vendredi 29 avril 2011

Toujours jamais

http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20110420trib000616686/quand-l-economiste-en-chef-du-fmi-preconise-une-baisse-des-salaires-dans-certains-pays-d-europe.html

On nous bassine avec les propos de plus en plus menaçants et transparents d'un porte-parole des intérêts financiers mondialistes, dont le siège ne se trouve pas en Israël ou chez les sionistes internationalistes, mais à la City de Londres (le sionisme étant de fait une idéologie manipulée et promue par ces cercles financiers). On dirait qu'Attali s'exprime comme s'il répétait un message qu'on lui délivre, avec une petite touche de personnalisme narcissique : s'exprimer au futur simple, comme si le point de vue qu'il exprimait présentait le pouvoir de s'imposer de manière quasi infaillible et démiurgique au réel.
Il y a cependant un travers qui perd notre Jacques : son narcissisme, qui le pousse à passer pour le plus intelligent, le plus perspicace, le plus clairvoyant. Du coup, il s'est lancé dans la futurologie, avec une soif de la prédiction qui parachèverait la stratégie (la géopolitique britannique?) et lui donnerait même une supériorité quasi philosophique. Attali aurait inventé un genre : la stratégie philosophique. Il se trouve contraint d'enrober les informations stratégiques financières qu'il tire des milieux financiers dominants dont il fait partie par des considérations générales qui ne sont pas qu'économiques et qui le contraignent à édulcorer de beaucoup son propos.
L'autre critère qui déforme les informations stratégiques de première main dont dispose Attali, c'est son progressisme. Attali serait un synarchiste qui se voudrait tant socialiste. Mais il tient plus que tout à cette réputation de progressiste que das son cas comme dans ceux apparentés plus personne ne prend au sérieux, ni dans les milieux intellectuels parisiens, ni dans le peuple de France (hors duquel la réputation d'Atali est peu de chose). Par ces deux critères, Attali croit gagner en profondeur philosophique et politique ce qu'il perd en précision stratégique. Mais il perd sur tous les tableaux, car l'appareil critique qu'il propose est des plus rebattus, pour ne pas dire médiocre; et son ambition prédictive et stratégique ne se trouve pas ajustée par son souci de la réflexion.
Au contraire de cette démarche édulcorée et intenable, obligeant à des contorsions idéologiques, voire des grands écarts avec la logique, et parfois la morale, le point de vue de Blanchard ne s'embarrasse pas de circonvolutions, ni d'ambition philosophique. Lui est un pur économiste qui travaille en tant qu'expert attitré au FMI de haut vol, avec une certaine méthode avant-gardiste : Blanchard appartient à la cohorte des économistes comportementalistes qui entourent notamment le président Obama de leurs précieux conseils (avec le succès que l'on sait, puisque les Etats-Unis sont en faillite économique et au bord de l'implosion sociale, si ce n'est de l'insurrection).
Blanchard s'exprime en économiste. Ses conseils stratégiques sont ceux d'un économiste comportementaliste. Sa mission : faire payer au peuple l'addition de la crise et accroître le pouvoir des élites financières qu'il représente. Au passage, il est plus qu'à craindre que son mentor au FMI, ce DSK au service de la City, partage tout à fait le point de vue pour le moins radical et menant au fascisme de Blanchard.
Qui sont les économistes comportementalistes? Ils ont une particularité, que partage le futurologue Attali : ce sont des keynésiens d'obédience apparentée et c'est pour cette raison précise qu'ils tiennent par-dessus tout à se positionner à gauche, avec une certaine légitimité depuis que le socialisme et le communisme se sont mâtinés de libéralisme. Ne parlons pas des écologistes plutôt de gauche, qui travaillent souvent explicitement pour les intérêts spéculatifs, parfois directement subventionnés par eux, comme c'est le cas de Nicolas Hulot, dont l'intervention en politique s'apparente aux frasques hilarantes du personnage cinématographique attitré de Tati.
Le secret trop tu de Keynes, c'est que ce n'est pas un économiste progressiste au sens où il souhaiterait le partage républicain des richesses; mais un impérialiste de gauche au sens où il souhaite une domination assez modérée et pérenne. L'autre secret, plus terrible et indicible de Keynes, n'est pas qu'il fut un bisexuel assoiffé de statistique (à moins que ce ne soit l'inverse); ce secret tourne autour de son accord avec les engagements de Schacht le ministre des Finances allemand sous Hitler. Schacht put mener à bien sa politique nazie de restructuration par la guerre (la politique qui revient actuellement) parce qu'il se trouvait soutenu par la frange la plus radicale de la finance internationale.
Le lien entre Schacht, Keynes et ces milieux financiers indique que l'impérialisme de gauche comme de droite finit toujours dans la nécessité fasciste de la violence sans issue. C'est ce qui se produisit à l'époque de Keynes et de Schacht. C'est ce qui se reproduit en ce moment avec les conseils à peine différents prodigués par Attali en France et Blanchard au FMI. Si l'on ôte à Attali son intervention encore trop hexagonale, ne lui en déplaise, lui qui se rêve en visionnaire mondialiste, le profil d'expert de Blanchard convient mieux au prestige de l'idéologie mondialiste : voix supérieure du FMI, ventriloque des milieux d'affaires de l'Empire britannique, propos rares et directs dans les médias.
Quels sont ces propos? Blanchard le pur de l'ultralibéralisme de gauche actuellement à la tête du FMI rappelle (suite à des propos quasi similaires déjà tenus à ce sujet, vers septembre 2009) qu'"il y a des raisons d'être inquiet. Les Etats-Unis manquent d'un plan crédible à moyen terme pour réduire leurs déficits budgétaires." Et pour faire face à cette crise qui dure malgré les promesses mensongères de reprise distillées en particulier dans les démocraties libérales d'Occident, qui ne roulent pas pour la vérité, mais pour le libéralisme, notre expert en ultralibéralisme comportementaliste, à propos des Etats occidentaux en faillite programmée, voire effective, préconise d'améliorer "considérablement leur productivité" ou de baisser "leurs salaires, ou les deux".
Comme Blanchard tient à sa réputation d'expert en économie, bien que ces économistes majoritaires se soient trompés et se trompent encore et encore dans leurs prévisions de la crise actuelle, il ne verse pas dans les propos sciemment mensongers que tiennent régulièrement les politiciens et leurs sbires en statistiques, qui annoncent qu'enfin la crise est finie - tous les trois mois. Mais le pire n'est pas tant de mentir régulièrement que de croire à ces mensonges explicites. Les peuples qui dans leur majorité croient ou au moins se taisent face à ces manoeuvres de propagande sont encore plus responsables que leurs dirigeants (et ont obtenu les dirigeants qu'ils méritent).
Non, Blanchard se veut plus précis, rigoureux et honnête : il rappelle que la crise est très grave, pas seulement aux Etats-Unis et que "l'effet de ces réformes prendra du temps et avant qu'on en voie les résultats, ces pays auront du mal à revenir emprunter sur les marchés." Propos qui ressortit du sophisme le plus sidérant et qui n'aurait rien à envier à la langue de bois soviétique. Le libéralisme moribond ment comme le communisme moribond mentait. Chez le sympathique expert Blanchard, la crise ne se trouve pas indéfiniment terminée, puis reprend quand même, mais elle est renvoyée plus habilement et à jamais aux calendes grecques. Un peu comme la différance derridienne permettait de faire disparaître à jamais le sens, la reprise comportementaliste existe toujours plus tard - toujours jamais. Avant que jamais ne survienne, il sert le déni présent, temps urgent du régime drastique et de la destruction au nom du chaos.
C'est la référence implicite, quoique obvie, que Blanchard adresse à ses interlocuteurs les dirigeants des Etats-nations, qui n'ont qu'à bien se tenir, soit se soumettre aux mesures préconisées par le FMI, cette instance des factions financières autour de la City de Londres (étude d'avril 2011 notamment
http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2011/01/pdf/c2.pdf
). Les mesures de "plan d'économie" et de "sacrifices budgétaires" n'ont pas seulement des saveurs races de rituels religieux sanguinolents (la fameuse "livre de chair" chère à Shakespeare dans Le Marchand de Venise). Il s'agit rien de moins que d'adhérer fanatiquement à une doctrine fort peu économique et tout à fait nihiliste : le chaos constructeur. L'idée selon laquelle pour créer et construire, il convient de détruire et de semer le chaos. Cette conception désaxée et meurtrière, qui commence à engendrer des guerres un peu partout dans le monde, repose sur le dogme implicite et dénié selon lequel le non-être côtoie l'être et que c'est seulement par la collision entre les deux éléments antagonistes que l'on obtient la pérennité de l'être (parfois inféodé explicitement au non-être indéfinissable, contradictoire et irrationnel).
Quant à l'économiste qui exige des économies, la polysémie du terme d'économie est intéressante, comme si le fondement pur et sérieux de la science économiques impliquait tôt ou tard que les plans d'économie croissante se clôturent de manière tragique et consternante sur des programmes d'économies drastiques et meurtrières. Il est vrai que dans un plan de nihilisme universel (au sens plus universel de "fascisme universel"), la destruction, créatrice ou assumée, finit toujours par tuer, détruire et annihiler. Enième preuve en ce moment.

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