîtra les seins. N'a-t-il pas épousé Spinoza - plus qu'une Carla B. ou n'importe quelle actrice d'obédience sioniste? Spinoza est ce juif chassé de sa communauté pour blasphème.
Spinoza a le front de demander si Spinoza ne serait pas plus juif que les juifs qui l'ont excommunié au motif qu'il ferait avant tout du commentaire. Ah bon? Faire du commentaire, c'est être juif? Le rabbin a quand même le bon goût de rétorquer qu'il ne suffit pas de commenter pour être juif. Encorde faut-il reconnaître que l'origine de la parole juive est divine et qu'elle n'est pas interprétable. L'hyperrationnalisme interprétatif de Spinoza en fait certainement un herméneute, mais d'un type particulier : un immanentiste qui interprète tout et qui de ce fait est le lointain ancêtre d'un Derrida. Saisi par la folie du commentaire, notre malsain déconstructeur (qui détruit le toc et ne reconstruit point) en est venu petit à petit à tout commenter, surtout les marges, dans un style abscons et jargonnant de surcroît.
Enfin, le lien entre l'idéologie sioniste et le judaïsme est abordé. Ce qui frappe au cours de cette analyse, c'est qu'à aucun moment, le bien-fondé du sionisme et/ou d'Israël ne sera remis en question ou discuté. On postule qu'Israël est forcément un État bon et inaliénable. Le sionisme est forcément une idéologie positive. C'est ça, le commentaire? On critique tout, sauf les idéologies et les peuples? Enthoven Jr. fait mine de poser une question philosophique concernant le lien entre la loi juive et la loi démocratique israélienne, mais chacun a compris son parti-pris idéologique extrémiste. Il se montre fervent supporter d'Israël et du sionisme à la mode spinozo-rebelle. Loin de se calmer, il dérape vigoureusement en évoquant les juifs extrémistes et minoritaires qui seraient proches de la théocratie iranienne.
Du pur BHL chez le fils du meilleur ami de. Une paille ma caille. Peccadille de racaille. Coïncidence sans faille. Évanescence du rail. Il va sans dire que l'Iran est de facto une théocratie extrémiste et mauvaise, quand Israël serait de jure un État pas comme les autres, où le mélange entre théocratie et démocratie serait possible. Un État extraordinaire et hors normes. Bigre! La mauvaise foi est palpable dans cette fausse distinction, ce règne du deux poids, deux mesures, cette argutie permanente, et l'on comprend que l'examen de la pensée juive aura donné lieu au soutien inconditionnel au sionisme et à Israël sous prétexte d'interrogations pseudo-philosophiques sur la compatibilité entre théocratie et démocratie, entre loi divine et loi humaine, etc. La mauvaise foi est palpable dans des distinctions foireuses pas comme les autres. Retenez la justification irréfutable : Israël n'est pas comme les autres, donc il est excusé dans ses crimes, ses illégalités et son terrorisme.
Cet irrationalisme est la marque de fabrique de la propagande, qui s'appuie sur l'inexplicable. Nous y sommes. Pas comme les autres. Inexpliqué. Pendant qu'Enthoven Jr. cite pour finir Jankélévitch sur le juif, la différence et l'antisémitisme, nous laisserons la nullité abyssale du propos à l'entière responsabilité de ses auteurs propagandistes. Selon cette citation, le juif est inattaquable. Il découle soit de la construction de l'antisémitisme, soit de l'expression de la différence. Dans les deux cas, il sort du lot et il échappe à toute possibilité de critique. Inattaquable, qu'on vous dit. Du pur antiantisémitisme, du pur antiracisme, le tout sur fond d'intolérance, d'élitisme, d'inégalitarisme et de racisme larvés.
Bingo! banco! Nous comprenons que la supériorité élitiste, ethnocentriste, impérialiste et sioniste qui émanait du ton d'Enthoven Jr. lors de cette émission repose sur l'idée qu'il appartient à la caste de ceux qui échappent à la critique. Enthoven Jr. peut tout se permettre. Inexplicable, il est l'incarnation de l'homme supérieur. Qu'il dérape avec Carla B., la morale n'existe pas. Spinoza et Nietzsche. Qu'il dérape avec ses commentaires lamentables, en écrivant ses compilations de sornettes potaches, Enthoven Jr. sera toujours un supérieur. Ce sentiment de supériorité, qui n'est pas l'apanage du sionisme, mais qui indique que le sionisme est le rejeton de l'occidentalisme, sous-tend que la mentalité de ces élitistes flirte dangereusement avec le racisme. Le raciste se croit supérieur du fait de son appartenance à une race supérieure.
L'élitiste se croit supérieur de fait de son appartenance à une élite - supérieure. Élite intellectuelle, sociale et idéologique chez Enthoven Jr. C'est ainsi qu'il s'autorise toutes les cochonneries intellectuelles en citant Clément Rosset comme parole d'Évangile (évangile immanentiste peut-être!); en proposant la pensée juive comme pensée d'ailleurs, alors que le judaïsme est intime à la culture occidentale et française; en propageant les pires préjugés sur les cultures africaines réduites à la philosophie africaine.
Heureusement que je connais quelque peu le judaïsme - et certains juifs. Si je m'en tenais à la discussion entre Enthoven Jr. et le rabbin, je croirais que le juif est un être qui se croit différent, supérieur, incontestable (si on le conteste, on est antisémite), narcissique et incapable de comprendre le monde (ce qui est un comble pour un autoproclamé philosophe).
La seule idée que je comprends au sortir de cette discussion stérile et mensongère, c'est que l'amalgame ambigu mais net entre le sionisme et le judaïsme par le rabbin et Enthoven Jr. leur permet de conforter et d'exprimer la mutation du religieux en idéologie. Il va de soi que ces deux juifs sionistes ne représentent ni le sionisme, ni surtout le judaïsme. Il va de soi que nos deux commentateurs n'arriveraient pas à l'orteil de Maïmonide, ce qui est apaisant pour le judaïsme et pour l'homme. Mais cette mutation vers l'idéologie, ici exprimée par le destin de certains juifs ayant autorité, indique le dessein de l'immanentisme. Détruire les religions et faire en sorte qu'elles s'adaptent au nihilisme.
Chose faite avec le projet sioniste, qui est un projet idéologique patent et qui a le mérite de transformer une religion de l'entre-deux (entre polythéisme et monothéisme; tribalisme et universalisme) en idéologie de plus en plus raciste, violente, destructrice, prédatrice, colonisatrice et impérialiste à mesure qu'elle fait injure au réel. Ce n'est pas le judaïsme qui est nauséabond. C'est sa version idéologique extrémiste et élitiste. Ce n'est pas l'Occident qui sent le poison. C'est sa version occidentaliste, dont l'atlantisme est à cette heure l'expression la plus avariée et fidèle.
Sa réussite académique et scolaire illustre la faillite de l'académisme et de l'élitisme : on forme des répétiteurs savants, des perroquets fous, qui n'apportent rien de nouveau et qui à force de rabâcher l'air des autres finissent en roquets faux et en fauves pervers. Il serait temps de comprendre que l'amalgame de la philosophie et de l'histoire de la philosophie permet à de purs répétiteurs de passer pour des créateurs. La création de type immanentiste est laissée aux experts ou aux commentateurs, selon qui seule l'évocation ultra précise du donné passé ressortit de la pensée et de la création.
Créer n'est pas imiter. Nos clinquants académistes ont d'autant plus de difficulté à intégrer cette idée pourtant simple qu'ils sont perclus d'arrogance du fait de leur réussite scolaire. Leur égo boursoufflé, surdimensionné, peine à admettre qu'il sont des savants certes, mais que leur savoir ne leur délivre en aucun cas le visa de la création, de la différence, de l'originalité, de l'innovation, du changement. Autant il importe de respecter le savoir qui se donne comme tel, autant il est capital en cette période d'effondrement systémique de saisir l'imposture immanentiste qui consiste à amalgamer la création et l'imitation.
Comme il est facile de fabriquer un perroquet savant et qu'il est encore impossible de créer un créateur, nos immanentistes saisis de bouffées de démesure entendent personnifier la création au sous-nom de leur académisme pompier et pompeux. Heureuse justice immanente ou cru rappel des faits, simple piqure de rappel peut-être, l'académisme créatif accouche du médiocre et du clinquant. Les savants jouant le jeu de la création sont des pédants et des snobs qui évoquent irrésistiblement le comique du clan Verdurin.
Chez Proust, le snobisme vient de la rencontre du sentiment de supériorité avec l'erreur la plus obvie. D'où vient cette erreur? Les Verdurin croient que les valeurs de leur clan sont supérieures - justement. Mais l'illusion de supériorité repose sur l'académisme forcené, la répétition viscérale, l'imitation délurée. Parmi les mille passages indiquant avec un humour féroce et satirique ce lien entre le snobisme et l'académisme, soit l'erreur fondamentale d'une époque folle, je pense aux interventions du professeur Cottard, qui se croit supérieur parce qu'il débite un savoir médical reconnu - de son temps.
Quand Cottard transpose ce savoir à d'autres disciplines, en particulier à la création artistique, il sombre dans les outrances du snobisme et de l'illusion replète. Le lecteur rit de ce personnage ridicule, qui se croit d'autant plus au-dessus qu'il est dans les choux. Idem avec les Normaliens de NCC (abréviation classe et lasse, comme cette manie de l'abréviation qui saisit cette génération de propagandistes immanentistes versés dans le commentaire et la cabale fort peu ésotérique).
L'ambition de ces jeunes (mauvaises) gens est de prouver qu'ils sont les meilleurs. Tout simplement. Comme ils sont mauvais, alliage de l'excellence mimétique et de la nullité créatrice, nos étalons-plombs font dans les tics du toc : prouver qu'ils innovent par les méthodes les plus éculées qui soient. Chaque semaine des NCC est consacrée à un thème ou un auteur, qui donnent lieu à des commentaires érudits en compagnie d'invités excellant dans leur savoir particulier - qui se prennent le plus souvent pour des créateurs.
La semaine du lundi 31 août au vendredi 4 septembre est consacrée aux philosophies d'ailleurs en partenariat avec le magazine de philosophie branché Philosophie magazine et sous le patronage du ponte de ce type de philosophie qui consiste à commenter sans rien inventer - Roger-Paul Droit.
Que le monde des Normaliens est petit! Normal qu'Enthoven ne travaille qu'avec des Normaliens et n'invite que des Normaliens, tous agrégés de philosophie et repus de titres scintillants - ou presque. Ce n'est pas tout : Roger-Paul Droit, lui-même Normalien et agrégé de philosophie, collabore aux thèmes philosophiques du magazine ultralibéral Le Point, là où œuvrait le grand propagandiste atlantiste Revel. On y retrouve le père de Raphaël, l'éditeur classieux et commercial Jean-Paul, ami de BHL.
Comme par enchantement, BHL intervient en fin de numéro pour nous gratifier de numéros nullissimes et décalés, où il se prend pour Mauriac, alors qu'il n'a toujours pas compris que ses titres - Normalien et agrégé - ne lui confèrent en rien des facultés de création, au demeurant chez lui totalement absentes. Pour ce qui est de Philosophie magazine, dirigé par un certain Alexandre Lacroix (apparenté au philosophe personnaliste Jean Lacroix?), Raphaël Enthoven en est un conseiller et y livre chaque mois une chronique affligeante de goût convenu. Pour donner dans l'original, Enthoven abonde en jeux de mots sans se rendre compte qu'ils sont les maux de sa vacuité de pensée et de style.
Si tu n'as pas de style, lâche ton stylet! Enthoven Jr. abonde en opus flasques à la mesure de ses déficiences qualitatives. Si l'on veut se donner la peine de juger, que l'on parcourt son traité de philosophie dernier, une récupération systématique de ses chroniques éparpillées. Le marigot de la philosophie parisianiste, circonscrite en son cercle intime à Saint-Germain des Pets, croit sans doute que le maître-mot de la différence, c'est la répétition. Créer, c'est imiter.
Rien d'étonnant dès lors à ce que cette mentalité perverse accouche d'une méthode hilarante et incohérente, selon laquelle le neuf est l'ancien. C'est ainsi que R.P. Droit, comme un iota d'Ionie, clôture cette semaine par une intervention remarquable : on n'y apprend rien. Le brillant ici consiste à abonder en références savantes et en doctes considérations puisées à la meilleure source de l'érudition. Droit (dans ses bottes) reprend le à la mode Nietzsche pour expliquer que l'affirmation inconditionnelle exprime la différence entre la philosophie et la sagesse.
La spécificité de la philosophie serait de dire oui à la vie, quand la sagesse se contenterait d'accepter la vie avec ses oui et ses non. Droit oppose les vies de Diogène le vivifiant à un saint mortifère du non (dont j'ai oublié jusqu'au nom). Droit comme Iéna se rend-il compte qu'il dit vague par ses courants d'air philosophiques? D'abord, toujours affirmer est impossible. Rester toujours impassible ne l'est pas moins. Pour ce faire, il faut intégrer une mentalité dans laquelle le néant existe. Si le néant existe positivement, alors effectivement l'Éternel Retour est une mentalité qui se conçoit : quoi que tragique, le sensible demeure le seul réel et mérite d'être entièrement acquiescé.
Accessoirement, l'on finit fou, mais c'est un pis-aller dans ce monde joyeux, chaotique et si imprévisible. Parler pour ne rien dire, méthode de cette clique de Normaliens convenus et stéréotypés, dont l'excellence virtuose cache à grand peine la supercherie : rien de nouveau, sous le soleil - que du commentaire. No sun, no comment. Quand on est dans l'hétéronome, le commentaire, OK. En philosophie, le commentaire autonome, KO. C'est ainsi qu'à la suite de l'intervention vide de Droit, nous avons affaire à la grande innovation éditoriale des NCC 2009/2010 : la chronique finale d'une Normalienne agrégée de philosophie qui va nous présenter un livre. Du resucé et du pompé, quoi.
On a l'habitude. Pourtant, l'annonce vaut le déplacement. Après avoir fait la promo classique de Philosophie magazine, partenaire naturel et excellent (dixit Jr.) de l'émission affiliée du sieur Enthoven Jr., notre Adèle normalienne nous explique que le numéro consacré à quitter l'Occident pour découvrir l'ailleurs est construit sans aucune référence à un penseur occidental (Adèle propose poseur en place de penseur). Pour preuve de ce numéro d'équilibriste admirable, Adèle ose un exemple : afin de rendre accessible les philosophies d'ailleurs à nos cerveaux d'Occidentaux, comme si les Occidentaux n'étaient pas des hommes de la même race que ces penseurs de l'ailleurs, Adèle nous emmène chez les Inuits.
Afin de mieux comprendre la philosophie inuit, Philosophie magazine a interrogé l'anthropologue français Jean Mallaurie, un grand ponte français de l'académisme exotique, éditeur de Lévi-Strauss et auteur à succès. Je manque de tomber de mon siège tellement je m'esclaffe. Voilà une vertu de ces historiens de la philosophie : leur bêtise est fondante de naïveté. Pour comprendre la philosophie inuit, c'est inouï, on convoque un traducteur, interprète et commentateur français!!!
Outre cet ethnocentrisme travesti en culte de la pensée de l'ailleurs, Adèle s'attèle à nous détailler en quoi consiste la philosophie inuit... Roulement de tambour : "La Nature est chargée d'énergie, dans laquelle il s'agit de puiser pour établir une harmonie fusionnelle". Que c'est neuf! Que c'est renversant! Le but des philosophes inuits est de se trouver englobé dans cette nature, comme l'animal ou la pierre. Révolutionnaire! Ma compréhension du monde s'en trouve bouleversifiée! Je pèse mes mots d'émotion. Conclusion tout à fait logique d'Adèle la rationnelle : on peut donc bien parler de philosophie inuit, à condition de comprendre qu'il s'agit d'une philosophie de la constatation et non de l'argumentation.
N'importe quoi. On va arrêter là le massacre réflexif. Adèle, tes cachetons. Pas des ecstas, des tranquillisants. Cette fumeuse philosophie que voilà s'apparente à des conceptions religieuses de type animistes. A moins de vouloir tout récupérer sous l'étendard décati de la philosophie, qui à force de s'épuiser à faire sens reprend les anciens sens pour les intégrer aux nouveaux faux sens, on nage dans la mauvaise interprétation et la confusion patente. Sens interdit. La technique du commentaire permet de tout commenter et d'opérer des distinctions fallacieuses entre les donnés datés. Une fois le postulat sur le caractère philosophique des Inuits entériné, ne reste plus qu'à différencier les philosophies de la constatation des philosophies de l'argumentation et à s'extasier sur le caractère révolutionnaire de cette constatation, en oubliant que l'on désigne le vieux polythéisme comme un ouvrage dernier cri.
Bref, une fois de plus, une fois de trop, on a fait du neuf avec de l'ancien. Par ailleurs, l'expression de "philosophies de l'ailleurs" est à rapprocher de la valeur que Rosset, l'immanentiste terminal, confère à ce terme. Enthoven Jr. est un disciple fervent de Rosset. Selon Rosset, l'ailleurs est le synonyme de la duplication fantomatique. Selon cette grille de lecture, les philosophie de l'ailleurs désignent l'application de l'illusion : les philosophies de l'ailleurs sont illusoires! Sous couvert d'étudier par ouverture d'esprit les différences déniées injustement, on sous-entendrait grossièrement que seul ce qui est occidental est philosophique.
Non seulement c'est une mentalité emplie de préjugés, mais en plus c'est vraiment du recyclage. Pensez-vous que j'exagère? Eh bien, rendons-nous à l'émission consacrée à la philosophie africaine. Vous allez prendre conscience de l'ampleur des préjugés qui animent sous couvert d'ailleurs les cervelles trop conformistes de la bande à Enthoven Jr. Nous avons eu droit à un examen des pensées hébraïques, tibétaines et indiennes. Cette fois, on ne parle plus de pensées africaines, mais de philosophie. Au départ, ça fait mieux, mais vous allez vite comprendre le piège.
On invite deux commentateurs de philosophie, qui se sont distingués par des commentaires sur des commentateurs. Pigé? Piégé? Le but est de dresser le tableau de l'histoire de la philosophie africaine. Au lieu d'aborder les sagesses africaines, ou les pensées religieuses africaines, on se limitera à l'étude de ce que les commentateurs africains sous-pensent de la philosophie occidentale. Le tout sous couvert de critiquer le discours de Sarkozy à Dakar, déjà attaqué par l'étendard ultralibéral antiraciste de gauche BHL comme quintessence du racisme. Hegel est ébranlé, mais seulement pour ses envolées racistes, qui seraient la référence philosophique derrière le discours de Sarko/Guaino.
Autant vous le dire de suite : la méthode consistant à critiquer l'occidentalisme passé pour le remplacer pour un occidentaliste du jour est de l'impérialisme néocolonialiste. Au lieu de nous bassiner avec l'histoire de la philosophie africaine contemporaine, puis l'adaptation des philosophes occidentaux à la décolonisation africaine, pourquoi avoir invité un spécialiste de Cheikh Anta Diop, le théoricien (contesté) de l'afrocentricité comme reconquête de l'histoire africaine et de l'Egypte antique, pour nous parler de commentateurs mineurs et de néo-hégélianisme proto-africain?
Le plus stupéfiant dans ce néocolonialisme déguisé en antiracisme avant-gardiste (à la sauce Dray?), c'est de constater la liste des sujets de discussion abordés au cours de cet entretien, qui se veut une copie fidèle de l'art de la conversation légué par le Grand Siècle et la haute culture française. J'ai dressé le relevé. Que l'on juge :
1) citation de Sartre autour de la négritude, de l'imaginaire et de la décolonisation.
2) De l'usage de Hegel retourné contre le racisme occidental, en particulier de son concept de négation.
3) Un certain commentateur camerounais Towa, dont la stature est mineure au sein des commentateurs, ce qui en dit long sur son statut philosophique, sera utilisé pour aborder l'usage que l'on peut faire de Hegel en Afrique.
Pourtant, Towa a fermement critiqué l'amalgame grossier entre vision du monde et philosophie, amalgame auquel se livrent sans ciller les commentateurs partisans des NCC.
En outre, on aborde brièvement les maîtres de Towa, Goldmann, Ricoeur et Marcuse, trois Occidentaux.
4) On passe à partir de Hegel à la critique du discours de Dakar de Sarkozy.
Faux débat autour de Merleau-Ponty et d'éventuels préjugés colonialistes dans certains de ses écrits.
5) Bergson.
6) On se demande quand même si Sartre n'était pas un peu ambivalent en matière de préjugés colonialistes et impérialistes (tu m'étonnes!).
7) Pour finir, Enthoven Jr. annonce la fin de l'émission sans avoir évoqué à aucun moment la philosophie africaine. Petit exploit de désinformation, il aura abordé l'histoire de la philosophie occidentale par le prisme de l'histoire de la philosophie africaine contemporaine, en laissant entendre :
a) que cette histoire de la philosophie africaine est si moribonde qu'elle copie servilement l'histoire de la philosophie occidentale;
b) qu'il n'existe pas de philosophie africaine, seulement une histoire fragile de la philosophie africaine;
c) que les critiques contre la mentalité impérialiste occidentale n'obèrent en rien la supériorité de l'Occident en matière de philosophie (qui est la plus haute activité humaine il va sans dire).
Quand on a compris que la mentalité des clones-clowns identiques au sinistre Enthoven Jr. consistait à rédupliquer l'antiracisme raciste de leurs devanciers, en particulier celui des Nouveaux philosophes emmenés par (ex) beau-papa BHL, on comprend comment on peut charrier un néocolonialisme, un néo-racisme et un néo-occidentalisme qui se présentent comme des oppositions ultra tolérantes et ultra critiques au colonialisme, au racisme et à l'occidentalisme dans la mesure où elles ne changent rien du tout.
Toujours la tactique du neuf avec l'ancien. Il serait temps de se demander si l'élitisme extrémiste qu'affiche Enthoven Jr. dans le choix de ses invités ou dans son amalgame grossier entre philosophie et pensée religieuse, surtout quand la pensée religieuse est primitive ou polythéiste, ne ressortit pas tout simplement de l'intolérance la plus évidente, de l'occidentalisme, de l'impérialisme ou d'un sentiment diffus de supériorité qui tiendrait autant à ses titres universitaires, comme d'autres exhibent leurs titres de noblesse, qu'à ses origines de sioniste proto-spinoziste et ultra-nanti sis aux abords du Boulevard Saint-Germain.
Le plus simple sera de citer le commentaire Wikipédia concernant le commentateur camerounais Towa lui-même : "Marcien Towa, philosophe camerounais né vers 1935 a pourfendu les thèses de Léopold Sédar Senghor sur la négritude qu'il assimile au néo-colonialisme. Dans « L'essai sur la problématique philosophique de l'Afrique » (1971), il dénonce l'éthnophilosophie qui assimile la philosophie à n'importe quelle vison du monde. Mais dans « L'idée d'une philosophie africaine » (1979), après avoir critiqué la pensée mythique, domaine de l'opinion reçue, il tente en s'appuyant sur les exemples empruntés à l'Egypte et aux contes de l'Afrique noire, de montrer qu'il y a une véritable tradition philosophique africaine."
A-t-on abordé ce sujet autrement plus intéressant que l'histoire de la philosophie africaine, qui aurait permis de citer des penseurs autrement plus pertinents que Hegel ou Sartre sur l'Afrique? Que nenni, on s'est contenté de commencer l'émission en prétendant sortir l'Afrique de la naturalité et du colonialisme pour au final mieux l'y enfoncer. Je m'étonne que des commentateurs de philosophie africaine aient accepté de se laisser manipuler de la sorte et de n'aborder l'Afrique qu'à la condition expresse de n'en pas parler en propre, seulement du côté du prisme déformateur et colonialiste de l'Occident.
C'est un scandale, qu'on vous dit! Comprenez-vous enfin pourquoi les NCC abordent la philosophie africaine - et pas la pensée africaine? Si vous voulez conforter l'idée selon laquelle Enthoven Jr. propage une propagande d'occidentaliste impérialiste et colonialiste, alors venez-en à l'émission consacrée à la pensée juive. Cette fois, il n'est plus question de philosophie juive. Quand on aborde le judaïsme, on redevient miraculeusement rigoureux - et dénué de mauvaise foi. Serrait-ce qu'Enthoven Jr. vienne d'un milieu sioniste irréfutable et qu'il a invité un rabbin du même tonneau?
On va tout de suite comprendre à quel type de commentateurs nous avons affaire, en particulier Enthoven Jr., qui est tout sauf objectif et qui ajoute à la médiocrité la partialité la plus veule. Le rabbin commence par définir la pensée juive comme le lieu de l'hétéronomie, soit la pensée humaine comme commentaire de la parole divine. Soit. Il s'agit ni plus ni moins d'une approche théologique, qui n'a rien de spécifique au judaïsme, contrairement à ce que le rabbin et Enthoven cherchent à faire entendre.
La définition de l'interprétation juive consiste à adapter la parole divine à ses contemporains. C'est exactement le travail de n'importe quel théologien par rapport à l'immuabilité de la parole divine. La tâche du commentateur nous ramène aux historiens de la philosophie. Qu'un théologie soit commentateur de la parole divine se comprend : la parole divine est inépuisable et infinie. Mais qu'un commentateur de philosophie commente indique qu'il épuise la parole humaine.
Enthoven Jr. appartient à la caste élitiste et narcissique des destructeurs de la pensée, qui ne pensent pas et qui font mine de penser en dépensant les pensées - des autres. Enthoven Jr. est passé du statut de commentateur juif à celui de commentateur philosophique. Il a fait pire que ne pas évoluer : il a régressé, bien en dessous d'un Derrida ou d'autres herméneutes, devenus commentateurs sans doute parce qu'ils étaient marqués par le judaïsme et qu'ils entendaient faire de la philosophie un gigantesque terrain de commentaire reconverti en domaine de la pensée.
Je ne sais pas si l'on se rend bien compte, mais en se dépensant à commenter sous prétexte de penser, ces gens ont détruit la pensée. Pas la pensée humaine, mais la pensée philosophique, siège de la mauvaise foi et du mensonge retentissant depuis cinquante ans au moins. Enthoven Jr. fait pire que détruire : il explique pourquoi il se range dans la catégorie des rebelles du sionisme. Dieu reconnaîtra les seins. N'a-t-il pas épousé Spinoza - plus qu'une Carla B. ou n'importe quelle actrice d'obédience sioniste? Spinoza est ce juif chassé de sa communauté pour blasphème.
Spinoza a le front de demander si Spinoza ne serait pas plus juif que les juifs qui l'ont excommunié au motif qu'il ferait avant tout du commentaire. Ah bon? Faire du commentaire, c'est être juif? Le rabbin a quand même le bon goût de rétorquer qu'il ne suffit pas de commenter pour être juif. Encorde faut-il reconnaître que l'origine de la parole juive est divine et qu'elle n'est pas interprétable. L'hyperrationnalisme interprétatif de Spinoza en fait certainement un herméneute, mais d'un type particulier : un immanentiste qui interprète tout et qui de ce fait est le lointain ancêtre d'un Derrida. Saisi par la folie du commentaire, notre malsain déconstructeur (qui détruit le toc et ne reconstruit point) en est venu petit à petit à tout commenter, surtout les marges, dans un style abscons et jargonnant de surcroît.
Enfin, le lien entre l'idéologie sioniste et le judaïsme est abordé. Ce qui frappe au cours de cette analyse, c'est qu'à aucun moment, le bien-fondé du sionisme et/ou d'Israël ne sera remis en question ou discuté. On postule qu'Israël est forcément un État bon et inaliénable. Le sionisme est forcément une idéologie positive. C'est ça, le commentaire? On critique tout, sauf les idéologies et les peuples? Enthoven Jr. fait mine de poser une question philosophique concernant le lien entre la loi juive et la loi démocratique israélienne, mais chacun a compris son parti-pris idéologique extrémiste. Il se montre fervent supporter d'Israël et du sionisme à la mode spinozo-rebelle. Loin de se calmer, il dérape vigoureusement en évoquant les juifs extrémistes et minoritaires qui seraient proches de la théocratie iranienne.
Du pur BHL chez le fils du meilleur ami de. Une paille ma caille. Peccadille de racaille. Coïncidence sans faille. Évanescence du rail. Il va sans dire que l'Iran est de facto une théocratie extrémiste et mauvaise, quand Israël serait de jure un État pas comme les autres, où le mélange entre théocratie et démocratie serait possible. Un État extraordinaire et hors normes. Bigre! La mauvaise foi est palpable dans cette fausse distinction, ce règne du deux poids, deux mesures, cette argutie permanente, et l'on comprend que l'examen de la pensée juive aura donné lieu au soutien inconditionnel au sionisme et à Israël sous prétexte d'interrogations pseudo-philosophiques sur la compatibilité entre théocratie et démocratie, entre loi divine et loi humaine, etc. La mauvaise foi est palpable dans des distinctions foireuses pas comme les autres. Retenez la justification irréfutable : Israël n'est pas comme les autres, donc il est excusé dans ses crimes, ses illégalités et son terrorisme.
Cet irrationalisme est la marque de fabrique de la propagande, qui s'appuie sur l'inexplicable. Nous y sommes. Pas comme les autres. Inexpliqué. Pendant qu'Enthoven Jr. cite pour finir Jankélévitch sur le juif, la différence et l'antisémitisme, nous laisserons la nullité abyssale du propos à l'entière responsabilité de ses auteurs propagandistes. Selon cette citation, le juif est inattaquable. Il découle soit de la construction de l'antisémitisme, soit de l'expression de la différence. Dans les deux cas, il sort du lot et il échappe à toute possibilité de critique. Inattaquable, qu'on vous dit. Du pur antiantisémitisme, du pur antiracisme, le tout sur fond d'intolérance, d'élitisme, d'inégalitarisme et de racisme larvés.
Bingo! banco! Nous comprenons que la supériorité élitiste, ethnocentriste, impérialiste et sioniste qui émanait du ton d'Enthoven Jr. lors de cette émission repose sur l'idée qu'il appartient à la caste de ceux qui échappent à la critique. Enthoven Jr. peut tout se permettre. Inexplicable, il est l'incarnation de l'homme supérieur. Qu'il dérape avec Carla B., la morale n'existe pas. Spinoza et Nietzsche. Qu'il dérape avec ses commentaires lamentables, en écrivant ses compilations de sornettes potaches, Enthoven Jr. sera toujours un supérieur. Ce sentiment de supériorité, qui n'est pas l'apanage du sionisme, mais qui indique que le sionisme est le rejeton de l'occidentalisme, sous-tend que la mentalité de ces élitistes flirte dangereusement avec le racisme. Le raciste se croit supérieur du fait de son appartenance à une race supérieure.
L'élitiste se croit supérieur de fait de son appartenance à une élite - supérieure. Élite intellectuelle, sociale et idéologique chez Enthoven Jr. C'est ainsi qu'il s'autorise toutes les cochonneries intellectuelles en citant Clément Rosset comme parole d'Évangile (évangile immanentiste peut-être!); en proposant la pensée juive comme pensée d'ailleurs, alors que le judaïsme est intime à la culture occidentale et française; en propageant les pires préjugés sur les cultures africaines réduites à la philosophie africaine.
Heureusement que je connais quelque peu le judaïsme - et certains juifs. Si je m'en tenais à la discussion entre Enthoven Jr. et le rabbin, je croirais que le juif est un être qui se croit différent, supérieur, incontestable (si on le conteste, on est antisémite), narcissique et incapable de comprendre le monde (ce qui est un comble pour un autoproclamé philosophe).
La seule idée que je comprends au sortir de cette discussion stérile et mensongère, c'est que l'amalgame ambigu mais net entre le sionisme et le judaïsme par le rabbin et Enthoven Jr. leur permet de conforter et d'exprimer la mutation du religieux en idéologie. Il va de soi que ces deux juifs sionistes ne représentent ni le sionisme, ni surtout le judaïsme. Il va de soi que nos deux commentateurs n'arriveraient pas à l'orteil de Maïmonide, ce qui est apaisant pour le judaïsme et pour l'homme. Mais cette mutation vers l'idéologie, ici exprimée par le destin de certains juifs ayant autorité, indique le dessein de l'immanentisme. Détruire les religions et faire en sorte qu'elles s'adaptent au nihilisme.
Chose faite avec le projet sioniste, qui est un projet idéologique patent et qui a le mérite de transformer une religion de l'entre-deux (entre polythéisme et monothéisme; tribalisme et universalisme) en idéologie de plus en plus raciste, violente, destructrice, prédatrice, colonisatrice et impérialiste à mesure qu'elle fait injure au réel. Ce n'est pas le judaïsme qui est nauséabond. C'est sa version idéologique extrémiste et élitiste. Ce n'est pas l'Occident qui sent le poison. C'est sa version occidentaliste, dont l'atlantisme est à cette heure l'expression la plus avariée et fidèle.
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