http://www.lefigaro.fr/editos/2009/10/19/01031-20091019ARTFIG00365-les-silences-du-metronome-.php
Moment de privilège : un écrivain de l'oligarchie s'exprime. Philippe Labro, atlantiste reconnu, vice-président de la station de radio RTL et promoteur avec Bolloré de la chaîne de télévision TNT Direct 8. Pour ceux qui ne veulent pas rire trop fort, Labro y anime une émission qui s'intitule Langue de bois s'abstenir. C'est une émission de débat sur l'actualité, entre politique et culture. Les animateurs sont des esprits aussi reconnus que chloroformés, entre atlantisme et sionisme : Philippe Tesson, Jérôme Beglé, Bertrand Delais, Pierre Bénichou, Michèle Cotta. Nul besoin de revenir sur le pédigrée de ces participants prévisibles. Ce qui m'intéresse en l'occurrence, c'est que c'est notre Labro hexagonal est la plume que Le Figaro choisit pour dresser le portrait littéraire de Kissinger.
Chacun sait qui est Kissinger : après quarante ans de coups tordus et de crimes en tous genres, il serait temps d'entériner que Kissinger est Prix Nobel de la Paix au sens où le Nobel désigne les agents les plus zélés de l'atlantisme. Kissinger est l'homme de la diplomatie coopté par le RIIA britannique et le Foreign Office pour diriger sous Nixon et Carter la diplomatie américaine. En ce sens, il appartient à la cohorte des agents de l'Empire britannique utilisé sur le sol américain. Depuis l'époque de la guerre de Sécession, la liste de ces agents doubles est longue.
Selon LaRouche dans Le pouvoir de raison, Kissinger fut affecté par le RIIA à sa branche américaine, le CFR. Le faucon conservateur Mc George Bundy, conseiller à la sécurité nationale des Présidents Kennedy puis Johnson, parraina la nomination de Kissinger. George Franklin, le très discret coordinateur de la Commission Trilatérale à la fin des années 70 et membre du CFR, fut très clair : Kissinger appartient au RIIA et à la diplomatie impérialiste britannique.
La réputation de brillant esprit du docte(ur) Kissinger repose sur le leurre initial et symptomatique de sa thèse de Harvard (réputée la plus longue de l'histoire de l'université) et sur son œuvre finale Diplomatie. Kissinger n'est qu'un homme de main, un valet, un spécialiste des coups tordus et un manipulateur. C'est dans ce sens peu reluisant qu'il faut cerner sa brillante réputation de diplomate et de stratège. Il applique à la ligne les consignes que lui donnent les vrais stratèges du RIIA.
Si l'on veut mesurer le degré d'analphabétisme narcissique flagrant de Kissinger, une anecdote : en 1957, notre politologue publie un livre destiné à asseoir sa compétence sur les questions nucléaires (Puissance nucléaire et politique étrangère). Il s'agit de prendre acte du changement de société qui conduit à la période dite de la post-industrialisation (nous y sommes!). C'est un certain Gordon Dean qui est l'auteur véritable du livre. Dean est un avocat spécialiste des questions nucléaires et membre du CFR, qui travailla dans des commissions traitant du nucléaire en compagnie notamment du stratège Nitze ou du banquier Rockefeller.
Dean fut un éminent consultant de Lehman Brothers dans les années 50. Il faut s'y faire, Kissinger est le nègre des intérêts de l'Empire britannique. C'est ce Kissinger qui subit un camouflet patent en mai 2001, lorsqu'il refusa de répondre en tant que témoin aux questions du juge français Le Loire concernant des crimes au Chili sur des membres de familles franco-chiliennes. Kissinger partit précipitamment de sa suite du Ritz - départ qui pourrait donner lieu au titre : il prend la fuite de sa suite.
http://lists.peacelink.it/latina/msg01150.html
Comment se fait-il que Kissinger ait pu revenir sans que la Justice française ne poursuive ses investigations légitimes? Cette première question est (pour l'instant) demeurée sans réponse auprès du journaliste du Figaro qui a procédé à son interview.
http://www.lefigaro.fr/editos/2009/10/17/01031-20091017ARTFIG00235-kissinger-les-chinois-ne-veulent-plus-de-la-domination-du-dollar-sur-l-economie-.php
J'attends une éventuelle question, mais je subodore d'ores et déjà que la raison d'État se soit trouvée la plus forte. Immunité diplomatique ou quelque chose de ce style. Dans la France de l'atlanto-sioniste Sarkozy, le retour en grâce de Kissinger montre pour qui travaille Sarkozy. Moins pour les Israéliens que pour les financiers des factions impérialistes de la City. D'ailleurs, c'est pour les milieux synarchistes de Wall Street que son compère Netayahu s'est engagé en politique et récolte des succès qui ne sont pas en rapport avec ses qualités intellectuelles et militantes.
En attendant, je note que ni le journaliste Renaud Girard ni le cultureux Labro n'ont jugé pertinent d'aborder ce thème. C'est un aveu éclatant que la raison du plus fort l'emporte. Il est vrai que Kissinger a recopié les considérations de Hobbes et Machiavel en expliquant pompeusement que la morale n'avait rien à voir avec les questions étatiques. Dans sa bouche, cela signifie que le mensonge devient noble et supérieur quand il s'applique à des questions politiques. Aux victimes des opérations Condor ou du fils de p... (selon K. lui-même) Suharto, nous penserons un jour ou l'autre à développer ce genre de considérations.
Dans la veine de Nietzsche l'antidémocrate et antichrétien radicalement désaxé, nous penserons à nous situer par-delà bien et mal. Que l'on omette la question capitale de l'action juridique contre Kissinger pour comprendre l'état de la France actuelle - et de Kissinger - en dit long sur le malaise rampant qui saisit notre pays et l'ensemble de l'Occident. Ce n'est pas une question hors sujet ou secondaire, au sens où il n'est pas conséquent d'attendre de la conséquence chez des individus obéissant à la loi du plus fort et à l'irrationalisme.
Si l'on accepte pour des motifs supérieurs que Kissinger soit au-dessus des lois, l'oukase signifie tout bonnement que l'on se meut dans un régime de facture oligarchique et impérialiste. Comment une mentalité impérialiste et oligarchique pourrait-elle accoucher de principes républicains? C'est cette question précise que je poserais au sympathique militant de Solidarité et Progrès qui fut le seul à me répondre concernant la venue de Kissinger à Paris.
Ce monsieur, que je respecte par ailleurs au vu de ses connaissances et de ses idées, m'expliqua qu'à l'heure actuelle Kissinger travaillait pour des groupes financiers modérés qui sont plutôt favorables au plan de sauvetage de l'économie mondiale présenté par La Rouche, incluant la Chine dans les tractations. Dont acte. J'estime pour ma part que ce n'est pas en bafouant les lois que l'on peut provoquer un changement salutaire et bénéfique pour le plus grand nombre.
Revenons au portrait de l'éminence Kissinger par Labro : Labro aimerait nous faire croire que les grands diplomates du passé dont Kissinger dresse le portrait ému, comme Richelieu ou Bismarck, seraient les véritables ancêtres de Kissinger. Ma main au feu (du diable?) que Kissinger n'est pas de cette veine, pas un diplomate du passé, mais un diplomate dépassé, en ce qu'il est un vassal de l'Empire britannique et qu'il subvertit les principes mêmes de la diplomatie. Rappelons que la diplomatie est l'art de la négociation entre nations au niveau politique et que cet art implique l'absence de violence.
Du coup, l'action de Kissinger n'est pas une action diplomatique, mais une action de manipulation. Si j'enlève les flagorneries hagiographiques contenues dans le portrait de Labro, pour qui le moindre détail chez Kissinger ressortit de la supériorité intellectuelle obvie (ah, les doigts de Henry!), nous ne conserverons que quelques détails significatifs d'une manière signifiante de penser et de concevoir le monde.
1) "C'est un livre époustouflant" n'hésite pas à lancer Labro pour qualifier le livre-testament Diplomatie. Au vu du réel niveau intellectuel de Kissinger, le seul narcissisme débridé de Kissinger l'empêche de s'intéresser à toute question profonde. Sinon : laquelle?
2) Kissinger qualifie d'émouvant l'accord de paix conclu avec Le Duc Tho en 1973, qui scellait la fin de la guerre du Vietnam. Labro se garde bien d'ajouter que Le Duc Tho refusa le Nobel de la Paix 1973 en compagnie de l'inénarrable Kissinger et que la nomination de Kissinger est l'un des pires camouflets que l'on puisse ajouter à la réputation controversée de ce Prix.
3) Kissinger réfute la définition shakespearienne de l'Histoire : un "récit raconté par un idiot, plein de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien". Grave imprécision, monsieur Labro. Ces propos émanent d'une citation de Mac Beth tirée de la scène 5 de l'Acte V de Mac Beth. La citation plus intégrale serait : "Éteins-toi, éteins-toi, courte flamme ! La vie n'est qu'une ombre en marche; un pauvre acteur, qui se pavane et se démène son heure durant sur la scène, et puis qu'on n'entend plus : c'est un récit conté par un idiot, plein de bruit et de fureur et qui ne signifie rien"
Mac Beth exprime le destin typique d'un oligarque ou d'un tyran, qui commence par désirer le pouvoir, puis qui passe d'un statut relativement libre et introspectif à un déterminisme qui le dépasse et l'emprisonne. Mac Beth est manipulé par des puissances supérieures et occultes qui le contraignent à la vengeance gratuite et à la violence totale. Que Kissinger réfute cette vision de l'histoire ne signifie pas qu'il ne soit pas d'une mentalité impérialiste et oligarchique.
Au contraire. Non seulement sa pseudo-vision ne veut pas dire grand chose ("chaque période développe une certaine identité, avec ses limites, et seul le passé permet de comprendre le présent"), mais surtout Kissinger montre qu'il réfute Shakespeare, parce que Shakespeare est un républicain qui ridiculise le parti oligarchique en le réduisant à des propos désespérés et absurdes. Shakespeare montre que l'action de Mac Beth aboutit à l'aberration politique et repose sur un malentendu ontologique irréductible.
Pourtant, loin de démentir la pensée oligarchique d'un Mac Beth, Kissinger développe une conception dans laquelle chaque moment est séparé des autres moments. D'un point de vue ontologique, Kissinger est incapable de relier l'ensemble des moments historiques pour en faire un processus historique continu, une dynamique au sens de Leibniz. Kissinger saucissonne et légitime son amoralisme stratégique et politique par l'absence de sens général.
Le sens est absent quand on le saucissonne. Du coup, l'opposition de Kissinger au point de vue imputé tel un contre-sens patent à Shakespeare est une fausse opposition. Les deux conceptions sont oligarchiques, sauf que la conception de Kissinger est moins absurde et plus étayée que celle du faux Shakespeare. Elle révèle une mentalité que Kissinger n'a nullement inventée, mais qui est le propre de la mentalité oligarchique : maîtriser les deux sens contraires pour contrôler l'ensemble du sens.
4) La mise en scène de la supériorité de Kissinger est fabulée. Labro nous dépeint un Kissinger porté par une lucidité surnaturelle : "dupe de rien" est une expression risible quand on s'avise des innombrables éclats de Kissinger. Cette supériorité est renforcée par l'énoncé des "qualités d'exception" du diplomate. Labro nous explique sans craindre la contradiction que Kissinger serait à la fois moins narcissique que sa réputation et en même temps tout à fait conscient de son "pouvoir cérébral". A une question ostentatoire et déplacé de Labro ("Vous avez dû [votre nomination au poste de secrétaire d'État] aux circonstances ou à votre «pouvoir cérébral»?"), Kissinger l'humble modeste répond sans sourciller : "Un mélange des deux, sans doute. Mais je ne suis pas sûr que, dans les mêmes circonstances, n'importe qui d'autre aurait obtenu ce poste". Commentaire de Labro : "Surgit à nouveau le sourire de celui qui est conscient de sa différence, et a vécu dans la certitude de ses qualités d'exception.". Si l'on récapitule, le lecteur a le privilège de se mouvoir avec un interviewer-romancier d'exception qui dialogue avec un politicien-diplomate d'exception. Chez Proust, nous serions entre gens du monde. Au Figaro, nous sommes entre oligarques dupes de rien - sauf de leur oligarchisme débridé.
5) Labro est très fier d'avoir disséqué et trouvé la méthode réflexive de Kissinger. Il va sans dire qu'un romancier-oligarque est mû par une telle supériorité intellectuelle qu'aucun sens descriptif et psychologique ne lui échappe. Selon Kissinger, cette méthode se résume au "tic suivi du tac", c'est-à-dire "une affirmation, puis son antithèse". Thèse, antithèse... Pas de synthèse?
Mais c'est de l'hégélianisme expurgé - plus que simplifié! Récapitulons : la méthode hégélienne prétend maîtriser le sens en couronnant la contradiction par le dépassement (de la synthèse). Dans le processus hégélien, on en reste toujours à un changement interne au processus délimité par la thèse et l'antithèse, puisque le dépassement (Aufhebung) intègre le cycle donné. Selon Wikipédia, "le mot caractérise le processus de dépassement d'une contradiction dialectique où les éléments négatifs sont éliminés et les éléments positifs conservés."
Autrement dit, le changement signifie la conservation des éléments positifs de la thèse, tandis que le travail du négatif aura éliminé ses éléments négatifs. Dans la dialectique oligarchique, qui réduit la dialectique hégélienne, et qui se fonde sur une approche de la dialectique qui est négation de la dialectique platonicienne, fondée sur la méthode socratique, soit la dialectique comme méthode de vérité, il ne s'agit en aucun cas de dépasser la contradiction.
Schopenhauer a défini la conception sophiste de la dialectique dans un opuscule au titre éloquent : La Dialectique éristique (ou De L'art d'avoir toujours raison). C'est l'idée que la rhétorique supprime le critère de vérité et qu'il le remplace par la persuasion du point de vue le plus éloquent ou le plus fort. Dans la tradition de Gorgias, il s'agit de dresser l'éloge du beau discours. Aristote et Hegel se placent dans une position intermédiaire, en ce qu'ils reprennent la méthode socratique du dialogue pour en empêcher sa visée essentielle : l'accession à la vérité depuis l'opinion/apparence.
Selon Platon, le dépassement de l'apparence permet de parvenir jusqu'à la vérité. Le changement correspond à la vérité, soit à l'exhumation du domaine des Idées. Selon Aristote, qui préfigure par sa conception dialectique la fameuse dialectique de Hegel, il s'agit de demeurer circonscrit dans le même domaine de réel. La dialectique aristotélicienne vise au moyen de la logique à résoudre la contradiction dans un domaine identique, quand la dialectique platonicienne permet d'assurer le changement et d'initier le processus de succession des différents domaines circonscrits.
L'adjonction chez Hegel d'un troisième terme à la conception aristotélicienne ne change rien à cette conception finie, puisque l'Aufhebung ne surmonte qu'à l'intérieur du domaine circonscrit. L'adjonction du troisième terme chez Hegel n'est que l'addition explication clôturant le système aristotélicien. N'oublions jamais qu'Aristote commence par discuter l'ontologie platonicienne par la critique de la théorie des Idées.
Hegel n'ajoute rien de nouveau à Aristote. Sa méthode dialectique n'est que le dépassement d'une conception réductrice du réel. Quant à la célèbre dialectique marxienne, Marx n'est jamais qu'un matérialiste qui non seulement ne peut pas dépasser la conception d'Aristote, mais qui ne peut au surplus que la renforcer dans son erreur abyssale.
Le matérialisme conduit Marx à réduire la dialectique à l'affrontement de points de vue d'ordre social. La dialectique sert une conception de la dynamique qui est faussée, voire dénaturée. La dynamique désigne un processus historique écrit à l'avance. C'est le déterminisme qui meut la dynamique dialectique. Marx prétend parvenir au degré de résolution de la dialectique en réduisant l'opération dialectique à un affrontement social de type anthropomorphique. La résolution aboutit à la réduction ontologique la plus caricaturale. Les résultats de cette dialectique ne se sont pas fait attendre, puisque le communisme marxien a accouché du totalitarisme historique que l'on sait.
La dialectique oligarchique que promeut Kissinger est une dialectique d'ordre libéral et impérialiste, qui se veut plus pragmatique que l'idéalisme matérialiste d'un Marx. Il s'agit de contrôler les oppositions au sein d'un même domaine et d'opter pour la loi du plus fort. Kissinger défend à son sens la loi du plus fort. Il jouit de l'immunité parce qu'il est défendu par les factions financières les plus fortes. Il est le diplomate des plus forts.
6) Ce portrait magiquement faux se clôt sur l'apologie de l'art. Labro nous glisse dans la confidence, en bon écrivain oligarque. Mazette : le Grand Kissinger se serait rendu au Louvre pour observer des tableaux. Vieille rengaine cultureuse, poncif esthétique : Kissinger roi du monde (du pétrole?) serait maître en tactique politique, mais il reconnaîtrait que l'expression artistique est supérieure à l'action politique : "Précarité du pouvoir face à l'éternité de l'art." Du coup, Labro l'écri-vain se place au-dessus de Kissinger. C'est cela, le narcissisme oligarchique : on loue pour se louer. Chacun se croit supérieur aux autres pairs, dans un jeu de dupes qui n'a d'égal que la tromperie des jeux de miroirs.
Malgré son empressement narcissique et son zèle laudatif, Labro va trop vite en besogne, puisque le maître de l'immanentisme terminal, le philosophe Rosset, qui est un authentique artiste, pas comme ce Labro médiatique et chicos, cite une phrase de Zola (dans L'œuvre) qui signe la vanité définitive et irréfragable de toute chose : "Quand la terre claquera dans l’espace comme une noix sèche, nos œuvres n’ajouteront pas un atome à sa poussière." Selon ce schéma, une conception purement matérialiste du réel signifierait ipso facto que l'art survivra à l'action politique, mais que son matériau d'expression finira par s'estomper à un moment ou à un autre. Même les œuvres immatérielles disparaissent tôt ou tard, parce qu'on les perd.
L'art est un témoignage rendu au réel, quand, dans la lignée de l'esthétique de Schopenhauer, la contemplation permet de résoudre les crises existentielles du spectateur. Dans la conception d'un Rosset, qui ne fait que prolonger Nietzsche et Spinoza dans leurs conséquences les plus épurées, l'art est l'expression supérieure en ce qu'il n'engendre aucune illusion. L'expression religieuse est illusoire, puisqu'elle duplique.
Kissinger répand cette conception immanentiste de l'art : l'art qu'il visite est le témoignage de la supériorité du réel sur ses parties; aucune religiosité n'est reconnue. Cela explique l'admiration de Kissinger pour des tableaux chrétiens de la Renaissance. Cet aveu esthétique implique que les périodes de l'art soient dépassées au profit de la reconnaissance de l'expression artistique pure.
Kissinger le sioniste radical passe à côté de l'expression de l'art chrétien. Je ne dis pas qu'il faille être chrétien pour admirer la substance des arts chrétiens, mais qu'en ôtant la dimension religieuse à l'art, on passe à côté de la teneur de l'art. Kissinger est cet idéologue pragmatique et destructeur, ce nihiliste pathologique, qui pense vraiment que la contemplation artistique le lave de l'action politique et de ses conséquences funestes, sans comprendre que l'expression artistique n'est riche que parce qu'elle renvoie au religieux.
Qu'est-ce que le religieux si ce n'est le lien entre le Créateur et sa création? Et qu'est-ce que fait l'art si ce n'est rédupliquer à sa mesure humble l'entreprise de création? La création humaine est effectuée à l'image du Créateur. L'art est hommage à la création, quand la conception immanentiste terminale conçoit l'art comme hommage au réel incréé et homogène. On pourrait estimer que Kissinger en contemplant les tableaux est saisi par la rédemption et qu'il a changé (en bien - commun).
Comme il aurait changé en soutenant des propositions modérées permettant de résoudre la crises systémique qui secoue la finance. L'oligarque serait-devenu sur ses vieux jours plus républicain? Je ne peux que souhaiter cette issue, autant pour l'homme qui va bientôt mourir que pour le conseiller influent qui possède un certain poids dans la crise actuelle - qui si elle poursuit sa phase de désintégration risque de plonger l'homme dans un chaos proche de la disparition (pas en une heure, hein; en un siècle et demi).
Malheureusement, je crains fort que dans l'art comme dans la politique, dans la vie de tous les jours comme dans la vie publique, Narcisse n'ait guère changé. Peut-être Kissinger voudrait-il donner une image de respectabilité. Ne nous y trompons guère : l'homme se conduira en oligarque jusqu'au bout - de sa conduite. Ce grand nihiliste, qui n'a pensé qu'à dominer et à jouir individuellement, sur le crépuscule de ses jours, entend parachever son œuvre impérialiste et faire en sorte que l'Occident bascule dans des sociétés à la chinoise - ou à la sud-américaine.
Kissinger n'a pas changé - de manière de penser. Il est demeuré le même. Sûr de lui, dominateur, persuadé de sa supériorité intellectuelle, élitiste, amateur éclairé d'art, homme de goût, de conversation et de diplomatie. Kissinger est supérieur en ce qu'il est solitaire, calomnié et incompris. Accepter sa supériorité reviendrait à accepter la tour d'ivoire. Encore un poncif cher à Labro. Au fait - que signifie diplomate? C'est celui qui est muni d'un diplôme. Si l'on se souvient des conditions dans lesquelles Kissinger obtint son doctorat à Harvard, l'on comprend qui est notre diplomate : un bodybuildé de la diplomatie! Un dopé! Un Schwarzenegger?
George Shultz, sors de ce corps! Le diplôme désigne le "document officiel présenté sur un feuillet plié en deux". Le diplomate est un porteur de message. Il n'élabore pas le message, il se contente de le porter et d'y ajouter les formes. Kissinger est vraiment diplomate : en bon valet de l'Empire britannique, de ses ramifications hollandaises, saoudiennes et israéliennes, Kissinger porte les billets (durs) de ses mentors des factions oligarchiques (synarchiques dans le cas de Shultz), financières et prédatrices.
Mais le plus intéressant est pour la fin de ce rapide parcours étymologique : le diplôme renvoie au double en grec (διπλοῦς). Au départ, la duplication exprime le papier plié en deux. Également immédiatement après le caractère duplice de qui veut faire assaut de diplomatie, soit concilier les inconciliables (irréconciliables). En ce sens, le papier plié en deux est la métonymie, voire la synecdoque, de la mentalité du diplomate.
Au final, je crois surtout que la duplication renvoie au double et que ce n'est pas l'art de la diplomatie qui est illusoire. C'est l'art de la diplomatie oligarchique. Dans la conception nihiliste du réel, le réel est un, en ce que la vraie duplication est nihiliste et libère l'espace dénié du néant. La duplication dans le réel unique renvoie au néant. La diplomatie selon cette veine est l'art de l'hypocrisie servant la loi du plus fort. Dans la conception classique, la diplomatie permet d'élever, à la manière d'un dialogue socratique ou d'une dialectique antique, le sens de l'opposition vers la réconciliation (l'Aufhebung de la conciliation). Dès lors, Kissinger est-il un diplomate retors, mais classique - ou un diplomatique retors et - oligarchique?
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