mardi 3 juin 2008

Le prix de l'impossible

Le propre de l'immanentisme en niant l'ailleurs et l'extérieur est de découvrir le néant. Si ce qui est extérieur n'existe pas, le problème faussement résolu de l'ailleurs consiste à dégager le néant. Mais le néant comme quelque chose qui existe de radicalement différent du fini et du réel que nous connaissons et qui nous permet de forger l'immanentisme.
L'immanentisme possède comme principales caractéristique et contradiction de libérer l'espace du néant en niant l'ailleurs transcendant. Mais l'immanentisme n'est pas capable de reconnaître le néant. Du coup, la principale part du réel devient impensée dans la pensée de l'immanentisme. L'immanentisme pense l'unité du réel dans la mesure où il ignore le néant qui succède de ce fait à la place de l'ailleurs transcendantal.
Qu'est-ce que ce néant? C'est le produit de la contradiction immanentiste, soit aussi l'ignoré et le refoulé. Le néant en tant que néant n'est néant positif donc impossible que dans la mesure où il n'est pas reconnu. L'ignorance néantise dans la mesure où le néant ne saurait exister positivement. Le néant positif est une contradiction dans les termes, soit une impossibilité.
C'est la caractéristique de l'immanentisme que d'être une doctrine qui se veut cohérente dans la mesure où elle refoule le néant et où elle instaure l'impossible. Ce n'est qu'au prix de l'impossible que l'immanentisme parvient à tutoyer la cohérence. L'impossible est incohérent dans la mesure où il signale surtout le déni.
Le prix de l'impossible est très lourd. Le mythe de la cohérence immanentiste se fait sur le dos de l'intégration du réel qu'autrefois l'on nommait transcendantal et qui désormais est relégué au rang de néant méprisé. C'est al destruction du réel immanent que ne manque pas de susciter l'ignorance du reste du réel. Le réel étranger se transforme de ce fait en réel étranger et entièrement sous la coupe de la violence.
La destruction radicale que signale de manière apocalyptique le 911 est la destruction du système immanentiste qui arrive en fin de course. L'immanentisme comme expression de la crise transcendantale n'est jamais qu'une expression systémique à court terme. De deux choses l'une : soit l'immanentisme annonce la fin de l'Occident, auquel cas la joie de Spinoza est de bien triste augure; soit l'immanentisme comme crise annonce le passage du transcendantalisme à une forme de religieux qui permette la pérennité des cultures humaines.
L'unicité immanentiste signalait rien moins que la pauvreté (notamment réflexive), la destruction, le dépérissement et la mort. Le transcendantalisme était une forme pérenne pour le fonctionnement humain. Mais c'est précisément sa viabilité qui a engendré son dépérissement. A force de conquérir le monde, le mythe de l'ailleurs est devenu caduc et il a fallu que l'homme remplace ce mythe retrouvé par le mythe de la réconciliation.
Malheureusement, la réconciliation est impossible puisqu'elle supposerait que la partie se confonde avec le tout. Paradoxe de l'immanentisme : la réconciliation signale la crise et la destruction. L'immanentisme aimerait tant réconcilier l'homme avec son environnement. Du coup, il signale surtout que ce fantasme est une malédiction trompeuse et un leurre mortifère. En lieu et place, l'homme n'a d'autre choix que d'affronter son destin et le destin de son désir : se réconcilier et périr; ou se battre et - vivre.

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