vendredi 9 octobre 2009

On fraie?

"Je suis un antilibéral forcené et un libertaire qui propose le libér... le libertarisme (...) comme remède à la pensée libérale."
Michel Onfray, autour de la quarante-cinquième seconde de l'interview.

Désolé si je suis cassant, mais le vers casse - le vert. Le vers : c'est moi. Le Vert : c'est celui qui pérore et parade. Qui se fait passer pour la couleur de l'espoir, alors qu'il est la couleuvre du maléfice. Écoutez, c'est intellectuellement parlant médiocre, syntaxiquement alambiqué, identitairement narcissique, stylistiquement ampoulé. C'est Onfray, symptôme de son époque d'immanentisme terminal. Onfray nous entretient d'hédonisme et en l'occurrence de son application politique : le libertarisme.

Onfray se présente comme un antilibéral frénétique et frétillant. Il serait libertaire à la mode de Camus ou des choux de Caen du vingt-et-unième siècle. Pour la subversion de type nietzschéenne, visez le raisonnement : Onfray est un postanarchiste, ce qui veut tout et ne rien dire à la fois. On est postmoderne, postnietzschéen, postlibéral et même postier. Post est le préfixe qui indique votre avant-gardisme. Demandez à Lyotard. Onfray le deleuzien n'est certes pas anarchiste comme un classique (autant dire qu'il n'est pas anarchiste du tout), mais il est anarchiste au sens où il est pour la propriété privée juste. On croirait goûter aux discours moralistes et guindés de Ségolène.
Heureusement, Onfray nous explique que le capitalisme se distingue du libéralisme en ce que le capitalisme serait éternel comme les diamants. On aurait un capitalisme préhistorique, un capitalisme du troc, un capitalisme féodal, un capitalisme industriel, un capitalisme vert, un capitalisme libertaire... Après le traité d'athéisme dans toutes les langues et les errances, voici la traite du capitalisme, disponible chez les bons libres hères. Décidément, il est difficile d'échapper à la bêtise, a fortiori la pédante et l'intellectualiste. Dans cet ordre d'idée, Bouvard et Pécuchet se veulent gens savants, aussi importants qu'intelligents.
Onfray vous explique comment passer pour un rebelle tout en étant niché en plein cœur du système. Géographiquement, ça donne Argentan - et non Saint-Germain. Rapporté à Onfray le best-seller, j'entends : argent - tant. Tant d'argent et de bêtise, avouez que c'est le duo d'enfer. Mieux que Deleuze&Guattari, Onfray&Honfleur entendent lancer la mode du monde en province, dans les lieux les plus reculés qui soient, les trous normands, l'antiparisianisme bobo et bêlant.
C'est toujours mieux que le collège avec le collègue Raphaël, l'ancien complice cathodique, un tâcheron à histoires (philosophiques) qui vous pond des entretiens pédants en guise de pensées. C'est nettement en dessous du Boss immanentiste terminal. Clément Rosset. Dans son genre, Rosset est le maître déchu de l'immanentisme terminal, quand Onfray est un épigone infatué et licencieux. Copiez : collez. Décodez. Déconnez! Onfray a pour éditeur J-P., le père de Raphaël, car le monde est petit - autant que la mode est vaste. J-P. a eu un accrochage avec Raphaël parce que le fiston modèle lui avait piqué sa maîtresse pour en faire la mère de son fils. C'est très œdipien, très fin de règne, très Guermantes.
J-P. est le meilleur ami de BHL. De ce fait, il incarne le meilleur symbole de cette gauche ultra-libérale dont les maîtres sont des mondialistes fieffés, comme l'actuel DSK, et dont les références intellectuelles sont les immanentistes Nietzsche et Spinoza. Enthoven Sr. travaille pour les éditions Grasset, le journal ultra-libéral Le Point et publie des romans vaniteux et vains. Son emploi de taon narcissique lui enjoint de piger comme bras droit de BHL pour la cause idéologique du sionisme - en tant que le sionisme est un des bras armés de l'Empire britannique.
C'est auprès de cette éminence grisonnante qu'Onfray développe ses théories postanarchistes. Comprenez : idéologiquement, Onfray se réclame de l'anarchisme pour en fait militer en faveur du libéralisme. Après les libéraux-libertaires à la sauce verte, genre Cohn-Bendit, goûtez aux postanarchistes. Ça a le goût de l'anarchisme, ça ressemble à de l'anarchisme, mais ce n'est pas de l'anarchisme. C'est du compost d'anarchisme - et nous penserons à en distribuer aux éleveurs de veaux, de vaches et de moutons.
Qu'est-ce que le postanarchisme? La légitimation du capitalisme en tant que force économique principale et éternelle. Au fait, je suis tombé récemment sur un article fax-similaire de Raphaël la Science, qui dissertait plein d'embrouilles et d'embrouillaminis sur le caractère éternel de l'économie de marché couplée à la démocratie.
http://aucoursdureel.blogspot.com/2009/07/suave-qui-peut.html
Pour faire rebelle, ce qui chez Onfray s'apparente à une politique de la rente, on se vend postanarchiste, mais Onfray lui-même avoue que le libertarisme postanarchiste est un concept d'autant plus efficace qu'ils est vaguement minoritaire. Dans les marges des choux graves et des raves qui gavent.
Dans un système capitaliste à la Onfray, pour être postanarchiste conséquent, il faut relever de la catégorie dominante, par exemple de la classe intellectuelle dont les idée sont nulles mais qui s'enrichit grassement en pondant des livres sur commande. Le commandeur d'Onfray est l'ami de BHL et le père de son ancien complice. Devinez c'est qui? Statue quo ou statut KO? Onfray le postnanar est édité par un ultralibéral gauchiste.
On se gausse, ma ganache? La droite de gauche fait ses emplettes? Les ultralibéraux débauchent les néoconservateurs progressistes et autres vrais cons sociaux-libéraux, quand des têtes pansantes emboîtent le pas à Carla B. pour incarner le côté artiste de l'ultralibéralisme. Si Carla est l'ultrachanteuse de cette mode subvertie, je veux bien qu'Onfray soit l'ultraphilosophe de notre sérail confit et déconfit.
Pour commencer, Onfray dresse en postanarchiste conséquent, soit en libéral rebelle et minoritaire, l'éloge de l'État minimal et social. Faut le fer! Puis Onfray définit le libéralisme comme le marché qui fait la loi, quand le capitalisme serait plus intéressant parce qu'il définirait l'économie de toutes les époques. Je connais un penseur épique qui va se dresser comme un porc (épicurien?) contre le libéralisme : c'est le libertaire postanarchiste Onfray. Il a tout compris, l'Onfray. Comme il est trop fort, nous allons lui rappeler en deux ou trois coups de cuillère à pot (hache) pourquoi le capitalisme ne date pas de la nuit des temps, mais remonte aux débuts de la société industrielle et de la bourgeoisie (bon début d'antidissertation de bac).
Dans cette veine hypocrite, la dissociation du capitalisme et du libéralisme est illusoire. Le libéralisme est l'idéologie accomplie qui chapeaute plus ou moins, mais toujours en dernière instance, le développement de la technique économique capitaliste. En opérant une fausse distinction, en excluant le libéralisme, Onfray le conforte, étant entendu que le libéralisme est l'idéologie la plus pertinente pour qualifier la technique économique du capitalisme.
Démystifions l'imposture. Onfray nous refait le coup du proto-Spinoza anonyme sortant son éloge vibrant et cuistre de l'athéisme. Les libéraux de gauche ont adoré, puisqu'Onfray légitime le droit à dire n'importe quoi (le postanarchisme) avec les formes du n'importe comment (l'interview dans un bar autour d'un jus). Sans doute l'éditeur Enthoven Sr. se sent-il ravi d'avoir dégotté un si bon produit marketing, qui vend des livres comme des petits pains et qui réussit l'exploit médiatique de personnifier le rebelle du parti dominant.
D'après Wikipédia, qui sans être la voix de la vérité se trompe beaucoup moins qu'Onfray, il existe cinq formes principales de définition du capitalisme :
- la propriété privée des moyens de production,
- la recherche du profit et de sa justification (ou l'absence de),
- la liberté des échanges économiques et de la concurrence économique au sein du marché,
- l'importance du capital, les possibilités de l'échanger (spécialement en bourse), de l'accumuler et de spéculer et
- la rémunération du travail par un salaire.
Onfray se cantonne à la première définition, qui lui permet d'éviter l'écueil du capitalisme - forme technique proche de l'idéologie libérale. Tant Wikipédia qu'Onfray, qui philosophe à moindre frais en ce qu'il se contente de répéter et de rabâcher, s'en tiennent à une définition du capitalisme qui oscille entre le maximalisme et le minimalisme. Pour le minimalisme, on a par exemple "la rémunération du travail par un salaire". Pour le maximalisme, une certaine conception lâche et accommodante du capitalisme, qui concorde miraculeusement avec l'économie.
Il est certain que les rapports économiques ont toujours existé depuis qu'il existe des sociétés humaines. Pas tout à fait depuis la nuit des temps, mais presque. Mettons : depuis la nuit des Inuits. Par contre, il faut vraiment avoir une bonne dose d'opportunisme et d'intérêt bien (ou mal?) compris pour insinuer que le capitalisme a toujours existé. Onfray se rend-il compte qu'il participe à la mode consistant à expliquer que les choses ont toujours été?
Je croyais Onfray hédoniste athée? En fait, il est un lointain disciple de Tonton Arthur, notre Schopèrehauer de l'euphorie, qui entre autres considérations hilarantes croyait fermement que le changement était une illusion. En général, on entend seriner que c'est le libéralisme qui a toujours existé. On avance que si la liberté a toujours existé, alors le libéralisme étant l'expression de la liberté... C'est un raisonnement partial et partiel, dont le moins qu'on relèvera est qu'il ne se conforme guère à l'histoire de quelque manière qu'on la prenne.
Idem avec le capitalisme éternel. Onfray dresse l'apologie du libéralisme masqué sous les traits du capitalisme postanarchiste parce qu'il estime la posture plus rebelle et originale. Après tout, se présenter en libéral postanarchiste ne tient guère la route, tandis qu'expliquer savamment que le capitalisme est conciliable avec l'anarchisme... Au fait, postanarchisme, ça veut dire quoi? L'anarchisme après l'anarchisme?
Onfray croit-il vraiment aux fariboles de la fin de l'histoire, théorisées moins par Hegel le conservateur autocratique que par Fukuyama l'expert ultra-libéral adepte de l'éternité? Même dans ses références, Onfray oscille entre l'inconséquence et l'engagement idéologique connoté et primaire! Pourtant, si l'on comprend que le post en question signifie que nous sommes entrés dans la période bénie de la vie éternelle de sauce inévitablement libérale, l'anarchisme made in Onfray n'est compatible qu'avec le régime libéral.
Onfray tourne en rond et gâte la sauce. Pour que la mayonnaise hédonisto-anarchiste s'effondre comme un soufflé qui n'a pas pris, je m'empresse d'expliciter ce qu'Onfray et Wikipédia oublient d'ajouter. Le trait(é) capital. Le détail essentiel. C'est la notion d'individualisme. J'entends par individualisme cette propension à juger avant tout que la plus haute définition du réel réside dans l'individu ou dans le principe d'individuation.
C'est un principe éminemment moderne. Non qu'il n'existât pas avant le symbolique 1492, mais que d'autres principes ô combien plus élevés prévalaient de très loin sur la notion d'individu. A l'heure actuelle, les autres cultures (pour ne pas parler de civilisation, comme le regrettable plus que regretté Huntington) regardent avec un mépris teinté d'expérience la civilisation occidentale en considérant qu'une société qui fonde sa pérennité sur l'individu est une société qui n'ira pas loin.
D'ordinaire, les sociétés estiment que c'est le religieux qui est la valeur supérieure et que les expériences collectives ont de très loin le dessus qualitatif sur les expériences individuelles. Penser en termes de privé et de propriété est une mentalité moderne et occidentale, qui n'a rien d'universel et de consubstantiel à l'homme. Évidemment, quand on se proclame hédoniste, on se meut à son aise dans le fondement de l'individu. De surcroît quand on est athée et qu'on remplace Dieu par l'homme.
Onfray adore Nietzsche et se considère sans doute comme un postmoderne postnietzschéen et postanarchiste. Il révère Deleuze, au moins autant par conviction que par souci de reconnaissance. Même à la campagne, il vaut mieux se réclamer du Défenestré pour acquérir de la reconnaissance et des lettres de noblesse. Si tu juges à la lettre, tu manqueras l'Être. Onfray n'en a cure : il jouit du prestige - et pour un hédoniste, cette jouissance-là vaut son pesant de cacahuètes.
En tout cas, le déni d'individualisme indique mieux qu'un lapsus ou un aveu baveux la stratégie du déni qu'Onfray poursuit et qui lui permet d'être un occidentaliste et un impérialiste. Onfray dénie l'individualisme en individualiste forcené, tout comme il dénie le libéralisme en libéralisme rebelle et marginal. Le déni exprime moins le refus de voir le réel qu'un besoin certain d'un certain réel. De même qu'Oedipe refuse de voir qu'il tué son père et couché avec sa mère, on refuse de voir ce qu'on est pour mieux se vautrer dans ce qu'on est.
Dans le cas d'Œdipe, c'est d'être roi et mythe vivant. Dans le cas d'Onfray, c'est d'être philosophe de cour et de charme. Les honneurs ou l'honneur, il faut choisir. Onfray a tranché son nœud. Il sera reconnu, starisé, médiatisé... Il est capital pour un pur capitaliste de capitaliser sa renommée. La preuve : s'il est hautement improbable qu'Onfray soit anarchiste, même sur le mode du post, il est plus que certain qu'il est un capitaliste. Pas une exception de capitaliste - un capitaliste d'exception. Onfray est un capitaliste capiteux et libéral, qui n'a que trop intégré que le meilleur moyen de promouvoir l'impérialisme occidentaliste consiste encore à dénoncer l'impérialisme pour mieux le reconnaître.

1 commentaire:

Nicole C a dit…
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