vendredi 16 avril 2010

Dépolitis

Si l'on voulait s'adonner à la mode logicienne qui consiste à associer dans des équivalences mathématiques des termes linguistiques (sous couvert de supériorité et de vérité), on poserait que :
Dépolitisation = individualisme.
Il faudrait préciser que l'individualisme n'équivaut pas à l'individuation.
L'individualisme considère que l'individu est la plus haute valeur et que sa valeur excède la valeur du groupe (quel qu'il soit). C'est en quoi l'individualisme est dangereux et s'oppose aux conceptions religieuses, qui elles-mêmes engendrent les conceptions politiques. L'individuation désigne le processus selon lequel l'homme prend conscience de ses qualités propres en tant qu'individu. L'individuation est un processus positif quand il ne débouche sur son extrême - l'individualisme.
La politisation désigne quant à elle l'idée selon laquelle l'individu se trouve bonifié (plus valeureux) quand il agit en groupe que quand il agit seul. C'est la supériorité de la volonté générale par rapport à la volonté individuelle. Le politique se déroule dans l'espace de la cité, soit dans l'espace de l'État-nation moderne. Pas de politique sans groupe. Appeler à la dépolitisation revient à appeler à la régression suicidaire, à moins de détenir une alternative supérieure à l'option politique.
Malheureusement, cette option n'existe pas. Si l'on se penche vers l'anarchisme qui appelle à une forme de dépolitisation au nom de l'individu souverain et supérieur, c'est une utopie aussi fausse que dangereuse, qui débouche sur des récupérations oligarchiques manifestes. Si l'on examine la complétude du désir individuel, dont l'origine se perd dans les limbes de l'immanentisme, on se rend compte que c'est un mythe aussi réducteur que fondateur. Aucune forme intellectuelle, en particulier religieuse, qui prône la dépolitisation de manière conséquente. La dépolitisation ne découle en aucun cas d'une proposition théorique affirmant que l'option politique classique se trouve dépassée par une option plus récente et supérieure.
En conséquence, la proposition de dépolitisation manifeste une tendance inférieure à l'option politique. Puisque aucune option ne peut surmonter les inconvénients prêtés à l'option politique, l'option politique (collective) sera toujours supérieure à l'option dépolitisée, qui part sur une option de valorisation déformée de l'individu aux détriments du groupe.
La dépolitisation choisit (de manière non volontaire) une option inférieure à l'option politique, quels que soient les inconvénients de l'option politique. Le choix de la dépolitisation en faveur de l'individualisme au moins implicite s'explique par les intérêts immédiats et à cout terme qu'offre l'individualisme sur l'option politique, qui implique un engagement souvent ardu et pénible. Par contre, les bénéfices du politique sont dans la croissance de l'homme et indirectement dans la croissance de l'individu.
Quand quelqu'un vous invite de but en blanc et sans alternative de rechange viable à quitter la politisation, c'est un zélateur souvent inconscient de l'individualisme. A notre époque de consumérisme, on mesure le résultat de cette politique de dépolitisation qui ne dit pas son nom, qui avance masquée, qui est le plus souvent mimétique et involontaire et qui finit dans la destruction (actuelle). On prône la solution inférieure pour échapper aux inconvénients de la solution imparfaite quoique largement supérieure. Pour échapper aux affres de la solution viables mais imparfaite, on opte pour la solution non viable et encore plus imparfaite.
Bel exemple d'illogisme. Il est vrai que la solution de l'individualisme soi-disant supérieure se réclame de l'irrationalisme, de l'inconséquence et des contradictions les plus obvies - dans un espace qui clôturé croit que par cette limite indépassable il signifie la totalité ou l'universalité (le monisme). La dépolitisation n'est pas seulement une position à la mode parce que nihiliste et inconséquente. Elle trahit plus qu'elle ne traduit. Es-tu de ton temps ou d'un autre ton?

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