jeudi 28 février 2008

L'Etat, c'est Moâ!

L'Etat doit être aboli. C'est pas moi qui le dis, ce sont les puissances financières qui actuellement gouvernent le monde et qui se prévalent d'une forme hybride d'anarchie et de libéralisme pour énoncer leurs billevesées remarquables de nullité incohérente. Il serait temps qu'on se demande pourquoi cette publicité (proche du tintamarre) est orchestrée autour de "pensées" expertes qui n'ont aucun intérêt de fond, à part le fait de soumettre l'économie aux diktats d'enfants gâtés et de désirs égoïstes et élitistes de domination.
L'abolition de l'Etat doit comme de juste aboutir à la promotion de l'individu, pardon : de l'Individu libre et souverain. Cette promotion cache en fait l'élitisme larvé et foncier des petits maîtres qui veulent assurer la dictature de quelques faquins sur le reste du monde, au nom de leur supériorité, et alors que cette supériorité se traduit avant tout et essentiellement par des capacités supérieures de mensonge et de mimétisme. Belle époque que la nôtre, où ce sont les valets et les portefaix qui donnent les ordres et où l'originalité profonde et véritable est jetée aux orties du tribunal de la Raison.
L'abolition de l'Etat est justifiée par la violence dont se targuerait l'Etat pour mener à bien ses actions. Moi, je veux bien, mais l'essentiel n'est pas de supprimer l'Etat au nom de la violence. L'essentiel est de savoir ce qui advient de cette violence abolie. Est-elle transformée en quelque chose de positif, autre chose, ou bien est-elle simplement ignorée et déniée, auquel cas elle reviendra avec usure? Il faudrait savoir.
Car la proposition de remplacer l'Etat par l'Individu n'est pas innocente. Elle est terriblement dangereuse et diabolique. Mettre en avant les défauts de l'Etat pour proposer pire encore, si ce n'est pas du démoniaque, qu'on m'explique ce que c'est! L'Etat sous sa forme classique est la dernière forme, la forme ultime des agrégats humains (des institutions). L'Etat est le garant de la pérennité humaine. La suppression de l'Etat poserait le problème de son remplacement : car le 911 a montré de manière atroce ce qu'il advenait d'un Etat parasité par des formes qui remettent en question sa dimension ultime d'institutions, des formes qui parasitent l'Etat pour installer en lieu et place des instances de décision et de domination sournoises.
L'Etat piraté n'est plus à même de convertir la violence. L'Etat est alors le jouet d'une violence qu'il ne canalise plus, d'une violence brute et aveugle, d'une violence pirate et terroriste. Tant que l'Etat est la forme ultime de la société humaine, il est le garant que la violence sert une identité précise : l'extérieur, soit l'expansion et la domination - de l'extérieur. Quand l'Etat est parasité, il sert des élites invisibles qui se sont retournées contre la société et qui n'ont même plus la fin de l'extériorité. Elles n'en voient plus l'intérêt depuis belle lurette. Elles sont toutes entières captivées par leur objectif interne (de domination).
L'Etat avait l'avantage, quelle que soit sa violence et son pouvoir de coercition, de proposer une identité stable et claire (l'unité vers l'extérieur). Avec son effritement et son piratage/parasitage, cette identité vole en éclat. De l'identité ultime, on passe à l'identité différante, si bien qu'on ne sait plus qui fait quoi. Puisque l'unité est révolue, il ne reste plus que la domination immédiate par quelques sous-groupes aveugles et désespérés (en premier lieu par leur cynisme et leur médiocrité). Qui agit au nom de l'Etat si toutes les décisions sont obscures et différées? Où va l'Etat, sinon vers la ruine et le déclin inéluctable? Qui se charge de la décision et de l'autorité si l'identité en définitive est toujours différée et toujours mouvante? La modernité n'a réussi qu'à surseoir au défi de l'Etat pour proposer son ajournement au nom de la fuite en avant. La fuite en avant empire les problèmes. La modernité n'a rien résolu des problèmes cruciaux de fondement et d'identité. 
Au lieu de la révolution au nom de laquelle elle mène à l'heure actuelle ses actions de sape (et de destruction), elle ferait mieux d'accepter son erreur et de considérer que les solutions qu'elle propose ne sont que des faux problèmes différés. Concernant l'Etat en tout cas, il est certain et visible que la solution proposée ne fait qu'empirer l'équilibre de l'Etat. L'individu n'est certainement pas capable de gérer les défis de l'Etat. Et l'identité mouvante et différante n'est une alternative satisfaisante qu'à très court terme. Rapidement, les fissures apparaissent et l'observateur attentif est obligé de constater que la fuite en avant, comme son nom l'indique, n'est certainement pas la solution viable aux problèmes posés. A moins de considérer cyniquement, comme certains le font actuellement, que les problèmes de demain ne les concernent pas et que le système a pour vocation de servir le présent à très court terme.

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