En période de crise, il est deux grandes positions :
1) la position du changement;
2) la position de l'immobilité.
Le changement physique implique que le mouvement soit possible. L'immobilité n'est pas loin de l'immobilisme, selon lequel, outre que le mouvement se trouve nié, c'est la sclérose qui s'empare bientôt d'un tel donné, comparable au sol appauvri à force d'être exploité contre le bon sens.
Partout, dans les cercles de réflexion stratégique qui ont intérêt à conserver l'actuel système (pourtant sclérosé et moribond), on retrouve le même type de raisonnement : le changement n'est pas possible. Seules sont possibles des réformes à l'intérieur du système actuel (dans les bornes d'une mentalité pourtant condamnée).
Cette position est l'apanage remarquable des experts (discrédités sous peu) de la science économique dominante (quasiment consensuelle) d'obédience monétariste. Ces experts se rendent-ils compte qu'en s'arrogeant le label exclusif de la science, ils sont en passe de discréditer la démarche pourtant salutaire de la science - alors qu'il conviendrait de démasquer l'imposture scientiste de leur méthode faisandée et fausse? Quand on se trompe, on n'est plus un expert. Quand on se trompe, on n'est plus un scientifique. Quand on se trompe - on trompe.
Peut-être parce qu'ils pressentent qu'un changement serait défavorable à leurs intérêts (en particulier à leur prestige intellectuel), les experts de la science économique monétariste (science scientiste) profèrent des absurdités incoulables. Ils sont suivis par le cortège funèbre des porte-paroles aux intérêts bien sentis dans l'actuel système - qui n'ont pas intérêt au changement. Je pense en premier lieu à ces journalistes des médias officiels qui non contents de propager des ragots en guise de vérités sont devenus tellement déformés par leurs formations formatées et disqualifiantes (bientôt disqualifiées) qu'ils ne comprennent plus rien et ne sont plus en mesure de comprendre quoi que ce soit d'un peu abstrait et d'un peu théorique.
La méthode journalistique s'inspire de l'objectivité scientifique, une rengaine qui cache de moins en moins le scientisme et la réduction épistémologique. Outre les experts et les journalistes, nous n'allons pas passer en revue l'intégralité de tous ceux qui n'ont pas intérêt au changement et qui promeuvent des solutions impossibles (nihilistes, pour demeurer dans le giron de ce système). On pourrait les nommer les empoisonneurs médecins, pour pasticher Nietzsche et Rosset.
Je distingue deux catégories d'hétéroclites remarquables.
1) Ces petits bourgeois qui appartiennent à des classe moyennes assez aisées et qui reprennent à leur compte (en banque) les valeurs dominantes de la haute bourgeoisie d'affaires pour mieux recueillir les miettes du festin et sans doute pour se parer en imitant du prestige inaccessible voire cruellement absent de leurs modèles. Ces moutons estiment qu'en singeant (comme des rats) les méthodes dominantes et prédatrices ils se trouveront du bon côté, non pour le Jugement Dernier - toute préoccupation spirituelle leur étant étrangère - mais au nom de leurs intérêts matériels, voire pécuniaires bien sentis.
Fort mal compris, puisque ces gens ne comprennent pas qu'ils constituent les plus fervents soutiens de valeurs qui finies le sont - si finies qu'elles sont à enterrer au plus vite et qu'elles subiront le sort de toute matière purulente : le mieux est de pourrir au plus vite pour changer au plus vite. Une caractéristique de l'ensorcèlement mimétique tient à l'illusion selon laquelle en imitant (répétant servilement) on se placerait à l'abri des turpitudes parce qu'on se tiendrait au plus près des plus forts. C'est l'une des raisons pour lesquelles les Verdurin mettent autant d'empressement à singer les Guermantes dans Proust.
C'est aussi et malheureusement se montrer des plus légers, soit oublier (ou l'omettre) que les plus forts suivent un code de conduite irrationnel et destructeur et que ce code de conduite les condamne (aussi certainement qu'il les damne) à subir tôt ou tard les affres de la destruction qu'au début de leur brillante carrière ils font subir aux autres (et feignent du même coup de ne pas discerner, forts du principe réducteur et sensualiste selon lequel ce qu'on ne sent pas n'existe pas). En l'occurrence, les plus forts correspondant aux financiers mondialistes et monétaristes, leur ordre qui est en train de passer de vie à trépas ne laisse pas d'augurer de leur chute inéluctable et du discrédit qui s'emparera des valeurs marchandes dominantes, de cet impérialisme qui se pare des atours de la liberté sous le doux nom empoisonné de - libéralisme.
2) Ces rebelles dont le fondement de la contestation s'appuie précisément (quoique fort peu rationnellement) sur le refus du changement et la promotion de valeurs aussi impossibles que négatives. Quand on ne propose pas de changement en lieu et place de la contestation critique qu'on instille, aussi juste soit cette contestation, on conforte en réalité les valeurs qu'on prétend contester. On est un faux rebelle. On bêle en faux. Cas de ces écrivains mineurs et surfaits qui passent en nombre conséquent depuis peu à la télévision en étant présentés comme des rebelles et des marginaux dont l'immodestie le disputerait à l'égotisme anar. Le système utilise ces tristes figurines bientôt oubliées pour essayer par la fausse contestation de perpétuer tant bien que mal son pouvoir exsangue. La technique pour démasquer cette imposture de posture contestataire consiste à examiner quel changement se trouve proposé. Si aucun changement n'est envisagé, l'imposture est caractérisée. Si un changement inconséquent est timidement avancé, l'imposture plus vicieuse est tout autant décelable.
Nous assistons en voyeurs ébaubis au défilé des virulents et agressifs qui confondent la destruction avec la construction, la critique se réduisant pour eux à un vaste champ de bataille empli de mines et d'explosions. Après le feu d'artifice(s), le champ de ruines laissera place au néant. En tant qu'artistes, ils sont les porte-plumes du système croulant. Bien sûr, ils devraient toutes affaires cessantes cesser leurs fonctions de pitres du pire, mais ils sont trop aveuglés par les trompettes de la renommée pour cesser leur cirque dévastateur et surfait.
Ce style surfait et médiocre (l'agressivité remplaçant l'idée) est soutenu par ceux qui fatalistes ou pessimistes estiment (confusément) que l'avenir est constitué d'une possibilité unique, nécessaire et malfaisante. Ontologie immanentiste, notamment théorisée par Spinoza. Dans cette illogique, le mal est l'unique solution impossible. Les actuels oligarques de la finance mondialiste sont certes des plus dépravés, mais ils sont aussi, du fait de leurs maléfices rusés, destinés à triompher.
De multiples sites Internet relayent cette position fausse, qui s'apparente au complotisme en ce que la vision complotiste selon laquelle l'histoire s'explique au final par des complots (plus ou moins interconnectés) est une promotion fataliste et fort pessimiste du mal monothéiste. Le recours au futur simple est la marque de fabrique stylistique de ces oracles de triste augure qui estiment que les mauvaises nouvelles dont ils sont les porteurs sont aussi mauvaises qu'inéluctables. On annonce avec un triomphalisme visionnaire que la faillite de la Grèce entraînera la faillite de la zone euro (par exemple).
L'usage du futur simple signe que le futur prédit est un futur inéluctable. C'est ce qui s'appelle prendre ses désirs pour des réalités, soit rendre la réalité impossible. Comme une part de ce qui arrive est dans un futur proche effectivement prévisible, nos Cassandre de la prévision stratégique jubilent et prennent le Ciel (ou l'Enfer) à témoins de leur juste vue. Juste, peut-être; courte - encore plus certainement. L'erreur centrale s'appuie ici sur la vérité superficielle : que la nécessité recoupe qui plus est le règne incontestable du mal.
Qu'est-ce que ce pessimisme? Ce n'est pas l'humeur sombre qui s'empare du découragé par le spectacle de l'ampleur du mal (dont le triomphe désolant ne saurait être que de courte durée). C'est le pessimisme dont on affuble Schopenhauer. Son commentateur disciple Rosset ne cesse de mettre en garde contre cette interprétation. Et pour cause : Schopenhauer est l'ontologue de l'absurde - pas du pessimisme.
Ce pessimisme-là, pessimisme de l'absurde, est bien entendu l'expression pessimiste - de l'immanentisme pur et dur. Il est compréhensible qu'un immanentiste terminal comme Rosset ne soit pas en mesure de distinguer l'identité de l'immanentisme. Comme Rosset le constate lui-même, l'aveuglement quant à soi s'avère le plus important des aveuglements. Mais le refus du changement que manifestent ceux qui à l'heure actuelle refusent que l'on change de système alors que le système est condamné est typique d'une démarche figée : l'immanentisme.
Ceux qui refusent le changement sont des immanentistes terminaux qui en bons sclérosés se montrent réactionnaires en diable (radicaux, il se révèlent fascistes). Ils souscrivent à une conception du réel qui est finie et qui du fait de cette finitude est promise à la ruine. Comme le séducteur ment en jurant que cette fois il a changé, alors qu'il est incapable de changer sa séduction perverse et mensongère, l'immanentiste se meut dans une réalité qui à force de sclérose finit dans la disparition. Curieux fondements que ceux de l'irrationalisme.
Ils se trouvent décrits au plus près par cette sentie sentence du général de Gaulle (qui avant d'être évincé du pouvoir par une révolution gauchiste largement soutenue des milieux atlantistes monétaristes mena une politique justement antimonétariste et capitaliste) : "Les possédants sont possédés par ce qu'ils possèdent."
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