vendredi 1 février 2008

Double méprise

Ceux qui estiment que les islamistes sont du bon côté parce qu'ils s'opposent à l'Occident ont tort terriblement : les islamistes expriment une violence et un danger considérables. C'est bien mal concevoir la tolérance que de la juger sans limite et sans adversaire. Ceux qui sont les adversaires des islamistes, voire de l'Islam (tant il est certain que la haine de l'islamisme peut aussi signifier la haine de l'Islam) estiment que la haine que les musulmans extrémistes éprouvent contre l'Occident montre assez bien à quel point l'Occident charrie les valeurs positives et universelles, les valeurs rationnelles : la haine qu'il suscite exprime la différence entre le système viable conçu par l'Occident et le ressentiment impuissant et vide de sens.
Entre la haine de l'Occident et l'amour démesuré de l'Occident, entre ceux qui réduisent l'Occident à une domination circonstancielle et ceux qui sacralisent l'Occident en des valeurs universelles et uniques, transcendant l'histoire et les systèmes connus et passés, il faut malheureusement remarquer que ces oppositions appartiennent au système unique (et en déclin) en ce que ces oppositions ne sont jamais que des différences internes et des différences illusoires. Au final, toutes ressortissent du même ordre.
Le plus pertinent est encore de présenter l'idée de double et de mimétisme pour comprendre que ces oppositions fonctionnent sur l'imitation véritable et que l'opposition n'est jamais qu'interne à l'adhésion au même système. En fait, au lieu d'opposer l'Occident à d'autres systèmes opposés, comme si l'humanité était différenciée en plusieurs ordres véritablement différentes, en alternatives véritablement différentes, il était plus pertinent de comprendre que ces oppositions fonctionnaient en fait sur le mime et sur la fascination.
Si l'Occident est aussi honni et vilipendé, c'est que cette haine est mimétique. Ce mimétisme montre assez que l'ordre est exclusif et que les vraies contestations sont des contestations mimétiques. C'est dire que la contestation ne rêve de renverser la tête de pont que pour prendre sa place et la détrôner. Il suffit de regarder le système et les alternatives qu'il prétend susciter contre le modèle dominant (en fait le modèle exclusif).
Mais ces alternatives sont seulement des doubles, et encore faut-il préciser qu'il s'agit de pâles copies, tant il est vrai que des adversaires mimétiques sont seulement des clones et en fait de réels admirateurs. S'opposer de manière mimétique, c'est révéler à quel point on admire ce que l'on déteste et à quel point on rêve seulement de remplacer la tête que l'on admire par sa propre administration.
Ainsi des menaces qui détrônent l'Occident. La menace chinoise : mais le système chinois d'aujourd'hui n'est pas maoïste ou alternatif. Il n'est qu'une oligarchie ultracapitaliste et totalitaire, une caricature du système occidental qui en dit long sur le désir d'imitation des Asiatiques. L'ennemi islamiste est une vaste blague : les dictateurs arabes et musulmans sont les alliés objectifs des Occidentaux (et d'Israël) et les islamistes ne rêvent que de réaliser une globalisation alternative et concurrente, sur le modèle de l'Oumma.
Même le mythe de l'Union Européenne en rempart fédéral contre l'hégémonie américaine ne pèse pas lourd face à l'analyse : car que veut l'Europe sinon officiellement dominer le monde, alors qu'en fait ses institutions sont sous la coupe des contrôles atlantistes et mondialistes et que l'Europe n'est jamais que l'allié objectif des États-Unis, en même temps qu'elle prétend en être l'esprit critique évolué et indépendant (position ridicule de la France notamment, alors qu'on voit mal comment des agents atlantistes comme Sarkozy pourraient adopter la moindre position indépendante et contestataire)?
Ainsi les alternatives montrent que tous les composants ne suivent pas le modèle dominant, le modèle impulsé par les élites, le modèle occidental et occidentaliste, mais que toute opposition est interne au système, c'est-à-dire qu'elle ne cherche jamais qu'à se propulser à la tête du système et à opérer les mêmes règles et à suivre le même modèle. La mondialisation exprime l'unicité inquiétante et étouffante du système. Ce n'est pas que les oppositions n'existent pas. C'est bien pire : c'est que les oppositions ne sont jamais que des antagonismes au service exclusif et formaté du système.

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