jeudi 10 avril 2008

Les partitions du réel

Si l'amalgame procède de l'accusation par le pouvoir ou le centre du système, c'est que le système accuse. L'important n'est pas tant de découvrir quelle est l'accusation que la raison de cette accusation. Accuser, c'est ainsi séparer le reél en ce qui est bon et ce qui est mauvais : en ce qui est avec le pouvoir et ce qui est contre le pouvoir. En ce qui est avec le réel et contre le néant. L'accusation implique que l'acte d'accusation soit du côté réel contre le néant. Et quand l'acte d'accusation émane du pouvoir, cette perspective implique que le pouvoir soit le réel contre le néant.
Raison pour laquelle le système n'est jamais contesté. C'est qu'il n'est jamais contestable. Il n'est pas contestable parce qu'il est le reél. Le réel ne saurait disparaître. Le système ne saurait en conséquence disparaître. C'est faux. Le système n'est pas immuable parce qu'il ne correspond pas au réel. Il disparaîtra et il ne sera pas remplacé automatiquement. Il se pourrait même que ce mythe de la succession des systèmes cache la peur panique à l'idée d'affronter la vraie crise : la disparition de l'humanité, qui se profile si l'on continue à répéter que le système est immuable.
En attendant (non la disparition de l'humanité, mais ce qui va suivre), il est deux types d'accusation. Celles qui émanent du pouvoir et celles qui n'émanent pas du pouvoir. Les accusation officielles seules ont du poids, puisqu'elles sont frappées du sceau de l'institutionnel. Les accusation officieuses ou privées sont destinées à sombrer dans l'oubli, quelles que soient leur prégnance en vérité.
Raison pour laquelle les accusations officielles sont tant défendues par des intérêts privés : il en coûte trop d'admettre que les accusations officielles sont si mensongères qu'elles annoncent la disparition du système qui les sous-tend et qui les porte. Entendons-nous bien : l'accusation est certes l'acte qui pose le système dans le réel, mais c'est en même temps l'acte qui pose la relativité du système par rapport au réel.
C'est seulement dans le système immanentiste que le système est opposé au néant. C'est seulement dans le système immanentiste que le système est amalgamé au réel. J'en reviens à l'amalgame. Pour produire l'amalgame, il faut certes l'assemblage de l'être et du néant. Il faut aussi se situer par rapport à l'acte d'accusation. L'amalgame suppose toujours que l'accusation est bonne et que les accusés sont mauvais. De ce fait, les accusateurs sont bons. Que ce soit dans l'amalgame classique ou l'amalgame renversé, il s'agit toujours de conforter l'accusation.
1) Dans l'amalgame classique, l'accusation est renforcée par la dévalorisation des accusés.
2) Dans l'amalgame renversé, la perversion des accusateurs provient du prestige dont jouit l'accusation en tant qu'instance de l'officialité et du pouvoir digne.
Rappelons que l'amalgame renversé utilise l'accusation de type classique pour la subvertir et la pervertir. Quel que soit le type d'accusation, accuser signifie bel et bien établir une partition.
a) Soit l'on souscrit à une partition qui établit la distinction nette et précise entre le néant et le réel. C'est le cas pour l'immanentisme et c'est en quoi l'opposition immanentiste est manichéenne (en son sens courant) et caricaturale : l'opposition du Bien contre le Mal, que l'on retrouve de plus en plus explicitement dans les discours des dirigeants démagogues des démocraties occidentales voire occidentalistes (se reporter à ce sujet aux célèbres tirades de W. et à ceux qui les inspirent). La caricature est autorisée et encouragée par la confusion entre le système et le réel.
b) Soit l'on réfute cette partition immanentiste et l'on recourt à la partition qui distingue le système et le réel. Dans ce cas, le système n'est plus le réel et l'accusation du système fonctionne moins bien. Car le système ne peut plus se prévaloir du Bien en tant qu'incarnation du réel opposé au Néant (au Mal). Le système est nettement plus modeste et possède même la faculté de se tromper en accusant. Accuser, ce n'est plus seulement accuser le Mal et le néant; c'est aussi accuser d'autres alternatives comprises dans le réel et dont certaines seront capables de donner les systèmes de demain. Accuser alors, c'est reconnaître que le système n'est pas éternel. L'accusation est possiblement source d'erreurs. Les accusations de complotisme et de conspirationnisme ont moins de force et l'esprit critique en sort grandi.
Les faux bonimenteurs qui font profession des métiers d'intellectuels sont déconsidérés et les anathèmes dont ils usent pour discréditer leurs adversaires sont éventés. Au nom de l'esprit critique l'amalgame est refusé, et l'on n'oppose plus le Bien au Mal, mais ce qui est à ce qui n'est pas, avec la prise en compte du possible distingué de l'illusion. Dernier détail : l'illusion n'a plus le statut du néant, mais celui de ce qui est de telle manière qu'elle n'est pas comme elle se présente. C'est un peu plus compliqué que la simple caractérisation du néant et cela suppose surtout un peu plus de sens de la nuance et de la distinction. Bref : la distinction est du côté de la critique et de l'incertitude, quand l'amalgame penche vers la certitude et la confusion. Il faudra d'ailleurs revenir sur ce refus de l'incertitude qui anime l'amalgame et qui définit l'accusation manichéenne.

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