AUTEUR: Manuela VITTORELLI
Traduit par Fausto Giudice
À la différence de Yankele, les gens comme Randy Scheunemann, les lobbyistes serviteurs de deux maîtres, savent commet s’y prendre pour faire circuler le cash. Scheunemann est le conseiller en politique étrangère du sénateur McCain, et donc le potentiel futur conseiller à la sécurité nationale du président des USA. Mais il a aussi un autre rôle, ou du moins, il l’a eu officiellement jusqu’à récemment : celui de lobbyiste, intrigant, magouilleur professionnel.
Le 17 avril dernier Scheunemann a organisé une conversation téléphonique entre John McCain et le président géorgien puis il a rédigé un communiqué du candidat à la présidence US d’appui total à la république de Géorgie. Le même jour, la société de lobbying que Scheunemann possède avec un associé a signé un contrat de 200.000 dollars pour continuer à fournir des conseils stratégiques au gouvernement géorgien à Washington. Scheunemann avait alors déjà cessé formellement de travailler pour la Géorgie. Mais il faisait toujours partie d’Orion Strategies, avec son associé Mike Mitchell. Scheunemann est resté à Orion jusqu’au 15 mai, quand la campagne de McCain a imposé des règles plus sévères contre le lobbying.
Durant ses activités d’intrigant, Scheunemann pouvait donc compter sur ses contacts avec McCain pour mener les affaires de ses clients. Il a eu depuis 2004 71 conversations téléphoniques et rencontres avec McCain et ses assistants pour le compte de clients étrangers, Géorgie comprise. Ces contacts étaient consacrés habituellement à l’entrée de la Géorgie à l’OTAN et sur des propositions de lois, comme une disposition législative, aussi appuyée par McCain, en faveur de la position géorgienne sur l’Ossétie du Sud.
Un autre résultat, toujours sponsorisé par McCain et fruit du travail d’Orion, aurait été une autorisation de subvention de 10 millions de $ à la Géorgie sur la base du NATO Freedom Consolidation Act.
Voilà donc ce que faisait Scheunemann, tandis que la campagne présidentielle de McCain prenait son envol : d’un côté il conseillait le candidat sur la politique étrangère, de l’autre il travaillait pour le compte de la Géorgie et d’autres pays qui aspiraient, entre autres, à entrer dans l’OTAN. Ces dernières années il a présenté le sénateur aux ministres des Affaires étrangères d’Albanie, Croatie et macédoine (mais aussi à un représentant de Taiwan, pour un accord de libre-échange), et il a accompagné McCain en Lettonie en 2001 et en Géorgie en 2006.
Entre le 1er janvier 2007 et le 15 mai 2008 la campagne de McCain lui a versé environ 70.000 dollari. Durant la même période le gouvernement géorgien a payé à sa société 290 000 dollars.
Et depuis 2004 Orion a reçu de la Géorgie la coquette somme de 800 000 dollars.
Scheunemann n’a pas été seulement associé et président d’Orion Strategies.
En tant que Scheunemann & Associates, selon le Lobbying Registration Office des USA et l’observatoire OpenSecrets.org, il a représenté pendant plusieurs années la National Rifle Association (l’association nationale des porte-flingues, qui milite pour la liberté de détenir des armes à feu, NdT). En 2005 cette société a travaillé pour la Caspian Alliance, un consortium de pays producteurs de pétrole et de gaz du pourtour de la Mer Caspienne.
En 1999-2000 Scheunemann a aussi été président du Mercury Group, une autre société de lobbying qui a travaillé, entre autres, pour BP America, Lookheed Martin, Barrett Firearms Manufacturing, la National Shooting Sports Foundation et les Sporting Arms and Ammunitions Manufacturers.
Tout cela, y compris l’évidente sympathie pour les arme set munitions, le pétrole et l’industrie militaire, pourrait suffire. Mais il n’y a pas que ça.
Scheunemann a été l’un des soutiens les plus enthousiastes de la guerre en Irak : avec d’autres néo-conservateurs en pointe comme Robert Kagan et William Kristol il a dirigé le Project for a New American Century, un groupe qui a joué un rôle fondamental pour rallier des soutiens à la guerre d’Irak. Le PNAC avait écrit une lettre à Clinton quatre ans avant le 11 septembre pour demander une attaque contre l’Irak et menacer de représailles politiques.
Scheunemann a aussi dirigé le Comité pour la Libération de l’Irak, un sous-groupe du PNAC qui comptait dans ses rangs le tristement célèbre banqueroutier Ahmed Chalabi, vieille connaissance de la CIA, et l’homme qui fournit les faux documents sur les fameuses « armes de destruction massive » irakiennes, élément décisif pour en finir avec Saddam Hussein.
De gauche à droite: Stephen Payne, Ahmed Chalabi et Randy Scheunemann
Dans la campagne pour McCain Scheunemann a critiqué les autres candidats pour leur “mentalité 10 Septembre”, impropre à combattre le terrorisme. À la mi-2007 il a qualifié l’idée de retirer les troupes d’Irak de « ridicule ».
Il avait déjà travaillé pour McCain per la fin des années 90, lorsque les idées du sénateur dans le domaine de la politique étrangère ont connu un virage et que le candidat a commencé à lier ses instincts interventionnistes au contexte idéologique du néo-conservatisme. Début 1999 McCain, parlant à L’université du Kansas, tint un discours auquel Scheunemann avait collaboré et dans le quel il parlait de "grandeur nationale", une expression de marque néocon. Scheunemann aurait ensuite déclaré s’être inspiré de la rhétorique de la Guerre froide et des critiques de la politique du “containment”.
Au cours de sa dense carrière politique Scheunemann a aussi fait partie de diverses commissions du Congrès US, il a été conseiller de Bob Dole et conseiller pour la sécurité nationale de Dole et Trent Lott. Il a eu à faire avait des délibérations au Sénat sur l’usage de la force militaire US en Somalie, dans la péninsule de Corée, en Irak, en Haïti et en Bosnie. Il a travaillé comme coordinateur de la politique républicaine au Sénat, s’occupant de la réforme de l’ONU, de l’élargissement de l’OTAN, du changement climatique, des missiles et des transferts de technologie vers la Chine. Il a même été conseiller de Rumsfeld sur l’Irak, au début du mandat Bush.
À quoi un homme comme Scheunemann peut-il passer ses loisirs ?
Il va à la chasse.
Une fois il avait oublié d’enlever son fusil du porte-bagages avant d’aller au Congrès et il fut arrêté pour possession d’arme à feu non-enregistrée. C’était en 1997.
Mais le gros du travail (double) de Scheunemman a été orienté vers l’Europe : essentiellement la promotion de programmes “démocratiques” et l’élargissement de l’OTAN à la sphère de l’ex-URSS. Comme membre du conseil d’administration (aux côtés de McCain) de l’International Republican Institute, véhicule institutionnel du National Endowment Fund (qui est à son tour le front civil de la CIA), Scheunemann a travaillé sur les questions liées à l’élargissement de l’OTAN et il a fourni ses services d’intrigant/consultant à la Lettonie, à la Macédoine, Romania, à la Roumanie et à la Géorgie, de manière même créative et transversale: par exemple, un contrat prévoyait qu’il favorise les intérêts roumains dans la reconstruction de l’Irak.
Ah, et puis Scheunemann ferait ou aurait fait partie de l’exécutif de Worldwide Strategic Partners, dont le président est Stephen Payne (l’intrigant et consultant gouvernemental qui vient d’avoir des ennuis car il obtenait des contacts avec de hauts responsables de la Maison blanche en échange de “donations à la bibliothèque privée du Président Bush”, autrement dit du "cash for access": il a été filmé alors qu’il organisait des rencontres avec Cheney, Rice et consorts pour le compte d’un ex-dignitaire d’Asie centrale qui voulait se remettre en selle politiquement).
De quoi s’occupe Worldwide Strategic Partners? Imaginez que vous soyez à la tête d’un pays disposant d’une quantité intéressante de ressources énergétiques. Vous voudriez en tirer profit et consolider votre pouvoir. Malheureusement vos ennemis intérieurs et extérieurs vous en empêchent et les entreprises étrangères sont réticentes à investir dans votre pays qui leur paraît trop instable. C’est là que Worldwide Strategic Partners intervient, offrant, grâce à ses bons contacts financiers et politiques, une “assistance au développement financier et géopolitique du gouvernement hôte”, en échange de droits d’exploitation de ses ressources. En pratique, WSP cherche à faire en sorte que la politique étrangère US vous permette de rester au pouvoir et vous procure la confiance des investisseurs.
Selon le Times, la Caspian Alliance pour laquelle Scheunemann avait travaillé en 2005-2006 était contrôlée par WSP.
C’est ce qu’on appelle faire circuler le cash.
"Nous sommes tous géorgiens", a dit John McCain.
Mais Scheunemann est aussi roumain, albanais, letton, macédonien, azéri, kazakh, taïwanais, whatever (tout ce que vous voudrez, NdT): on le paye.
Un conflit d’intérêts ? C’est, comme on dit, très « 10 septembre ».
Sources:
http://www.rightweb.irc-online.org
http://www.opensecrets.org/
http://blog.washingtonpost.com
http://www.sourcewatch.org/
http://www.timesonline.co.uk
http://thinkprogress.org
http://www.usatoday.com
http://majikthise.typepad.com
[Disclaimer: dans ce post ni Yankele, ni Moishele, ni Kiss n’ont été maltraités. La blague yiddish, de source incertaine, je l’ai probablement entendue raconter par Moni Ovadia. En outre, exprimons notre solidarité avec les peuples géorgien, irakien et, pour une fois, usaméricain]
Source : http://mirumir.blogspot.com/ et Tlaxcala
Article original publié le 30 Août 2008
Sur l’auteure
Manuela Vittorelli est redactrice des blogs russologues http://mirumir.altervista.org/ et http://mirumir.blogspot.com/ et membre, comme Fausto Giudice, de Tlaxcala, le résesau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteure, le traducteur et la source.
URL de cet article sur Tlaxcala : http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=5841&lg=fr"
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