"A cause de cela, je vais vous oublier totalement et vous rejeter loin de moi, vous et la ville que je vous ai donnée, à vous et à vos ancêtres;
je vous couvrirai d'un opprobre éternel, d'une honte éternelle qu'on n'oubliera jamais."
Jérémie, 23, 39-40.
Madame,
Je viens de voir votre débat avec l'humoriste Dieudonné. Auparavant, je vous connaissais grâce à un livre écrit avec Muray. Je ne suis pas certain que vous ayez gagné au change en passant de la satire à la défense du sionisme. A quand une satire du sionisme que vous écririez, pourquoi pas avec votre nouveau complice ès-sionisme - ce Dieudonné que vous détestez trop pour ne pas l'aimer tant? Pour l'instant, nous sommes loin de cette évocation désopilante, l'association improbable du métis passant pour un Noir et de la sioniste passant pour une juive.
Dieudonné participe à une liste antisioniste aux européennes et vous vous vous opposez à cette liste. Carte sur table : vous jouez sionisme contre antisionisme. On vous voit un peu partout tenir ce rôle : face à Dieudonné, mais aussi face à Soral (intellectuel qui appartient à cette liste antisioniste). Vous êtes le porte-parole de ceux qui défendent l'idéologie sioniste contre les attaques, de plus en plus audibles à mesure qu'Israël bafoue crescendo le droit international et maltraite ses voisins (non enclins au sionisme).
Ces attaques sont bien plus pertinentes que vous ne les présentez, sans quoi elles émaneraient toujours des mêmes cercles, au surplus fort minoritaires. Tel n'est pas le cas. Il suffira d'évoquer pudiquement les évènements récents de Gaza pour comprendre qu'il est certaines lignes dans le sionisme qui ne sont pas défendables, qui seront discréditées à l'avenir et qui se règleront après la mort.
Quand on cerne votre parcours, qu'apprend-on? Vous vous présentez comme l'amie de l'intellectuel sioniste (de gauche?) Finkielkraut et de l'actuel président du CRIF. Ce n'est pas tout : vous êtes aussi secrétaire général(e) de la défunte Fondation Marc-Bloch, rebaptisée depuis Fondation du 2 mars. Mieux, vous présidez ce think tank qui se présente comme républicain, pluraliste et ouvert. On évitera de se demander si la qualité de votre réflexion équivaut aux répliques de Finkielkraut, dont le moins qu'on puisse constater est qu'il parle vite. Il pense encore plus rapidement - serait-ce une remarque digne d'éloge?
Ne vous en déplaise, vous sacrifiez à la mode des démocraties libérales de type anglo-saxon, dans lesquels les think tanks fleurissent comme des orchidées. Vous avez beau fustiger le culte du secret paranoïaque dont on envelopperait ces laboratoires/réservoirs d'idées, il coule de source que les productions publiques n'empêchent en rien des prises de décision privées, voire secrètes. Par ailleurs, l'examen historique de l'influence des think tanks aux seuls États-Unis n'est pas particulièrement positif : nombre de ces think tanks sont des fours-à-penser idéologiques, qui formatent et sectionnent la pensée pour aboutir aux dérives de notre monde mondialisé, en particulier l'éloge du néoconservatisme.
La liste de ces puissants centres de recherche et de réflexion serait fastidieuse. Vous les connaissez mieux que moi. La liste de leurs contributeurs suffira à démentir à l'avance l'idée que leurs actions sont toujours publiques et transparentes. En regard des politiques américaines, l'exigence de transparence est un mythe sans lequel la propagande libérale serait indéfendable, mais qui ne traduit pas l'action du libéralisme (prenons la politique impérialiste pratiquée par les Anglo-Saxons depuis la fin de la Seconde guerre mondiale).
Sur le think tank français que vous présidez, notons que les nobles principes d'unité et de républicanisme sont battus en brèche par la présence d'un Taguieff, sioniste (non juif) qui a eu le goût de théoriser en France sur la nouvelle judéophobie. Taguieff est proche des milieux néoconservateurs français puisqu'il a fait partie de la revue du Meilleur des mondes et du Cercle de l'Oratoire, un autre think tank, nettement moins rassembleur que votre Fondation républicaine.
Ce Taguieff reprend la rhétorique du nouvel antisémitisme popularisée par Daniel Pipes, un expert américain qui explique que l'antisionisme s'apparente (d'une certaine manière) à de l'antisémitisme. Avec cet amalgame grossier et antidémocratique, on ne pourra plus critiquer le sionisme sans tomber sous le coup de la loi démocratique. Loin d'arranger les débats, ce genre de censure au nom de la tolérance ne fera que renforcer le sentiment d'injustice et la contestation.
Vous affirmez en préambule à votre démarche ouvertement sioniste que vous êtes partisane de la liberté d'expression. En ce cas, vous vous contredisez en mélangeant antisémitisme et antisionisme. Le concept de nouvel antisémitisme n'a de valeur qu'en termes de propagande. Au niveau de sa pertinence et de son sens, il est non avenu. Il repose sur plusieurs confusions que vous vous gardez bien de souligner et qu'au contraire vous exploitez opportunément.
Il n'est pas possible de refuser la critique (quel qu'en soit le principe) et par ailleurs d'appeler à la liberté d'expression. Sans doute seriez-vous plus cohérente si le sionisme n'était pas une idéologie aussi contradictoire : non seulement l'antisémitisme est un terme impropre pour désigner la forme de racisme contre les juifs, mais en plus l'idéologie sioniste ne règle pas le problème de l'identité juive.
Sans condamner en rien l'expression de cette identité, il se trouve qu'elle ressortit du religieux. Pas d'un quelconque territoire (Israël?) ou d'une filiation historique (Moïse?). Filiation spirituelle respectable au demeurant. Le reste, l'historien Sand s'est chargé d'en montrer le caractère mythique, au sens où le mythe renvoie dans son sens le moins profond au mensonge historique.
A ce propos, vous réitérez avec Dieudonné votre définition erronée du sionisme. Le sionisme n'est pas (du tout) le droit d'un peuple à une terre. Définition par omission. Momie-Sion. Si tel était le cas, la revendication du sionisme ne souffrirait aucune contestation. Le sionisme réclame le droit des juifs à disposer de la terre de Palestine, au nom du fait qu'elle leur reviendrait depuis la Bible. Mélange du mythe (religieux) et de l'histoire. Nuance. Là est le problème : cette prétention inacceptable à occuper la terre d'un autre peuple crée le dilemme criminel de deux peuples pour le même sol. Le peuple autochtone (palestinien) et le peuple d'Israël (d'origine historique plutôt occidentale).
La vérité est que le peuple israélien n'a aucun droit à la terre de Palestine et que c'est suite au colonialisme et à l'impérialisme anglo-occidental que les revendications sionistes ont abouti (partiellement?). Aujourd'hui, avec le massacre de Gaza, il n'est pas possible de violer l'autodétermination des peuples et de créer un peuple à partir d'une filiation religieuse.
Vous vous prétendez sioniste de facture progressiste sous prétexte que vous seriez favorable à la solution à deux États : un État juif et un État palestinien. Outre que cet argument est l'Arlésienne qu'on invoque d'autant plus qu'il n'a aucune chance de survenir (à moins que Netanyahu ou ses affidés mettent de l'eau dans leur vin de Cana), le principe de deux États sur un seul sol n'est pas viable. Premièrement, il entérinerait la création d'un État confessionnel et antilaïc, quelle que soit par ailleurs la présence d'Arabes minoritaires au sein de cet État, dans des conditions de discrimination irréfutables.
Deuxièmement, il ne résoudrait en rien l'injustice des Palestiniens qui après avoir été expropriés de leur territoire pour des raisons illogiques et infondées (le droit à la Terre promise pour les sionistes juifs!) devraient accepter que l'identité du nouvel État repose sur des raisons religieuses travesties en idéologie fumeuse. Il faudrait savoir : soit la logique; soit l'idéologique. A chaque fois que l'on brandit la solution à deux États, on se voue à l'échec de la pseudo-solution. Seul un État multiconfessionnel et laïc, réunissant Palestiniens et Israéliens est possible, sur le modèle laborieux de l'Afrique du sud et l'analogie de l'apartheid aboli. Si cet État ne voit pas le jour, si l'idéologie sioniste ne s'adapte pas à la réalité, alors Israël disparaîtra, dans le sang et dans les larmes.
Sans souhaiter cette alternative tragique, c'est ainsi que les idéologies finissent : s'adapter ou disparaître. S'adapter et disparaître. Nous avons constaté que votre sionisme revendiqué s'accommodait mal des réalités, historiques ou logiques, mais il est un point sur lequel j'aimerais revenir : si l'on voit mal pourquoi l'antisionisme serait un sujet politique crucial en France, alors le sionisme doit être une influence française ténue, pour ne pas dire inexistante.
Tel n'est pas le cas. Il suffira de constater quels dignitaires politiques français sont venus assister au dernier dîner annuel du CRIF. Le reste sur ce sujet n'est que balivernes et mauvaise foi. Comment se montrer antisioniste si le but du sionisme a réussi avec la création d'Israël? Tout simplement parce que le sionisme perdure depuis la création d'Israël. La preuve? Encore? Mais ne vous prétendez-vous pas sioniste - et non pas seulement pro-israélienne?
D'éminents géopoliticiens américains ont montré l'influence du lobby pro-israélien aux États-Unis, alors que cette influence nuit aux intérêts américains. On peut trouver une équivalence entre le sionisme et l'engagement pro-israélien. Cependant, les deux termes ne sont pas synonymes : ils ne se superposent pas. Le sionisme joue sur deux registres : l'appartenance à une idéologie et la revendication d'un État. Si la revendication a été satisfaite, l'appartenance se veut éternelle. L'histoire montre que les idéologies s'effondrent et que le sionisme est promis à disparaître.
Ainsi se montrer antisioniste relève moins d'une fixation obsessionnelle contre un point étranger et lointain du globe que d'une opposition à une idéologie occidentale qui existe bel et bien en France, y est puissante (comme dans le reste de l'Occident) et qui au surplus ne désigne pas seulement une idéologie dévolue aux juifs. On peut être chrétien et sioniste : les origines du sionisme le prouvent, comme l'existence des chrétiens sionistes. Que ne dit-on chrétiens pro-israéliens? CQFD.
On peut même être musulman et sioniste : les collusions entre l'Arabie saoudite et Israël montrent que le choc des civilisations est un leurre, contrairement à ce que vous laissez entendre quand vous précisez que le sionisme est interdit en Arabie saoudite (hypocrisie que contredit l'attitude du régime saoudien vis-à-vis d'Israël lors des dernières guerres du Liban et de Gaza).
Il serait temps que l'on révèle à la lumière de l'histoire les contradictions du sionisme présentes dès les racines de sa genèse. Ces contradictions sont manifestes dans votre débat avec Dieudonné quand vous vous émouvez (en coupant la parole?) de la définition du judaïsme comme religion. C'est ainsi que l'on trouverait des juifs athées. Dieudonné a beau jeu de vous rétorquer que l'appellation de musulmans athées cache un oxymore fort peu rigoureux...
Dès lors, tout est dit. Si le sionisme perdure à la création d'Israël, si le sionisme est une idéologie bancale née du travestissement d'une religion, alors il convient moins d'être antisioniste acharné que d'appeler à une évolution du sionisme vers sa fin en tant qu'idéologie. Je ne suis pas antisioniste, je suis seulement critique et réservé vis-à-vis des idéologies quand je vois leurs résultats calamiteux. Que le sionisme comprenne que sa toute-puissance est désespérée : soit il accepte de disparaître au profit de la religion juive, soit il entraîne le judaïsme dans sa chute.
A ce propos, les juifs qui se déclarent déconfessionnalisés ou peu réceptifs à l'engagement sioniste ne se rendent pas compte qu'ils commettent la même erreur que les citoyens des démocraties occidentales qui ferment les yeux devant l'impérialisme occidentaliste et le Nouvel Ordre Mondial. Si les juifs ne veulent pas être déclarés coupables (au moins partiellement) de l'impérialisme sioniste et des crimes sionistes, qu'ils se lèvent pour protester et qu'ils comprennent que la lutte contre l'antisémitisme passe par la critique pertinente du sionisme. Le but n'est pas de détruire les juifs ou les Israéliens. Le but n'est pas de verser dans l'antisionisme radical.
Le but est de lutter contre la judéophobie (à ne pas confondre avec l'inepte antisémitisme). Il n'est pas question d'être antisioniste, au sens où l'on est anticommuniste ou antilibéral. Il s'agit de trouver une solution pour l'avenir : d'Israël et du sionisme. Si rien n'est fait (tout indique que ce sera le cas), l'idéologie sioniste connaîtra le même sort que les autres idéologies. Le Mur des Lamentations s'effondrera-t-il comme le Mur de Berlin?
La chimère sioniste s'évanouira-t-elle dans les sables mouvants de Syrie? La chute du sionisme est une question de temps. Espérons qu'elle n'entraîne pas la chute d'une religion, le judaïsme, et le massacre des Israéliens sous la furie vengeresse des populations autochtones martyrisées. Ce serait un échec attristant. Le personnage biblique de Moïse ne mérite pas d'avoir pour successeurs autoproclamés des sionistes aveuglés. C'est votre cas, c'est le cas de Finkielkraut, c'est le cas des actuels élus d'Israël. Le jour où l'Occident s'effondrera, les premiers à trembler seront les sionistes. Ce jour-là, il faudra les aider sans doute pour éviter les effusions de sang. La vengeance n'est jamais bonne conseillère.
P.S. : j'aimerais en outre que vous commentiez l'expression abjecte et nauséabonde de Christophe Barbier, directeur et éditorialiste de l'Express, qui n'a pas hésité à verser dans la défense caricaturale du sionisme suite aux évènements de Gaza en titrant : "Une guerre juste, juste une guerre" (14 janvier 2009). Vous conviendrez qu'après de pareils engagements, qui ne sont pas isolés, les historiens du futur, en compulsant les archives actuelles, n'auront guère de doute sur l'influence du lobby sioniste (le lobby pro-israélien?) en France. Cette constatation n'implique aucun monodéterminisme ou monolithisme, comme c'est le cas quand on estime (à tort) que ce sont les sionistes ou les juifs qui dominent le monde.
je vous couvrirai d'un opprobre éternel, d'une honte éternelle qu'on n'oubliera jamais."
Jérémie, 23, 39-40.
Madame,
Je viens de voir votre débat avec l'humoriste Dieudonné. Auparavant, je vous connaissais grâce à un livre écrit avec Muray. Je ne suis pas certain que vous ayez gagné au change en passant de la satire à la défense du sionisme. A quand une satire du sionisme que vous écririez, pourquoi pas avec votre nouveau complice ès-sionisme - ce Dieudonné que vous détestez trop pour ne pas l'aimer tant? Pour l'instant, nous sommes loin de cette évocation désopilante, l'association improbable du métis passant pour un Noir et de la sioniste passant pour une juive.
Dieudonné participe à une liste antisioniste aux européennes et vous vous vous opposez à cette liste. Carte sur table : vous jouez sionisme contre antisionisme. On vous voit un peu partout tenir ce rôle : face à Dieudonné, mais aussi face à Soral (intellectuel qui appartient à cette liste antisioniste). Vous êtes le porte-parole de ceux qui défendent l'idéologie sioniste contre les attaques, de plus en plus audibles à mesure qu'Israël bafoue crescendo le droit international et maltraite ses voisins (non enclins au sionisme).
Ces attaques sont bien plus pertinentes que vous ne les présentez, sans quoi elles émaneraient toujours des mêmes cercles, au surplus fort minoritaires. Tel n'est pas le cas. Il suffira d'évoquer pudiquement les évènements récents de Gaza pour comprendre qu'il est certaines lignes dans le sionisme qui ne sont pas défendables, qui seront discréditées à l'avenir et qui se règleront après la mort.
Quand on cerne votre parcours, qu'apprend-on? Vous vous présentez comme l'amie de l'intellectuel sioniste (de gauche?) Finkielkraut et de l'actuel président du CRIF. Ce n'est pas tout : vous êtes aussi secrétaire général(e) de la défunte Fondation Marc-Bloch, rebaptisée depuis Fondation du 2 mars. Mieux, vous présidez ce think tank qui se présente comme républicain, pluraliste et ouvert. On évitera de se demander si la qualité de votre réflexion équivaut aux répliques de Finkielkraut, dont le moins qu'on puisse constater est qu'il parle vite. Il pense encore plus rapidement - serait-ce une remarque digne d'éloge?
Ne vous en déplaise, vous sacrifiez à la mode des démocraties libérales de type anglo-saxon, dans lesquels les think tanks fleurissent comme des orchidées. Vous avez beau fustiger le culte du secret paranoïaque dont on envelopperait ces laboratoires/réservoirs d'idées, il coule de source que les productions publiques n'empêchent en rien des prises de décision privées, voire secrètes. Par ailleurs, l'examen historique de l'influence des think tanks aux seuls États-Unis n'est pas particulièrement positif : nombre de ces think tanks sont des fours-à-penser idéologiques, qui formatent et sectionnent la pensée pour aboutir aux dérives de notre monde mondialisé, en particulier l'éloge du néoconservatisme.
La liste de ces puissants centres de recherche et de réflexion serait fastidieuse. Vous les connaissez mieux que moi. La liste de leurs contributeurs suffira à démentir à l'avance l'idée que leurs actions sont toujours publiques et transparentes. En regard des politiques américaines, l'exigence de transparence est un mythe sans lequel la propagande libérale serait indéfendable, mais qui ne traduit pas l'action du libéralisme (prenons la politique impérialiste pratiquée par les Anglo-Saxons depuis la fin de la Seconde guerre mondiale).
Sur le think tank français que vous présidez, notons que les nobles principes d'unité et de républicanisme sont battus en brèche par la présence d'un Taguieff, sioniste (non juif) qui a eu le goût de théoriser en France sur la nouvelle judéophobie. Taguieff est proche des milieux néoconservateurs français puisqu'il a fait partie de la revue du Meilleur des mondes et du Cercle de l'Oratoire, un autre think tank, nettement moins rassembleur que votre Fondation républicaine.
Ce Taguieff reprend la rhétorique du nouvel antisémitisme popularisée par Daniel Pipes, un expert américain qui explique que l'antisionisme s'apparente (d'une certaine manière) à de l'antisémitisme. Avec cet amalgame grossier et antidémocratique, on ne pourra plus critiquer le sionisme sans tomber sous le coup de la loi démocratique. Loin d'arranger les débats, ce genre de censure au nom de la tolérance ne fera que renforcer le sentiment d'injustice et la contestation.
Vous affirmez en préambule à votre démarche ouvertement sioniste que vous êtes partisane de la liberté d'expression. En ce cas, vous vous contredisez en mélangeant antisémitisme et antisionisme. Le concept de nouvel antisémitisme n'a de valeur qu'en termes de propagande. Au niveau de sa pertinence et de son sens, il est non avenu. Il repose sur plusieurs confusions que vous vous gardez bien de souligner et qu'au contraire vous exploitez opportunément.
Il n'est pas possible de refuser la critique (quel qu'en soit le principe) et par ailleurs d'appeler à la liberté d'expression. Sans doute seriez-vous plus cohérente si le sionisme n'était pas une idéologie aussi contradictoire : non seulement l'antisémitisme est un terme impropre pour désigner la forme de racisme contre les juifs, mais en plus l'idéologie sioniste ne règle pas le problème de l'identité juive.
Sans condamner en rien l'expression de cette identité, il se trouve qu'elle ressortit du religieux. Pas d'un quelconque territoire (Israël?) ou d'une filiation historique (Moïse?). Filiation spirituelle respectable au demeurant. Le reste, l'historien Sand s'est chargé d'en montrer le caractère mythique, au sens où le mythe renvoie dans son sens le moins profond au mensonge historique.
A ce propos, vous réitérez avec Dieudonné votre définition erronée du sionisme. Le sionisme n'est pas (du tout) le droit d'un peuple à une terre. Définition par omission. Momie-Sion. Si tel était le cas, la revendication du sionisme ne souffrirait aucune contestation. Le sionisme réclame le droit des juifs à disposer de la terre de Palestine, au nom du fait qu'elle leur reviendrait depuis la Bible. Mélange du mythe (religieux) et de l'histoire. Nuance. Là est le problème : cette prétention inacceptable à occuper la terre d'un autre peuple crée le dilemme criminel de deux peuples pour le même sol. Le peuple autochtone (palestinien) et le peuple d'Israël (d'origine historique plutôt occidentale).
La vérité est que le peuple israélien n'a aucun droit à la terre de Palestine et que c'est suite au colonialisme et à l'impérialisme anglo-occidental que les revendications sionistes ont abouti (partiellement?). Aujourd'hui, avec le massacre de Gaza, il n'est pas possible de violer l'autodétermination des peuples et de créer un peuple à partir d'une filiation religieuse.
Vous vous prétendez sioniste de facture progressiste sous prétexte que vous seriez favorable à la solution à deux États : un État juif et un État palestinien. Outre que cet argument est l'Arlésienne qu'on invoque d'autant plus qu'il n'a aucune chance de survenir (à moins que Netanyahu ou ses affidés mettent de l'eau dans leur vin de Cana), le principe de deux États sur un seul sol n'est pas viable. Premièrement, il entérinerait la création d'un État confessionnel et antilaïc, quelle que soit par ailleurs la présence d'Arabes minoritaires au sein de cet État, dans des conditions de discrimination irréfutables.
Deuxièmement, il ne résoudrait en rien l'injustice des Palestiniens qui après avoir été expropriés de leur territoire pour des raisons illogiques et infondées (le droit à la Terre promise pour les sionistes juifs!) devraient accepter que l'identité du nouvel État repose sur des raisons religieuses travesties en idéologie fumeuse. Il faudrait savoir : soit la logique; soit l'idéologique. A chaque fois que l'on brandit la solution à deux États, on se voue à l'échec de la pseudo-solution. Seul un État multiconfessionnel et laïc, réunissant Palestiniens et Israéliens est possible, sur le modèle laborieux de l'Afrique du sud et l'analogie de l'apartheid aboli. Si cet État ne voit pas le jour, si l'idéologie sioniste ne s'adapte pas à la réalité, alors Israël disparaîtra, dans le sang et dans les larmes.
Sans souhaiter cette alternative tragique, c'est ainsi que les idéologies finissent : s'adapter ou disparaître. S'adapter et disparaître. Nous avons constaté que votre sionisme revendiqué s'accommodait mal des réalités, historiques ou logiques, mais il est un point sur lequel j'aimerais revenir : si l'on voit mal pourquoi l'antisionisme serait un sujet politique crucial en France, alors le sionisme doit être une influence française ténue, pour ne pas dire inexistante.
Tel n'est pas le cas. Il suffira de constater quels dignitaires politiques français sont venus assister au dernier dîner annuel du CRIF. Le reste sur ce sujet n'est que balivernes et mauvaise foi. Comment se montrer antisioniste si le but du sionisme a réussi avec la création d'Israël? Tout simplement parce que le sionisme perdure depuis la création d'Israël. La preuve? Encore? Mais ne vous prétendez-vous pas sioniste - et non pas seulement pro-israélienne?
D'éminents géopoliticiens américains ont montré l'influence du lobby pro-israélien aux États-Unis, alors que cette influence nuit aux intérêts américains. On peut trouver une équivalence entre le sionisme et l'engagement pro-israélien. Cependant, les deux termes ne sont pas synonymes : ils ne se superposent pas. Le sionisme joue sur deux registres : l'appartenance à une idéologie et la revendication d'un État. Si la revendication a été satisfaite, l'appartenance se veut éternelle. L'histoire montre que les idéologies s'effondrent et que le sionisme est promis à disparaître.
Ainsi se montrer antisioniste relève moins d'une fixation obsessionnelle contre un point étranger et lointain du globe que d'une opposition à une idéologie occidentale qui existe bel et bien en France, y est puissante (comme dans le reste de l'Occident) et qui au surplus ne désigne pas seulement une idéologie dévolue aux juifs. On peut être chrétien et sioniste : les origines du sionisme le prouvent, comme l'existence des chrétiens sionistes. Que ne dit-on chrétiens pro-israéliens? CQFD.
On peut même être musulman et sioniste : les collusions entre l'Arabie saoudite et Israël montrent que le choc des civilisations est un leurre, contrairement à ce que vous laissez entendre quand vous précisez que le sionisme est interdit en Arabie saoudite (hypocrisie que contredit l'attitude du régime saoudien vis-à-vis d'Israël lors des dernières guerres du Liban et de Gaza).
Il serait temps que l'on révèle à la lumière de l'histoire les contradictions du sionisme présentes dès les racines de sa genèse. Ces contradictions sont manifestes dans votre débat avec Dieudonné quand vous vous émouvez (en coupant la parole?) de la définition du judaïsme comme religion. C'est ainsi que l'on trouverait des juifs athées. Dieudonné a beau jeu de vous rétorquer que l'appellation de musulmans athées cache un oxymore fort peu rigoureux...
Dès lors, tout est dit. Si le sionisme perdure à la création d'Israël, si le sionisme est une idéologie bancale née du travestissement d'une religion, alors il convient moins d'être antisioniste acharné que d'appeler à une évolution du sionisme vers sa fin en tant qu'idéologie. Je ne suis pas antisioniste, je suis seulement critique et réservé vis-à-vis des idéologies quand je vois leurs résultats calamiteux. Que le sionisme comprenne que sa toute-puissance est désespérée : soit il accepte de disparaître au profit de la religion juive, soit il entraîne le judaïsme dans sa chute.
A ce propos, les juifs qui se déclarent déconfessionnalisés ou peu réceptifs à l'engagement sioniste ne se rendent pas compte qu'ils commettent la même erreur que les citoyens des démocraties occidentales qui ferment les yeux devant l'impérialisme occidentaliste et le Nouvel Ordre Mondial. Si les juifs ne veulent pas être déclarés coupables (au moins partiellement) de l'impérialisme sioniste et des crimes sionistes, qu'ils se lèvent pour protester et qu'ils comprennent que la lutte contre l'antisémitisme passe par la critique pertinente du sionisme. Le but n'est pas de détruire les juifs ou les Israéliens. Le but n'est pas de verser dans l'antisionisme radical.
Le but est de lutter contre la judéophobie (à ne pas confondre avec l'inepte antisémitisme). Il n'est pas question d'être antisioniste, au sens où l'on est anticommuniste ou antilibéral. Il s'agit de trouver une solution pour l'avenir : d'Israël et du sionisme. Si rien n'est fait (tout indique que ce sera le cas), l'idéologie sioniste connaîtra le même sort que les autres idéologies. Le Mur des Lamentations s'effondrera-t-il comme le Mur de Berlin?
La chimère sioniste s'évanouira-t-elle dans les sables mouvants de Syrie? La chute du sionisme est une question de temps. Espérons qu'elle n'entraîne pas la chute d'une religion, le judaïsme, et le massacre des Israéliens sous la furie vengeresse des populations autochtones martyrisées. Ce serait un échec attristant. Le personnage biblique de Moïse ne mérite pas d'avoir pour successeurs autoproclamés des sionistes aveuglés. C'est votre cas, c'est le cas de Finkielkraut, c'est le cas des actuels élus d'Israël. Le jour où l'Occident s'effondrera, les premiers à trembler seront les sionistes. Ce jour-là, il faudra les aider sans doute pour éviter les effusions de sang. La vengeance n'est jamais bonne conseillère.
P.S. : j'aimerais en outre que vous commentiez l'expression abjecte et nauséabonde de Christophe Barbier, directeur et éditorialiste de l'Express, qui n'a pas hésité à verser dans la défense caricaturale du sionisme suite aux évènements de Gaza en titrant : "Une guerre juste, juste une guerre" (14 janvier 2009). Vous conviendrez qu'après de pareils engagements, qui ne sont pas isolés, les historiens du futur, en compulsant les archives actuelles, n'auront guère de doute sur l'influence du lobby sioniste (le lobby pro-israélien?) en France. Cette constatation n'implique aucun monodéterminisme ou monolithisme, comme c'est le cas quand on estime (à tort) que ce sont les sionistes ou les juifs qui dominent le monde.
1 commentaire:
RETOUR A LA CASE DEPART
vous avez grand tort de dire qu'israel nuit aux americains,ce duo a quelque chose d'obscene mais la symbolique est KOLOSSALEMENT forte en terme de la complicite religieux/strategique au moyen orient,ils sont pieds et poings LIES(israel peut certes embarasser les US dans ses velléités agressivo/ victimaires)Israel n'est de loin pas une democratie ordinaire ELLE EST BIBLIQUE soutenue et supporte par une democratie du virtualisme en degringolade et l'europe qui se traine derriere tout ca avec ses casseroles antisemiqes REELES(cathos laicars nationalistes) tout ca fait un cocktail super IMPLOSIF AVEUGLE!les palestiniens au milieu de tout ca sont une bouteille d'eau a la mer lancant des fusees de detresse mais il semble que le message est ete recu notamment grace a ce petit tailleur de costumes iranien,le president ARMANI!!
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