Monisme : néant opposé au sensible.
Dualisme : l'Etre englobe le sensible.
Trinité : maintenir le système en conciliant l'Etre et le sensible par la médiation du néant.
Le but du ternaire est de concilier le monisme et le dualisme. D'articuler le passage entre le sensible et l'Etre. Pour ce faire, le ternaire postule le relais du néant. Dans le dualisme, le néant n'existe pour ainsi dire pas. D'ailleurs, les métaphysiciens de l'école platonicienne, qui remonte à l'Afrique, sont tous fâchés avec le thème du hasard, ainsi que le relève Rosset le nihiliste dans son Antinature.
Le hasard n'existe pas, parce que Dieu existe. L'Etre est Dieu. Ou encore : la Forme. Reconnaître le hasard, c'est aller à l'encontre de ce qui constitue la centralité du transcendantalisme, dont on retrouve la forme rationnelle dans les dialogues platoniciens : le sensible est compris dans l'idéal. Quelle est l'opposition de Nieztsche, qui exprime l'immanentisme prophétique de facture tardive et dégénérée? Nieztsche prétend que le platonisme situe l'idéal ailleurs. Autrement dit, Nieztsche déclare que l'idéal platonicien n'existe pas. Le seul reél qui vaille est le sensible.
L'opposition du nihilisme au dualisme transcendantaliste tourne autour de la question du néant. Si l'Etre englobe le sensible, alors pas de place pour le hasard. Ce n'est pas que l'unité n'existe pas dans le dualisme, c'est que cette unité existe à partir du moment où la partie fait l'effort d'adopter un point de vue universel de type absolu. Le postulat dualiste est le suivant : chaque homme peut rejoindre l'universel par l'usage de la raison. La preuve? Avec les dialogues, où Socrate incarne l'usager accompli de la raison et, par conséquent, le point de vue universel.
C'est la conversion platonicienne, dont on retrouve l'écho chez le néoplatonicien Plotin. Dans le système transcendantaliste, l'Un existe déjà - et donne lieu à de savantes spéculations chez Platon. C'est la partie qui est double, en ce sens qu'elle est fragmentée et morcelée. Elle ne peut prétendre à l'unité qu'en se convertissant à l'usage de la raison. Le deux n'existe qu'au niveau de la partie. Bien entendu, cette conception est présente dès les aurores de l'humanité, puisque le royaume des morts est invisible chez les Africains, mais n'en existe pas moins.
1) Le problème de cette conception est qu'elle n'explique pas le hasard, qu'Aristote ou Kant relèguent comme quantités négligeables et presque insignifiantes.
2) Surtout, elle n'explique pas la dichotomie entre la perfection de l'Un et l'imperfection du sensible en tant que partie. En fait on ne comprend pas bien, n'en déplaise à Simone Weil, pourquoi la Perfection aurait eu besoin de s'embarrasser de l'imperfection - pourquoi l'Etre aurait créé de manière inutile ou ludique le sensible.
3) D'autre part, le dogme de l'invisibilité de l'absolu n'est guère compatible avec la doctrine de l'Etre, soit de quelque chose qui dans le prolongement du sensible soit quelque chose et non rien. Si c'est invisible, pourquoi l'Etre, qui devrait en tant que prolongement parfait se montrer plutôt survisible? Cette question parcourt la métaphysique, ce que résume l'adage : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien? On comprend que le monothéisme s'effondre suite à la découverte de la science moderne : si les conceptions monothéistes concernant le sensible sont fausses, on voit mal comment elles pourraient être justes concernant l'absolu. Les immanentistes en concluront que du coup l'idéal n'existe pas. Il faudrait en conclure plutôt : la science se borne à décrire des parties du sensible. Tout indique qu'au-delà du sensible, elle est inopérante. La science a progressé dans ses découvertes, non dans son objet initial.
D'où la conclusion : il faut que l'Etre soit Néant - pour qu'il soit. Cette conception est celle du nihilisme, qui en tant que tel n'est pas de la perversion consciente, si je puis dire, ou de la mauvaise foi consciente. Le diable n'a pas conscience de mentir. Il ment parce qu'il est persuadé de la bonne foi de son mensonge. De la tenue de son mensonge. Parole de diable : n'est réel que le sensible. Le diable est envouté par son envoutement. La magie noire se retourne contre son auteur. C'est le crédo moral de Socrate : nul n'est méchant volontairement. Le diable voit faux et sombre dans le nihilisme.
L'immanentisme est la traduction moderne du nihilisme. Tant que l'opposition au nihilisme est assez forte, le transcendantalisme domine. A partir du moment où le transcendantalisme vacille et tangue, le nihilisme reparaît sous sa forme moderne - immanentiste. Restent deux questions :
1) Pourquoi le système ternaire pour résoudre le monisme dualiste et le dualisme réconciliateur?
- Le ternaire hégélien est-il le ternaire chrétien?
2) Pourquoi la mentalité immanentiste recourt à Hegel alors que son système moniste est nihiliste?
- Le monisme est double : le néant et le sensible. Il n'exprime jamais le néant, ainsi que Spinoza le montre au début de l'ère immanentiste.
1) Le système ternaire est la tentative de concilier non pas la thèse et l'antithèse, mais l'Etre et le néant, pour reprendre le titre célèbre d'un essai du plus idéologue que philosophe Sartre. Ainsi que je l'ai déjà remarqué dans une précédent chronique
http://aucoursdureel.blogspot.com/2009/03/monologue-de-sourd_30.html
l'idée même de synthèse est étrangère au dialogue et implique une continuité entre la thèse et la synthèse. Hegel est conservateur ontologiquement et politiquement : cet autoritariste convaincu déduit sa politique de son ontologie : il s'agit de sauvegarder le système contre le changement. La synthèse est toujours l'expression du système. Donc le changement est compatible avec le système.
Par ailleurs, si Hegel respecte le travail du néant (dans l'antithèse notamment), il accorde la primauté à l'Etre. Hegel essaye de concilier le nihilisme avec le transcendantalisme et c'est en quoi il pense avoir atteint la fin de l'Histoire : avoir réussi la conciliation qui empoisonne les débats depuis la nuit des temps. L'échec de Hegel naît de son incapacité à réconcilier l'Etre et le néant : le seul moyen pour l'Etre de s'exprimer consiste à supprimer les médiations et à imposer son unicité.
Le médiation est la Ruse de Hegel, mais cette ruse échoue, quelles que soient les dialectiques envisagées. Bien entendu, on ne peut que rapprocher le ternaire hégélien de la Trinité chrétienne, ne serait-ce que parce que Hegel est tant pétri de culture chrétienne. Qu'en est-il de la Trinité? Comment se fait-il que la Trinité chrétienne soit proche du dualisme ontologique? Dieu et l'homme : système dualiste de type platonicien.
L'originalité chrétienne tient précisément à l'introduction du Saint Esprit. Soit d'un terme médiateur dans la relation classique entre Dieu et son messager, pour reprendre les termes musulmans. On notera que l'Islam se présente comme le parachèvement du monothéisme en même temps que le retour à la véritable tradition. Signe que le christianisme s'en est éloigné.
Il est vrai que le christianisme éprouve le besoin marquant d'introduire un troisième terme comme si c'était le terme manquant. Effectivement, la reconnaissance qu'il manque quelque chose indique que le christianisme veut améliorer une certaine carence dans le monothéisme. Reste à savoir s'il y parvient. Aujourd'hui que les commentateurs glosent sur la sortie de la religion perpétrée par l'Occident grâce à l'apport de la culture chrétienne, on peut se demander si l'introduction du Saint Esprit ne signe pas la sortie du religieux transcendantaliste et l'ambigüité chrétienne. D'ailleurs, le troisième monothéisme historique réintroduit le dualisme classique, avec l'ultime Messager Mohamed.
Maintennat, la différence entre le ternaire hégélien et la Trinité chrétienne tient au néant. Le christianisme réfute le néant quand Hegel cherche à le surmonter. On pourrait évoquer le travail du néant qui progresse au fil de l'histoire à partir de Platon et du christianisme (les deux rapprochés par Nieztsche). Hegel intervient dans la période immanentiste explicite, peu après les Lumières et peu avant Nietzsche, le prophète de l'immanentisme tardif et dégénéré. Si l'on résume les deux positions de Hegel et du christianisme :
- Hegel : relier le sensible au néant pour échapper à l'immanentisme
- Christianisme : éviter le néant par le lien du Saint-Esprit.
Le trois indique que le néant arrive et que l'on ne sait pas quoi en faire. Il déborde chez Hegel. Il est le Tabou chez les chrétiens. Il manque quelque chose pour que l'on passe du deux au trois. La surabondance manifeste plutôt le manque. Paradoxe enrichissant. A la question, explicite chez Weil, pourquoi l'Etre aurait-il créé du sensible comme excroissance inutile et imparfaite, l'immanentisme se déclare moins dans le christianisme que dans l'hégélianisme, avec cette idée que Hegel explicite le néant quand le christianisme le tait et le toise. Le troisième terme est ainsi le néant, qui dans le Saint-Esprit est une médiation détournée et dans l'antithèse hégélienne une étape vers l'Etre. La primauté chez Hegel reste à l'Etre. L'échec de Hegel aussi.
Pourquoi l'échec du trois? Parce que le néant pose le problème de l'Etre et ne peut que prendre sa place. C'est l'Etre ou le néant. Le transcendantalisme ou le nihilisme en termes classiques. La doctrine nihiliste ne souffre aucun accommodement. Selon elle, le travail du négatif n'est pas un travail de médiation, mais ce qui régénère le sensible. L'Etre n'existe pas. Ce qui implique que le sensible se détruise au lieu de se régénérer. C'est l'échec de la doctrine sensible qui repose sur l'erreur et le mensonge. Le néant ne peut régénérer en tant que néant positif ou néant pur.
Raison de la présence du troisième terme qui sonne inutile : éviter la conséquence inéluctable du néant en tant que fin : la fin du sensible. La contradiction chez Hegel est incarnée par le néant : elle aboutit à la réconciliation. La contradiction est dépassée par la réconciliation. Le christianisme vise aussi la réconciliation. Les deux ternaires recherchent la conciliation. Du coup, la contradiction est aussi nécessaire que féconde : elle est dépassée. Mais dans la doctrine nihiliste, la contradiction possède un statut différent en ce qu'elle ne saurait surtout pas être dépassée.
Pas question de surmonter la contradiction : pas de synthèse, pas de réconciliation, pas de dépassement, pas de changement. Le sensible est figé, le néant est figé. Le dualisme platonicien permettait de réconcilier les étants et le sensible (langage heideggerien) à la faveur de l'unité englobante (sensible englobé dans l'Etre). Le monisme dualiste réfute l'englobement ou la synthèse en réfutant le changement.
Le changement a valeur de réconciliation et de transition de la partie vers le tout. Le changement transcende la partie et la rapporte au tout. Le changement permet l'unité, quand la contradiction est l'antithèse du changement. D'ailleurs, le principe de non-contradiction est le fondement de la logique en ce que la raison permet de parvenir à l'Idéal. Dans le système classique, les contradictions sont abolies par le changement, ce qui fait que le changement change aussi les contradictions.
Le changement est supérieur à la contradiction. Le but de la contradiction est de favoriser le changement comme élévation et amélioration. Le changement est ainsi en langage religieux conversion. La contradiction est intégrée dans le changement. Le refus de la contradiction, notamment en politique, signale un réflexe de survie et de maintient de l'ordre politique. La contradiction est réfutée parce qu'elle apaise. Au contraire, dans la doctrine hétérodoxe nihiliste, la contradiction est intégrée dans un pseudo-régime démocratique, de facture politique supérieure, parce que la contradiction est insurmontable.
Sans la contradiction, pas de possibilité de conjurer le changement. La destruction est le changement. Le changement n'est conversion que dans la mesure où il est aussi destruction et disparition. Le changement est l'ennemi, quand la contradiction est le signe béni. Elle doit donc être intégrée pour empêcher l'avènement de contradictions qui soient externes et qui précipitent le changement.
Quelle est alors la différence entre contradiction interne et contradiction externe? On pourrait dire que la différence réside dans la différence, puisque la contradiction interne interdit la différence. La contradiction externe est celle qui ne suit pas la doctrine du néant en tant que néant, soit tout type de contradictions aux idées immanentistes. Tout ce qui n'est pas nihiliste n'est pas intégrable à la mentalité nihiliste et au régime démocratique libéral.
Dans le nihilisme, la contradiction n'est pas dépassable, ce qui implique le mythe de l'Eternel Retour. Comme par hasard, c'est ainsi que le nihiliste Nieztsche l'a théorisé. Pour le nihiliste, le changement n'existe pas ou de manière mineure. Les choses se répètent puisque le néant demeure toujours le néant et que le sensible demeure le sensible. D'ailleurs, le néant régénère le sensible et le sensible n'est pas détruit par le néant. D'où le caractère positif de la destruction : la destruction n'est pas tant ce qui détruit que le travail du néant à l'oeuvre dans le sensible. Détruire, c'est assurer le Même et empêcher le changement.
L'unité nihiliste tient à la permanence. Le changement est quantité négligeable ou mineure. Raison pour laquelle un Nietzsche adhère tant et si bien au devenir d'Héraclite : le devenir est quantité négligeable, quand l'idéal de Parménide (selon Nietzsche) tient à assurer la stabilité au sein de la doctrine de l'Etre. D'ailleurs, Héraclite n'est pas du tout un nihiliste, mais un penseur qui essaye de concilier l'Etre et le devenir.
En tout cas, la doctrine nihiliste repose sur l'erreur et la dissimulation : ce qu'elle appelle unité ne fonctionne tout simplement pas. L'unité nihiliste cache le dualisme exacerbé et irréconciliable et la reconnaissance occultée du néant signale de manière inquiète et inquiétante que le néant va détruire le sensible, sous prétexte que le changement n'existerait pas et que la destruction serait positive. Que l'on se souvienne de cette évidence : le nihilisme mène au néant au nom du reél, comme le diable mène à la destruction au nom des délices de sa séduction.
A partir de cette constatation impitoyable, la différence entre le christianisme et le hégélianisme n'est jamais qu'une différence par rapport au néant. Le christianisme avait encore les moyens de congédier le néant, quand Hegel est contraint de l'intégrer. Quoi qu'il en soit, l'avènement du trois dans l'interprétation et dans l'approximation de type ontologique manifeste et signale que le modèle classique s'effondre et que la révélation du néant implique deux changements considérables :
1) le système transcendantaliste s'effondre. L'ontologie de l'Etre était sa manifestation philosophique antinihiliste et antisophiste.
2) L'immanentisme n'est que la transition qui se voudrait révolution et suite définitive.
Qu'adviendra-t-il après le transcendantalisme? Il est inconséquent et vaguement réactionnaire de souhaiter que les choses reviennent en arrière. Il est suicidaire et inconséquent d'en appeler aux formes d'expression nihiliste pour assurer le changement et la continuité. Le nihilisme surgit comme le vide, le vent ou la mort. On connaît tous le poème de Rimbaud sur le jeune soldat qui sommeille dans le val. A la fin, l'endormi ne sort que parce qu'il a été tué au combat. Il en va de même avec le nihilisme, dont on pourrait décrire ainsi la démarche mortifère : "Il a deux trous rouges au côté droit. "
Dualisme : l'Etre englobe le sensible.
Trinité : maintenir le système en conciliant l'Etre et le sensible par la médiation du néant.
Le but du ternaire est de concilier le monisme et le dualisme. D'articuler le passage entre le sensible et l'Etre. Pour ce faire, le ternaire postule le relais du néant. Dans le dualisme, le néant n'existe pour ainsi dire pas. D'ailleurs, les métaphysiciens de l'école platonicienne, qui remonte à l'Afrique, sont tous fâchés avec le thème du hasard, ainsi que le relève Rosset le nihiliste dans son Antinature.
Le hasard n'existe pas, parce que Dieu existe. L'Etre est Dieu. Ou encore : la Forme. Reconnaître le hasard, c'est aller à l'encontre de ce qui constitue la centralité du transcendantalisme, dont on retrouve la forme rationnelle dans les dialogues platoniciens : le sensible est compris dans l'idéal. Quelle est l'opposition de Nieztsche, qui exprime l'immanentisme prophétique de facture tardive et dégénérée? Nieztsche prétend que le platonisme situe l'idéal ailleurs. Autrement dit, Nieztsche déclare que l'idéal platonicien n'existe pas. Le seul reél qui vaille est le sensible.
L'opposition du nihilisme au dualisme transcendantaliste tourne autour de la question du néant. Si l'Etre englobe le sensible, alors pas de place pour le hasard. Ce n'est pas que l'unité n'existe pas dans le dualisme, c'est que cette unité existe à partir du moment où la partie fait l'effort d'adopter un point de vue universel de type absolu. Le postulat dualiste est le suivant : chaque homme peut rejoindre l'universel par l'usage de la raison. La preuve? Avec les dialogues, où Socrate incarne l'usager accompli de la raison et, par conséquent, le point de vue universel.
C'est la conversion platonicienne, dont on retrouve l'écho chez le néoplatonicien Plotin. Dans le système transcendantaliste, l'Un existe déjà - et donne lieu à de savantes spéculations chez Platon. C'est la partie qui est double, en ce sens qu'elle est fragmentée et morcelée. Elle ne peut prétendre à l'unité qu'en se convertissant à l'usage de la raison. Le deux n'existe qu'au niveau de la partie. Bien entendu, cette conception est présente dès les aurores de l'humanité, puisque le royaume des morts est invisible chez les Africains, mais n'en existe pas moins.
1) Le problème de cette conception est qu'elle n'explique pas le hasard, qu'Aristote ou Kant relèguent comme quantités négligeables et presque insignifiantes.
2) Surtout, elle n'explique pas la dichotomie entre la perfection de l'Un et l'imperfection du sensible en tant que partie. En fait on ne comprend pas bien, n'en déplaise à Simone Weil, pourquoi la Perfection aurait eu besoin de s'embarrasser de l'imperfection - pourquoi l'Etre aurait créé de manière inutile ou ludique le sensible.
3) D'autre part, le dogme de l'invisibilité de l'absolu n'est guère compatible avec la doctrine de l'Etre, soit de quelque chose qui dans le prolongement du sensible soit quelque chose et non rien. Si c'est invisible, pourquoi l'Etre, qui devrait en tant que prolongement parfait se montrer plutôt survisible? Cette question parcourt la métaphysique, ce que résume l'adage : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien? On comprend que le monothéisme s'effondre suite à la découverte de la science moderne : si les conceptions monothéistes concernant le sensible sont fausses, on voit mal comment elles pourraient être justes concernant l'absolu. Les immanentistes en concluront que du coup l'idéal n'existe pas. Il faudrait en conclure plutôt : la science se borne à décrire des parties du sensible. Tout indique qu'au-delà du sensible, elle est inopérante. La science a progressé dans ses découvertes, non dans son objet initial.
D'où la conclusion : il faut que l'Etre soit Néant - pour qu'il soit. Cette conception est celle du nihilisme, qui en tant que tel n'est pas de la perversion consciente, si je puis dire, ou de la mauvaise foi consciente. Le diable n'a pas conscience de mentir. Il ment parce qu'il est persuadé de la bonne foi de son mensonge. De la tenue de son mensonge. Parole de diable : n'est réel que le sensible. Le diable est envouté par son envoutement. La magie noire se retourne contre son auteur. C'est le crédo moral de Socrate : nul n'est méchant volontairement. Le diable voit faux et sombre dans le nihilisme.
L'immanentisme est la traduction moderne du nihilisme. Tant que l'opposition au nihilisme est assez forte, le transcendantalisme domine. A partir du moment où le transcendantalisme vacille et tangue, le nihilisme reparaît sous sa forme moderne - immanentiste. Restent deux questions :
1) Pourquoi le système ternaire pour résoudre le monisme dualiste et le dualisme réconciliateur?
- Le ternaire hégélien est-il le ternaire chrétien?
2) Pourquoi la mentalité immanentiste recourt à Hegel alors que son système moniste est nihiliste?
- Le monisme est double : le néant et le sensible. Il n'exprime jamais le néant, ainsi que Spinoza le montre au début de l'ère immanentiste.
1) Le système ternaire est la tentative de concilier non pas la thèse et l'antithèse, mais l'Etre et le néant, pour reprendre le titre célèbre d'un essai du plus idéologue que philosophe Sartre. Ainsi que je l'ai déjà remarqué dans une précédent chronique
http://aucoursdureel.blogspot.com/2009/03/monologue-de-sourd_30.html
l'idée même de synthèse est étrangère au dialogue et implique une continuité entre la thèse et la synthèse. Hegel est conservateur ontologiquement et politiquement : cet autoritariste convaincu déduit sa politique de son ontologie : il s'agit de sauvegarder le système contre le changement. La synthèse est toujours l'expression du système. Donc le changement est compatible avec le système.
Par ailleurs, si Hegel respecte le travail du néant (dans l'antithèse notamment), il accorde la primauté à l'Etre. Hegel essaye de concilier le nihilisme avec le transcendantalisme et c'est en quoi il pense avoir atteint la fin de l'Histoire : avoir réussi la conciliation qui empoisonne les débats depuis la nuit des temps. L'échec de Hegel naît de son incapacité à réconcilier l'Etre et le néant : le seul moyen pour l'Etre de s'exprimer consiste à supprimer les médiations et à imposer son unicité.
Le médiation est la Ruse de Hegel, mais cette ruse échoue, quelles que soient les dialectiques envisagées. Bien entendu, on ne peut que rapprocher le ternaire hégélien de la Trinité chrétienne, ne serait-ce que parce que Hegel est tant pétri de culture chrétienne. Qu'en est-il de la Trinité? Comment se fait-il que la Trinité chrétienne soit proche du dualisme ontologique? Dieu et l'homme : système dualiste de type platonicien.
L'originalité chrétienne tient précisément à l'introduction du Saint Esprit. Soit d'un terme médiateur dans la relation classique entre Dieu et son messager, pour reprendre les termes musulmans. On notera que l'Islam se présente comme le parachèvement du monothéisme en même temps que le retour à la véritable tradition. Signe que le christianisme s'en est éloigné.
Il est vrai que le christianisme éprouve le besoin marquant d'introduire un troisième terme comme si c'était le terme manquant. Effectivement, la reconnaissance qu'il manque quelque chose indique que le christianisme veut améliorer une certaine carence dans le monothéisme. Reste à savoir s'il y parvient. Aujourd'hui que les commentateurs glosent sur la sortie de la religion perpétrée par l'Occident grâce à l'apport de la culture chrétienne, on peut se demander si l'introduction du Saint Esprit ne signe pas la sortie du religieux transcendantaliste et l'ambigüité chrétienne. D'ailleurs, le troisième monothéisme historique réintroduit le dualisme classique, avec l'ultime Messager Mohamed.
Maintennat, la différence entre le ternaire hégélien et la Trinité chrétienne tient au néant. Le christianisme réfute le néant quand Hegel cherche à le surmonter. On pourrait évoquer le travail du néant qui progresse au fil de l'histoire à partir de Platon et du christianisme (les deux rapprochés par Nieztsche). Hegel intervient dans la période immanentiste explicite, peu après les Lumières et peu avant Nietzsche, le prophète de l'immanentisme tardif et dégénéré. Si l'on résume les deux positions de Hegel et du christianisme :
- Hegel : relier le sensible au néant pour échapper à l'immanentisme
- Christianisme : éviter le néant par le lien du Saint-Esprit.
Le trois indique que le néant arrive et que l'on ne sait pas quoi en faire. Il déborde chez Hegel. Il est le Tabou chez les chrétiens. Il manque quelque chose pour que l'on passe du deux au trois. La surabondance manifeste plutôt le manque. Paradoxe enrichissant. A la question, explicite chez Weil, pourquoi l'Etre aurait-il créé du sensible comme excroissance inutile et imparfaite, l'immanentisme se déclare moins dans le christianisme que dans l'hégélianisme, avec cette idée que Hegel explicite le néant quand le christianisme le tait et le toise. Le troisième terme est ainsi le néant, qui dans le Saint-Esprit est une médiation détournée et dans l'antithèse hégélienne une étape vers l'Etre. La primauté chez Hegel reste à l'Etre. L'échec de Hegel aussi.
Pourquoi l'échec du trois? Parce que le néant pose le problème de l'Etre et ne peut que prendre sa place. C'est l'Etre ou le néant. Le transcendantalisme ou le nihilisme en termes classiques. La doctrine nihiliste ne souffre aucun accommodement. Selon elle, le travail du négatif n'est pas un travail de médiation, mais ce qui régénère le sensible. L'Etre n'existe pas. Ce qui implique que le sensible se détruise au lieu de se régénérer. C'est l'échec de la doctrine sensible qui repose sur l'erreur et le mensonge. Le néant ne peut régénérer en tant que néant positif ou néant pur.
Raison de la présence du troisième terme qui sonne inutile : éviter la conséquence inéluctable du néant en tant que fin : la fin du sensible. La contradiction chez Hegel est incarnée par le néant : elle aboutit à la réconciliation. La contradiction est dépassée par la réconciliation. Le christianisme vise aussi la réconciliation. Les deux ternaires recherchent la conciliation. Du coup, la contradiction est aussi nécessaire que féconde : elle est dépassée. Mais dans la doctrine nihiliste, la contradiction possède un statut différent en ce qu'elle ne saurait surtout pas être dépassée.
Pas question de surmonter la contradiction : pas de synthèse, pas de réconciliation, pas de dépassement, pas de changement. Le sensible est figé, le néant est figé. Le dualisme platonicien permettait de réconcilier les étants et le sensible (langage heideggerien) à la faveur de l'unité englobante (sensible englobé dans l'Etre). Le monisme dualiste réfute l'englobement ou la synthèse en réfutant le changement.
Le changement a valeur de réconciliation et de transition de la partie vers le tout. Le changement transcende la partie et la rapporte au tout. Le changement permet l'unité, quand la contradiction est l'antithèse du changement. D'ailleurs, le principe de non-contradiction est le fondement de la logique en ce que la raison permet de parvenir à l'Idéal. Dans le système classique, les contradictions sont abolies par le changement, ce qui fait que le changement change aussi les contradictions.
Le changement est supérieur à la contradiction. Le but de la contradiction est de favoriser le changement comme élévation et amélioration. Le changement est ainsi en langage religieux conversion. La contradiction est intégrée dans le changement. Le refus de la contradiction, notamment en politique, signale un réflexe de survie et de maintient de l'ordre politique. La contradiction est réfutée parce qu'elle apaise. Au contraire, dans la doctrine hétérodoxe nihiliste, la contradiction est intégrée dans un pseudo-régime démocratique, de facture politique supérieure, parce que la contradiction est insurmontable.
Sans la contradiction, pas de possibilité de conjurer le changement. La destruction est le changement. Le changement n'est conversion que dans la mesure où il est aussi destruction et disparition. Le changement est l'ennemi, quand la contradiction est le signe béni. Elle doit donc être intégrée pour empêcher l'avènement de contradictions qui soient externes et qui précipitent le changement.
Quelle est alors la différence entre contradiction interne et contradiction externe? On pourrait dire que la différence réside dans la différence, puisque la contradiction interne interdit la différence. La contradiction externe est celle qui ne suit pas la doctrine du néant en tant que néant, soit tout type de contradictions aux idées immanentistes. Tout ce qui n'est pas nihiliste n'est pas intégrable à la mentalité nihiliste et au régime démocratique libéral.
Dans le nihilisme, la contradiction n'est pas dépassable, ce qui implique le mythe de l'Eternel Retour. Comme par hasard, c'est ainsi que le nihiliste Nieztsche l'a théorisé. Pour le nihiliste, le changement n'existe pas ou de manière mineure. Les choses se répètent puisque le néant demeure toujours le néant et que le sensible demeure le sensible. D'ailleurs, le néant régénère le sensible et le sensible n'est pas détruit par le néant. D'où le caractère positif de la destruction : la destruction n'est pas tant ce qui détruit que le travail du néant à l'oeuvre dans le sensible. Détruire, c'est assurer le Même et empêcher le changement.
L'unité nihiliste tient à la permanence. Le changement est quantité négligeable ou mineure. Raison pour laquelle un Nietzsche adhère tant et si bien au devenir d'Héraclite : le devenir est quantité négligeable, quand l'idéal de Parménide (selon Nietzsche) tient à assurer la stabilité au sein de la doctrine de l'Etre. D'ailleurs, Héraclite n'est pas du tout un nihiliste, mais un penseur qui essaye de concilier l'Etre et le devenir.
En tout cas, la doctrine nihiliste repose sur l'erreur et la dissimulation : ce qu'elle appelle unité ne fonctionne tout simplement pas. L'unité nihiliste cache le dualisme exacerbé et irréconciliable et la reconnaissance occultée du néant signale de manière inquiète et inquiétante que le néant va détruire le sensible, sous prétexte que le changement n'existerait pas et que la destruction serait positive. Que l'on se souvienne de cette évidence : le nihilisme mène au néant au nom du reél, comme le diable mène à la destruction au nom des délices de sa séduction.
A partir de cette constatation impitoyable, la différence entre le christianisme et le hégélianisme n'est jamais qu'une différence par rapport au néant. Le christianisme avait encore les moyens de congédier le néant, quand Hegel est contraint de l'intégrer. Quoi qu'il en soit, l'avènement du trois dans l'interprétation et dans l'approximation de type ontologique manifeste et signale que le modèle classique s'effondre et que la révélation du néant implique deux changements considérables :
1) le système transcendantaliste s'effondre. L'ontologie de l'Etre était sa manifestation philosophique antinihiliste et antisophiste.
2) L'immanentisme n'est que la transition qui se voudrait révolution et suite définitive.
Qu'adviendra-t-il après le transcendantalisme? Il est inconséquent et vaguement réactionnaire de souhaiter que les choses reviennent en arrière. Il est suicidaire et inconséquent d'en appeler aux formes d'expression nihiliste pour assurer le changement et la continuité. Le nihilisme surgit comme le vide, le vent ou la mort. On connaît tous le poème de Rimbaud sur le jeune soldat qui sommeille dans le val. A la fin, l'endormi ne sort que parce qu'il a été tué au combat. Il en va de même avec le nihilisme, dont on pourrait décrire ainsi la démarche mortifère : "Il a deux trous rouges au côté droit. "
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