lundi 13 avril 2009

Les Enfoireux

"Moi je file un rencard à ceux qui n'ont plus rien
Sans idéologie, discours ou baratin."
Coluche, La chanson des restaurants du coeur.

"Si nous pensons à vous, c'est en fait égoïste."
Montand, La chanson des restaurants du coeur.

Ecoutez cette parodie d'une chanson célèbre. Elle a le mérite de décrire avec lucidité et cocasserie le milieu du show-business. Plus : c'est l'Occident que représentent les people et autres stars consternantes de nullité et de moraline. Les étoiles de l'Occident sont ici explicitement représentées comme des Enculé(e)s. Qu'en penserait le fondateur, Coluche, qui a été trahi avec fracas, mais qui a lancé sans s'en rendre compte un mouvement dément, qui n'a cessé de prendre de l'ampleur depuis?



Maintenant, un petit jeu. Lisez le texte de cette chanson des Enfoirés, intitulée Ici les enfoirés, comme un message subliminal que les people charitables adresseraient à la population du commun des mortels :

"On nous avait dit “c’est pour un soir”
On est encore là vingt ans plus tard
Ici les Enfoirés
Oh oh oh rejoins notre armée

Les saltimbanques c’est pas sérieux
Mais les ministères n’ont pas fait mieux
Ici les enfoirés
Oh oh oh rejoins notre armée

Faut-il chanter contre les misères
Ou bien se taire, passer, ne rien faire
Ici les Enfoirés
Oh oh oh rejoins notre armée

Chaque année plus de gens secourus
Mais chaque année plus encore à la rue
Ici les Enfoirés
Oh oh oh rejoins notre armée

Chanter, chanter même à en pleurer
Entre un rêve et la réalité
Ici les Enfoirés
Oh oh oh rejoins notre armée

Parfois je me demande à quoi ça sert
Espèce d’Enfoiré, chante et espère
Ici les Enfoirés
Oh oh oh rejoins notre armée

Et si tu trouves un jour la solution
On fêtera tous notre dissolution
Ici les Enfoirés
Oh oh oh rejoins notre armée

On nous avait dit “c’est pour un soir”
On est encore là vingt ans plus tard
Ici les Enfoirés
Oh oh oh rejoins notre armée."

Cette chanson qui se veut parodique prend une toute autre acuité - un sens bien plus pertinent - si on l'interprète dans son sens littéral. "Ici les enfoirés" : effectivement. Les enfoirés sont une "armée" : l'armée des stars et autres représentants du système qui font du commerce avec du pseudo-art, ainsi que le revendique explicitement le terme anglais de show-business. Les médias sont plus que jamais les médiums du système occidental. L'armée des enfoirés : l'armée de la propagande atlantiste et occidentaliste réside dans le cirque du médiatisme à sauce gâteuse.
Il suffit de constater qui intervient pour souligner l'évidence. Nul nom. L'armée désigne la guerre : c'est bien une guerre médiatique et médiumnique à laquelle se livrent les enfoirés, la guerre de la charité apparente qui consiste à faire croire que le système est juste et attentionnée, alors qu'il est violent et prédateur. D'ailleurs, c'est le cynisme abject et emblématique que révèle cette chanson : "Chaque année plus de gens secourus/Mais chaque année plus encore à la rue". Autrement dit, les enfoirés sont bel et bien des enfoirés parce qu'ils surfent sur le dos de la misère.
Ils font dans le misérabilisme consumériste, dans cette étrange perversion de la charité bien ordonnée qui consiste à avoir besoin de la misère pour se donner de l'importance et un sens. Selon cette étrange mentalité, qui revient à prétendre guérir un mal que l'on encourage de facto, il n'est pas question d'abolir la misère, mais de l'encourager au contraire pour prospérer sur son dos. Etrange en effet. On notera que c'est ce que font la plupart des progressistes occidentalistes qui mettent un zèle farouche à aider les pauvres, en particulier du Tiers-monde, en prenant un soin démoniaque à ne surtout pas identifier et dénoncer la racine des maux. Normal : l'Occident détruit le reste du monde pour assurer sa suprématie matérielle. Supprimer le problème est intolérable pour qui en profite, comme il profite du système.
L'on se convaincra de cette pourriture systémique avec les paroles suivantes, qui suintent le postromantisme décadent et ridicule : "Chanter, chanter même à en pleurer/Entre un rêve et la réalité." Abolition de la frontière entre le désir et le reél et déni du réel. Quand on intègre cette perversion typiquement immanentiste et postmoderne (le postmodernisme relevant du postromantisme), on comprend mieux quelle bizarrerie mentale pousse les enfoirés de plus en plus explicites à dresser l'apologie d'un espoir ("chante et espère) qui évoque irrésistiblement le mythe de la jarre de Pandore. Pandore est marié à Épiméthée, frère du tristement célèbre Prométhée. Épiméthée accepte sur proposition de Zeus de se marier avec Pandore, qui n'est rien de moins que la première femme de la mythologie grecque. Pandore vient avec sa jarre, qui contient tous les maux de l'humanité, dont l'espoir.
Pandore la curieuse, comme l'Eve biblique, libère tous les maux sauf l'espoir. Pourquoi l'espoir reste-t-il? Je résume les maux en question, qui ne sont pas des sinécures : la vieillesse, la maladie, la guerre, la famine, la misère, la folie, le vice, la tromperie et la passion... On pourrait se demander ce que l'espoir vient faire dans cette galère négative, étant entendu que l'espoir renvoie à quelque chose à la fois de positif et de négatif : l'espoir permet de vivre le temps, mais engendre aussi la croyance viciée en une amélioration en profondeur des choses.
Une autre interprétation pour l'espoir plus pertinente est proposée par Wikipédia : "Le terme exact est ἐλπίς/ e̍lpís, qui se définit comme l’attente de quelque chose ; on l'a traduit par espoir, sûrement à tort. Une meilleure traduction aurait été l’anticipation, voire la crainte irraisonnée ; ainsi les Elpides sont les divinités des craintes. Grâce à la fermeture opportune de la jarre par Pandore, l'humanité ne souffrira que des maux et non pas de l'attente de ces maux, qui est probablement le pire de tous."
Quoi qu'il en soit, l'espoir des Enfoirés réside dans l'attente de ces maux pour mieux les dénoncer. Jurer de conjurer. C'est en quoi l'indignation est condamnée par Rosset comme le sentiment voisin de l'espoir trompé ou déçu. A ce sujet, Rosset oublie de mentionner la double face de l'espoir et ne retient de l'espoir que sa version négative. Il en dresse une condamnation qui rend la vie impossible. Mais c'est souvent le cas chez ce grand nihiliste : ne retenir en définitive que l'impossible de l'existence.
Quant à la chanson des Enfoirés, elle se dissout d'elle-même dans le cynisme le plus absolu, puisque les people de la charité proposent de se dissoudre si la misère disparaît. Sic! Sikh! Infâme, impudent, vil et sinistre... Les qualificatifs manquent. Le succès de ces mouvements philanthropiques et caritatifs en dit long sur la dégénérescence des populations d'Occident, qui soutiennent des causes odieuses parce qu'elles ont épousé la cause frelatée de l'immanentisme.
C'est ce qu'on constate quand le système vacille : ses premiers défenseurs sont l'ensemble des populations qui le composent et pas seulement les boucs émissaires commodes que constituent les soi-disant élites, dont la mise en avant n'est que représentative de l'ensemble. Les élites sont des enfoirés comme les stars et les people. People et peuples : même combat. Espèce d'enfoirés. C'est ce que l'on commence à lancer savoureusement aux banquiers, alors que c'est l'ensemble du système qui mérite ce qualificatif, ceux qui ont agi, mais aussi ceux qui ont soutenu, se sont tus, ont fermé les yeux, y ont trouvé leur intérêt à très court terme. La preuve en (mauvais) son et en images (pathétiques) :



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