lundi 18 février 2008

Monomutants

La liste des célébrités qui officiellement commencent à se poser de sérieuses questions sur le 911 s'allonge et enfle considérablement. Pendant ce temps, la France, qui a en ce moment un train de retard sur les maîtres du monde, essaie de retrouver un semblant de lustre international en s'alignant systématiquement sur les positions atlantistes, néo-conservatrices et ultralibérales dont se parent les Anglo-saxons depuis des lustres.
Ce n'est certainement pas un progrès que de suivre cette voie impérialiste et mensongère, mais les Français d'aujourd'hui, incapables de déceler une nouvelle voie sous l'effondrement libéral présent, se sont rangés à l'alignement stratégique atlantiste. Dans cette stratégie passéiste en ce qu'elle est d'ores et déjà dépassée, dans cette stratégie qui délivrera des résultats ruineux parce qu'elle s'appuie sur des méthodes destructrices à moyen terme (quelques siècles en fait), on comprend mal que le fond de l'affaire n'est l'économique que dans la mesure où l'économique n'est autre que l'immanentisme.
L'immanentisme est fondamentalement religieux. Fondamentalement dans les deux sens du terme, puisque le fondamentalisme s'ajoute au fondamental. Le fondamentalisme aimerait tant être fondamental! Malheureusement, il propose un durcissement des questions fondamentales en soumettant les questions fondamentales au crible de ses réponses oppressantes et destructrices.
Je reviendrai bientôt sur l'immanentisme, mais j'aimerais proposer cette conception pour comprendre que c'est l'élitisme immanentiste qui est à l'oeuvre derrière la domination économique du monde, avec cette idée que l'élitisme est religieux. Rien ne se fait pour l'homme sans le substrat religieux. De ce point de vue, les choses n'ont guère changé. Les conceptions religieuses divergent grandement, j'allais dire fondamentalement, mais sans religieux, il n'y a pas de production culturelle (pas de productions humaines donc).
Le religieux qui s'allie à l'économique est un religieux immanentiste, c'est-à-dire que c'est un religieux qui ne considère du réel que son apparence immédiate et qui de ce fait délègue à l'homme l'essence de son pouvoir. L'homme se trouve investi du pouvoir divin dans la mesure où il domine le réel et où il serait possesseur du réel. Dieu ne s'est pas fait homme, c'est l'homme qui s'est fait Dieu. Là gît tout le problème, parce que non seulement l'immanentisme repose sur des fondements fallacieux et dangereux, mais affirmer sans trembler que l'homme s'est fait Dieu, c'est proférer un sacrilège qui ressortit de la démesure. Oser le sacrilège, c'est la caractéristique du diable.
Bref : notre époque est remarquable en ce qu'elle est diabolique. Et c'est parce qu'elle est diabolique qu'elle exprime une crise majeure, qui prépare de grands changements. Dans cette crise, il est remarquable que les influences religieuses qui se combinent dans l'immanentisme ne sont pas issues d'une source unique. Elles proviennent d'un agrégat des religions monothéistes. L'immanentisme est représenté par :
1) l'islamisme en tant que la collaboration la plus mineure. L'islamisme n'est jamais qu'au service objectif et pragmatique des autres composants de l'immanentisme. L'islamisme n'accepte cette soumission de fait que parce qu'il compte sur l'effondrement de l'immanentisme et son triomphe ultérieur en tant qu'Islam, vraie incarnation de la prophétie monothéiste instillée par Abraham et prolongée jusqu'à Mohamed en passant par Jésus (je donne les identités sous leur appellation de langue française).
2) Les courants chrétiens sous leur forme protestante, et sous une forme protestante très particulière, agrégats confus de méthodisme, d'évangélisme, de baptisme, de born again, de chrétiens sionistes (nous y sommes). On remarquera que la spécificité du protestantisme est d'encourager, protestation théologique majeure, l'interprétation individuelle et l'individualisme. Bien entendu, les choses sont comme toujours plus complexes, mais que les protestants soient les chrétiens favorables à la singularité possible de l'interprétation biblique (donc divine), en même temps qu'à la foi la plus ferme n'est pas incompatible; elle explique grandement que c'est au sein de l'individualisme religieux que l'économisme se soit développé. L'association du religieux et de l'économique n'est envisageable que dans une interprétation singulière et forcenée du texte.
3) L'association des formes du judaïsme les plus fondamentalistes avec les milieux fondamentalistes protestants n'est pas anodine. De la même manière que les islamistes sont des lecteurs assidus du Coran et de fervents partisans de l'interprétation coranique, les sionistes partagent avec eux ce point commun, tout comme les fondamentalistes protestants, de privilégier l'interprétation littéraliste, mais surtout singulière, j'allais dire singulariste. Or c'est au coeur de ce caractère fondamentaliste monothéiste (où se retrouvent les courants fondamentalistes des trois grands monothéistes) que s'épanouit l'immanentisme et sa conséquence économique. Je veux dire : c'est au coeur de l'immanentisme fondamentaliste que prospère la primauté de l'économique sur le politique (renversement de la conception classique, dont les effets graves se font sentir avec le 911 notamment).
Pour couronner le tout, il est remarquable que le coeur du fondamentalisme immanentiste se situe très précisément entre l'alliance (forme dégénérée de l'Alliance) des sionistes radicaux et des chrétiens radicaux. Qui sont les principaux sionistes à l'heure actuelle? Non des Juifs, mais des chrétiens. Les fameux chrétiens sionistes, qui reconnaissent les Juifs sionistes en tant qu'Israël-Nation précipite l'Apocalypse, ces chrétiens sionistes sont par leur appellation même des alliés objectifs (quoique ambigus) des mouvement sionistes les plus radicaux. Avec cette formule marquante qu'après eux l'Apocalypse - et non plus le Déluge. Pour finir sur le Triangle des Bermudes monothéiste, l'islamisme dans cette affaire est le parent pauvre de l'Alliance qui repose, ne l'oublions pas, sur des considérations religieuses de la plus haute importance. Les trois formes de monothéisme comportent, parmi leurs grandes divergences théologiques, une unité fondamentale : les trois affirment descendre d'Abraham.
Leur évolution (dégénérée) vers l'immanentisme s'explique par un principal point de convergence : l'interprétation individualiste et singulière. Dès lors, la voie (immanentiste) est prête pour la prééminence économique et pour l'alliance affairiste et financière de milieux qui n'ont apparemment rien de commun. Pour comprendre leur communion, il faut remonter au religieux, dont la ruse consiste à faire croire qu'il aurait disparu ou occuperait dans les échanges mondialistes une importance moindre. Non seulement le religieux n'a pas disparu avec la mondialisation archimédiatisée, mais le religieux n'a fait que s'exacerber, jusqu'à prendre des formes mutantes dont l'importance échappe à notre entendement immédiat. Mutation de la transcendance vers l'immanence. Mutation qui fait que le même a muté en autre et que les héritiers les plus légitimes et les plus puissants du christianisme, du judaïsme et de l'islamisme sont aujourd'hui des mutants du monothéisme en crise.
Pour finir, dans cette mutation qui s'apparente à la course folle, l'alliance des formes les plus fondamentalistes du monothéisme ne doit pas occulter que c'est le fondamentalisme chrétien qui a pris le dessus en s'alliant avec le fondamentalisme juif. La vraie alliance est ainsi judéo-chrétienne et la particularité virulente et violente de ce judéo-christianisme ne doit pas occulter que ces fondamentalismes sont avant tout mus par l'alliance judéo-chrétienne. Ce constat implique que le fondamentalisme islamiste soit considéré par l'alliance judéo-chrétienne comme un allié dégénéré, en ce que l'Islam se veut le couronnement et le prolongement des deux autres monothéismes. Mais tant pour les fondamentalistes juifs que pour les fondamentalistes chrétiens (pour l'alliance du christianisme et du sionisme fondamentalistes), le fondamentalisme islamiste ressortit de l'hérésie faiblarde et par trop hétérodoxe.
A ceci, j'y vois une raison théologique précise. C'est que l'Islam développe une conception profondément et fondamentalement toute-puissante et transcendante du divin. Pour un musulman, Dieu est tout-puissant en ce qu'Il est transcendant. Pas facile dans ces conditions d'introduire de l'immanentisme dans le transcendant. Autant dire que les formes les plus fondamentalistes de l'Islam sont réticentes par nature à se concilier vraiment avec l'immanentisme. Dans la mentalité d'un musulman, aussi fondamentaliste soit-il, le transcendant demeure le primat du divin. Et c'est pourquoi le rejet du troisième fondamentaliste par les deux principaux (et les plus puissants) est assez ambigu.
Si le fondamentalisme islamiste est bien moins puissant que les deux autres fondamentalistes alliés, il est aussi bien plus duplice, considérant, même chez le musulman le plus corrompu, que le divin est transcendant au bout du compte. Son instrumentalisation et sa faiblesse présentes ne sont pas vécues comme des humiliations fondamentales pour le fondamentaliste islamiste, qui espère triompher des deux autres fondamentalismes, en ce qu'il reconnaît leur caractère dégénéré, du fait de leur immanentisme. Si bien que sa relégation à un rang moindre dans l'alliance monothéiste fondamentaliste n'est pas pour lui déplaire. Si à première vue, il travaille pour les intérêts fondamentalistes immanentistes, en fait son véritable objectif consiste à servir l'immanentisme pour mieux le saper et imposer au final le triomphe du transcendant. Transcendant fondamental ou - fondamentaliste?

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