dimanche 25 avril 2010

Le crépuscule d'une obole



Ma mère a acheté le numéro de l'hebdomadaire ultra-libéral et oligarchique Le Point consacré en grande partie (couverture à l'appui) au dernier bouquin d'Onfray. But avoué : détruire l'idole Freud et la religion contemporaine psychanalytique. Il est curieux de présenter un livre comme excellent alors qu'il recycle les poncifs antifreudiens et antipsychanalytiques avec une radicalité qui exprime - la bêtise. Si l'intelligence se traduit par le sens de la nuance, Onfray est, au littéral, un imbécile.
Quand il dénonce les accusations proto-fascistes portées à son encontre, la vérité n'est pas vraiment qu'Onfray serait fasciste (il soutient les intérêts historiques synarchistes, sans s'en rendre compte, comme Œdipe couche avec sa mère en la prenant pour sa femme). La vérité est qu'Onfray exprime plus certainement la - bêtise. Il sue la haine ou le - ressenti-ment? Un psychanalyste dont j'ai oublié le nom et qui intervient en contradicteur d'Onfray explique la démarche du médiocre atrabilaire : c'est la haine.
(Petite précision : ayant lu la réaction ulcérée et universitaire d'une psy célébrée et mondaine comme Roudinesco, il n'est pas question d'avaliser cette hypocrite et déformée opposition à la contre-histoire philosophique d'Onfray - cette hagiographie académiste à laquelle se livre Roudinesco, grande complice proustienne du pédant Sollers. Onfray représente l'exact inverse de Roudinesco, soit le rebelle institutionnel et institutionnalisé, qui exprime un point de vue marginal seulement à l'intérieur du système immanentiste.)
Ce n'est pas pour aborder le splendide sujet Onfray que je poste ce billet (non monétariste). Notre fardlosophe n'en vaut pas la peine. On pourrait s'étonner de la publicité qui est dispensée par les cercles oligarchiques autour de la pensée nulle (plus que sauvage) d'Onfray. L'engoue-ment ne laisse pas de sidérer sachant qu'Onfray se présente aux antipodes, comme un gastropode gauchiste qui en forcené choque le bourgeois, un libertaire rénovateur, un hédoniste moraliste, quelqu'un qui serait pour le peuple (de Normandie) et contre les élites parisianistes. La vérité est inverse : Onfray est contre le peuple réel et parce qu'il défend le peuple fantasmatique des élites bobos, il sert en réalité les élites oligarchiques qu'il prétend attaquer et combattre.
Quand on est promu par les intérêts oligarchiques autour du Point, par l'éditeur oligarchique et sioniste Enthoven Sr. (conseiller littéraire du Point), par le journaliste télévisé Giesbert (qui n'a bien entendu rien à voir avec le directeur du Point), on n'est pas un dénonciateur conséquent de l'oligarchie. Un symbole : Pinault l'actionnaire de référence du Point est tout comme Onfray fervent Breton. Serait-ce que la passion de la Bretagne cache en ce moment un intérêt non pour le peuple français de Bretagne, mais pour l'oligarchie bretonne? Onfray qui projette d'écrire son avis à vue (avoue) à propos de l'écologie recoupe une fois encore les centres d'intérêts de Pinault l'industriel qui participe à la subvention de l'écologie malthusienne et monétariste en France, via notamment les remarquables films et livres photographiques d'Arthus-Bertand, le mousquetaire de l'écologie couleur vert d'âtre.
Quel titre fané et prévisible pond l'Onfray du fret philosophique (véritable poule aux œufs d'or de l'édition Gutenberg) en sus de sa monumentale contre-histoire de la philosophie et de sa destruction de l'idole religieuse? Onfray s'attaque à des statues de stature majeure quand il est contre; quand il est pour, il promeut des poux et des ultra-mineurs. Un exemple : il prétend (sans y parvenir) déboulonner Freud avec une violence cataclysmique, comme le petit enfant qui de rage brise son jouet chéri; en échange, il proposera un minable démineur comme le philosophe du Grand Siècle - ainsi de son irrésistible La Mothe Le Vayer, que plus personne ne connaît (à part quelques érudits) et qui évoque - Onfray lui-même.
Entendons-nous : il est urgent de critiquer la psychanalyse, à condition de comprendre que les seules critiques qui valent proposeront un contenu nouveau, voire supérieur (qui négativement apporteront des contradictions beinvenues). De ce point de vue, le travail d'Onfray qui détruit tout et ne propose rien en échange est symptomatique de sa démarche et situe le niveau de sa pensée : nulle. La bulle nulle. Qu'il entretienne ses fervents auditeurs et étudiants populaires de ses marottes hédonistes anonymes et heureusement inconnues, bientôt le filon s'épuise. Filons! Filou? Onfray le destructeur forcené qui ne construit rien est l'envers du bâtisseur tant loué par la tradition chrétienne. Ne tournons pas autour du pot (potins) : le titre d'Onfray est - le crépuscule d'une idole.
Ce crépuscule est le pastiche translucide d'un titre de Nietzsche, qu'Onfray professe d'admirer avec sa psychologie manichéenne viscérale : soit Onfray kiffe; soit il quitte. Soit il brise; soit il bisse. Désolé pour Michel et ses lecteurs, voire ses suiveurs, en ce qu'Onfray suit le sillage de la mentalité immanentiste terminale - ce titre n'évoque pas Freud. Il survient au moment où la vraie idole de son temps s'effondre - et connaît son crépuscule. Cette idole n'est pas Freud, pas la psychanalyse, ni une quelconque école néo-philosophique. C'est le libéralisme. Une école doctrinale, sclérosée, percluse de présupposés indiscutables et indiscutés.
Si Onfray présentait une once de courage (non de simple rage), il s'attaquerait à l'idole dominante qui s'effondre. Pas à un trompe-l'œil aussi contestable et révéré soit-il. Il nous entretiendrait non des hédonistes disparus mais de l'histoire du libéralisme, qui camoufle l'histoire de l'impérialisme britannique, en particulier de la Compagnie des Indes orientales. Il nous pousserait à déboulonner les idoles oligarchiques, comme Pinault l'ami conjoint de Chirac et de Sarkozy. Au lieu de surfer avec une radicalité surfaite sur les modes de son temps, Onfray entreprendrait un décryptage corrosif de son temps.
Évidemment, on ne le célébrerait plus et on l'attaquerait vraiment - sans le voir partout invité sur les plateaux pour déverser sa bile sous couvert de nous abreuver de sa science. Le crépuscule d'une idole est un titre lucide, à condition qu'on le dirige vers son vrai mobile : non Freud, mais Adam Smith. Non la psychanalyse, mais le libéralisme. Onfray appartient à la cohorte de ces médiocres intellos qui sont utilisés pour divertir les peuples d'Occident sur la réalité de la crise.
Spécifiquement, Onfray nous divertit avec Freud au moment où c'est le dogme libéral promu par Smith et la joyeuse compagnie des économistes des Indes qui rend l'âme. Raison de l'invraisemblable (et injustifiable) promotion que subit l'Anti-Freud d'Onfray de la part des porte-voix de l'oligarchie - un Giesbert en France : divertir, subvertir et convertir - regarder ailleurs, partout sauf où ça se passe, vers l'essentiel, vers la crise systémique ravageuse qui exprime l'agonie du libéralisme.
La psychanalyse? Onfray, laisse tomber Freud, il est tellement au-dessus de toi. Les failles de Freud sont des diamants à côté de ta faillite. Allez, si tu es un tant soit peu philosophe, fais-toi plaisir, petit hédoniste caractériel et égotiste : attaque vrai-ment. Le crépuscule d'une idole? Enquête sur les thuriféraires de la main invisible. Tu te prétends libertaire et antilibéral? Libertaire capitaliste et antilibéral? Montre-nous vraiment qui tu es. Si tu es, situe-toi.
Parle-nous du libéralisme et tu seras moins vaniteux (tu ne seras jamais grand). Parle-nous du libéralisme et tu pourras critiquer la psychanalyse. Tu verras, les différents morceaux du puzzle vont s'emboîter et tu disposeras d'une vision d'ensemble un peu plus intéressante que ta réduction hédoniste à la sauce immanentiste. Quitte donc ça! L'hédonisme, c'est léger... C'est lourd, sérieux. Freud est l'hallali de ton alibi. Girard l'appellerait un de tes boucs émissaires. Tu en as d'autres, les chrétiens, les monothéistes, les croyants. A notre époque de choc de civilisation, c'est courageux. Tu as tapé dans le mil, millénariste : nous affrontons une pleine période de crépuscule. Couchez, l'idole.
Mais l'idole - celle que personne n'ose attaquer. La variante à cet oubli fâcheux, c'est la fausse attaque, dont tu t'es fait la spécialité. On dénonce le libéralisme tout en se gardant de décrypter ses fondements et son fonctionnement. On est un libéral antilibéral. C'est ton cas, Michel vaillant, le libre libertaire. Tu hais à la croisée des chemins : soit finir dans l'anonymat comme ton référent La Mothe le Vayer (et ses frères de contre-histoire); soit prendre des risques. Pour la postérité (en l'occurrence philosophique), il est trop tard. Il te reste le plus important : le réel. L'honneur dure et hèle. La sauvegarde - et non la garde de son crépuscule idolâtré.

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