jeudi 8 janvier 2009

Stéphane Hessel : "un véritable crime contre l’humanité" à Gaza

Rien à redire à la déclaration qui suit, émanant d'un homme au-dessus de toute soupçon, comme on a l'habitude de dire : les actions guerrières d'Israël sont en effet inexcusables et ne se peuvent comprendre que dans le contexte d'une lutte incessante entre le réel et l'Hyperréel. Je n'ajouterais qu'une seule correction à la déclaration de Hessel : tant que l'on s'obstinera à accréditer l'apartheid au nom de la Shoah, soit le régime politique raciste et inégalitaire au nom de l'injustice et de la souffrance, tant que la vraie victimisation poursuivra, la paix ne sera pas possible. Hessel se rend-il compte qu'il condamne les conséquences d'une position alors qu'il entérine ses causes et ses fondements? Que dirait-on si l'on avait proposé pour résoudre le conflit en Afrique du sud la création de deux États conjoints, l'un pour les Boers blancs et l'autre pour les autochtones noirs? Qu'il s'agissait d'une décision manifestement raciste, dans la continuité de la politique d'apartheid, et qu'il n'était pas possible dans ces conditions d'envisager un compromis, soit une solution pacifique au conflit. Alors, comment peut-on proposer deux États pour le conflit israélo-palestinien, l'un israélien et l'autre Palestine? Ne voit-on pas que l'État israélien serait constitué sur des fondements explicitement racialistes? Pourquoi ce qui serait valable dans un cas ne le serait plus dans l'autre? Que l'on ne rétorque surtout pas que ce sont deux situations différentes, car c'est l'argutie bien connue employée pour tout légitimer, en premier lieu les raisons invoquées par la mauvaise foi, l'hypocrisie et le mensonge. On trouvera de nombreux travaux historiques, diplomatiques et juridiques qui expliquent que les cas d'Israël et de l'apartheid sud-africain sont fort proches et que c'est se moquer du monde que d'invoquer des différences foncières et importantes pour les dissocier. La vérité, c'est que l'on prétexte le problème juif, irrévocable, pour mieux entériner une injustice inexpiable et inexcusable. Il est encore pire de réparer l'injustice par l'injustice que de pratiquer l'injustice. Les sionistes feraient bien de méditer cette vérité, au lieu de s'entêter dans leur politique promise au suicide et à l'anéantissement. Quand Hessel le diplomate de haut vol propose la solution urgente de deux États pour remédier au conflit, se rend-il compte que c'est précisément cette fausse alternative ou cette fausse solution qui entérine le processus de guerre et de pourrissement de la situation? La seule solution, c'est la création d'un seul État, pour les Palestiniens et les Israéliens, l'abandon des prérogatives racialistes des sionistes, comme les Boers et les Blancs d'Afrique du sud avaient accepté que les Noirs deviennent des citoyens à part entière (dans leur pays). Il faut marteler l'évidence : la constitution d'un État sioniste israélien est proche de la constitution de l'apartheid. Il n'est pas possible de hurler au racisme quand les Blancs veulent détruire les indigènes noirs, et de laisser des Juifs sionistes créer un État fondé sur la religion. Il n'est pas possible de se moquer de la théocratie ou du nationalisme et d'observer l'exacerbation qui se produit en terre palestinienne, où un peuple innocent est progressivement et de plus en plus martyrisé et spolié par des conquérants violents et illégitimes (à tous points de vue). Que Hessel et tous les nobles diplomates comprennent la vraie urgence et la vraie situation : soit un seul État; soit la disparition d'Israël en tant que projet sioniste s'apparentant à un mirage flirtant de plus en plus avec le cauchemar. Je crains bien d'ailleurs que la solution pacifique soit une chimère et qu'Israël disparaisse pour avoir défié la loi d'airain du réel : prendre ses désirs pour des réalités, proche manière de dire : prendre des vessies pour des lanternes.

"Pour ma part, ayant été à Gaza, ayant vu les camps de réfugiés avec des milliers d’enfants, la façon dont ils sont bombardés m’apparaît comme un véritable crime contre l’humanité.

Stéphane Hessel :

Stéphane Hessel est un diplomate, ambassadeur, ancien résistant et déporté français, qui a notamment participé à la rédaction de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948.

Stéphane Hessel s’entretient avec Swiss Info, 5 janvier 2009


Stéphane Hessel : En réalité, le mot qui s’applique - qui devrait s’appliquer - est celui de crime de guerre et même de crime contre l’humanité. Mais il faut prononcer ce mot avec précaution, surtout lorsqu’on est à Genève, le lieu où siège un haut commissaire pour les Droits de l’Homme, qui peut avoir là-dessus une opinion importante.

Pour ma part, ayant été à Gaza, ayant vu les camps de réfugiés avec des milliers d’enfants, la façon dont ils sont bombardés m’apparaît comme un véritable crime contre l’humanité.

Ce terme, vous osez le prononcer ? C’est la disproportion qui vous choque, entre les roquettes palestiniennes et une offensive terrestre massive ?

C’est l’ensemble du comportement. C’est naturellement la disproportion, vous avez raison de le souligner... Une terre densément peuplée, la plus dense du monde probablement, sur laquelle on frappe avec des instruments militaires qui ne peuvent pas faire la différence entre les militaires et les civils. D’ailleurs il n’y a pas de militaires, il n’y a que des civils à Gaza - des militants peut-être, mais sûrement pas une armée.

Donc c’est une armée, l’une des plus puissantes du monde, qui s’attaque à une population qui n’a vraiment pas de défense. Ca, c’est typiquement un crime de guerre.

A quoi peut aboutir cette offensive ?

C’est le plus grave. On a bien l’impression que, une fois de plus, des militaires essayent de mettre un terme à l’activité de guérilla. Nous avons vu que dans tous les cas de figure récents dans le monde, que ce soit le Vietnam, la Tchétchénie ou quoique ce soit d’autre, il n’y a pas de solution militaire. La solution, c’est la négociation.

Ce qui se passe en ce moment au Caire est extrêmement important. Il faudrait que les dirigeants israéliens se rendent compte qu’à ne pas accepter une négociation et un cessez-le-feu, et une négociation pour la paix, ils font un tort immense à leur pays, et aussi à leur armée. Tsahal avait la réputation d’être une armée honorable. Elle ne l’est plus lorsqu’elle frappe sur des gens sans défense.

C’est également le spectre de l’échec en 2006 au Liban qui revient, et pourtant de nombreuses résolutions depuis de nombreuses années, ont été prises notamment au Conseil de Sécurité de l’ONU, mais jamais appliquées pour quelles raisons selon vous ?

Parce que l’Etat d’Israël, depuis des décennies, a réussi à berner sa population. A faire croire à sa population que l’Etat était en danger, que sa sécurité était à chaque instant menacée, et que pour cela il ne fallait ne tenir aucun compte de ce que pense la communauté mondiale, et s’assurer en tout cas de l’appui de l’Etat évidemment le plus puissant à l’heure actuelle, les Etats-Unis. Nous ne pouvons qu’avoir un espoir, c’est qu’avec l’arrivée au pouvoir de Barack Obama, les Etats-Unis cesseront d’apporter un soutien inconditionnel et dramatique à un Etat qui continue à violer les résolutions internationales.

Mais le choix de la violence, [provient du fait] que la blessure de la seconde guerre mondiale et de la Shoah n’est pas refermé...

Oui, c’est évidemment ce qui permet à un gouvernement qui lui n’a plus rien à voir avec cette Shoah, et qui n’est plus composé de victimes potentielles de cette Shoah... que ce gouvernement puisse s’appuyer sur ce souvenir dramatique, auquel nous sommes tous extraordinairement sensibles, moi tout le premier. C’est l’horreur, absolue commise par les nazis. Mas cela ne doit pas permettre à un Etat d’Israël, actuellement le plus puissant de la région, de violer impunément toutes les règles internationales.

Vous êtes très sévère avec l’Etat d’Israël, Stéphane Hessel... Jusqu’à maintenant le chemin vers la paix c’était deux Etats côte à côte, un Etat Palestinien et un Etat Israélien. Est-ce encore possible, ce partenariat avec les Palestiniens ?

C’est la seule solution. Elle est rendue de plus en plus difficile, au fur et à mesure que s’accumulent de part et d’autre, soit le mépris et l’humiliation, soit la haine. Il faut que cette accumulation cesse le plus vite possible, et alors, au nom de ce que l’histoire nous a appris sur la possibilité du pardon - nous l’avons éprouvé, nous européens, et dans d’autres pays, en Afrique du Sud aussi - il faut avoir hâte que cette possibilité de pardon et de solidarité dans un Proche-Orient pacifique puisse être rétablie.


7 janvier 2009 - Publication originale SwissInfo (audio), transcription Contre Info

http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=5738"

Aucun commentaire: