La vraie critique du système se situe hors du système.
Quand on pose la question : comment l'Occident a pu en arriver là - les déficits insurmontables, la faillite du système, les mensonges de plus en plus grossiers, l'impérialisme travesti en liberté, le matérialisme de plus en plus dégénéré, la haine du religieux présentée comme le dépassement, la laïcité antitolérante, la démocratie libérale, la première question à poser est : quelle est la place de la critique qui s'exprime? Si c'est pour critiquer en attendant un changement du système, on demeure dans le système.
C'est le paradoxe de Marx qui prétend dépasser le capitalisme par le communisme sans se rendre compte que s'il reprend les postulats de l'École économique britannique, il ne peut que demeurer dans le giron de l'impérialisme britannique et du monétarisme. En conséquence, Marx est un libéral critique. Encore Marx entend-il corriger certaines erreurs du capitalisme et imposer son modèle communiste comme parachèvement véritable du libéralisme - le capitalisme n'étant qu'une étape dans un processus linéaire et figé, digne de la conception la plus dégénérée du matérialisme.
La critique interne au libéralisme consiste, désormais que la critique progressiste véritable (l'égalité libérale) s'est effondrée, à promouvoir une critique faussement progressiste, c'est-à-dire une critique interne au sous-libéralisme pragmatique. Le progressisme en l'occurrence consiste à faire progresser dans le cadre du pragmatisme. C'est l'ultra-libéralisme ou néo-libéralisme, que les bobos incultes sont incapables de reconnaître, si mimétiques qu'ils s'en trouvent niais, sous couvert d'avant-gardisme et de positivité con-sensualiste.
Ce déni est intéressant car il crève les yeux : l'ultra-libéralisme est le prolongement progressiste du libéralisme, qui consiste à faire progresser le libéralisme. Du coup, l'ultra-libéralisme confond entre l'utilité et la liberté en tant que fin véritable - et transforme de manière caricaturale la liberté libérale (liberté finie et fin bancale du libéralisme) en liberté des meilleurs (liberté utilitaire et pragmatique). Les théoriciens de cet ultra-libéralisme sont légions et comptent des Nobel d'économie à foison. Je ne citerai que trois papes emblématiques, von Mises, Hayek et Friedmann.
La vraie critique du système se situe hors du système. Elle élimine toute critique à l'intérieur du système. Ce n'est pas que la critique interne soit en tant que telle non-valable. C'est qu'elle ne peut permettre d'améliorer que le système critiqué. Quand le système est à changer, cette critique est inopérante. Quand le système est vicié aux fondements, toute critique interne est condamnée à reproduire les mêmes errances. Cas d'un Marx, qui sous maints aspects est un penseur politique pénétrant et intéressant, dont la mauvaise foi s'apparente le plus souvent à un refus de changer de mentalité pour sauvegarder son beau joujou idéologique appelé communisme (critique systémique interne au système libérale et immanentiste).
La critique interne devient purulente quand elle intervient au moment de la décomposition systémique, comme c'est le cas actuellement avec l'immanentisme, dont le caractère tardif et dégénéré vient de virer au rouge terminal. Cette critique est une critique dévoyée, une fausse critique, qui prétend renforcer le système dans le moment où celui-ci est condamné. La critique interne est d'autant plus fausse que le jugement est dévoyé.
C'est le cas de tous ces esprits médiocres et conformistes qui croient exprimer le point de vue du compromis progressiste en défendant des points de vue cons et damnés - condamnés. Cette fois, le cas du mouton moutonnier est exprimé par le point de vue diffus des ultra-libéraux, que ce soient les experts reconnus ou les demi-habiles (ou demi-élitistes) qui reprennent la mentalité pour mieux s'assurer d'être à la fois progressistes et consensuels. Progressisme qui signifie non pas la critique véritablement interne, mais l'acritique interne, soit la progression du système au nom du progressisme. Progressisme qui s'apparente en fait à une subversion perverse sous la coupe exclusive du giron critiqué.
Pour illustrer le glissement de sens de la critique interne à la critique internée, on pourrait à la rigueur citer le cas des frères Beigbeder, non que leurs idées soient dignes d'intérêt, mais parce qu'il est impossible de citer qui que ce soit de représentatif dans une époque d'identité différante ou éclatée, où le principe de responsabilité est remplacée par une identité si morcelée qu'aucune identité forte ne ressort - et que l'identité est partagée par une myriade de différants, qui diffèrent l'identité comme d'autres partagent l'esprit d'équipe. Il en ressort une identité affadie, affaiblie et irresponsable.
Les frères Beigbeder illustrent ce travers : l'aîné est l'homme d'affaires qui réussit de la famille, le libéral convaincu, le bien coiffé et peigné, le bien comme il faut, le dans la norme bourgeoise, le conservateur jusqu'au bout des ongles (manucurés), le dont le progressisme tient au fait qu'il dirige des entreprises spéculatives avant-gardistes (électricité dérégulée ou investissement par Internet). Le cadet est le dégénéré de cette illustre race d'investisseurs. C'est l'artiste de la famille, le mal peigné (relatif), le raté comme il se (com)plaît à présenter, le drogueur, dragueur, buveur. Les deux frères sont des progressistes déclarés du système ultra-libéral.
Devinez l'intrus? Chacun à leur sauce sont à leur place. Charles et Frédéric sont sur un bateau... Charles se veut à la pointe du progressisme ultra-libéral en ce qu'il milite pour que les meilleurs l'emportent. Frédéric se veut le rebelle gauche et gaucho de la famille, celui qui embrasse les causes progressistes à condition qu'elles soient modélisées, euh... pardon, à condition que le progressisme historique soit mâtiné d'ultra-libéralisme - donc subverti et récupéré. Charles est un progressiste ultra-libéral déclaré quand Frédéric est un progressiste ultra-libéral masqué. Avouez que même à Venise (capitale de l'oligarchie du Vieux Continent) la différence ne saute pas aux yeux.
Dans la famille ultra-libérale, le rebelle ultra-libéral donne un subversif tendance (ultra-libérale), soit un cocaïnomane qui court les tops slaves et qui sniffent des lignes de coke sur des capots de bagnole parisienne. Notre transgressif artiiiiste s'est occupé de la campagne du coco Hue. Le résultat a été un retentissant crack boum - prévisible. Frédéric est communiste au sens où il est un gauchiste ultra-libéral qui pratique l'entrisme et la récupération du progressisme immanentiste historique sous les atours du progressisme fallacieux et ultra-libéral. Frédéric n'est que le contestataire ultra-libéral d'un système familial emblématique du système idéologique ultra-libéral.
Si l'on creuse à Neuilly-sur-Malsaine, on se rend compte que Charles est un révolutionnaire très particulier, un conservateur ultra-libéral, soit un adepte du fascisme financier de type impérialiste. C'est une position (effarante et ban(c)ale) qui concorde avec les intérêts de spéculateur et qui n'est envisageable que si l'on réussit financièrement et socialement. Il est vrai que pour un ultra-libéral, seul le social compte. Frédéric est l'artiste autiste de la famille. Dans la mentalité ultra-libérale, les artistes sont indispensables en tant qu'ils transmettent les idées dominantes (ultra-libérales) et qu'ils changent les mentalités (vers l'oligarchie). Ils sont décalés, marginaux et différents, mais c'est au nom de cette différence qu'ils sont artistes.
Le positionnement contestataire de Frédéric n'est envisageable qu'à l'intérieur de la mouvance ultra-libérale. D'ailleurs, si Frédéric était vraiment rebelle, il aurait subi des problèmes autrement plus sérieux depuis longtemps et ne se pavanerait pas à la télévision en compagnie de son frère et d'anciens fils de pub (comme lui). Ceux qui croient que Frédéric est écrivain (et non un publicitaire qui subvertit la littérature comme il a subverti le communisme) sont des aveugles adorant leur borgne, mais ceux qui ajoutent que Frédéric est un rebelle empestent la mauvaise foi : ce coco faux (communiste) a étalé son vrai visage en défendant la VO du 911 dans un roman détestable (Windows on the world) et en hurlant contre le Procureur de la république qui a osé le placer en garde à vue (pour son affaire de coke en stock).
C'est-à-dire que l'on a deux formes de critiques ultra-libéraux dans la Famille Beigbeder : un critique qui veut faire progresser l'ultra-libéralisme qu'il incarne (Charles); et un paumé qui exprime son malaise progressiste par la drogue et des positionnements inconséquents et irrationnels. La différence idéologique entre ces deux frères est ténue à tel point que le seul résultat auquel un rebelle ultra-libéral puisse parvenir est de détruire tout ce qu'il touche, puisqu'il va de soi que le communisme inconséquent n'est pas soluble dans l'ultra-libéralisme inconséquent. Qui est le plus pervers des deux frères?
Celui qui assume ses positions ou celui qui les dénie? En l'occurrence, la différence entre les frères Beigbeder me paraît aussi importante que la différence morphologique entre leurs devanciers putatifs - les jumeaux imposteurs Bogdanoff. Sans revenir sur le cas hilarant des Bouvard et Pécuchet de la science médiatique oligarchique, il reste à comprendre que cette critique est une fausse critique, en ce qu'elle ne permet pas de changer le système. Ni de l'intérieur comme son intention le prétend; ni de l'extérieur.
Raison pour laquelle la critique est si généralisée en temps de crise systémique : on critique sans s'aviser que c'est une critique qui prétend améliorer le système et qui le conforte. Conforter un système putride, avouez que c'est un comble - un luxe. Raison aussi pour laquelle il n'y a rien d'étonnant à ce que les membres d'un système soutiennent le système qui les désavantagent. Après tout, on a bien l'exemple fameux et illustré par La Boétie des asservis volontaires.
Selon La Boétie, on trouve trois raisons principales à l'état de fait grotesque où des sujets acceptent d'être dominés par des maîtres minoritaires et violents :
1) l'habitude qu'a le peuple de la servitude;
2) l'idéologie et les superstitions;
3) le système des courtisans (faire participer les dominés à leur domination).
La Boétie privilégie la troisième raison pour expliquer un système pyramidal à première vue déséquilibré, dans lequel la courtisanerie crée les conditions d'effondrement du système. Quand la courtisanerie cesse, le système déficient s'effondre. La Boétie ferait bien d'expliquer cette propension à la courtisanerie (au demeurant aveuglante depuis quarante ans en Occident) par la déficience critique. Car se monter courtisan n'est jamais perçu par le courtisan comme un acte de courtisanerie - sans quoi seuls les esprits corrompus et dépravés seraient véritablement des courtisans qui assument.
Le propre du courtisan est d'agir en courtisan au nom de l'esprit critique. Mais cet esprit critique est un faux esprit critique. Le problème est insoluble : notre courtisan se montre d'autant plus esprit courtisan qu'il fait parade d'esprit critique. Au fond, il serait temps de comprendre qu'un système ne peut perdurer sans le soutien de ses membres. C'est cruel et cassant pour les membres du système impérialiste occidental - mais : le système impérialiste occidental ne pourrait pas perdurer sans le soutien critique (plus ou moins ambigu) des citoyens des démocraties occidentales. Les citoyens protestent contre ce constat implacable en arguant qu'ils ne sont pas impérialistes, colonialistes, oligarchiques et corrompus. Au contraire, ils sont emplis de bonnes intentions, les droits de l'homme, la démocratie, la liberté, et surtout, surtout, l'esprit critique.
On a vu quel esprit critique. A vrai dire, dans notre situation mondialisée ou globalisée, l'unicisation du système ne reporte pas la critique sur un système donné, qui subsisterait en compagnie d'autres systèmes. Le système étant unique ou tendant à l'être, ce sont toutes les mentalités systémiques unicistes qui tombent sous la coupe du faux criticisme, que l'on pourrait à bon droit taxer de crétinisme avancé. C'est-à-dire que les opprimés du système impérialiste globalisé sont tout autant partisans de ce système que les dominants.
L'argument selon lequel les peuples d'Occident pâtissent de l'impérialisme occidental (argument juste) est ainsi fort limité. Mais l'argument selon lequel les peuples colonisés nons occidentaux ne seraient pas imprégnés de cet esprit de domination est encore plus faux. Il suffit de regarder le visage actuel de la Chine post-maoïste ou l'esprit d'oligarchie qui infeste les mentalités africaines corrompues pour se rendre compte que la servitude volontaire dénoncée par La Boétie est partout présente.
Du coup, la question de l'acceptation problématique de la servitude par les asservis - ou du système impérialiste par les populations majoritaires - s'explique par les raisons multiples que La Boétie a développées, mais je crois que le symptôme explicatif que La Boétie manque et qui lui permettrait de changer de système repose sur l'analyse de l'esprit critique. De quel type de critique s'agit-il? D'une critique interne! Elle est alors invalidée, périmée et dépassée! D'une critique courtisane? Elle se présente alors sous le masque du déni et de la critique la plus constructive, la plus fine et la plus progressiste.
Il est temps de démasquer la critique anticritique. L'urgence vient de l'effondrement du système unique, qui menace non plus seulement les membres du système (comme aux temps de l'Empire romain pour prendre un exemple historique), mais l'humanité dans son ensemble. Dans le fond, La Boétie s'est arrêté en chemin, nous aussi - pour cette fois en tout cas. Car l'antériorité de la fausse critique sur la courtisanerie de la servitude volontaire n'est pas définitive ou première. Il faudrait remonter jusqu'au mécanisme du mimétisme et poser la question du changement.
Question urgente si l'on veut changer - susciter le changement. La fausse critique s'épanouit dans un système de pensée mimétique absolue, sur fond de linéarité, de fixité, voire de matérialisme. Quelle est la mentalité de l'immanentisme? C'est la question qui permet de comprendre pourquoi les victimes de l'impérialisme sont aussi les plus fervents soutiens de cet impérialisme - pourquoi l'impérialisme est soutenu par ceux-là même qui se réclament de l'anti-impérialisme. En hommage au romancier Guilloux, à son inénarrable personnage de Cripure (correspondant romanesque et acronymique de Kant et Pallante), à Rosset qui l'évoque dans ses Cinq petites pièces morales, nous nommerons cette propension à la fausse critique systémique la cripure systémique.
Quand on pose la question : comment l'Occident a pu en arriver là - les déficits insurmontables, la faillite du système, les mensonges de plus en plus grossiers, l'impérialisme travesti en liberté, le matérialisme de plus en plus dégénéré, la haine du religieux présentée comme le dépassement, la laïcité antitolérante, la démocratie libérale, la première question à poser est : quelle est la place de la critique qui s'exprime? Si c'est pour critiquer en attendant un changement du système, on demeure dans le système.
C'est le paradoxe de Marx qui prétend dépasser le capitalisme par le communisme sans se rendre compte que s'il reprend les postulats de l'École économique britannique, il ne peut que demeurer dans le giron de l'impérialisme britannique et du monétarisme. En conséquence, Marx est un libéral critique. Encore Marx entend-il corriger certaines erreurs du capitalisme et imposer son modèle communiste comme parachèvement véritable du libéralisme - le capitalisme n'étant qu'une étape dans un processus linéaire et figé, digne de la conception la plus dégénérée du matérialisme.
La critique interne au libéralisme consiste, désormais que la critique progressiste véritable (l'égalité libérale) s'est effondrée, à promouvoir une critique faussement progressiste, c'est-à-dire une critique interne au sous-libéralisme pragmatique. Le progressisme en l'occurrence consiste à faire progresser dans le cadre du pragmatisme. C'est l'ultra-libéralisme ou néo-libéralisme, que les bobos incultes sont incapables de reconnaître, si mimétiques qu'ils s'en trouvent niais, sous couvert d'avant-gardisme et de positivité con-sensualiste.
Ce déni est intéressant car il crève les yeux : l'ultra-libéralisme est le prolongement progressiste du libéralisme, qui consiste à faire progresser le libéralisme. Du coup, l'ultra-libéralisme confond entre l'utilité et la liberté en tant que fin véritable - et transforme de manière caricaturale la liberté libérale (liberté finie et fin bancale du libéralisme) en liberté des meilleurs (liberté utilitaire et pragmatique). Les théoriciens de cet ultra-libéralisme sont légions et comptent des Nobel d'économie à foison. Je ne citerai que trois papes emblématiques, von Mises, Hayek et Friedmann.
La vraie critique du système se situe hors du système. Elle élimine toute critique à l'intérieur du système. Ce n'est pas que la critique interne soit en tant que telle non-valable. C'est qu'elle ne peut permettre d'améliorer que le système critiqué. Quand le système est à changer, cette critique est inopérante. Quand le système est vicié aux fondements, toute critique interne est condamnée à reproduire les mêmes errances. Cas d'un Marx, qui sous maints aspects est un penseur politique pénétrant et intéressant, dont la mauvaise foi s'apparente le plus souvent à un refus de changer de mentalité pour sauvegarder son beau joujou idéologique appelé communisme (critique systémique interne au système libérale et immanentiste).
La critique interne devient purulente quand elle intervient au moment de la décomposition systémique, comme c'est le cas actuellement avec l'immanentisme, dont le caractère tardif et dégénéré vient de virer au rouge terminal. Cette critique est une critique dévoyée, une fausse critique, qui prétend renforcer le système dans le moment où celui-ci est condamné. La critique interne est d'autant plus fausse que le jugement est dévoyé.
C'est le cas de tous ces esprits médiocres et conformistes qui croient exprimer le point de vue du compromis progressiste en défendant des points de vue cons et damnés - condamnés. Cette fois, le cas du mouton moutonnier est exprimé par le point de vue diffus des ultra-libéraux, que ce soient les experts reconnus ou les demi-habiles (ou demi-élitistes) qui reprennent la mentalité pour mieux s'assurer d'être à la fois progressistes et consensuels. Progressisme qui signifie non pas la critique véritablement interne, mais l'acritique interne, soit la progression du système au nom du progressisme. Progressisme qui s'apparente en fait à une subversion perverse sous la coupe exclusive du giron critiqué.
Pour illustrer le glissement de sens de la critique interne à la critique internée, on pourrait à la rigueur citer le cas des frères Beigbeder, non que leurs idées soient dignes d'intérêt, mais parce qu'il est impossible de citer qui que ce soit de représentatif dans une époque d'identité différante ou éclatée, où le principe de responsabilité est remplacée par une identité si morcelée qu'aucune identité forte ne ressort - et que l'identité est partagée par une myriade de différants, qui diffèrent l'identité comme d'autres partagent l'esprit d'équipe. Il en ressort une identité affadie, affaiblie et irresponsable.
Les frères Beigbeder illustrent ce travers : l'aîné est l'homme d'affaires qui réussit de la famille, le libéral convaincu, le bien coiffé et peigné, le bien comme il faut, le dans la norme bourgeoise, le conservateur jusqu'au bout des ongles (manucurés), le dont le progressisme tient au fait qu'il dirige des entreprises spéculatives avant-gardistes (électricité dérégulée ou investissement par Internet). Le cadet est le dégénéré de cette illustre race d'investisseurs. C'est l'artiste de la famille, le mal peigné (relatif), le raté comme il se (com)plaît à présenter, le drogueur, dragueur, buveur. Les deux frères sont des progressistes déclarés du système ultra-libéral.
Devinez l'intrus? Chacun à leur sauce sont à leur place. Charles et Frédéric sont sur un bateau... Charles se veut à la pointe du progressisme ultra-libéral en ce qu'il milite pour que les meilleurs l'emportent. Frédéric se veut le rebelle gauche et gaucho de la famille, celui qui embrasse les causes progressistes à condition qu'elles soient modélisées, euh... pardon, à condition que le progressisme historique soit mâtiné d'ultra-libéralisme - donc subverti et récupéré. Charles est un progressiste ultra-libéral déclaré quand Frédéric est un progressiste ultra-libéral masqué. Avouez que même à Venise (capitale de l'oligarchie du Vieux Continent) la différence ne saute pas aux yeux.
Dans la famille ultra-libérale, le rebelle ultra-libéral donne un subversif tendance (ultra-libérale), soit un cocaïnomane qui court les tops slaves et qui sniffent des lignes de coke sur des capots de bagnole parisienne. Notre transgressif artiiiiste s'est occupé de la campagne du coco Hue. Le résultat a été un retentissant crack boum - prévisible. Frédéric est communiste au sens où il est un gauchiste ultra-libéral qui pratique l'entrisme et la récupération du progressisme immanentiste historique sous les atours du progressisme fallacieux et ultra-libéral. Frédéric n'est que le contestataire ultra-libéral d'un système familial emblématique du système idéologique ultra-libéral.
Si l'on creuse à Neuilly-sur-Malsaine, on se rend compte que Charles est un révolutionnaire très particulier, un conservateur ultra-libéral, soit un adepte du fascisme financier de type impérialiste. C'est une position (effarante et ban(c)ale) qui concorde avec les intérêts de spéculateur et qui n'est envisageable que si l'on réussit financièrement et socialement. Il est vrai que pour un ultra-libéral, seul le social compte. Frédéric est l'artiste autiste de la famille. Dans la mentalité ultra-libérale, les artistes sont indispensables en tant qu'ils transmettent les idées dominantes (ultra-libérales) et qu'ils changent les mentalités (vers l'oligarchie). Ils sont décalés, marginaux et différents, mais c'est au nom de cette différence qu'ils sont artistes.
Le positionnement contestataire de Frédéric n'est envisageable qu'à l'intérieur de la mouvance ultra-libérale. D'ailleurs, si Frédéric était vraiment rebelle, il aurait subi des problèmes autrement plus sérieux depuis longtemps et ne se pavanerait pas à la télévision en compagnie de son frère et d'anciens fils de pub (comme lui). Ceux qui croient que Frédéric est écrivain (et non un publicitaire qui subvertit la littérature comme il a subverti le communisme) sont des aveugles adorant leur borgne, mais ceux qui ajoutent que Frédéric est un rebelle empestent la mauvaise foi : ce coco faux (communiste) a étalé son vrai visage en défendant la VO du 911 dans un roman détestable (Windows on the world) et en hurlant contre le Procureur de la république qui a osé le placer en garde à vue (pour son affaire de coke en stock).
C'est-à-dire que l'on a deux formes de critiques ultra-libéraux dans la Famille Beigbeder : un critique qui veut faire progresser l'ultra-libéralisme qu'il incarne (Charles); et un paumé qui exprime son malaise progressiste par la drogue et des positionnements inconséquents et irrationnels. La différence idéologique entre ces deux frères est ténue à tel point que le seul résultat auquel un rebelle ultra-libéral puisse parvenir est de détruire tout ce qu'il touche, puisqu'il va de soi que le communisme inconséquent n'est pas soluble dans l'ultra-libéralisme inconséquent. Qui est le plus pervers des deux frères?
Celui qui assume ses positions ou celui qui les dénie? En l'occurrence, la différence entre les frères Beigbeder me paraît aussi importante que la différence morphologique entre leurs devanciers putatifs - les jumeaux imposteurs Bogdanoff. Sans revenir sur le cas hilarant des Bouvard et Pécuchet de la science médiatique oligarchique, il reste à comprendre que cette critique est une fausse critique, en ce qu'elle ne permet pas de changer le système. Ni de l'intérieur comme son intention le prétend; ni de l'extérieur.
Raison pour laquelle la critique est si généralisée en temps de crise systémique : on critique sans s'aviser que c'est une critique qui prétend améliorer le système et qui le conforte. Conforter un système putride, avouez que c'est un comble - un luxe. Raison aussi pour laquelle il n'y a rien d'étonnant à ce que les membres d'un système soutiennent le système qui les désavantagent. Après tout, on a bien l'exemple fameux et illustré par La Boétie des asservis volontaires.
Selon La Boétie, on trouve trois raisons principales à l'état de fait grotesque où des sujets acceptent d'être dominés par des maîtres minoritaires et violents :
1) l'habitude qu'a le peuple de la servitude;
2) l'idéologie et les superstitions;
3) le système des courtisans (faire participer les dominés à leur domination).
La Boétie privilégie la troisième raison pour expliquer un système pyramidal à première vue déséquilibré, dans lequel la courtisanerie crée les conditions d'effondrement du système. Quand la courtisanerie cesse, le système déficient s'effondre. La Boétie ferait bien d'expliquer cette propension à la courtisanerie (au demeurant aveuglante depuis quarante ans en Occident) par la déficience critique. Car se monter courtisan n'est jamais perçu par le courtisan comme un acte de courtisanerie - sans quoi seuls les esprits corrompus et dépravés seraient véritablement des courtisans qui assument.
Le propre du courtisan est d'agir en courtisan au nom de l'esprit critique. Mais cet esprit critique est un faux esprit critique. Le problème est insoluble : notre courtisan se montre d'autant plus esprit courtisan qu'il fait parade d'esprit critique. Au fond, il serait temps de comprendre qu'un système ne peut perdurer sans le soutien de ses membres. C'est cruel et cassant pour les membres du système impérialiste occidental - mais : le système impérialiste occidental ne pourrait pas perdurer sans le soutien critique (plus ou moins ambigu) des citoyens des démocraties occidentales. Les citoyens protestent contre ce constat implacable en arguant qu'ils ne sont pas impérialistes, colonialistes, oligarchiques et corrompus. Au contraire, ils sont emplis de bonnes intentions, les droits de l'homme, la démocratie, la liberté, et surtout, surtout, l'esprit critique.
On a vu quel esprit critique. A vrai dire, dans notre situation mondialisée ou globalisée, l'unicisation du système ne reporte pas la critique sur un système donné, qui subsisterait en compagnie d'autres systèmes. Le système étant unique ou tendant à l'être, ce sont toutes les mentalités systémiques unicistes qui tombent sous la coupe du faux criticisme, que l'on pourrait à bon droit taxer de crétinisme avancé. C'est-à-dire que les opprimés du système impérialiste globalisé sont tout autant partisans de ce système que les dominants.
L'argument selon lequel les peuples d'Occident pâtissent de l'impérialisme occidental (argument juste) est ainsi fort limité. Mais l'argument selon lequel les peuples colonisés nons occidentaux ne seraient pas imprégnés de cet esprit de domination est encore plus faux. Il suffit de regarder le visage actuel de la Chine post-maoïste ou l'esprit d'oligarchie qui infeste les mentalités africaines corrompues pour se rendre compte que la servitude volontaire dénoncée par La Boétie est partout présente.
Du coup, la question de l'acceptation problématique de la servitude par les asservis - ou du système impérialiste par les populations majoritaires - s'explique par les raisons multiples que La Boétie a développées, mais je crois que le symptôme explicatif que La Boétie manque et qui lui permettrait de changer de système repose sur l'analyse de l'esprit critique. De quel type de critique s'agit-il? D'une critique interne! Elle est alors invalidée, périmée et dépassée! D'une critique courtisane? Elle se présente alors sous le masque du déni et de la critique la plus constructive, la plus fine et la plus progressiste.
Il est temps de démasquer la critique anticritique. L'urgence vient de l'effondrement du système unique, qui menace non plus seulement les membres du système (comme aux temps de l'Empire romain pour prendre un exemple historique), mais l'humanité dans son ensemble. Dans le fond, La Boétie s'est arrêté en chemin, nous aussi - pour cette fois en tout cas. Car l'antériorité de la fausse critique sur la courtisanerie de la servitude volontaire n'est pas définitive ou première. Il faudrait remonter jusqu'au mécanisme du mimétisme et poser la question du changement.
Question urgente si l'on veut changer - susciter le changement. La fausse critique s'épanouit dans un système de pensée mimétique absolue, sur fond de linéarité, de fixité, voire de matérialisme. Quelle est la mentalité de l'immanentisme? C'est la question qui permet de comprendre pourquoi les victimes de l'impérialisme sont aussi les plus fervents soutiens de cet impérialisme - pourquoi l'impérialisme est soutenu par ceux-là même qui se réclament de l'anti-impérialisme. En hommage au romancier Guilloux, à son inénarrable personnage de Cripure (correspondant romanesque et acronymique de Kant et Pallante), à Rosset qui l'évoque dans ses Cinq petites pièces morales, nous nommerons cette propension à la fausse critique systémique la cripure systémique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire