Il est fascinant de constater le déficit abyssal et de fait incommensurable que le plan Paulson fait apparaître. 700 ou 800 milliards de dollars ne sont pas une paille, bientôt ce chiffre gonflera et finira par atteindre des milliers de milliards, puis des millions de milliards. Ce qu'on nomme bulle spéculative est un puits sans fond et sans fondement.
L'économiste alternatif et prophétique LaRouche savait que le déficit abyssal et la crise systémique qui se préparent étaient inéluctables. Sur quoi se fonde son raisonnement pertinent? Sur une lecture très saine de l'économie. Subitement, l'économie n'est plus une science incompréhensible, mais un ensemble de mécanismes qui s'expliquent.
Contrairement au préjugé qu'on inculque aux gens et selon lequel il est fatigant et inutile de s'occuper de sujets aussi ardus que ténébreux, il est assez facile de comprendre les mécanismes de l'économie dans leur ensemble, car l'économie n'est pas inexplicable. Elle n'est inexpliquée que si l'on fait mine de ne pas comprendre les rouages du système, en particulier le fait essentiel selon lequel le système met en avant ce qui est fini.
Dans le cas de LaRouche et de son mouvement politique, parfois assimilés à une secte, il est très instructif de constater qu'en écoutant ces individus qui ont factuellement et historiquement raison, subitement l'économie devient lumineuse et passionnante. Que dit LaRouche? Que l'économie physique est le fondement de l'économie et que la dissociation de l'économie physique et de l'économie spéculative mène inéluctablement vers l'effondrement systémique auquel nous assistons.
Le déficit vient du fait que l'économie spéculative parasite et pirate l'économie physique, comme les spéculateurs financiers parasitent et piratent les institutions. La bulle spéculative laisse apparaître l'écart grandissant et de plus en plus dévastateur entre une économie spéculative de type refuge et une économie physique qui dépérit de manière croissante. En gros, l'économie spéculative croît quand l'économie physique décroît.
De ce fait, le virtuel passe ici pour du néant quand le sensible passe pour le seul réel. C'est bel et bien l'ontologie qui est implicitement celle de l'immanentisme. On sait que l'immanentisme est la religion cachée de notre époque. Cette religion s'appuie sur la rupture avec toutes les autres religions transcendantalistes. Pour ces religions, le néant n'existe pas. Pour l'immanentisme, le néant existe bien.
Le postulat de l'existence positive du néant nous amène à conclure que l'immanentisme se rapporte à la religion du diable, du moins du diable tel qu'il est perçu par les transcendantalistes. On sait que la meilleure ruse qu'ait inventée le diable, c'est de faire croire qu'il n'existe pas. De même, la meilleure ruse de l'immanentisme consiste à avoir laissé croire qu'il n'existe pas.
Dès lors, on comprend la stratégie des financiers et des banquiers mondialistes, soit de ceux qui objectivement dominent le système immanentiste. On pourrait en effet relier leur démarche destructrice et aberrante (se détruire à force de détruire, inexorablement) par l'explication de leur conception religieuse immanentiste du monde. C'est leur croyance au néant en tant que néant qui induit leur démarche.
Comment peut-on détruire en sachant que la destruction du monde implique sa propre destruction? C'est parce qu'on croit au néant en tant que néant et que l'on ne voit du coup pas les choses de ce point de vue et de cette manière. On estime à tort qu'on crée quand on détruit. Les religions transcendantalistes ont toutes développé l'argument selon lequel le néant n'existe pas, car la croyance au néant mène inexorablement vers la destruction et la disparition.
C'est la promesse de l'autre monde, développée par toutes les religions, et pas seulement les monothéistes. On peut établir l'équivalent philosophique avec Platon, le pendant grec du christianisme selon Nietzsche, le prophète de l'immanentisme tardif et dégénéré. Selon cette conception, il faut bien que le Non-Être existe aussi de quelque manière et de quelque façon pour sauver l'Etre. Selon Rosset, le héraut du nihilisme contemporain, l'Etre n'existe pas, l'Etre correspond au sensible et le Non-Être lui existe.
Les banquiers sont ainsi des antiplatoniciens et des adorateurs du néant. Ce sont de ce strict point de vue des adorateurs du diable, ce qui en dit long sur le dévoiement de la civilisation immanentiste, pour parler comme Huntington. Si l'on croit au néant, alors seulement on peut en arriver à créer le monde immanentiste qui est aujourd'hui sur le point de s'effondrer.
Pourquoi cette affirmation? Parce que la croyance au néant crée une relation au réel fort particulière. Il faut introduire la notion de virtuel pour comprendre que le virtuel traduit la spécificité de la démarche humaine. Le virtuel immanentiste est vicieux en ce qu'il est forcément du côté de l'existence sensible.
Dans la mentalité immanentiste, le virtuel est forcément le couronnement de l'ensemble du réel. Dans la tradition classique, le virtuel est vertueux et porteur de puissance (virtus) en ce que le virtuel traduit le passage du sensible vers l'idéel. C'est la doctrine platonicienne. De ce point de vue, le virtuel possède sa supériorité en ce qu'il mène vers l'idéel, mais il est aussi profondément subordonné au sensible.
C'est le problème du virtuel et du sensible dans la tradition philosophique. On connaît l'histoire de Thalès qui à force de regarder le ciel tomba dans un trou. Manière de montrer que le philosophe est éloigné du sensible, ce qu'indique aussi la tradition platonicienne du philosophe persécuté par le tyran et incapable de gouverner de manière idéale ce bas monde. Le virtuel est ainsi à la fois ce qui relie au monde supérieur des Idées et ce qui exprime un éloignement inférieur par rapport au sensible.
Autrement dit, le virtuel fonde la supériorité humaine de la conscience et de la réflexion, mais le virtuel dans notre expérience du réel n'est rien s'il ne s'appuie pas sur le sensible. On a ici l'idée que le virtuel est ce qui fonde la supériorité de l'action humaine et que le virtuel marque la conscience, le désir et l'imagination. Virtuel est virtus en ce qu'il exprime la supériorité humaine.
La pérennité et la viabilité du virtuel ne sont possibles que dans ce lien permanent entre l'idée et le sensible. Le virtuel dans le transcendantalisme occupe ainsi la place essentielle du lien entre le réel immédiat et immanent et le réel qui explique les lacunes incommensurables du sensible. De ce point de vue, le virtuel tient la place synonyme du religieux.
Le virtuel tient sa place quand il occupe un rang intermédiaire. Il n'est pérenne et viable que dans cette place intermédiaire. Sans le sensible, il n'est rien. Il est à la fois subordonné explicitement à l'idéel et sans cesse connecté au sensible. D'une certaine manière, il exprime le lien entre les deux mondes qui formeraient schématiquement le réel : les Idées et le sensible.
Cette dualité fournit la place du virtuel : c'est qu'il n'est rien sans le sensible et qu'il ne peut relier à l'idéel qu'en se trouvant dans le même temps indexé au sensible. Dans la tradition classique, le virtuel sert à faire fructifier le sensible et l'un des grands critères de la viabilité du virtuel est qu'il fait fructifier le sensible. Le virtuel est ainsi une grille et un outil de décodage du réel qui donne un accès à l'homme plus vaste et plus complexe que la grille de lecture animale ou la grille de lecture du vivant.
On peut toujours le relier à l'imaginaire et au désir. Ce sont ces facultés qui relient directement les deux mondes. La supériorité de ces facultés n'est possible que si elles sont assignées à cette fameuse place d'intermédiaire. Mais cette place d'intermédiaire n'est envisageable que dans la hiérarchie classique et dualiste. Dès qu'on abroge le dualisme comme c'est le cas avec l'immanentisme, on rompt l'équilibre classique et l'on donne de facto au virtuel une place de supériorité qui n'est pas contrebalancée par un rang de lien ou d'intermédiaire.
Dès lors, la position du virtuel est première et change radicalement. Elle mute comme mute l'immanentisme. Dans le système immanentiste, le virtuel est ce qui meut le sensible. Le virtuel est la vertu de l'homme qui crée le réel. C'est dire que le summum du virtuel est ainsi ce qui est découplé du sensible et ce qui façonne et crée le sensible. Dans cette acception, le démiurge est occupé par le virtuel.
Alors que classiquement le virtuel était ce qui était lié au sensible et qui permettait de faire prospérer le sensible, dans l'immanentisme, le virtuel est le fini imaginaire humain qui meut le sensible. Le postulat est évident : c'est le virtuel immanentiste qui meut le sensible et de ce fait les maîtres du monde sont les maîtres du virtuel immanentiste.
Autant dire que ce ne peut être que les financiers qui soient les régents de ce virtuel fini et si connoté. Les financiers spéculent ainsi, mais cette spéculation est purement économique et purement finie. La spéculation suppose en fait que ce soit le virtuel qui meuve le sensible, alors que dans le système transcendantaliste, le virtuel était lié au sensible et ne permettait de décrypter le sensible que dans la mesure où il permettait de comprendre mieux, non seulement le sensible, mais encore le réel dans sa totalité.
Reste à préciser que le virtuel immanentiste implique pour être viable qu'il soit en mesure de créer et d'influer sur le sensible. Ce n'est bien entendu pas le cas, puisque le réel n'a pas de fonction démiurgique. Il est seulement la faculté supplémentaire qui permet à l'homme de vivre avec supériorité par rapport aux autres formes de vie. Le virtuel est vertueux quand il permet d'approfondir la compréhension du réel. De ce fait, il dégage d'autres formes de réel que le sensible immédiat, que Platon et ses maîtres ont regroupé sous le terme de monde idéel par souci de simplification.
C'est parce que le virtuel approfondit la perception du réel qu'il montre sa meilleure adéquation avec le sensible que l'adéquation d'un grand singe. Le rôle de lien du virtuel se comprend ainsi par rapport à cette faculté du virtuel, faculté vertueuse par opposition à sa mutation vicieuse dans l'ordre de l'immanentisme. Car il est facile de cerner l'effet qu'opère la mutation du virtuel immanentiste : il est condamné à une tâche impossible, qu'il ne saurait résoudre.
Le virtuel est assigné non à un rôle de compréhension et d'approfondissement analytique, mais à un rôle de création démiurgique. Dans le transcendantalisme, le virtuel accompagne la création et l'encourage, mais la création n'émane pas du virtuel. Elle provient du monde des Idées. De ce point de vue, le virtuel n'est qu'un lien ou une tête de pont. On pourrait le nommer courroie de transmission.
On se rappellera avec profit que les Anciens n'expliquaient pas la création dans la mesure où ils avaient l'honnêteté de ne pas expliquer du tout l'inspiration et qu'ils en remettaient la paternité aux dieux et au divin. Dans l'immanentisme, il faut bien que la création mutante et finie soit assumée par le virtuel. Virtuel fini, qui n'est pas le virtuel artistique, mais le virtuel économique. Pour une raison précise : l'artistique déborde encore des limites finies, tandis que l'économique est typiquement un produit fini et délimitable.
L'économique est vraiment cette norme des échanges, à condition de comprendre que l'échange ici est fini, ce qu'indique au moins en partie son étymologie de mutation à partir de. A partir de quoi? Dans le transcendantalisme, c'est à partir du monde des Idées. Dans l'immanentisme, c'est à parti du néant. Il y a comme un vice de forme de l'immanentisme, qui ne parvient pas du tout à expliquer le lien et le liant entre l'idéel et le virtuel.
L'immanentisme raille les faiblesses du transcendantalisme sous prétexte que le transcendantalisme est incapable de montrer cet autre monde et le situe ailleurs. Mais au moins le transcendantalisme a-t-il le mérite de proposer un sens certes obscur, mais stable. L'immanentisme fait exploser cet équilibre sans doute précaire et lui substitue un ordre bancal et seulement séduisant dans l'immédiat.
C'est un peu comme la spéculation financière : au départ, elle rapporte gros, puis par la suite elle implose en gros. Cette implosion systémique est compréhensible à la lecture du virtuel immanentiste : à force de laisser le sensible à l'abandon, le sensible finit par dépérir. Ce que l'on nomme le virtuel correspond en tous points à l'Hyperréel, soit au réel qui correspondrait aux fantasmes du désir humain. Un tel réel n'existe pas.
Ce réel n'est que la projection de la représentation, soit un virtuel découplé du sensible. Les deux réels déclinent de la sorte rapidement, du moins pour les attentes de l'homme. L'Hyperréel ou le virtuel font leur cigale ou leur grenouille se prenant pour un bœuf. Ils prospèrent de manière illusoire et fallacieuse, c'est-à-dire qu'ils feignent de croire qu'ils prospèrent en suivant les canons et les attentes du désir humain.
Bien entendu, le côté pile de cette face solaire est sombre et obscur : c'est que le réel sensible n'est pas développé et devient de plus en plus chaotique. Le développement simplement virtuel du monde fait que le réel périclite parce que simplement le virtuel est découplé du restant du réel et que le virtuel est assigné à une place qui n'est pas la sienne et qui se trouve si surévaluée qu'il ne peut pas la tenir.
Le virtuel est ce parvenu qui s'effondre sous la pression de son propre piège. Il exprime l'Hyperréel qui est le réel de l'immanentisme : le réel des attentes humaines, le réel du fantasme humain, le réel du désir humain. Le secret de la pérennité de l'homme, c'est sa capacité à harmoniser savamment le virtuel et le sensible. Ce n'est qu'à ce prix qu'il évite l'écueil de l'Hyperréel.
La perdition de l'homme, c'est cette incapacité à comprendre que l'Hyperréel est le mirage aux alouettes du paradis humain. Quand l'homme vit dans l'Hyperréel, il ne se rend pas compte qu'il se cache la vue et qu'il ne distingue pas que l'Hyperréel n'existe pas sous forme d'Hyperréel, mais qu'il existe par contre sous forme réelle. C'est le propre de l'illusion que de montrer une représentation fausse d'une forme réelle différente.
Dans le cas de l'Hyperréel, il abrite le réel chaotique. L'homme est contraint, ainsi que l'enseignent toutes les morales religieuses, de sans cesse aménager le réel sensible pour perdurer dans le réel. S'il vit sous le régime de l'Hyperréel, il est rapidement menacé de disparition définitive. On comprend mieux la bulle spéculative, le déficit spéculatif abyssal et les explications mensongères.
Elles sont destinées à masquer qu'il faut en revenir à une vision saine des choses et que la crise immanentiste mène à l'abîme. Soit en termes raisonnables : la dissociation du sensible et du virtuel conduit à la catastrophe. Elle détruit tout le réel : le sensible, le virtuel et toutes les forme de mondes qui constituent le réel et dont nous avons tant de mal à dépasser à l'approximation et à énumérer la description un tant soit peu précise et fidèle.
Le postulat de l'existence positive du néant nous amène à conclure que l'immanentisme se rapporte à la religion du diable, du moins du diable tel qu'il est perçu par les transcendantalistes. On sait que la meilleure ruse qu'ait inventée le diable, c'est de faire croire qu'il n'existe pas. De même, la meilleure ruse de l'immanentisme consiste à avoir laissé croire qu'il n'existe pas.
Dès lors, on comprend la stratégie des financiers et des banquiers mondialistes, soit de ceux qui objectivement dominent le système immanentiste. On pourrait en effet relier leur démarche destructrice et aberrante (se détruire à force de détruire, inexorablement) par l'explication de leur conception religieuse immanentiste du monde. C'est leur croyance au néant en tant que néant qui induit leur démarche.
Comment peut-on détruire en sachant que la destruction du monde implique sa propre destruction? C'est parce qu'on croit au néant en tant que néant et que l'on ne voit du coup pas les choses de ce point de vue et de cette manière. On estime à tort qu'on crée quand on détruit. Les religions transcendantalistes ont toutes développé l'argument selon lequel le néant n'existe pas, car la croyance au néant mène inexorablement vers la destruction et la disparition.
C'est la promesse de l'autre monde, développée par toutes les religions, et pas seulement les monothéistes. On peut établir l'équivalent philosophique avec Platon, le pendant grec du christianisme selon Nietzsche, le prophète de l'immanentisme tardif et dégénéré. Selon cette conception, il faut bien que le Non-Être existe aussi de quelque manière et de quelque façon pour sauver l'Etre. Selon Rosset, le héraut du nihilisme contemporain, l'Etre n'existe pas, l'Etre correspond au sensible et le Non-Être lui existe.
Les banquiers sont ainsi des antiplatoniciens et des adorateurs du néant. Ce sont de ce strict point de vue des adorateurs du diable, ce qui en dit long sur le dévoiement de la civilisation immanentiste, pour parler comme Huntington. Si l'on croit au néant, alors seulement on peut en arriver à créer le monde immanentiste qui est aujourd'hui sur le point de s'effondrer.
Pourquoi cette affirmation? Parce que la croyance au néant crée une relation au réel fort particulière. Il faut introduire la notion de virtuel pour comprendre que le virtuel traduit la spécificité de la démarche humaine. Le virtuel immanentiste est vicieux en ce qu'il est forcément du côté de l'existence sensible.
Dans la mentalité immanentiste, le virtuel est forcément le couronnement de l'ensemble du réel. Dans la tradition classique, le virtuel est vertueux et porteur de puissance (virtus) en ce que le virtuel traduit le passage du sensible vers l'idéel. C'est la doctrine platonicienne. De ce point de vue, le virtuel possède sa supériorité en ce qu'il mène vers l'idéel, mais il est aussi profondément subordonné au sensible.
C'est le problème du virtuel et du sensible dans la tradition philosophique. On connaît l'histoire de Thalès qui à force de regarder le ciel tomba dans un trou. Manière de montrer que le philosophe est éloigné du sensible, ce qu'indique aussi la tradition platonicienne du philosophe persécuté par le tyran et incapable de gouverner de manière idéale ce bas monde. Le virtuel est ainsi à la fois ce qui relie au monde supérieur des Idées et ce qui exprime un éloignement inférieur par rapport au sensible.
Autrement dit, le virtuel fonde la supériorité humaine de la conscience et de la réflexion, mais le virtuel dans notre expérience du réel n'est rien s'il ne s'appuie pas sur le sensible. On a ici l'idée que le virtuel est ce qui fonde la supériorité de l'action humaine et que le virtuel marque la conscience, le désir et l'imagination. Virtuel est virtus en ce qu'il exprime la supériorité humaine.
La pérennité et la viabilité du virtuel ne sont possibles que dans ce lien permanent entre l'idée et le sensible. Le virtuel dans le transcendantalisme occupe ainsi la place essentielle du lien entre le réel immédiat et immanent et le réel qui explique les lacunes incommensurables du sensible. De ce point de vue, le virtuel tient la place synonyme du religieux.
Le virtuel tient sa place quand il occupe un rang intermédiaire. Il n'est pérenne et viable que dans cette place intermédiaire. Sans le sensible, il n'est rien. Il est à la fois subordonné explicitement à l'idéel et sans cesse connecté au sensible. D'une certaine manière, il exprime le lien entre les deux mondes qui formeraient schématiquement le réel : les Idées et le sensible.
Cette dualité fournit la place du virtuel : c'est qu'il n'est rien sans le sensible et qu'il ne peut relier à l'idéel qu'en se trouvant dans le même temps indexé au sensible. Dans la tradition classique, le virtuel sert à faire fructifier le sensible et l'un des grands critères de la viabilité du virtuel est qu'il fait fructifier le sensible. Le virtuel est ainsi une grille et un outil de décodage du réel qui donne un accès à l'homme plus vaste et plus complexe que la grille de lecture animale ou la grille de lecture du vivant.
On peut toujours le relier à l'imaginaire et au désir. Ce sont ces facultés qui relient directement les deux mondes. La supériorité de ces facultés n'est possible que si elles sont assignées à cette fameuse place d'intermédiaire. Mais cette place d'intermédiaire n'est envisageable que dans la hiérarchie classique et dualiste. Dès qu'on abroge le dualisme comme c'est le cas avec l'immanentisme, on rompt l'équilibre classique et l'on donne de facto au virtuel une place de supériorité qui n'est pas contrebalancée par un rang de lien ou d'intermédiaire.
Dès lors, la position du virtuel est première et change radicalement. Elle mute comme mute l'immanentisme. Dans le système immanentiste, le virtuel est ce qui meut le sensible. Le virtuel est la vertu de l'homme qui crée le réel. C'est dire que le summum du virtuel est ainsi ce qui est découplé du sensible et ce qui façonne et crée le sensible. Dans cette acception, le démiurge est occupé par le virtuel.
Alors que classiquement le virtuel était ce qui était lié au sensible et qui permettait de faire prospérer le sensible, dans l'immanentisme, le virtuel est le fini imaginaire humain qui meut le sensible. Le postulat est évident : c'est le virtuel immanentiste qui meut le sensible et de ce fait les maîtres du monde sont les maîtres du virtuel immanentiste.
Autant dire que ce ne peut être que les financiers qui soient les régents de ce virtuel fini et si connoté. Les financiers spéculent ainsi, mais cette spéculation est purement économique et purement finie. La spéculation suppose en fait que ce soit le virtuel qui meuve le sensible, alors que dans le système transcendantaliste, le virtuel était lié au sensible et ne permettait de décrypter le sensible que dans la mesure où il permettait de comprendre mieux, non seulement le sensible, mais encore le réel dans sa totalité.
Reste à préciser que le virtuel immanentiste implique pour être viable qu'il soit en mesure de créer et d'influer sur le sensible. Ce n'est bien entendu pas le cas, puisque le réel n'a pas de fonction démiurgique. Il est seulement la faculté supplémentaire qui permet à l'homme de vivre avec supériorité par rapport aux autres formes de vie. Le virtuel est vertueux quand il permet d'approfondir la compréhension du réel. De ce fait, il dégage d'autres formes de réel que le sensible immédiat, que Platon et ses maîtres ont regroupé sous le terme de monde idéel par souci de simplification.
C'est parce que le virtuel approfondit la perception du réel qu'il montre sa meilleure adéquation avec le sensible que l'adéquation d'un grand singe. Le rôle de lien du virtuel se comprend ainsi par rapport à cette faculté du virtuel, faculté vertueuse par opposition à sa mutation vicieuse dans l'ordre de l'immanentisme. Car il est facile de cerner l'effet qu'opère la mutation du virtuel immanentiste : il est condamné à une tâche impossible, qu'il ne saurait résoudre.
Le virtuel est assigné non à un rôle de compréhension et d'approfondissement analytique, mais à un rôle de création démiurgique. Dans le transcendantalisme, le virtuel accompagne la création et l'encourage, mais la création n'émane pas du virtuel. Elle provient du monde des Idées. De ce point de vue, le virtuel n'est qu'un lien ou une tête de pont. On pourrait le nommer courroie de transmission.
On se rappellera avec profit que les Anciens n'expliquaient pas la création dans la mesure où ils avaient l'honnêteté de ne pas expliquer du tout l'inspiration et qu'ils en remettaient la paternité aux dieux et au divin. Dans l'immanentisme, il faut bien que la création mutante et finie soit assumée par le virtuel. Virtuel fini, qui n'est pas le virtuel artistique, mais le virtuel économique. Pour une raison précise : l'artistique déborde encore des limites finies, tandis que l'économique est typiquement un produit fini et délimitable.
L'économique est vraiment cette norme des échanges, à condition de comprendre que l'échange ici est fini, ce qu'indique au moins en partie son étymologie de mutation à partir de. A partir de quoi? Dans le transcendantalisme, c'est à partir du monde des Idées. Dans l'immanentisme, c'est à parti du néant. Il y a comme un vice de forme de l'immanentisme, qui ne parvient pas du tout à expliquer le lien et le liant entre l'idéel et le virtuel.
L'immanentisme raille les faiblesses du transcendantalisme sous prétexte que le transcendantalisme est incapable de montrer cet autre monde et le situe ailleurs. Mais au moins le transcendantalisme a-t-il le mérite de proposer un sens certes obscur, mais stable. L'immanentisme fait exploser cet équilibre sans doute précaire et lui substitue un ordre bancal et seulement séduisant dans l'immédiat.
C'est un peu comme la spéculation financière : au départ, elle rapporte gros, puis par la suite elle implose en gros. Cette implosion systémique est compréhensible à la lecture du virtuel immanentiste : à force de laisser le sensible à l'abandon, le sensible finit par dépérir. Ce que l'on nomme le virtuel correspond en tous points à l'Hyperréel, soit au réel qui correspondrait aux fantasmes du désir humain. Un tel réel n'existe pas.
Ce réel n'est que la projection de la représentation, soit un virtuel découplé du sensible. Les deux réels déclinent de la sorte rapidement, du moins pour les attentes de l'homme. L'Hyperréel ou le virtuel font leur cigale ou leur grenouille se prenant pour un bœuf. Ils prospèrent de manière illusoire et fallacieuse, c'est-à-dire qu'ils feignent de croire qu'ils prospèrent en suivant les canons et les attentes du désir humain.
Bien entendu, le côté pile de cette face solaire est sombre et obscur : c'est que le réel sensible n'est pas développé et devient de plus en plus chaotique. Le développement simplement virtuel du monde fait que le réel périclite parce que simplement le virtuel est découplé du restant du réel et que le virtuel est assigné à une place qui n'est pas la sienne et qui se trouve si surévaluée qu'il ne peut pas la tenir.
Le virtuel est ce parvenu qui s'effondre sous la pression de son propre piège. Il exprime l'Hyperréel qui est le réel de l'immanentisme : le réel des attentes humaines, le réel du fantasme humain, le réel du désir humain. Le secret de la pérennité de l'homme, c'est sa capacité à harmoniser savamment le virtuel et le sensible. Ce n'est qu'à ce prix qu'il évite l'écueil de l'Hyperréel.
La perdition de l'homme, c'est cette incapacité à comprendre que l'Hyperréel est le mirage aux alouettes du paradis humain. Quand l'homme vit dans l'Hyperréel, il ne se rend pas compte qu'il se cache la vue et qu'il ne distingue pas que l'Hyperréel n'existe pas sous forme d'Hyperréel, mais qu'il existe par contre sous forme réelle. C'est le propre de l'illusion que de montrer une représentation fausse d'une forme réelle différente.
Dans le cas de l'Hyperréel, il abrite le réel chaotique. L'homme est contraint, ainsi que l'enseignent toutes les morales religieuses, de sans cesse aménager le réel sensible pour perdurer dans le réel. S'il vit sous le régime de l'Hyperréel, il est rapidement menacé de disparition définitive. On comprend mieux la bulle spéculative, le déficit spéculatif abyssal et les explications mensongères.
Elles sont destinées à masquer qu'il faut en revenir à une vision saine des choses et que la crise immanentiste mène à l'abîme. Soit en termes raisonnables : la dissociation du sensible et du virtuel conduit à la catastrophe. Elle détruit tout le réel : le sensible, le virtuel et toutes les forme de mondes qui constituent le réel et dont nous avons tant de mal à dépasser à l'approximation et à énumérer la description un tant soit peu précise et fidèle.
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