dimanche 8 juin 2008

Le faux procès de Guantanamo est un crime

"J’ai souvent souligné que la polémique sur les attentats du 11 septembre 2001 ne se poursuit que parce que la Justice ne s’est jamais prononcée pour désigner les auteurs de ce crime. Il n’existe pas à ce jour de « version officielle », au sens où on l’entend en démocratie, c’est-à-dire de version établie par les tribunaux à la suite d’un débat contradictoire, mais uniquement une «version bushienne», étayée par une commission d’enquête présidentielle."
ThierryMeyssan.

Pour ceux qui fermeraient encore les yeux, il est tragique et pathétique que le quotidien français qui profite de sa légitimité acquise il y a soixante ans en dénonçant la torture soit aujourd'hui celui qui manifeste une indulgence aussi coupable à l'égard du scandale tous azimuts de Guantanamo, notamment de l'abjection des méthodes de torture qui y sont employées. Dans la vie, point n'est besoin de suivre l'immanentisme de Spinoza pour savoir qu'il est certaines choses à ne surtout pas faire. Spinoza dirait : la sanction de l'action est dans l'action. La sanction, précisément, sera le discrédit total et l'effondrement radical du système qui a accouché d'une billevesées sinistre comme Guantanamo, qui a fermé les yeux et qui a couvert. Le système occidentaliste et immanentiste n'a pas balancé? Le système crèvera de ce fait comme une hyène vicieuse et bilieuse.

On ne légitime pas la torture, pour quelque raison que ce soit. Rappelons-nous que c'est toujours au nom des plus nobles sentiments que l'on justifie les horreurs, crimes et atrocités. C'est ce qui se produit depuis le 911 avec l'infecte et absurde guerre contre le terrorisme. Le procès de Guantanamo : non le procès du 911. Ceux qui essayent d'apporter un peu de crédibilité à une entreprise qui sera jugée plus tard comme un crime contre l'humanité perpétré par l'Occident démocratique et moralisateur, les efficients et les lâches qui ferment les yeux, les bourreaux et leurs complices faibles et moutonniers, ces individus ne font que discréditer un peu plus une entreprise dénuée de toute légitimité juridique. Meyssan a on ne peut plus raison sur le fait que l'impéritie juridique est le plus sûr argument à opposer aux occidentalistes naïfs et de bonne foi qui essayent de se persuader que l'affaire serait trop grave si elle était vraie. Qu'ils se consolent : elle n'en est que trop vraie.
Et tandis que ces tartuffes plus ou moins conscients se bercent de sirupeuses mélopées enchanteresses et perverses, que l'on n'oublie pas les malheureux accusés sans aucune preuve ni raison de Guantanamo, les innocents accusés, au nom de la folie hyperrationnelle, du nom de la furie hyperréelle. Ils sont des martyrs, parce qu'ils sont les témoins de l'écroulement de l'Hyperréel qui s'en prend à leurs malheureuses personnes trop réelles. On les a humiliés et torturés en les souillant et en souillant par exemple le Coran s'ils étaient musulmans? Mais ceux-là qui ont accompli cet acte méprisable et honteux, ceux-là ignorent même qu'ils ont glorifié et ces martyrs et le Coran. Quel homme a le pouvoir de s'en prendre à Dieu?
Pauvre fou et pauvre démesuré que cet homme si perdu qu'il n'a rien trouvé de mieux que d'entériner la vieille rengaine du diable! Tout se paye, que l'on croie dans la justice immanente ou immanentiste. Pour finir, Kafka nous avait décrit très précisément et avec une clairvoyance accrue Guantanamo dans ses thèmes fameux et glauques aux relents d'accusations absurdes et immotivées. Que l'on lise et relise Kafka : il comprend bien mieux où est tombée notre civilisation que les désaxés qui prétendent contrôler la guerre contre le terrorisme et qui ne se rendent pas compte que la terreur qu'ils instillent et combattent est leur propre terreur de pantins pathétiques luttant contre la chute de leur système cassé et chéri.
http://www.voltairenet.org/article157360.html

"Déontologie journalistique.


L’habillage d’enlèvements, de séquestrations et de tortures en pseudo-procès ne change pas la nature de ces actes : au regard du droit international, ce qui ce passe à Guantanamo constitue des crimes. Thierry Meyssan observe l’assentiment que les grands médias apportent implicitement à ces atrocités et s’interroge sur les motifs de cette complicité intellectuelle, elle même condamnable en droit international selon la jurisprudence de Nuremberg.

J’ai souvent souligné que la polémique sur les attentats du 11 septembre 2001 ne se poursuit que parce que la Justice ne s’est jamais prononcée pour désigner les auteurs de ce crime. Il n’existe pas à ce jour de « version officielle », au sens où on l’entend en démocratie, c’est-à-dire de version établie par les tribunaux à la suite d’un débat contradictoire, mais uniquement une « version bushienne », étayée par une commission d’enquête présidentielle.

Cette incertitude rejaillit sur l’intervention anglo-états-unienne en Afghanistan, en 2002, laquelle est, selon la Maison-Blanche un « acte de légitime défense », mais selon le Kremlin, une « agression illégale ». Par voie de conséquence, l’appui militaire apporté par l’OTAN et les Alliés à la présence militaire anglo-saxonne en Afghanistan continue également à être considéré par les uns comme un soutien dans le guerre au terrorisme et par les autres comme la participation à une opération coloniale. Ainsi, c’est en raison de la polémique que j’ai ouverte sur les véritables commanditaires des attentats du 11 septembre que le Sénat du Japon a refusé d’envoyer de nouvelles troupes en Afghanistan [1]. Tandis que, par exemple, le gouvernement Sarkozy, qui adhère à la version bushienne des faits, a décidé de renforcer le contingent français en Afghanistan.

Pour évacuer cette critique, l’administration Bush a mis en place un tribunal et ouvert à Guantanamo le procès de 14 suspects (voire de 16, on ne sait exactement), dont 2 enfants-soldats, accusés d’avoir participé au complot du 11 septembre.

Or, chacun peut constater —et ce n’est guère contesté, hormis par les porte-parole officiels de l’administration Bush— que ce procès n’est qu’une parodie sans rapport avec les exigences de la justice démocratique : il ne s’agit pas ici d’une tribunal judiciaire où siègeraient des juges indépendants, mais d’un tribunal militaire d’exception dont les juges sont désignés par l’Exécutif (c’est-à-dire que l’administration Bush étant mise en cause, elle se jugera elle-même, elle se déclarera innocente et les prévenus coupables) ; selon le modèle classique de l’Inquisition, ce tribunal ne fonctionne pas sur des preuves, mais sur des aveux, lesquels sont extorqués sous la torture (mais l’Inquisition ne prétendait pas établir la Vérité, qu’elle « connaisait » déjà, elle visait seulement à sauver l’âme du pécheur en le contraignant à la confession) ; enfin les débats ne seront ni publics, ni contradictoires (le public ne voit du tribunal que les images que son président décide de transmettre, quant aux droits fondamentaux de la défense, aucun n’est respecté).

Le choix de l’administration Bush de mettre en scène des aveux obtenus sous la torture en leur donnant l’apparence visuelle d’un procés, de manière à se disculper de toute responsabilité dans l’organisation et la perpétration des attentats du 11 septembre 2001, prouve en soi sa volonté de cacher la vérité sur ces attentats.

Voici qu’au crime d’avoir tué ou laissé tuer 2 973 personnes le 11 septembre 2001, l’administration Bush a ajouté le crime d’avoir enlevé des individus et de les avoir torturés, probablement demain de les tuer, dans l’espoir d’échapper à sa responsabilité devant des tribunaux démocratiques. Avec un étonnant souci du détail, l’administration Bush a même pris soin de perpétrer ce nouveau crime à Guantanamo, c’est-à-dire sur un territoire cubain qu’elle occupe illégalement, de manière à être certaine de ne pas avoir à en rendre compte ultérieurement devant des tribunaux états-uniens.

Quelle que soit son opinion sur les attentats du 11 septembre, la presse, qui prétend au rôle de vigie dans les sociétés démocratiques, devrait aujourd’hui dénoncer sans ambigüité cette sordide mascarade. Or, comme je viens de l’expliquer, en dénonçant le crime que constitue le faux procès de Guantanamo, la presse devrait se demander pourquoi l’administration Bush le commet, et par là même prendre position sur la volonté de la Maison-Blanche de cacher la vérité sur les attentats du 11 septembre.

Incapables de reconnaître leurs erreurs ou dévoués à soutenir l’OTAN, les grands médias se trouvent piégés. Ils tentent donc de minimiser le crime de Guantanamo. Au regard des normes du Tribunal de Nuremberg, cette Collaboration intellectuelle est une forme de complicité.

À titre d’exemple, le Wall Street Journal du 4 juin 2008 a publié sans honte une tribune libre du vice-amiral Mark Buby, ancien commandant du centre de torture de Guantanamo, intitulée « Guantanamo est vraiment une prison modèle ».

Un autre exemple de banalisation du crime peut être trouvé dans Le Monde, un quotidien français qui a acquis ses lettres de noblesses et son prestige dans les années 50-60 en dénonçant à ses risques et périls la torture pratiquée par l’armée française en Algérie. Il titre son édition du 7 juin 2008 : « Le procès du 11-Septembre s’ouvre enfin à Guantanamo ». Conscient de l’abjection qu’il y a à qualifier de procès la mascarade de Guantanamo, Le Monde publie un dessin sensé dédramatiser la situation. Intitulé « Encore la torture à Guantanamo », il représente un suspect soumis à des chocs électriques. Mais la gégène est une télévision diffusant une image du président Bush. La victime hurle « Arrêtez moi ça, c’est insupportable », tandis qu’un technocrate lui répond « Oh, il n’y en a plus que pour quelques mois », faisant allusion à la fermeture annoncée du centre de torture.

Les agents du FBI qui avaient été transportés à Guantanamo pour assister aux interrogatoires ont tentés de s’opposer à ce qu’ils y ont vu et ont été expulsés [2]. Les journalistes qui couvrent le faux-procès de Guantanamo n’ont rien vu, ne verront rien, ne veulent rien voir. Loin de s’opposer à ce qui s’y est passé et à ce qui s’y passe, ils donnent une apparence de respectabilité à la barbarie.

Le faux procès doit être terminé et le centre de torture doit être fermé au plus tard le 4 novembre prochain. À cette date, les polémiques sur les attentats du 11 septembre, sur la guerre au terrorisme, sur les enlèvements, sur la torture et sur le faux procès de Guantanamo seront considérés comme closes par les grands médias. Le nouveau président des États-Unis prononcera d’une manière ou d’une autre l’amnistie de l’administration sortante. Il nous assurera que son pays a changé et que tout va désormais pour le mieux dans le meilleur des mondes. La plupart d’entre nous seront tellement heureux de pouvoir enfin dormir la conscience tranquille qu’ils passeront par pertes et profits les centaines de milliers de morts de cette politique et qu’ils oublieront les 21 000 détenus qui croupissent dans les 17 centres de torture secrets de la Navy.
Thierry Meyssan
Analyste politique, fondateur du Réseau Voltaire.
Dernier ouvrage paru : L’Effroyable imposture 2 (le remodelage du Proche-Orient et la guerre israélienne contre le Liban)."

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