La question à poser, maintenant que l'on est confronté à la crise, c'est le spectre du chaos. La perspective exacte du chaos. OK? De nombreux analystes ignorés des experts officiels et des cercles institutionnels avaient senti venir la crise. On comprend qu'ils aient été ignorés - des ignares ignorés. L'instrumentalisation de la crise ne fait pas de doute, mais il est lucide de parler d'instrumentalisation interne, soit d'instrumentalisation de la crise qui profite de la crise pour accroître son pouvoir, mais qui ne possède pas le pouvoir de susciter la crise.
La crise provient de méthodes ineptes et délirantes. C'est en gros le projet et le processus du monétarisme : créer de la valeur à partir de rien. Au fait, dites-moi : n'est-ce pas aussi l'une des armes favorites du diable? Le monétarisme est une folie logique évidente, mais il est l'expression en économie du nihilisme moderne (immanentisme). Rappelez-vous : Spinoza commence par imposer le monisme moderne. La preuve que le système de Spinoza surmonte le platonisme et la métaphysique classique, c'est qu'il réconcilie et qu'il propose l'unité quand le platonisme ne dispose que du dualisme (selon l'appellation de Nietzsche).
Las! Si l'on a le courage d'examiner le monisme nihiliste, on se rend compte qu'il cache soigneusement son dualisme véritable en proposant une définition une du réel : c'est le sensible. Autrement dit, la production de définition recoupe le simplisme, puisque le nihilisme se contente de réduire tout le travail transcendantaliste au sensible, soit la constatation empirique première et évidente de la réalité.
Ce n'est pas tout. Le nihilisme ne parvient à l'unité qu'en créant un pendant nécessaire au sensible : c'est le néant. Bien entendu, il convient de cacher le néant, sans quoi la doctrine moniste n'est plus moniste, mais dualiste (sensible/néant). Surtout, le dualisme platonicien revient en fait à une réconciliation (le sensible intégré à l'Un idéal), quand le nihilisme découle d'une opposition (le sensible opposé au néant).
L'erreur nihiliste se double d'une tromperie et d'une dissimulation. Simulation : le nihilisme révèle l'Un. Correction : il révèle plutôt la pomme de discorde véritable, celle que tout l'effort du transcendantalisme consiste à différer. Le nihilisme est opposition en ce que cette opposition ne peut mener qu'à la destruction. Destruction ontologique. La fin du transcendantalisme consiste à transformer le reél non sensible en sensible propice à l'homme. Mais le nihilisme aboutit exactement au résultat inverse : appauvrir le sensible à force d'empêcher la transformation ontologique d'idéal en sensible, dont le sacrifice est la marque de fabrique première.
Le nihilisme part de deux principes :
1) Seule la destruction régénère le sensible par l'adjonction de néant qui se transforme en sensible.
2) Cette théorie fumeuse (et fausse) est compatible avec le refus du principe de dynamique du réel. Le reél demeure statique et immuable.
Dans la conception classique, l'homme possède le pouvoir d'accroissement et d'évolution dans la transformation. C'est ainsi que l'homme a toujours pu faire face au progrès technique et scientifique. Notamment dans la démographie : l'accroissement de la démographie traduit le progrès humain et le fait que l'homme ne cesse de se développer et de se réunir. C'est le processus de mondialisation à ne pas confondre avec l'idéologie du mondialisme.
La conception immanentiste tend plutôt à laisser entendre que l'ordre des choses est stable. On trouve une évocation fidèle de cette conception chez Schopenhauer qui non seulement pense que l'histoire est répétition, mais encore que finalement, c'est toujours la même mouche qui bourdonne (au travers des différentes mouches et de la durée de vie fort réduite d'un individu mouche au regard de l'homme).
Cette conception se comprend avec la définition du reél comme sensible. Si le reél est fini, alors il ne saurait être dynamique. Il est donné une bonne fois pour toutes et c'est en quoi Rosset peut proposer comme synonyme du réel dans un ouvrage de jeunesse le donné. Le donné est donné - une bonne fois pour toutes. Par ailleurs, l'ennemi intime de Rosset, Derrida le Différand, qui eut un différend avec Rosset dans la mesure où tous deux étaient des immanentistes de facture terminale, Derrida donc avoue dans une conversation (narcissique et futile) qu'il est tombé éperdument amoureux de l'expression : une bonne fois pour toutes.
Dont acte. La conception ordo ab chao n'est pas antithétique de la conception nihiliste de réel statique par opposition au reél dynamique. Elle consiste à estimer que la régénération du reél (sensible) est statique, alors que la conception classique du sacrifice tend à concevoir le sacrifice comme le changement dynamique du reél. C'est à l'intérieur de cette conception nihiliste et statique qu'intervient Malthus, qui est plus un (mauvais) économiste qu'un (mauvais) penseur. Malthus est le paradigme dont se réclament tous les libéraux à partir du vingtième siècle.
Le projet de nombreuses factions atlantistes d'obédience anglo-saxonne, dans le sillage de l'Empire britannique, consiste à réduire drastiquement la population humaine sous prétexte qu'elle serait trop élevée par rapport aux ressources naturelles. C'est l'ambition du WWF, mais c'est aussi le rêve des circuits autour de Kissinger dans les années 70 (avant eux, des porte-paroles de ces milieux synarchiques se sont exprimés par l'intermédiaire entre autres de Russell le logicien illogique ou de Wells le fictionniste inspiré par les prévisions des clubs anglais).
Disons-le franchement : Malthus ne serait qu'un piètre économiste et penseur s'il n'avait bénéficié du soutien de la Compagnie des Indes, qui l'emploiera comme professeur dans un collège et lui permettra de développer ses idées impérialistes. Au passage, l'opposition que relaye Wikipédia entre Malthus et le père du libéralisme classique, Smith, est ridicule : outre que l'Empire britannique s'appuie sur différentes branches du libéralisme, Malthus est en correspondance avec Ricardo, un autre libéral classique. En outre, il inspirera les travaux de Keynes, que l'on présente (à tort) comme un libéral progressiste et modéré et dont on se réclame beaucoup aujourd'hui pour juguler la crise par un État plus fort (doctrine perverse du gouvernement mondial).
Malthus exprime simplement une certaine branche du libéralisme, qui est le libéralisme pessimiste : en gros, sa conception statique part du postulat fallacieux selon lequel l'offre et la demande ne s'équilibrent pas. Quelle différence de fond avec celui que Wikipédia présente comme l'opposant idéologique de Malthus - l'optimiste Smith? Smith serait optimiste parce qu'il postule la main invisible comme principe explicatif de l'équilibre harmonieux dans les échanges (entre l'offre et la demande). Smith explique l'équilibre à partir d'un concept de main invisible qui est erroné et qui ne saurait en rien se démontrer.
C'est un peu comme affirmer que l'équilibre s'obtient par enchantement. C'est de la magie. Noire chez Malthus. Blanche chez Smith? Smith et Malthus appartiennent à la même école : tous deux sont des idéologues au service de l'Empire britannique. L'impérialisme, le colonialisme, l'esclavagisme, toutes ces formes ressortissent de la même approche : la domination. Smith travestit la domination sous un optimisme de bon aloi, mais quand on examine le bilan du libéralisme, on subit une impressionnante litanie de faits qui prouve l'implacable élitisme dominateur qui oeuvre derrière l'idéal de liberté.
Le concept de liberté finie implique fatalement la domination, à moins de tomber dans le piège du communisme ou d'autres formes dérivées qui toutes expriment la vision béate de l'immanentisme progressiste. Smith, Ricardo, Bentham, Malthus... : même combat. Le pessimiste a toujours l'avantage sur l'optimiste de se montrer plus lucide, pour la raison qu'il aperçoit forcément dans toute situation les conditions de violence et de destruction. L'optimisme possède sur le pessimisme l'avantage d'accepter le changement. On est peut-être moins lucide, mais on vit mieux aussi.
Schopenhauer distingue les subtilités de l'existence dès qu'il s'agit de discerner leur violence et leur destruction. Par contre, Schopenhauer perd sa lucidité précieuse et précise à partir du moment où il aborde la notion de temps. Schopenhauer est totalement hermétique à la notion de différence/devenir. Au fond, le libéralisme montre son vrai visage quand on comprend que la chute présente du libéralisme (comme de toutes les idéologies), qui avait dégénéré déjà en ultralibéralisme, libère subitement l'espace pour Malthus.
Keynes et Malthus. Keynes sert à rassurer ceux que le manque d'État indispose. Mais Keynes permet en même temps d'imposer l'idée de gouvernance mondiale. Malthus permet d'imposer l'idée de staticité du réel fini. Dans ce contexte, trois carottes pour cinq personnes seront toujours trois carottes - pour cinq personnes. Il ne reste plus qu'à tuer deux personnes. Ainsi de la baisse démographique, consentie non pour satisfaire l'oligarchie en place (les successeurs de la Compagnie des Indes), mais pour sauver l'humanité et la nature.
Au passage, on appréciera la vogue de l'écologie en regard de son adéquation remarquable aux thèses malthusiennes et eugénistes. La seule réponse qui montre la fausseté des thèses d'un Malthus? Le processus dynamique, tel que l'a théorisé notamment un Leibniz. Selon ce processus, une situation donnée n'est indicative que d'un certain moment. C'est faire fi du temps que de calculer arrêté. C'est faire fi du progrès, du changement. Malthus aurait raison si le temps n'existait pas. Si le temps existe, Malthus est au mieux un propagandiste - au pis un dangereux presbyte.
Au lieu de théoriser les capacités économiques et démographiques d'un moment donné, il faut encourager le progrès pour accroître lesdites capacités. Soit l'on suit l'idéologie mondialiste d'obédience malthusienne selon laquelle le progrès humain s'arrête au stade de l'homme-monde; soit l'on part du principe que le principe de globalisation ou de mondialisation est un principe historique irréfutable - et l'on encourage la poursuite de ce principe et la conquête de l'espace.
Ce que l'homme pouvait faire il y a mille ans est totalement disproportionnel et inférieur à ce qu'il réalise aujourd'hui. Ses facultés de créativité lui ont permis des progrès techniques et scientifiques qui ont décuplé le potentiel démographique. Un Malthus surgit quand les thèses d'un Smith s'effondrent. Le pessimisme néolibéral remplace l'optimisme libéral. A vrai dire, les modes eugénistes ont toujours été latentes dans les pays libéraux. Il suffit de constater les dérives des États-Unis lors du vingtième siècle dans ce domaine et sur ce sujet. Smith domine tant que le libéralisme fanfaronne. Plus il devient évident qu'il n'est qu'un passage et plus le versant réducteur et pessimiste de Malthus surgit comme une verrue hideuse et inquiétante sur un visage déformé et dégoulinant de sueur.
Malthus est la vraie réponse à la crise systémique : diminuer la population humaine pour l'ajuster aux capacités de production en baisse. La solution malthusienne est une solution d'ajustement qui considère que la crise est normale, soit que le processus de dégénérescence ou de néantisation est en marche. Il n'y a pas deux solutions : soit progresser et changer; soit régresser et disparaître.
Evidemment, à ce sujet, quand on parle de la crise systémique et de l'effondrement, les gens entendent (ou attendent?) un effondrement subit et spectaculaire. C'est un fantasme remarquable au sens où les fantasmes ne sont pas faits pour se réaliser. En réalité, il faut suivre les politiques eugénistes ou l'idéologie proto-libérale d'un Malthus pour comprendre ce que signifient l'effondrement systémique et l'accompagnement de la crise.
Nos sociétés libérales se caractérisent par la prééminence stratégique des classes moyennes. Le sage Solon aurait inventé cette théorie des classes moyennes comme l'équilibre de la cité. Au juste, j'ignore si Solon est vraiment l'inventeur ou s'il n'a fait que redécouvrir pour la Grèce ce qui existait depuis longtemps ailleurs, mais une choses est certaine : les sociétés de stade terminal, quand la crise commence à affecter leurs capacités comme une maladie qui affaiblit sérieusement le patient, n'offrent pas le spectacle de l'effondrement au sens d'un écroulement radical et foudroyant. Laissons le temps au temps et cessons de vouloir du spectacle de changement.
Les sociétés dégénérées s'affaissent progressivement. Elles se divisent en une élite oligarchique et une masse informe et informelle de pauvres et de démunis. C'est d'ailleurs cette société qu'appellent de leurs voeux les think tanks mondialistes et secrets comme le Bilderberg Group. Si l'on veut une image de ce que peut donner l'effondrement systémique, que l'on consulte l'histoire de l'Afrique, où une infime minorité d'élites corrompues et prédatrices se partagent (avec la complicité de factions financières occidentalistes transversales) les richesses déclinantes et rares, malgré la richesse inépuisable du sol et des populations. En particulier que l'on s'attache à des pays ravagés par les guerres civiles, les famines et les massacres (Liberia ou Sierra Leone) pour constater que la possibilité de cet avènement n'est pas fantasme, mais réalité fragmentaire, appelée à progresser - les mêmes causes engendrant les mêmes effets.
Ces sociétés au bord du gouffre n'ont de possibilité de repartir, comme une plante moribonde, que grâce à la présence tutélaire et revigorante d'autres sociétés humaines environnantes. Tel n'est pas le cas dans un paysage unique et mondialiste, où l'effondrement de la société humaine affecte l'ensemble des individus. La société unique si elle s'effondrait engendrerait la disparition de l'humanité. Nous nous trouvons au bord du précipice, au sens où nous manquons toujours plus de basculer vers ces sociétés chaotiques qui précèdent de manière aléatoire (mais certaine) la disparition totale. La dégénérescence et la déchéance sont les stades qui précèdent le chaos effectif.
La crise systémique n'agira pas comme l'explosion dévastatrice d'une bombe nucléaire ou la rencontre cataclysmique d'une météorite. Elle mène au chaos doucement et sûrement. Il est impossible à une économie généralisée de s'effondrer d'un seul coup, comme un plancher ravagé par un violent incendie qui cède dans un artifice pétaradant de lumières et d'étincelles. Ces effondrements peuvent intervenir à certains points chauds, mais le chaos s'obtient plus sûrement et plus subtilement par une descente manifeste, mais progressive aux Enfers.
Pareille à la grenouille qui refuse d'avouer qu'elle cuit lentement dans une eau de plus en plus bouillante, l'humanité dénie qu'elle se trouve en crise et que la crise emmène vers le chaos. Rappelons les règles élémentaires d'un combat de boxe. On n'y perd pas seulement par KO. Il arrive assez fréquemment que la victoire se décide et se dessine aux points. Je n'ai pas dit : aux poings. C'est à force de donner des coups qu'un boxeur gagne, tandis que l'autre perd à force de prendre des coups. Pas de quoi criser devant l'évidence - du chaos.
Le chaos est moins le subit néant généralisé que la longue suite de destructions qui mènent au final à une destruction particulière. Désolé de réduire l'homme à un réseau pensant, mais la disparition de l'humanité n'engendrerait certainement pas la disparition du réel ou de l'univers. D'ailleurs, aussi sûrement que l'homme n'a pas toujours existé et se trouve par conséquent susceptible de disparaître, ainsi que toute partie de ce reél, le reél par contre ne saurait disparaître.
Il correspond à ce que le Coran et bien d'autres appellent l'Incréé. D'un point de vue ontologique, le chaos n'existe pas. C'est le nihilisme qui croit au chaos. Le chaos humain, c'est avant tout la grande faiblesse des sociétés humaines, l'anarchie humaine, voire la disparition de l'espèce humaine, au sens où une autre espèce fameuse et voyante, les dinosaures mythiques, auraient disparu sous l'action malfaisante et aveugle d'une météorite. La faiblesse du nihilisme, au sens de vice, consiste à prêter au néant des vertus régénératrices et positives.
Plus on détruit, plus on est bon. Le temps ne fait rien à l'affaire. Le néant régénérateur exprime l'idée typiquement nihiliste qu'il faut détruire pour perpétuer le sensible et que la destruction ne mène pas à la disparition. Peut-être même les nihilistes qui mènent le bal dans les circuits mondialistes soit ne se rendent pas compte de leur stratégie mortifère, soit croient vraiment qu'ils ont raison. En tout cas, leur lourde erreur si elle était appliquée durablement mènerait l'homme vers le chaos : l'anarchie, l'agonie, puis - la mort.
La crise provient de méthodes ineptes et délirantes. C'est en gros le projet et le processus du monétarisme : créer de la valeur à partir de rien. Au fait, dites-moi : n'est-ce pas aussi l'une des armes favorites du diable? Le monétarisme est une folie logique évidente, mais il est l'expression en économie du nihilisme moderne (immanentisme). Rappelez-vous : Spinoza commence par imposer le monisme moderne. La preuve que le système de Spinoza surmonte le platonisme et la métaphysique classique, c'est qu'il réconcilie et qu'il propose l'unité quand le platonisme ne dispose que du dualisme (selon l'appellation de Nietzsche).
Las! Si l'on a le courage d'examiner le monisme nihiliste, on se rend compte qu'il cache soigneusement son dualisme véritable en proposant une définition une du réel : c'est le sensible. Autrement dit, la production de définition recoupe le simplisme, puisque le nihilisme se contente de réduire tout le travail transcendantaliste au sensible, soit la constatation empirique première et évidente de la réalité.
Ce n'est pas tout. Le nihilisme ne parvient à l'unité qu'en créant un pendant nécessaire au sensible : c'est le néant. Bien entendu, il convient de cacher le néant, sans quoi la doctrine moniste n'est plus moniste, mais dualiste (sensible/néant). Surtout, le dualisme platonicien revient en fait à une réconciliation (le sensible intégré à l'Un idéal), quand le nihilisme découle d'une opposition (le sensible opposé au néant).
L'erreur nihiliste se double d'une tromperie et d'une dissimulation. Simulation : le nihilisme révèle l'Un. Correction : il révèle plutôt la pomme de discorde véritable, celle que tout l'effort du transcendantalisme consiste à différer. Le nihilisme est opposition en ce que cette opposition ne peut mener qu'à la destruction. Destruction ontologique. La fin du transcendantalisme consiste à transformer le reél non sensible en sensible propice à l'homme. Mais le nihilisme aboutit exactement au résultat inverse : appauvrir le sensible à force d'empêcher la transformation ontologique d'idéal en sensible, dont le sacrifice est la marque de fabrique première.
Le nihilisme part de deux principes :
1) Seule la destruction régénère le sensible par l'adjonction de néant qui se transforme en sensible.
2) Cette théorie fumeuse (et fausse) est compatible avec le refus du principe de dynamique du réel. Le reél demeure statique et immuable.
Dans la conception classique, l'homme possède le pouvoir d'accroissement et d'évolution dans la transformation. C'est ainsi que l'homme a toujours pu faire face au progrès technique et scientifique. Notamment dans la démographie : l'accroissement de la démographie traduit le progrès humain et le fait que l'homme ne cesse de se développer et de se réunir. C'est le processus de mondialisation à ne pas confondre avec l'idéologie du mondialisme.
La conception immanentiste tend plutôt à laisser entendre que l'ordre des choses est stable. On trouve une évocation fidèle de cette conception chez Schopenhauer qui non seulement pense que l'histoire est répétition, mais encore que finalement, c'est toujours la même mouche qui bourdonne (au travers des différentes mouches et de la durée de vie fort réduite d'un individu mouche au regard de l'homme).
Cette conception se comprend avec la définition du reél comme sensible. Si le reél est fini, alors il ne saurait être dynamique. Il est donné une bonne fois pour toutes et c'est en quoi Rosset peut proposer comme synonyme du réel dans un ouvrage de jeunesse le donné. Le donné est donné - une bonne fois pour toutes. Par ailleurs, l'ennemi intime de Rosset, Derrida le Différand, qui eut un différend avec Rosset dans la mesure où tous deux étaient des immanentistes de facture terminale, Derrida donc avoue dans une conversation (narcissique et futile) qu'il est tombé éperdument amoureux de l'expression : une bonne fois pour toutes.
Dont acte. La conception ordo ab chao n'est pas antithétique de la conception nihiliste de réel statique par opposition au reél dynamique. Elle consiste à estimer que la régénération du reél (sensible) est statique, alors que la conception classique du sacrifice tend à concevoir le sacrifice comme le changement dynamique du reél. C'est à l'intérieur de cette conception nihiliste et statique qu'intervient Malthus, qui est plus un (mauvais) économiste qu'un (mauvais) penseur. Malthus est le paradigme dont se réclament tous les libéraux à partir du vingtième siècle.
Le projet de nombreuses factions atlantistes d'obédience anglo-saxonne, dans le sillage de l'Empire britannique, consiste à réduire drastiquement la population humaine sous prétexte qu'elle serait trop élevée par rapport aux ressources naturelles. C'est l'ambition du WWF, mais c'est aussi le rêve des circuits autour de Kissinger dans les années 70 (avant eux, des porte-paroles de ces milieux synarchiques se sont exprimés par l'intermédiaire entre autres de Russell le logicien illogique ou de Wells le fictionniste inspiré par les prévisions des clubs anglais).
Disons-le franchement : Malthus ne serait qu'un piètre économiste et penseur s'il n'avait bénéficié du soutien de la Compagnie des Indes, qui l'emploiera comme professeur dans un collège et lui permettra de développer ses idées impérialistes. Au passage, l'opposition que relaye Wikipédia entre Malthus et le père du libéralisme classique, Smith, est ridicule : outre que l'Empire britannique s'appuie sur différentes branches du libéralisme, Malthus est en correspondance avec Ricardo, un autre libéral classique. En outre, il inspirera les travaux de Keynes, que l'on présente (à tort) comme un libéral progressiste et modéré et dont on se réclame beaucoup aujourd'hui pour juguler la crise par un État plus fort (doctrine perverse du gouvernement mondial).
Malthus exprime simplement une certaine branche du libéralisme, qui est le libéralisme pessimiste : en gros, sa conception statique part du postulat fallacieux selon lequel l'offre et la demande ne s'équilibrent pas. Quelle différence de fond avec celui que Wikipédia présente comme l'opposant idéologique de Malthus - l'optimiste Smith? Smith serait optimiste parce qu'il postule la main invisible comme principe explicatif de l'équilibre harmonieux dans les échanges (entre l'offre et la demande). Smith explique l'équilibre à partir d'un concept de main invisible qui est erroné et qui ne saurait en rien se démontrer.
C'est un peu comme affirmer que l'équilibre s'obtient par enchantement. C'est de la magie. Noire chez Malthus. Blanche chez Smith? Smith et Malthus appartiennent à la même école : tous deux sont des idéologues au service de l'Empire britannique. L'impérialisme, le colonialisme, l'esclavagisme, toutes ces formes ressortissent de la même approche : la domination. Smith travestit la domination sous un optimisme de bon aloi, mais quand on examine le bilan du libéralisme, on subit une impressionnante litanie de faits qui prouve l'implacable élitisme dominateur qui oeuvre derrière l'idéal de liberté.
Le concept de liberté finie implique fatalement la domination, à moins de tomber dans le piège du communisme ou d'autres formes dérivées qui toutes expriment la vision béate de l'immanentisme progressiste. Smith, Ricardo, Bentham, Malthus... : même combat. Le pessimiste a toujours l'avantage sur l'optimiste de se montrer plus lucide, pour la raison qu'il aperçoit forcément dans toute situation les conditions de violence et de destruction. L'optimisme possède sur le pessimisme l'avantage d'accepter le changement. On est peut-être moins lucide, mais on vit mieux aussi.
Schopenhauer distingue les subtilités de l'existence dès qu'il s'agit de discerner leur violence et leur destruction. Par contre, Schopenhauer perd sa lucidité précieuse et précise à partir du moment où il aborde la notion de temps. Schopenhauer est totalement hermétique à la notion de différence/devenir. Au fond, le libéralisme montre son vrai visage quand on comprend que la chute présente du libéralisme (comme de toutes les idéologies), qui avait dégénéré déjà en ultralibéralisme, libère subitement l'espace pour Malthus.
Keynes et Malthus. Keynes sert à rassurer ceux que le manque d'État indispose. Mais Keynes permet en même temps d'imposer l'idée de gouvernance mondiale. Malthus permet d'imposer l'idée de staticité du réel fini. Dans ce contexte, trois carottes pour cinq personnes seront toujours trois carottes - pour cinq personnes. Il ne reste plus qu'à tuer deux personnes. Ainsi de la baisse démographique, consentie non pour satisfaire l'oligarchie en place (les successeurs de la Compagnie des Indes), mais pour sauver l'humanité et la nature.
Au passage, on appréciera la vogue de l'écologie en regard de son adéquation remarquable aux thèses malthusiennes et eugénistes. La seule réponse qui montre la fausseté des thèses d'un Malthus? Le processus dynamique, tel que l'a théorisé notamment un Leibniz. Selon ce processus, une situation donnée n'est indicative que d'un certain moment. C'est faire fi du temps que de calculer arrêté. C'est faire fi du progrès, du changement. Malthus aurait raison si le temps n'existait pas. Si le temps existe, Malthus est au mieux un propagandiste - au pis un dangereux presbyte.
Au lieu de théoriser les capacités économiques et démographiques d'un moment donné, il faut encourager le progrès pour accroître lesdites capacités. Soit l'on suit l'idéologie mondialiste d'obédience malthusienne selon laquelle le progrès humain s'arrête au stade de l'homme-monde; soit l'on part du principe que le principe de globalisation ou de mondialisation est un principe historique irréfutable - et l'on encourage la poursuite de ce principe et la conquête de l'espace.
Ce que l'homme pouvait faire il y a mille ans est totalement disproportionnel et inférieur à ce qu'il réalise aujourd'hui. Ses facultés de créativité lui ont permis des progrès techniques et scientifiques qui ont décuplé le potentiel démographique. Un Malthus surgit quand les thèses d'un Smith s'effondrent. Le pessimisme néolibéral remplace l'optimisme libéral. A vrai dire, les modes eugénistes ont toujours été latentes dans les pays libéraux. Il suffit de constater les dérives des États-Unis lors du vingtième siècle dans ce domaine et sur ce sujet. Smith domine tant que le libéralisme fanfaronne. Plus il devient évident qu'il n'est qu'un passage et plus le versant réducteur et pessimiste de Malthus surgit comme une verrue hideuse et inquiétante sur un visage déformé et dégoulinant de sueur.
Malthus est la vraie réponse à la crise systémique : diminuer la population humaine pour l'ajuster aux capacités de production en baisse. La solution malthusienne est une solution d'ajustement qui considère que la crise est normale, soit que le processus de dégénérescence ou de néantisation est en marche. Il n'y a pas deux solutions : soit progresser et changer; soit régresser et disparaître.
Evidemment, à ce sujet, quand on parle de la crise systémique et de l'effondrement, les gens entendent (ou attendent?) un effondrement subit et spectaculaire. C'est un fantasme remarquable au sens où les fantasmes ne sont pas faits pour se réaliser. En réalité, il faut suivre les politiques eugénistes ou l'idéologie proto-libérale d'un Malthus pour comprendre ce que signifient l'effondrement systémique et l'accompagnement de la crise.
Nos sociétés libérales se caractérisent par la prééminence stratégique des classes moyennes. Le sage Solon aurait inventé cette théorie des classes moyennes comme l'équilibre de la cité. Au juste, j'ignore si Solon est vraiment l'inventeur ou s'il n'a fait que redécouvrir pour la Grèce ce qui existait depuis longtemps ailleurs, mais une choses est certaine : les sociétés de stade terminal, quand la crise commence à affecter leurs capacités comme une maladie qui affaiblit sérieusement le patient, n'offrent pas le spectacle de l'effondrement au sens d'un écroulement radical et foudroyant. Laissons le temps au temps et cessons de vouloir du spectacle de changement.
Les sociétés dégénérées s'affaissent progressivement. Elles se divisent en une élite oligarchique et une masse informe et informelle de pauvres et de démunis. C'est d'ailleurs cette société qu'appellent de leurs voeux les think tanks mondialistes et secrets comme le Bilderberg Group. Si l'on veut une image de ce que peut donner l'effondrement systémique, que l'on consulte l'histoire de l'Afrique, où une infime minorité d'élites corrompues et prédatrices se partagent (avec la complicité de factions financières occidentalistes transversales) les richesses déclinantes et rares, malgré la richesse inépuisable du sol et des populations. En particulier que l'on s'attache à des pays ravagés par les guerres civiles, les famines et les massacres (Liberia ou Sierra Leone) pour constater que la possibilité de cet avènement n'est pas fantasme, mais réalité fragmentaire, appelée à progresser - les mêmes causes engendrant les mêmes effets.
Ces sociétés au bord du gouffre n'ont de possibilité de repartir, comme une plante moribonde, que grâce à la présence tutélaire et revigorante d'autres sociétés humaines environnantes. Tel n'est pas le cas dans un paysage unique et mondialiste, où l'effondrement de la société humaine affecte l'ensemble des individus. La société unique si elle s'effondrait engendrerait la disparition de l'humanité. Nous nous trouvons au bord du précipice, au sens où nous manquons toujours plus de basculer vers ces sociétés chaotiques qui précèdent de manière aléatoire (mais certaine) la disparition totale. La dégénérescence et la déchéance sont les stades qui précèdent le chaos effectif.
La crise systémique n'agira pas comme l'explosion dévastatrice d'une bombe nucléaire ou la rencontre cataclysmique d'une météorite. Elle mène au chaos doucement et sûrement. Il est impossible à une économie généralisée de s'effondrer d'un seul coup, comme un plancher ravagé par un violent incendie qui cède dans un artifice pétaradant de lumières et d'étincelles. Ces effondrements peuvent intervenir à certains points chauds, mais le chaos s'obtient plus sûrement et plus subtilement par une descente manifeste, mais progressive aux Enfers.
Pareille à la grenouille qui refuse d'avouer qu'elle cuit lentement dans une eau de plus en plus bouillante, l'humanité dénie qu'elle se trouve en crise et que la crise emmène vers le chaos. Rappelons les règles élémentaires d'un combat de boxe. On n'y perd pas seulement par KO. Il arrive assez fréquemment que la victoire se décide et se dessine aux points. Je n'ai pas dit : aux poings. C'est à force de donner des coups qu'un boxeur gagne, tandis que l'autre perd à force de prendre des coups. Pas de quoi criser devant l'évidence - du chaos.
Le chaos est moins le subit néant généralisé que la longue suite de destructions qui mènent au final à une destruction particulière. Désolé de réduire l'homme à un réseau pensant, mais la disparition de l'humanité n'engendrerait certainement pas la disparition du réel ou de l'univers. D'ailleurs, aussi sûrement que l'homme n'a pas toujours existé et se trouve par conséquent susceptible de disparaître, ainsi que toute partie de ce reél, le reél par contre ne saurait disparaître.
Il correspond à ce que le Coran et bien d'autres appellent l'Incréé. D'un point de vue ontologique, le chaos n'existe pas. C'est le nihilisme qui croit au chaos. Le chaos humain, c'est avant tout la grande faiblesse des sociétés humaines, l'anarchie humaine, voire la disparition de l'espèce humaine, au sens où une autre espèce fameuse et voyante, les dinosaures mythiques, auraient disparu sous l'action malfaisante et aveugle d'une météorite. La faiblesse du nihilisme, au sens de vice, consiste à prêter au néant des vertus régénératrices et positives.
Plus on détruit, plus on est bon. Le temps ne fait rien à l'affaire. Le néant régénérateur exprime l'idée typiquement nihiliste qu'il faut détruire pour perpétuer le sensible et que la destruction ne mène pas à la disparition. Peut-être même les nihilistes qui mènent le bal dans les circuits mondialistes soit ne se rendent pas compte de leur stratégie mortifère, soit croient vraiment qu'ils ont raison. En tout cas, leur lourde erreur si elle était appliquée durablement mènerait l'homme vers le chaos : l'anarchie, l'agonie, puis - la mort.
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