mardi 20 avril 2010

La philosophie du people



Vous avez entendu parler de la philosophie du peuple? Grâce à Onfray le philosophe hédoniste athée d'extrême-gauche (un libertaire favorable au capitalisme nouveau libertaire), vous entendez parler de la philosophie du people. On passe à la télé dans le rôle du philosophe d'autant plus passionnant qu'on est méconnu. Tellement méconnu qu'on est partout présent sur les plateaux de télé et dans les médias dominants. Qui est Onfray?
Le philosophe provincial est édité par un éditeur influent de la place parisianiste, Enthoven Sr. Éditeur chez Grasset, ami de BHL, sioniste revendiqué... Enthoven Sr. commet sur le retour quelques romans dont on dit du bien poli (bizarre) et supporte un filsosophe qui défraya la chronique (people) en lui piquant son épique de l'époque, une chanteuse qui a fait du chemin depuis. Le succès médiatique d'Onfray viendrait-il de ses appuis éditoriaux? Onfray est moins médiatique que BHL, mais est-il plus philosophe?
Écoutons ce qu'en dit un authentique philosophe, que je prends pour le plus emblématique de nos immanentistes terminaux et dont je critique la pensée dans le direct prolongement de Spinoza et Nietzsche. De ce point de vue historique, Rosset est proche d'Onfray, à ceci près qu'il produit une pensée. Onfray se contente de critiques et de ventes. Pour le reste, son projet de contre-histoire de la philosophie est nul - chacun le sait. Chacun le tait. Qui traie? Son Traité d'athéologie est parsemé d'erreurs (relevées par la théologienne catholique Irène Fernandez).
Onfray était un ami d'Enthoven Jr. avant une brouille entre les deux philosophes médiatiques, dont le point commun tient sans doute à la disproportion exacerbée entre la réputation (fort flatteuse) et la valeur en idée (nullissime). Enthoven Jr. est le disciple de Rosset, qu'il tient pour la réincarnation spinoziste de Platon. Que dit Rosset d'Onfray dans ses Tropiques, cinq conférences mexicaines?
"La dénonciation chronique des méfaits du monothéisme, telle celle à laquelle s'emploie aujourd'hui sans s'essouffler Michel Onfray, est une illustration exemplaire de cette confusion intellectuelle et de la simplicité d'esprit qu'elle implique." C'est lucide plus qu'acide, de la part d'un immanentiste terminal intelligent à l'égard d'un immanentiste terminal aussi surfait, qui projette sur les esprits religieux de son temps sa propre image étriquée (vu son courage, notre crétin se contente d'attaquer les chrétiens, c'est moins dangereux par ces temps d'islamophobie).
Onfray s'est-il souvenu que crétin était la dégénérescence étymologique (avant d'être sémantique) de - chrétien? Je tombe par Internet sur notre Onfray hérautique plus qu'héroïque dans l'émission hagiographique de FOG - Vous aurez le dernier mot. FOG s'est fait une spécialité d'inviter des écrivains soi-disant marginalisés dont tout le monde parle. Vous aurez les derniers maux. Pas les émaux. Après Nabe le sulfureux que personne ne veut rencontrer mais qui est relayé par tous les médias dominants qui le détestent, Onfray le philosophe polémiste qui est si peu médiatique qu'il est impossible de ne pas le voir un soir ou l'autre sur un plateau de télé.
FOG est le PDG de la société SEBDO Le Point, qui édite un magazine ultra-libéral éponyme tenu par l'industriel malthusien et amateur d'or, pardon - d'art, Pinault. Dans les colonnes du Point intervient régulièrement, à titre de conseiller éditorial, Enthoven Sr. Le monde est petit. Vraiment petit. BHL donne de surcroît son point de vue inévitable en essayant d'y pasticher Mauriac. Comment prendre au sérieux le philosophe libertaire athée hédoniste Onfray, qui est invité par Giesbert le représentant de la clique oligarchique française d'obédience sarkozyste dans la mesure où Onfray fait de l'audience et où il sacrifie à la mode people?
Les people : Giesbert adore inviter des écrivains gauchistes et radicaux qui proposent des messages agressifs et rebelles pour peu qu'ils soient simplistes. Des types comme Soral qui ont la haine d'avoir été évincé d'un milieu qu'ils jugent pourtant médiocres et stupide. Conséquents, ils devraient être heureux de leur disgrâce salutaire. Non, ces Narcisse médiatiques acceptent de passer pour des rebelles et des marginaux, à condition qu'ils soient les marginaux des médias. Les maudits médits des médias.
Vous pigez l'imposture? La posture? Les médias étant le reflaid du nihilisme de l'époque opaque, les représentants médiatiques sont-ils des nihilistes transparents? Les marginaux médiatiques sont des marginaux médiatiques. Nabe l'anarchiste s'en prenait au complotisme pour mieux dresser l'apologie de la VO du 911 ou de la justice immanentiste d'un Oussama? Ah, ah! Onfray le libertaire fait encore mieux : son but est de détruire les idoles postnietzschéennes et de faire du perpectivisme philosophique quantitatif. En gros, Onfray est un sous-nietzschéen immanentiste terminal de bas étage. Il devrait produire une autobiographie dont le titre serait quelque chose comme La philosophie dans le sous-sol (variante : Ma philosophie dans mon sous-sol normand).
Sil a du succès, c'est qu'il propose un visage fidèle de la pensée de son temps - de la médiocrité alliée à de la prétention. Onfray se prend très au sérieux. C'est déroutant, les rebelles infatués. Onfray à la téloche évoque les philosophes de Cour chers à Molière. Leur arrogance compense leur vide idéel irréel. Onfray (com)penserait-il sa médiocrité de pensée par l'hyperactivité médiatique? Des journalistes mielleux et fielleux comme FOG l'y aident grandement. Lisez ce que FOG déclare d'Onfray à l'occasion de la sortie de son dernier livre consacré à la démolition de Freud :

- On n'a pas la chance d'avoir un grand philosophe toutes les semaines.
- On ne va parler que de ce livre pendant des mois.
- C'est un bouquin de philo très lisible qui allie des qualités de journalisme d'investigation.
- On lit ce livre de philosophie comme un roman.
- C'est le livre le plus puissant et le plus fort que FOG ait lu depuis des mois. A n'en pas douter un livre qui fera date.

Ce qu'il y a de drôle avec la promotion commerciale et ses relais médiatiques, c'est qu'elle abonde en stéréotypes hyperboliques. Chaque semaine, FOG aura lu le livre de l'année? Mais que dit donc Onfray sur la psychanalyse et Freud pour récolter ce florilège de compliments pour le moins dithyrambiques?

- La psychanalyse est une nouvelle religion des temps non religieux.
- La psychanalyse est un délire.
- Freud est un détraqué mégalo, immoral, affabulateur et mythomane. Un tyran domestique qui couchait avec sa belle-sœur.
- La psychanalyse sert surtout à comprendre Freud.
- La psychanalyse a beaucoup plagié, Empédocle, Spinoza, Nietzsche, Schopenhauer, Hartmann...
- Freud est contre la masturbation.
- Freud est un mélomane anal et réducteur.
- Freud réduit tout à son malpropre meurtre du père et son désir sexuel de la mère.
- Freud a fait une spéciale dédicace à Mussolini et a collaboré avec l'Institut Göring du neveu de Hermann.
On va arrêter là ses critiques fort convenues et qui n'apportent rien - de nouveau. Onfray participe à la liste des critiques qui utilisent la psychanalyse comme fond de commerce sans apporter quoi que ce soit de positif à l'entreprise, que ce soit pour la renouveler de l'intérieur ou pour en proposer une forme alternative supérieure. La psychanalyse est critiquable, mais la critique gratuite et sans alternative conforte l'objet critiqué. C'est ce à quoi parvient Onfray au final. Il s'est bien chauffé les nerfs, Freud va le calmer. Freud vaut tellement mieux qu'Onfray.
En parlant de valeur intellectuelle, quelle est la technique revendiquée par Onfray?

- Aborder Freud sous l'angle de la philosophie vitaliste et à partir des anti-freudiens.
- Dépecer, démolir, démonter...
- Lire toute l'œuvre, la correspondance qui permet vraiment de découvrir des choses extraordinaires, suivant la méthode initiée à l'Université populaire (encore un monument de bêtise libertaire et populiste).
- Suivre Nietzsche selon lequel une pensée est toujours la confession du penseur.
Rien de bien original : Onfray fait du sous-Nietzsche sans rien apporter de nouveau. Pourquoi Onfray fait-il ce travail de démolition de la psychanalyse et du mythe Freud?

- Parce que la psychanalyse à la suite de Freud s'est constituée en une sorte de religion et qu'Onfray est athée?
- Parce qu'Onfray adore la boucherie?

On va arrêter là la retransmission de cette émission (dans tous les sens du terme) de flagornerie en constatant la médiocrité abyssale de celui qui est présenté comme l'un des grands philosophes de son temps. Notre temps. En ce temps-là. En ce ton-là. Je suis las. Lalala. Que ce fait (irréaliste en soi) soit possible à notre ère de grands airs sans air indique la dégringolade abyssale de la pensée qui est passée en matière de philosophie de penseurs comme Descartes ou Spinoza à des déséquilibrés comme Nietzsche, puis à des répétiteurs de plus en plus médiocres comme les postmodernes. Avec des types de la sauce Onfray ou BHL, on touche le fond. BHL est un propagandiste atlantiste, la cause est entendue. Onfray, qui est édité par le même réseau que BHL, n'est pas un propagandiste.
Il incarne la dégénérescence inéluctable de la pensée qui en suivant l'effondrement de l'immanentisme passe par des revendications de plus en plus simplistes. En gros, Onfray est un expert-philosophe qui pratique l'art terminal de la réduction aberrante, aux antipodes du Roi-philosophe de Platon. Un petit marquis de son maquis impensé et dépensé qui croit que philosopher, c'est apprendre à réduire. Au ras des pâquerettes? On réduit à l'intérieur de la réduction. On suit des positions plus que radicales à l'intérieur d'une forme de pensée déjà radicale.
Pas étonnant que l'on parvienne à un résultat aussi désastreux. On commence par réduire à l'hédonisme, au libertarisme, à l'athéisme, on pratique la critique des immanentistes qui n'ont pas assez réduits. Il convient de décréter que non seulement le réel est fini, que non seulement le fini est désir, mais encore que le désir est tout-puissant. Plaisir, où es-tu? C'est l'hédonisme, Aristippe et les autres billevesées-rengaines.
Comme nous apprenons qu'Onfray en fin d'émission rêve de donner son avis sur la mode écologique, une critique de l'avatar malthusien contemporain, pour une écologie sans doute libertaire et hédoniste, nous lui proposerons de s'attaquer dans son prochain Grand Livre Gutenberg à un autre immanentiste qui n'a pas été assez loin aux yeux d'Onfray dans l'immanentisme. Le controversé Heidegger. Heidegger envisageait de faire de l'ontologie hellène le dépassement du religieux. Ça pourrait donner, une controverse inoubliable entre Onfray et Heidegger.
Ça vendrait du papier. Pas du papier Bible il va sans dire. Juste un bé mol énergique à notre Chef d'Orchestre : il n'ose pas encore attaquer les postmodernes qui sont ses proches parents. Avec un peu de patience, s'il prend de l'assurance, il osera enfin. Pour l'instant, Onfray fait son timide. Si on le pousse un peu, si on le persuade qu'il n'est pas simplement un grand philosophe - mais le plus grand des philosophes, il se lancera dans le bain. Pour l'instant, il se retient. Ce provincial a de ces pudeurs! Le jour où il attaquera les postmodernes, ce sera la fin. Le Dernier Jour. Le Jugement Dernier. Désolé pour les thuriféraires, l'immanentisme terminal n'étant pas joli joli à observer - les simplismes d'Onfray sentent la faim. Vivement la grande bouffe ; que ça reparte!

Aucun commentaire: