samedi 11 avril 2009

Compotisme

Une des principales objections contre le complot, qui cautionne l'absurdité passe-partout de l'appellation orientée et partiale de complotisme, c'est l'idée qu'aucune volonté humaine, aucun groupe, aussi influent soit-il, ne peuvent diriger l'ensemble du réel. C'est vrai : le reél ne peut être seulement manipulé par des hommes. Mais des actions humaines peuvent changer la face réelle. D'où il appert que les complots existent.
C'est ce que le complotisme voudrait occulter : dès qu'on crie au complot, l'expert-ès-complot répond doctement : complotisme. Et si l'on crie au loup, y'a de la joie? Maintenant, pour ceux qui prendraient conscience que les complots existent et qu'en démocratie ils sont inacceptables (d'où le complotisme), annonce rassurante : les complots sont toujours voués à l'échec. Je le tiens d'un atlantiste forcené, Karl Popper. Pas parce que les complots n'existeraient pas. Au contraire, l'histoire atteste qu'ils sont nombreux, à tel point qu'ils appartiennent à la mentalité humaine. Se constituer en groupes secrets pour commettre des actions répréhensibles, du moins pour les intérêts du plus grand nombre, est un acte typiquement humain, qui n'est possible que parce qu'il renvoie à la faculté d'accéder au secret en tant que figure du religieux.
Le complot n'est possible qu'adossé à la mentalité dominante connexe. Le complot se développe toujours par rapport à une mentalité donnée. Sans cette mentalité qui dépasse de loin la volonté individuelle ou factieuse, le complot ne serait pas possible. Le complot serait trop faible. Il ne dépasserait jamais la sphère privée. La dimension publique et politique du complot atteste de sa connexion avec la mentalité d'une période. Avec la mentalité dominante selon son point de vue. Ou plutôt : avec la mentalité qu'il croit déceler comme dominante et qui ne l'est pas toujours. Quelques distinctions.

1) Si le complot s'adosse à la mentalité dominante, celle-ci est condamnée à disparaître.
a) Soit le complot est démasqué par la majorité, auquel cas le complot rate et la majorité n'est pas si faible qu'elle ne puisse déjouer un complot. Dans ce cas, le complot signale une crise qui peut être surmontée momentanément. Le ver est dans le fruit, mais l'arbre est vigoureux.
b) Soit le complot est réussi par la faction, ce qui implique que la majorité soit dans un état de grande faiblesse pour ne pas démasquer le complot. Si la majorité cautionne le complot qui lui est défavorable, c'est qu'elle cautionne la destruction qui finit toujours par l'autodestruction de son cas.
Dans les deux cas, le complot avorte.

2) Si le complot ne s'adosse pas à la mentalité dominante, autrement dit s'il définit une fausse mentalité, il rate.
a) Soit il n'est pas démasqué par la mentalité dominante, mais les buts qu'il poursuit sont étouffés par des principes explicitement antithétiques. La mentalité différente de l'esprit du complot surmonte le complot en tant que finalité.
b) Soit il est démasqué, ce qui donne lieu à des jugements retentissants et souvent des exécutions. Reste à poser la question de l'avènement du complot : si complot il y a, quid de la crise qu'il signale et que l'on préfère occulter?

(Le 911 est à ranger dans la catégorie 1 a.)

Il est capital de réfuter comme complotiste, soit comme délire monocausal utilisant le complot comme prétexte et symptôme, tout raisonnement qui estimerait un peu hâtivement que la volonté humaine a le pouvoir proprement démiurgique ou divin de décider du réel, soit de son devenir. Le complot entre dans la catégorie subversive du changement intenté par l'homme en ce qu'il s'adosse sur une mentalité qu'il prétend majoritaire et qui ne l'est pas toujours. Les partisans du complotisme feignent d'isoler le complotisme comme maladie du complot omniprésent en ne posant jamais la question des conditions d'avènement du complot. Jamais les complotistes ne relient le complot à la mentalité dominante. Cette question et cette démarche permettraient pourtant de révoquer dans la plupart des cas l'accusation infamante et absurde de complotisme.
Le comploteur (terme qui suffit à indiquer que les complots existent) ne complote que parce qu'il estime que ses buts minoritaires rejoignent d'une manière ou d'une autre les buts majoritaires de son groupe. Ceux qui in fine ont commandité le 911 l'ont ainsi fait en tuant des Occidentaux; mais ils ne l'ont fait que pour sauver l'Occident. Ils ont occis des Occidentaux en tant qu'Occidentaux. Se sauver en premier lieu, mais aussi sauver l'Occident, puisqu'ils sont occidentaux.
L'adjonction de la mentalité montre que c'est au sein des mentalités que se façonnent les complots. Les complots surviennent toujours pour prétendre sauver les mentalités, dans une atmosphère de danger pour la survie de cette mentalité. Si les mentalités sont assez solides, elles déjouent le complot et s'y opposent. Si les mentalités sont trop faibles, elles sombrent et ne voient rien venir. C'est le déni actuel, le prétexte passe-partout du on ne peut rien faire, ce n'est pas intéressant, c'est loin, etc. Dans tous les cas, le complot qui prétend sauver tue. Le complot est un signe de destruction en ce qu'il détruit toujours ce qu'il prétend sauver.
Le complot rate toujours en ce qu'il engendre des effets qui ne sont pas ceux qu'il escomptait. L'avènement d'un complot dans un mentalité signale toujours un problème pour cette mentalité. Soit cette mentalité cautionne, ce qui démontre que la crise couvait depuis un moment et que le complot la révèle. Soit cette mentalité ne cautionne pas, ce qui implique que le complot sera démasqué. Le complot indique soit son échec et la survie de la mentalité; soit sa réussite et la mort de la mentalité.
Le complot est mortifère. Il est un assez bon indicateur de l'état de santé de la mentalité dans laquelle il survient et sans laquelle il ne pourrait survenir. Pas de complot sans mentalité, mais seulement des mentalités délabrées avec des complots. Raison pour laquelle l'accusation automatique et stupide de complotisme, qui situe le niveau mental de propagandistes comme Taguieff, ne tient pas debout. Son rôle sert à dénier la vrai question : si complot il y a, c'est que notre mentalité va mal.
Problème : nous sommes censée évoluer dans la période la plus heureuse pour l'homme et la région la plus favorisée pour l'homme. L'Occident, la libéralisme, la démocratie, la laïcité... N'en jetez plus! La fin de l'histoire est arrivée? La fin de l'histoire? Je crois bien. La fin de la démocratie. Le jeu est fini. Rentrez vous reposer. L'appellation de complotisme n'est pertinente que si elle cherche à cacher que la démocratie est absolument incompatible avec les complots.
Double fragilité donc : fragilité de la mentalité subissant le complot; et fragilité de la mentalité démocratique subissant le complot. Double fragilité rédhibitoire : comment surmonter un complot alors que le complot est absolument contre-indiqué. C'est l'histoire de la double peine. Pas au sens juridique - encore que. Au sens premier de peine et de fardeau. De mythe de Sisyphe. Et si la démocratie n'est vraiment pas compatible avec le complot, on comprend quel non-dit l'appellation de complotisme vient bloquer. Sweetest taboo. Le complot est le poison fatidique pour la démocratie. Pas de démocratie avec complot. Pas de démocrate sans complotisme, donc.

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