"Je ne suis pas un homme, je suis de la dynamique".
Je distingue deux grandes spécificités à Internet. Spécificités au sens d'innovation et de changement. Spécificités fortes puisqu'Internet est la révolution qui remplace Gutenberg et que tous ceux qui critiquent Internet pour lui préférer en substance Gutenberg sont des réactionnaires qui ne se rendent pas compte qu'ils inversent le train de l'histoire.
1) La première spécificité est la gratuité : cette innovation n'est que partielle, puisqu'avant Gutenberg, la notion de droits d'auteur était des plus floues. Il est vrai que la différence entre la mondialisation et l'Antiquité pour s'en tenir au bassin méditerranéen tient dans la notion de démocratie - qui indique que la culture s'est globalisée au sens géographique mais aussi social. Cette gratuité est fameuse depuis le commencement des batailles entre les intérêts richissimes des multinationales de l'empire Gutenberg (les sacrosaintes maisons d'édition et leur emprise-méprise artistique) et des horribles pirates masqués d'Internet.
La vérité de ces affaires est traitée depuis un angle juridique imbriqué dans les droits Gutenberg, ce qui est une ineptie concernant une révolution culturelle. Depuis combien de temps le paradigme dépassé juge-t-il le paradigme qui le remplace (avec au surplus tous les risques de jalousie inhérents et inévitables)? Pour juger de cette révolution, il faudrait convoquer des arguments moraux, ontologiques et religieux.
A chaque fois qu'on en demeure au droit, soit à un donné, on tombe dans le contresens réactionnaire. Cette remarque à partir d'événements significatifs quoique contextualisés nous amène à considérer ce qu'est la gratuité Internet : une révolution religieuse, que l'on peut traiter depuis l'angle rationnel de l'ontologie. La gratuité d'Internet n'est certainement pas le chaos juridique et social que s'octroieraient d'horribles pirates démondialisés depuis leur poste d'ordinateur - aveugles et communs rapaces prêts à abattre les agneaux de l'édition.
La gratuité d'Internet renvoie à la gratuité divine : elle touche plus loin et plus profond que la polémique sur la remise en question des droits d'auteur. C'est Gutenberg qui a instauré les droits d'auteur en reconnaissant que dans le monde des valeurs bourgeoises, marchandes et libérales, la reconnaissance de l'œuvre artistique allait de pair avec la reconnaissance de l'individu et de ses prérogatives. Internet balaye cette notion en rappelant que l'art est gratuit. L'acte gratuit est souvent synonyme d'une action dérisoire et destructrice. Gide y a vu le temps d'un de ses rares bons écrits le lien entre l'athéisme et la liberté : Lafcadio dans un train ne trouve rien de mieux que de précipiter un vieillard assis en face de lui dans le vide.
Cette sotie illustre la condamnation de l'athéisme selon Gide, qui se place en tant que bourgeois protestant dans les traces de Dostoïevski - selon qui si Dieu est mort, tout est permis. On pourrait ajouter que Gide se trouve concerné par cette morale, lui le protestant plus que paradoxal, fort ambigu en diable, qui ne pratique la religion que pour mieux exorciser le côté diabolique, voire pour l'exciter. Si l'on doute de cette interprétation, que l'on lise un autre ouvrage de Gide, plus périssable et plus proche des confessions d'un Matzneff que de celles de Rousseau (Si le grain ne meurt).
Gide incarne le conflit entre le croyant plongé das une époque diabolique (l'immanentisme) et les vertus de ce diabolisme poussées jusqu'aux vices les plus insoutenables. Quand on est un grand bourgeois protestant, on pratique la loi du plus fort, dans le domaine de la république des lettres comme dans la dimension privée de l'oligarchie du sexe. L'acte gratuit est connoté péjorativement lorsqu'il est porté par des valeurs immanentistes et matérialistes. Pour autant, la notion d'acte gratuit renvoie à la dimension la plus haute de l'existence, qui est dénotée dans le christianisme sous la valeur de la charité.
De ce point de vue, l'acte gratuit, dont le happening est la quintessence contemporaine presque caricaturale, est aux antipodes de la gratuité qui renvoie au don de Dieu. Dieu est libre en ce qu'il donne sans raison - rationnelle. Cet arationalisme transcende véritablement l'irrationalisme de certains actes gratuits. Entre Dieu qui augmente la vie et l'athée qui tue au nom de la gratuité, la différence est de taille! La gratuité religieuse renvoie à l'idée que le vivant témoigne de la vie par le gratuit. Le don de Dieu est gratuit. La vie est gratuite.
Donner la vie est gratuit. Soit dit en passant, c'est le plus profond argument contre les esprits irréligieux (pervers sémantiques) qui cherchent à légitimer ou à légaliser la prostitution au motif que ce serait un métier comme un autre. La gratuité sérieuse balaye ce genre de considérations putrides et débiles. La gratuité est religieuse. La gratuité qu'apporte Internet n'est ni un vent frais indéfinissable, ni un acte rebelle de nature illégale. L'illégalité d'Internet n'est valide que d'un point de vue dépassé.
Internet n'est pas définissable en fonction d'un cadre donné de type Gutenberg, puisque sa fonction révolutionnaire est de dépasser Gutenberg. La gratuité qu'impose Internet est la gratuité qui vient balayer le caractère marchand de l'œuvre d'art imposé par Gutenberg. On savait que le principe de l'offre et de la demande rendait plus ou moins chère l'œuvre d'art. Certaines différences sont scandaleuses, de même que le risque que le goût du public ne recoupe pas la qualité de la production artistique. Comme l'on dit, les créations ne se jugent pas à l'aune de la démocratie.
Gutenberg avait cru acheter la valeur de l'art par des prix exorbitants et dérisoires, insignifiants, comme c'est le cas lorsque des tableaux de maîtres, souvent fort démunis de leur vivant, s'arrachent à des prix de pacotille, par des acheteurs qui compensent leur méconnaissance esthétique par l'exhibition de leur fric à tocs (principe du parvenu). Internet rétablit la vérité : la valeur marchande est toujours dérisoire face à la production de l'art, parce que l'art contacte une donnée qui n'a pas de valeur, qui n'est pas quantifiable et qui de ce fait est toujours indéfinissable : l'infini.
Internet établit la nouvelle valeur de l'art. Telle serait la mission définitive d'Internet, bien au-delà de ses dérives marchandes, au premier rang desquelles la pornographie (qui est une valeur quantifiable et qui est de l'anti-art grevé de dollars). Internet n'est pas une manifestation artistique. Internet est une création dans le champ de l'expression humaine en ce qu'il est d'ordre religieux. Le religieux est si supérieur aux productions humaines qu'il se sert des productions humaines pour les corriger quand celles-ci flanchent.
Face à l'immanentisme qui tendait à mener l'homme vers la dérive, face au diabolisme de notre temps qui consiste à expurger le réel du religieux pour n'en retenir que des finalités matérialistes souvent bornées (exemple de la pornographie et de ses dérives dérivées), Internet est la figure cardinale du religieux qui vient succéder au transcendantalisme et qui met fin à la parenthèse étrange et violente de l'immanentisme. Il est vrai que l'immanentisme était un curieux courant religieux, qui tenait plus du déni que du religieux.
L'infini est une idée si insaisissable qu'il n'est jamais défini dans l'histoire du transcendantalisme. On nous donne des synonymes, comme le même ou l'absolu, mais jamais de précisions claires. Définir l'infini est un oxymore, puisque l'effort de définition aboutit à une finitudisation du réel défini, ce qui dans le cadre de l'infini apparaît des plus impossibles.
La gratuité est le retour de l'infini contre la toute-puissance du fini en ce que ce qui est infini est gratuit. Soit : au-dessus de toute valeur, même la plus valeureuse. Valoriser l'infini aboutit à la gratuité. La gratuité est divine. Internet est aussi infini que divin. Ce néo-syllogisme énonce ce que chacun sait au fond : la marchandisation Gutenberg n'aura réussi qu'à acheter des dollars. On n'achète pas l'art, parce que l'art est connecté au religieux. L'art est l'individualisation de l'expression religieuse.
De ce point de vue, la gratuité d'Internet s'oppose à la valorisation marchande de Gutenberg en ce qu'Internet est l'expression néanthéiste qui s'oppose à l'immanentisme de Gutenberg.
http://aunomduneant.blogspot.com/
Concevoir Internet comme le retour du transcendantalisme dans l'ordre immanentiste n'est comprendre que la moitié du problème. Quand on comprend la moitié, on ne comprend rien. Internet est une révolution qui signifie le retour du religieux de type classique - sous une nouvelle forme. Le transcendantalisme est mort - l'immanentisme est du nihilisme de plus en plus évident.
Il est temps que les nouvelles formes du nouveau culte adviennent. Internet est l'expression tous azimuts de ce culte. Internet est l'expression religieuse dans la technologie qui paraît la plus immanentiste. C'est la preuve que Bob Marley avait raison contre Heidegger - si Heidegger définit la technique en tant que technique comme la négation de l'Être. C'est l'usage que l'on fait de la technique qui est bon ou mauvais.
Internet est l'expression de l'infini dans le fini. Toute manifestation d'infini se fait dans le cadre strict d'une finitudisation. Ordonnance d'une ordonnation. La finitudisation du néanthéisme se manifeste en particulier par Internet. La spécificité de cette gratuité est qu'elle peut se définir. C'est la preuve que l'infini s'est incarné dans le néanthéisme et que l'infini n'est pas vraiment une définition positive en soi. Si l'on ne peut définir l'infini, c'est déjà parce que l'infini constitue une définition négative.
On définit le fini, pas l'infini. L'infini se définit par rapport à la représentation du divin. Dans un système où la fin est la Terre, où l'horizon humain ne dépasse pas cette limite, la fin de l'infini est proportionnelle à cette limite. L'infini est seulement non réductible au fini. Première constatation transcendantaliste qui s'oppose au nihilisme ambivalent d'Aristote selon lequel l'univers est fini.
Avec l'avènement de l'aventure spatiale de l'homme, qui a fini de conquérir la Terre, et qui soit poursuit sa croissance vers l'espace, soit décroît vers l'anéantissement, le sens de l'infini se précise : c'est la néanthéisation du fini, soit la croissance par la diminution. Paradoxe inexplicable en termes immanentistes, puisqu'on ne saurait augmenter en diminuant dans un schéma mécaniste. Demandez à Malthus, dont la chanson préférée aurait sans doute été Il était un petit navire.
Dans une conception véritablement religieuse, c'est une chanson fausse, qui plus est immorale, puisqu'une seule solution lucide convient : trouver de nouvelles ressources introuvables pour éviter de dévorer le plus jeune (au début puisqu'ensuite la grande bouffe continue). C'est suivant cette conception religieuse que l'homme ne s'est pas cantonné à son territoire initial mais a fini par conquérir l'ensemble de la Terre. C'est suivant cette conception expansive et historique que l'homme colonisera l'espace. Seul moyen de sauver l'espace sur la durée.
Le néanthéisme intervient comme la forme religieuse à même de poursuivre l'œuvre du transcendantalisme qui s'est finie quand l'homme a achevé de conquérir la Terre (symboliquement autour de 1492). Si l'homme parvient à accroître ses ressources, c'est bien entendu du fait premier de son lien avec le réel, qui est un lien dynamique et mouvant - et qui révèle que le réel ne saurait être défini en termes de stabilité, voire d'entropie.
Le réel n'est pas stable et statique comme le suppose le matérialisme. Cette définition négative du réel fait que tout effort de définition est à jamais incomplet et que l'on ne peut définir que manière provisoire. L'autre élément connexe tient à l'expression : le propre du lien particulier entre l'homme et le réel tient au caractère de l'expression. Ainsi que le signale le disciple Jean de Jésus, Dieu est Verbe. Cette révélation (dans tous les sens du terme) peut bien entendu être interprétée en termes chrétiens spécifiques, mais elle porte aussi un caractère religieux universel : le divin exprime.
L'expression signifie que l'on extrait en pressant. Que presse-t-on? Le réel? Le divin? On est pressé d'extraire mais l'on n'extrait jamais que des extraits. Tu veux traire Dieu? Tu seras tondu! L'expression s'enrichit d'une connotation tout à fait dans l'air du temps avec Internet : la liberté d'expression, au nom de laquelle on légitime les pires censures. L'ire du temps. La liberté de presser des extraits. A la différence d'un citron, l'infini est pressurisable à merci et à volonté. Quand y'en a plus, y'en a encore.
C'est le savoir qui ne saurait croître ou décroître sans suivre la proportion quantitative. Derrière cette citation un brin vulgaire se cache une vérité profonde. La définition de l'infini change en fonction du paradigme religieux lui-même évolutif. A l'heure de l'espace, l'expression est Internet. Elle est gratuite. La définition d'Internet s'enrichit d'une précision : l'infini est ce qui diminue. C'est bien entendu une diminution qualitative qui en aucun cas n'est d'ordre quantitatif. Preuve que l'ordre du réel ne suit pas l'ordre du sensible. Le religieux ne suit pas l'existence. La diminution qualitative engendre l'accroissement sensible quantitatif.
Ce que nous prenons pour de l'accroissement est en fait compatible avec ce qui dans l'ordre qualitatif s'accroît en diminuant. La logique sensible croise le sens divin et éprouve les pires peines à concilier des ordres sans doute englobés, mais aussi passablement antagonistes. Pourtant avec la perspective de l'enversion, on arrive à expliquer cette diminution qualitative qui provoque un accroissement quantitatif.
La gratuité d'Internet passe par cette définition de l'infini. Internet est l'expression qui va détruire l'expression immanentiste centrée autour de Gutenberg. Internet est l'expression qui va emmener l'homme vers l'espace. Internet est l'expression qui va sauver l'espèce des espèces affriolantes et dérisoires. Démesurées. Internet est l'expression de la marche de l'infini. Vers où? Vers de nouvelles définitions. De nouvelles limites. Et si c'était ça, la gratuité? L'indéfinie fin des limites?
P.S. : je m'aperçois que je n'ai pas défini le deuxième point. Je m'arrête pour cette trop longue note et m'y attellerai une prochaine fois.
Je distingue deux grandes spécificités à Internet. Spécificités au sens d'innovation et de changement. Spécificités fortes puisqu'Internet est la révolution qui remplace Gutenberg et que tous ceux qui critiquent Internet pour lui préférer en substance Gutenberg sont des réactionnaires qui ne se rendent pas compte qu'ils inversent le train de l'histoire.
1) La première spécificité est la gratuité : cette innovation n'est que partielle, puisqu'avant Gutenberg, la notion de droits d'auteur était des plus floues. Il est vrai que la différence entre la mondialisation et l'Antiquité pour s'en tenir au bassin méditerranéen tient dans la notion de démocratie - qui indique que la culture s'est globalisée au sens géographique mais aussi social. Cette gratuité est fameuse depuis le commencement des batailles entre les intérêts richissimes des multinationales de l'empire Gutenberg (les sacrosaintes maisons d'édition et leur emprise-méprise artistique) et des horribles pirates masqués d'Internet.
La vérité de ces affaires est traitée depuis un angle juridique imbriqué dans les droits Gutenberg, ce qui est une ineptie concernant une révolution culturelle. Depuis combien de temps le paradigme dépassé juge-t-il le paradigme qui le remplace (avec au surplus tous les risques de jalousie inhérents et inévitables)? Pour juger de cette révolution, il faudrait convoquer des arguments moraux, ontologiques et religieux.
A chaque fois qu'on en demeure au droit, soit à un donné, on tombe dans le contresens réactionnaire. Cette remarque à partir d'événements significatifs quoique contextualisés nous amène à considérer ce qu'est la gratuité Internet : une révolution religieuse, que l'on peut traiter depuis l'angle rationnel de l'ontologie. La gratuité d'Internet n'est certainement pas le chaos juridique et social que s'octroieraient d'horribles pirates démondialisés depuis leur poste d'ordinateur - aveugles et communs rapaces prêts à abattre les agneaux de l'édition.
La gratuité d'Internet renvoie à la gratuité divine : elle touche plus loin et plus profond que la polémique sur la remise en question des droits d'auteur. C'est Gutenberg qui a instauré les droits d'auteur en reconnaissant que dans le monde des valeurs bourgeoises, marchandes et libérales, la reconnaissance de l'œuvre artistique allait de pair avec la reconnaissance de l'individu et de ses prérogatives. Internet balaye cette notion en rappelant que l'art est gratuit. L'acte gratuit est souvent synonyme d'une action dérisoire et destructrice. Gide y a vu le temps d'un de ses rares bons écrits le lien entre l'athéisme et la liberté : Lafcadio dans un train ne trouve rien de mieux que de précipiter un vieillard assis en face de lui dans le vide.
Cette sotie illustre la condamnation de l'athéisme selon Gide, qui se place en tant que bourgeois protestant dans les traces de Dostoïevski - selon qui si Dieu est mort, tout est permis. On pourrait ajouter que Gide se trouve concerné par cette morale, lui le protestant plus que paradoxal, fort ambigu en diable, qui ne pratique la religion que pour mieux exorciser le côté diabolique, voire pour l'exciter. Si l'on doute de cette interprétation, que l'on lise un autre ouvrage de Gide, plus périssable et plus proche des confessions d'un Matzneff que de celles de Rousseau (Si le grain ne meurt).
Gide incarne le conflit entre le croyant plongé das une époque diabolique (l'immanentisme) et les vertus de ce diabolisme poussées jusqu'aux vices les plus insoutenables. Quand on est un grand bourgeois protestant, on pratique la loi du plus fort, dans le domaine de la république des lettres comme dans la dimension privée de l'oligarchie du sexe. L'acte gratuit est connoté péjorativement lorsqu'il est porté par des valeurs immanentistes et matérialistes. Pour autant, la notion d'acte gratuit renvoie à la dimension la plus haute de l'existence, qui est dénotée dans le christianisme sous la valeur de la charité.
De ce point de vue, l'acte gratuit, dont le happening est la quintessence contemporaine presque caricaturale, est aux antipodes de la gratuité qui renvoie au don de Dieu. Dieu est libre en ce qu'il donne sans raison - rationnelle. Cet arationalisme transcende véritablement l'irrationalisme de certains actes gratuits. Entre Dieu qui augmente la vie et l'athée qui tue au nom de la gratuité, la différence est de taille! La gratuité religieuse renvoie à l'idée que le vivant témoigne de la vie par le gratuit. Le don de Dieu est gratuit. La vie est gratuite.
Donner la vie est gratuit. Soit dit en passant, c'est le plus profond argument contre les esprits irréligieux (pervers sémantiques) qui cherchent à légitimer ou à légaliser la prostitution au motif que ce serait un métier comme un autre. La gratuité sérieuse balaye ce genre de considérations putrides et débiles. La gratuité est religieuse. La gratuité qu'apporte Internet n'est ni un vent frais indéfinissable, ni un acte rebelle de nature illégale. L'illégalité d'Internet n'est valide que d'un point de vue dépassé.
Internet n'est pas définissable en fonction d'un cadre donné de type Gutenberg, puisque sa fonction révolutionnaire est de dépasser Gutenberg. La gratuité qu'impose Internet est la gratuité qui vient balayer le caractère marchand de l'œuvre d'art imposé par Gutenberg. On savait que le principe de l'offre et de la demande rendait plus ou moins chère l'œuvre d'art. Certaines différences sont scandaleuses, de même que le risque que le goût du public ne recoupe pas la qualité de la production artistique. Comme l'on dit, les créations ne se jugent pas à l'aune de la démocratie.
Gutenberg avait cru acheter la valeur de l'art par des prix exorbitants et dérisoires, insignifiants, comme c'est le cas lorsque des tableaux de maîtres, souvent fort démunis de leur vivant, s'arrachent à des prix de pacotille, par des acheteurs qui compensent leur méconnaissance esthétique par l'exhibition de leur fric à tocs (principe du parvenu). Internet rétablit la vérité : la valeur marchande est toujours dérisoire face à la production de l'art, parce que l'art contacte une donnée qui n'a pas de valeur, qui n'est pas quantifiable et qui de ce fait est toujours indéfinissable : l'infini.
Internet établit la nouvelle valeur de l'art. Telle serait la mission définitive d'Internet, bien au-delà de ses dérives marchandes, au premier rang desquelles la pornographie (qui est une valeur quantifiable et qui est de l'anti-art grevé de dollars). Internet n'est pas une manifestation artistique. Internet est une création dans le champ de l'expression humaine en ce qu'il est d'ordre religieux. Le religieux est si supérieur aux productions humaines qu'il se sert des productions humaines pour les corriger quand celles-ci flanchent.
Face à l'immanentisme qui tendait à mener l'homme vers la dérive, face au diabolisme de notre temps qui consiste à expurger le réel du religieux pour n'en retenir que des finalités matérialistes souvent bornées (exemple de la pornographie et de ses dérives dérivées), Internet est la figure cardinale du religieux qui vient succéder au transcendantalisme et qui met fin à la parenthèse étrange et violente de l'immanentisme. Il est vrai que l'immanentisme était un curieux courant religieux, qui tenait plus du déni que du religieux.
L'infini est une idée si insaisissable qu'il n'est jamais défini dans l'histoire du transcendantalisme. On nous donne des synonymes, comme le même ou l'absolu, mais jamais de précisions claires. Définir l'infini est un oxymore, puisque l'effort de définition aboutit à une finitudisation du réel défini, ce qui dans le cadre de l'infini apparaît des plus impossibles.
La gratuité est le retour de l'infini contre la toute-puissance du fini en ce que ce qui est infini est gratuit. Soit : au-dessus de toute valeur, même la plus valeureuse. Valoriser l'infini aboutit à la gratuité. La gratuité est divine. Internet est aussi infini que divin. Ce néo-syllogisme énonce ce que chacun sait au fond : la marchandisation Gutenberg n'aura réussi qu'à acheter des dollars. On n'achète pas l'art, parce que l'art est connecté au religieux. L'art est l'individualisation de l'expression religieuse.
De ce point de vue, la gratuité d'Internet s'oppose à la valorisation marchande de Gutenberg en ce qu'Internet est l'expression néanthéiste qui s'oppose à l'immanentisme de Gutenberg.
http://aunomduneant.blogspot.com/
Concevoir Internet comme le retour du transcendantalisme dans l'ordre immanentiste n'est comprendre que la moitié du problème. Quand on comprend la moitié, on ne comprend rien. Internet est une révolution qui signifie le retour du religieux de type classique - sous une nouvelle forme. Le transcendantalisme est mort - l'immanentisme est du nihilisme de plus en plus évident.
Il est temps que les nouvelles formes du nouveau culte adviennent. Internet est l'expression tous azimuts de ce culte. Internet est l'expression religieuse dans la technologie qui paraît la plus immanentiste. C'est la preuve que Bob Marley avait raison contre Heidegger - si Heidegger définit la technique en tant que technique comme la négation de l'Être. C'est l'usage que l'on fait de la technique qui est bon ou mauvais.
Internet est l'expression de l'infini dans le fini. Toute manifestation d'infini se fait dans le cadre strict d'une finitudisation. Ordonnance d'une ordonnation. La finitudisation du néanthéisme se manifeste en particulier par Internet. La spécificité de cette gratuité est qu'elle peut se définir. C'est la preuve que l'infini s'est incarné dans le néanthéisme et que l'infini n'est pas vraiment une définition positive en soi. Si l'on ne peut définir l'infini, c'est déjà parce que l'infini constitue une définition négative.
On définit le fini, pas l'infini. L'infini se définit par rapport à la représentation du divin. Dans un système où la fin est la Terre, où l'horizon humain ne dépasse pas cette limite, la fin de l'infini est proportionnelle à cette limite. L'infini est seulement non réductible au fini. Première constatation transcendantaliste qui s'oppose au nihilisme ambivalent d'Aristote selon lequel l'univers est fini.
Avec l'avènement de l'aventure spatiale de l'homme, qui a fini de conquérir la Terre, et qui soit poursuit sa croissance vers l'espace, soit décroît vers l'anéantissement, le sens de l'infini se précise : c'est la néanthéisation du fini, soit la croissance par la diminution. Paradoxe inexplicable en termes immanentistes, puisqu'on ne saurait augmenter en diminuant dans un schéma mécaniste. Demandez à Malthus, dont la chanson préférée aurait sans doute été Il était un petit navire.
Dans une conception véritablement religieuse, c'est une chanson fausse, qui plus est immorale, puisqu'une seule solution lucide convient : trouver de nouvelles ressources introuvables pour éviter de dévorer le plus jeune (au début puisqu'ensuite la grande bouffe continue). C'est suivant cette conception religieuse que l'homme ne s'est pas cantonné à son territoire initial mais a fini par conquérir l'ensemble de la Terre. C'est suivant cette conception expansive et historique que l'homme colonisera l'espace. Seul moyen de sauver l'espace sur la durée.
Le néanthéisme intervient comme la forme religieuse à même de poursuivre l'œuvre du transcendantalisme qui s'est finie quand l'homme a achevé de conquérir la Terre (symboliquement autour de 1492). Si l'homme parvient à accroître ses ressources, c'est bien entendu du fait premier de son lien avec le réel, qui est un lien dynamique et mouvant - et qui révèle que le réel ne saurait être défini en termes de stabilité, voire d'entropie.
Le réel n'est pas stable et statique comme le suppose le matérialisme. Cette définition négative du réel fait que tout effort de définition est à jamais incomplet et que l'on ne peut définir que manière provisoire. L'autre élément connexe tient à l'expression : le propre du lien particulier entre l'homme et le réel tient au caractère de l'expression. Ainsi que le signale le disciple Jean de Jésus, Dieu est Verbe. Cette révélation (dans tous les sens du terme) peut bien entendu être interprétée en termes chrétiens spécifiques, mais elle porte aussi un caractère religieux universel : le divin exprime.
L'expression signifie que l'on extrait en pressant. Que presse-t-on? Le réel? Le divin? On est pressé d'extraire mais l'on n'extrait jamais que des extraits. Tu veux traire Dieu? Tu seras tondu! L'expression s'enrichit d'une connotation tout à fait dans l'air du temps avec Internet : la liberté d'expression, au nom de laquelle on légitime les pires censures. L'ire du temps. La liberté de presser des extraits. A la différence d'un citron, l'infini est pressurisable à merci et à volonté. Quand y'en a plus, y'en a encore.
C'est le savoir qui ne saurait croître ou décroître sans suivre la proportion quantitative. Derrière cette citation un brin vulgaire se cache une vérité profonde. La définition de l'infini change en fonction du paradigme religieux lui-même évolutif. A l'heure de l'espace, l'expression est Internet. Elle est gratuite. La définition d'Internet s'enrichit d'une précision : l'infini est ce qui diminue. C'est bien entendu une diminution qualitative qui en aucun cas n'est d'ordre quantitatif. Preuve que l'ordre du réel ne suit pas l'ordre du sensible. Le religieux ne suit pas l'existence. La diminution qualitative engendre l'accroissement sensible quantitatif.
Ce que nous prenons pour de l'accroissement est en fait compatible avec ce qui dans l'ordre qualitatif s'accroît en diminuant. La logique sensible croise le sens divin et éprouve les pires peines à concilier des ordres sans doute englobés, mais aussi passablement antagonistes. Pourtant avec la perspective de l'enversion, on arrive à expliquer cette diminution qualitative qui provoque un accroissement quantitatif.
La gratuité d'Internet passe par cette définition de l'infini. Internet est l'expression qui va détruire l'expression immanentiste centrée autour de Gutenberg. Internet est l'expression qui va emmener l'homme vers l'espace. Internet est l'expression qui va sauver l'espèce des espèces affriolantes et dérisoires. Démesurées. Internet est l'expression de la marche de l'infini. Vers où? Vers de nouvelles définitions. De nouvelles limites. Et si c'était ça, la gratuité? L'indéfinie fin des limites?
P.S. : je m'aperçois que je n'ai pas défini le deuxième point. Je m'arrête pour cette trop longue note et m'y attellerai une prochaine fois.
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