Quand on veut expliquer de manière paresseuse le cours des événements collectifs, on emploie l'hypothèse du complotisme (théorie du complot). On parvient à tout expliquer dans la mesure où l'on explique de manière parcellaire - voire pas du tout. Le complotisme constitue un tout-explicatif d'ordre strictement humain. Il s'agit d'expliquer les actions par la volonté. Souvent, l'effort de théorisation simpliste dépasse ce stade et déborde vers l'interprétation paresseuse et délirante élargie à l'ensemble du réel (y compris le non humain).
Le complotisme est une démarche de théorisation paresseuse qui se trouve le plus condamnée par les thuriféraires de la théorie-mère - la complétude du désir. C'est comme si une cause se chargeait de condamner sa conséquence - dans un joyeux processus de déni. Le complotisme intervient suite à la dégradation du processus dit de complétude du désir, quand cette théorie réduit au point qu'elle produit des interprétations de plus en plus insatisfaisantes. Spinoza était un penseur de haute tenue - immanentiste; les théoriciens du complot surviennent dans le moment du système exsangue et moribond, pour expliquer par l'inexplicable l'effondrement de leur beau joujou.
C'est dans un système circonscrit de type moniste que le tout-explicatif complotiste peut survenir. Dans un monisme certes fortement dégénéré, qui n'accepte plus la part belle au hasard, à l'incréation, à l'indicible et à l'irrationnel. Mais la conséquence complotiste n'est que la phase terminale d'un processus originel vicié : dès les limbes de l'immanentisme. La complétude du désir exprime l'origine de ce processus. On en trouve une trace fortement aberrante à l'époque de l'immanentisme tardif et dégénéré quand le maître attitré de Nietzsche, ce Schopenhauer misanthrope et maître en absurde (plus qu'en pessimisme), définit le monde grâce à la volonté.
La volonté n'est-elle pas proche du désir? Chez Spinoza (archétype/ancêtre), le désir est la réduplication individuelle et chez l'homme du principe de complétude (monisme) qui meut la substance. L'effort caricatural des commentateurs de philosophie actuels (pompeusement baptisés du nom plus prestigieux quoique égarant de philosophes, ainsi que le note déjà ce Schopenhauer) de faire de Spinoza l'alter ego moderne de Platon, une sorte de figure indépassable et culminante de la philosophie, voire de la pensée religieuse, s'explique par la promotion le plus souvent inconsciente et non décelée par ses propres promoteurs de l'immanentisme.
Ces gens qui arrivent en fin de course et en fin de règne ne comprennent pas la mentalité qui est à l'œuvre, cette mentalité immanentiste dont la cohérence se manifeste par le statut quasi religieux des penseurs Spinoza (le saint malsain) et Nietzsche (le prophète tardif et dégénéré). Nietzsche, tout en se moquant superficiellement de Spinoza, partage les mêmes idées de fond sur le désir ou la puissance (à quelques inflexions près, qu'il appartient aux commentateurs admiratifs et égarés de faire passer pour des différences abyssales et irréconciliables). Schopenhauer, que Nietzsche prétendra avoir dépassé après l'avoir admiré, énonce une doctrine fort proche de celle de Spinoza.
Schopenhauer se livre à la volontarisation du réel, indémontrée et indémontrable; quand Spinoza décèle le substrat du fonctionnement humain dans le désir individuel défini comme complet. La profondeur supérieure de l'immanentisme originel par rapport à l'immanentisme tardif est qu'il est capable d'admettre l'existence d'un réel non volontarisé, c'est-à-dire non soumis à l'influence humaine. C'est le hasard qui n'explique pas ce qui ne découle pas de la volonté/désir; mais qui admet l'existence d'un réel non humain.
L'immanentisme originel part du principe que le réel dépend du désir, suite aux promesses que laissent présager les découvertes scientifiques modernes : l'homme soudain peut croire qu'il est en mesure de comprendre le réel et de le maîtriser. Dans cette hiérarchie théorique, Dieu disparaît car il implique que la volonté humaine soit supplantée par un désir (ou une force) supérieure. Le hasard remplace Dieu. Le hasard est le concept par excellence de l'irrationalisme. Il ne désigne rien de précis et il permet de ne pas perdre trop de temps à caractériser le réel non humain.
Un des grands cheveux de bataille de Spinoza pour laisser entendre qu'il a enfin défini le réel consiste à dénoncer l'influence de l'anthropomorphisme dans la pensée humaine - jusqu'à lui. Sous-entendu : l'immanentisme grâce à Spinoza va débarrasser le réel des projections trop humaines. Le réel tel qu'il est en ressortira enfin objectif et objectivé. Ce réel ne saurait du coup être expliqué par le seul désir de complétude individuelle. Spinoza démentirait l'entreprise plus tardive de Schopenhauer d'assujettir le réel à la volonté (même si la volonté comme clé de voûte de l'ontologie n'est pas la volonté humaine, mais que la volonté humaine se rapporte en fin de compte à ce substrat mal défini et passe-partout).
Schopenhauer n'est déjà plus capable de distinguer sa volonté absurde du hasard. Il amalgame, alors que le hasard est le concept immanentiste idéal pour ne pas se montrer anthropomorphique tout en laissant présager qu'on a pigé le réel. Dieu remplacé par le hasard signifie que le réel n'est pas anthropomorphisé. Spinoza se montre encore plus habile : il remplace le terme de hasard, dont l'irrationalisme est visible, par l'incréation, qui ne dit rien de précis non plus.
Dans l'histoire de l'immanentisme, le hasard ou un de ses synonymes jouent le rôle d'évacuateur de la définition quand le système qu'on projette a besoin de se débarrasser de l'explication par un terme passe-partout, confus et impressionnant. Expiation de l'explication. A chaque fois qu'on a recours à l'inexplicable en guise d'explication, on justifie cette démarche somme toute aberrante par la supériorité qu'il y aurait à expliquer par l'inexplicable. Dépasser le sens par l'insensé baptisé asensé.
Le propre de l'immanentisme est de décréter le réel réductible au désir, quand le nihilisme antique énonçait que le réel est fini. La gradation est que la finitude immanentiste est rapportée in fine au désir. Cette conception libère forcément l'espace pour le néant, puisque l'infini ne saurait être recouvert par le fini pur. Où le néant ressort avec le fini, la doctrine immanentiste permet de camoufler ce néant en invoquant le désir humain terminal.
Si l'homme domine son milieu au point de contrôler l'ensemble du réel, la reconnaissance au moins implicite du néant n'est plus de mise. On avance masqué (devise de Descartes comme de Spinoza - et Nietzsche le masqué plus que vengeur). Devise des Vénitiens. Devise des immanentistes. Le hasard sert de tenue de camouflage prestigieuse au néant. C'est ainsi que le synonyme d'incréation chez Spinoza cache le néant. Au final, l'insuffisance de la complétude du désir ressort.
Le désir n'est pas assez vaste pour expliquer de quelque manière que ce soit le réel. On en arrive à des explications simplistes, confuses, réductrices, dont le complotisme constitue le prolongement outrancier et terminal. Ces explications qui expliquant trop n'expliquent rien, ou expliquent le rien derrière le trop, ont pour principal inconvénient (révélateur) de bloquer et de figer le sens à un certain ordre.
Le sens est ce qui indique une direction, ce qui se trouve en constante évolution, en constante dynamique. Dans un système figé, le sens dépérit et meurt. C'est l'annonce triomphaliste des postmodernes qui ont enterré le sens, ou, pour les plus ratiocineurs, l'ont différé à jamais. On se vante de la destruction. On attise le néant. Comme si en légitimant le négatif, on le rendait positif, par une mystérieuse opération d'ordre alchimique émanant du désir humain (et ressortissant de la toute-puissance la plus perverse).
Le problème du complotisme est qu'il débloque parce qu'il bloque. Le symptôme complotiste n'est que la partie visible de l'interprétation immergée de l'iceberg immanentiste. En bloquant, on cache la véritable question : le complotisme n'explique rien, il se rapporte au contraire à la manipulation. Plus profondément que la manipulation, le complotisme exprime le fonctionnement de la mentalité, dont le processus ne ressort pas d'une terme irrationnel et accomodant comme le hasard.
(A suivre)
Le complotisme est une démarche de théorisation paresseuse qui se trouve le plus condamnée par les thuriféraires de la théorie-mère - la complétude du désir. C'est comme si une cause se chargeait de condamner sa conséquence - dans un joyeux processus de déni. Le complotisme intervient suite à la dégradation du processus dit de complétude du désir, quand cette théorie réduit au point qu'elle produit des interprétations de plus en plus insatisfaisantes. Spinoza était un penseur de haute tenue - immanentiste; les théoriciens du complot surviennent dans le moment du système exsangue et moribond, pour expliquer par l'inexplicable l'effondrement de leur beau joujou.
C'est dans un système circonscrit de type moniste que le tout-explicatif complotiste peut survenir. Dans un monisme certes fortement dégénéré, qui n'accepte plus la part belle au hasard, à l'incréation, à l'indicible et à l'irrationnel. Mais la conséquence complotiste n'est que la phase terminale d'un processus originel vicié : dès les limbes de l'immanentisme. La complétude du désir exprime l'origine de ce processus. On en trouve une trace fortement aberrante à l'époque de l'immanentisme tardif et dégénéré quand le maître attitré de Nietzsche, ce Schopenhauer misanthrope et maître en absurde (plus qu'en pessimisme), définit le monde grâce à la volonté.
La volonté n'est-elle pas proche du désir? Chez Spinoza (archétype/ancêtre), le désir est la réduplication individuelle et chez l'homme du principe de complétude (monisme) qui meut la substance. L'effort caricatural des commentateurs de philosophie actuels (pompeusement baptisés du nom plus prestigieux quoique égarant de philosophes, ainsi que le note déjà ce Schopenhauer) de faire de Spinoza l'alter ego moderne de Platon, une sorte de figure indépassable et culminante de la philosophie, voire de la pensée religieuse, s'explique par la promotion le plus souvent inconsciente et non décelée par ses propres promoteurs de l'immanentisme.
Ces gens qui arrivent en fin de course et en fin de règne ne comprennent pas la mentalité qui est à l'œuvre, cette mentalité immanentiste dont la cohérence se manifeste par le statut quasi religieux des penseurs Spinoza (le saint malsain) et Nietzsche (le prophète tardif et dégénéré). Nietzsche, tout en se moquant superficiellement de Spinoza, partage les mêmes idées de fond sur le désir ou la puissance (à quelques inflexions près, qu'il appartient aux commentateurs admiratifs et égarés de faire passer pour des différences abyssales et irréconciliables). Schopenhauer, que Nietzsche prétendra avoir dépassé après l'avoir admiré, énonce une doctrine fort proche de celle de Spinoza.
Schopenhauer se livre à la volontarisation du réel, indémontrée et indémontrable; quand Spinoza décèle le substrat du fonctionnement humain dans le désir individuel défini comme complet. La profondeur supérieure de l'immanentisme originel par rapport à l'immanentisme tardif est qu'il est capable d'admettre l'existence d'un réel non volontarisé, c'est-à-dire non soumis à l'influence humaine. C'est le hasard qui n'explique pas ce qui ne découle pas de la volonté/désir; mais qui admet l'existence d'un réel non humain.
L'immanentisme originel part du principe que le réel dépend du désir, suite aux promesses que laissent présager les découvertes scientifiques modernes : l'homme soudain peut croire qu'il est en mesure de comprendre le réel et de le maîtriser. Dans cette hiérarchie théorique, Dieu disparaît car il implique que la volonté humaine soit supplantée par un désir (ou une force) supérieure. Le hasard remplace Dieu. Le hasard est le concept par excellence de l'irrationalisme. Il ne désigne rien de précis et il permet de ne pas perdre trop de temps à caractériser le réel non humain.
Un des grands cheveux de bataille de Spinoza pour laisser entendre qu'il a enfin défini le réel consiste à dénoncer l'influence de l'anthropomorphisme dans la pensée humaine - jusqu'à lui. Sous-entendu : l'immanentisme grâce à Spinoza va débarrasser le réel des projections trop humaines. Le réel tel qu'il est en ressortira enfin objectif et objectivé. Ce réel ne saurait du coup être expliqué par le seul désir de complétude individuelle. Spinoza démentirait l'entreprise plus tardive de Schopenhauer d'assujettir le réel à la volonté (même si la volonté comme clé de voûte de l'ontologie n'est pas la volonté humaine, mais que la volonté humaine se rapporte en fin de compte à ce substrat mal défini et passe-partout).
Schopenhauer n'est déjà plus capable de distinguer sa volonté absurde du hasard. Il amalgame, alors que le hasard est le concept immanentiste idéal pour ne pas se montrer anthropomorphique tout en laissant présager qu'on a pigé le réel. Dieu remplacé par le hasard signifie que le réel n'est pas anthropomorphisé. Spinoza se montre encore plus habile : il remplace le terme de hasard, dont l'irrationalisme est visible, par l'incréation, qui ne dit rien de précis non plus.
Dans l'histoire de l'immanentisme, le hasard ou un de ses synonymes jouent le rôle d'évacuateur de la définition quand le système qu'on projette a besoin de se débarrasser de l'explication par un terme passe-partout, confus et impressionnant. Expiation de l'explication. A chaque fois qu'on a recours à l'inexplicable en guise d'explication, on justifie cette démarche somme toute aberrante par la supériorité qu'il y aurait à expliquer par l'inexplicable. Dépasser le sens par l'insensé baptisé asensé.
Le propre de l'immanentisme est de décréter le réel réductible au désir, quand le nihilisme antique énonçait que le réel est fini. La gradation est que la finitude immanentiste est rapportée in fine au désir. Cette conception libère forcément l'espace pour le néant, puisque l'infini ne saurait être recouvert par le fini pur. Où le néant ressort avec le fini, la doctrine immanentiste permet de camoufler ce néant en invoquant le désir humain terminal.
Si l'homme domine son milieu au point de contrôler l'ensemble du réel, la reconnaissance au moins implicite du néant n'est plus de mise. On avance masqué (devise de Descartes comme de Spinoza - et Nietzsche le masqué plus que vengeur). Devise des Vénitiens. Devise des immanentistes. Le hasard sert de tenue de camouflage prestigieuse au néant. C'est ainsi que le synonyme d'incréation chez Spinoza cache le néant. Au final, l'insuffisance de la complétude du désir ressort.
Le désir n'est pas assez vaste pour expliquer de quelque manière que ce soit le réel. On en arrive à des explications simplistes, confuses, réductrices, dont le complotisme constitue le prolongement outrancier et terminal. Ces explications qui expliquant trop n'expliquent rien, ou expliquent le rien derrière le trop, ont pour principal inconvénient (révélateur) de bloquer et de figer le sens à un certain ordre.
Le sens est ce qui indique une direction, ce qui se trouve en constante évolution, en constante dynamique. Dans un système figé, le sens dépérit et meurt. C'est l'annonce triomphaliste des postmodernes qui ont enterré le sens, ou, pour les plus ratiocineurs, l'ont différé à jamais. On se vante de la destruction. On attise le néant. Comme si en légitimant le négatif, on le rendait positif, par une mystérieuse opération d'ordre alchimique émanant du désir humain (et ressortissant de la toute-puissance la plus perverse).
Le problème du complotisme est qu'il débloque parce qu'il bloque. Le symptôme complotiste n'est que la partie visible de l'interprétation immergée de l'iceberg immanentiste. En bloquant, on cache la véritable question : le complotisme n'explique rien, il se rapporte au contraire à la manipulation. Plus profondément que la manipulation, le complotisme exprime le fonctionnement de la mentalité, dont le processus ne ressort pas d'une terme irrationnel et accomodant comme le hasard.
(A suivre)
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