samedi 28 juin 2008

Hyperméable

Le 911 est l'attentat perpétré par l'Hyperréel contre le réel. Ce funeste jour, la représentation a montré qu'elle avait pris le pouvoir au point de détenir la faculté exorbitante de recréer à sa guise le réel comme cela l'arrange et de la manière dont cela l'arrange. Cette prétention, dans tous les sens du terme, signifie ontologiquement que le reél dépend tout simplement de la volonté des plus forts et de quelques individus formant l'élite.
Autrement dit, certains puissants possèdent le privilège jamais atteint de décider de ce qui est réel et de ce qui ne l'est pas en fonction de leurs intérêts et de leurs attentes. Ce renversement de la relation représentation/réel se manifeste par exemple dans les condamnations exemplaires de Denis Robert, au nom du fait que Denis Robert ment : effectivement, du point de vue de l'Hyperréel, il ment. Du point de vue du réel, nullement.
Pis, Thierry Meyssan est bouc émissarisé, harcelé et martyrisé parce qu'il a eu le malheur de relever les incohérences de la version officielle du 911. Morale : il est possible de dénoncer les mensonges de la guerre en Irak, parce que ces mensonges n'atteignent pas le coeur du système; par contre, il est indécent de rappeler les mensonges du 911 parce qu'ils touchent au coeur du système et qu'ils montrent le fonctionnement limpide et irréfutable du système.
Comme ce fonctionnement est mensonger, impitoyable et irréfutable, l'alternative est simple : soit consentir à ce que l'Hyperreél mente avec profit, soit pratiquer la politique de l'autruche en espérant que le déni permette au système de se rétablir miraculeusement. Non seulement le système ne se rétablira pas, mais de surcroît il est promis à couler à pic parce qu'il s'est attaqué au sacrilège par excellence, la précellence accordée à la représentation de l'Hyperréel sur le reél pur, simple et impitoyable.
Ce qui est rassurant, quand on examine un tant soit peu sérieusement la version officielle du 911, c'est de constater à quel point il est peu aisé pour l'Hyperreél de trafiquer le réel, de le bidouiller et de le façonner à sa guise. La version officielle du 911 est de ce point de vue réconfortante en ce qu'elle est truffée de mensonges et d'incohérences : au moins est-ce le signe, conjointement au fait que le système s'écroule, que le système de l'Hyperréel n'a pas les moyens de trop insister sur le déni et que la version de la représentation ne parvient à concorder avec le réel qu'au prix de nombreuses invraisemblances et approximations.
Le plus terrible eût été que l'Hyperréel parvienne à remplacer avec avantage le reél. Bonne nouvelle! Si l'on s'attache à examiner quelques versions officielles d'événements troubles, où le système immanentiste, occidentaliste et mondialiste pointe le bout de son nez, on est frappé de constater que la Raison se montre d'autant plus prétentieuse qu'elle est en fait faible et peu fiable. Le pouvoir réel de la Raison est très inférieur au pouvoir démiurgique du réel, à tel point que l'Hyperréel ne peut que mimer de loin le réel.
Prenons le cas de l'assassinat de JFK, épisode dont tout le monde se souvient. Peu de gens en revanche ont vraiment cherché à savoir la vérité, ce qui montre que le déni ne date pas du 911, mais qu'il possède ses lettres de noblesse depuis un bon bout de temps. Ceux qui ont conçu le 911 s'appuyaient sur une longue tradition de manipulations et de coups tordus, dont le 911 n'était jamais que l'acmé en transit. Pourtant, il est obvie pour tout esprit vraiment sérieux que la fameuse balle magique censée avoir traversé de part en (rem)part les deux corps de JFK et du gouverneur du Texas repose sur une version grotesque et ridicule de la réalité.
Si personne n'a réagi à ce moment, alors qu'il en était encore temps, c'est que personne ne voulait changer de l'intérieur un système qui arrangeait tout le monde. Comment s'étonner dès lors de la passivité affligeantes des populations occidentales depuis le 99, elles qui sont exploitées, menées par le bout du nez et bernées, le plus souvent avec leur consentement - pour un brin de tranquillité?
Les contorsions opérées sur le fonctionnement du réel montrent clairement que les événements sont retouchés en fonction des attentes de l'Hyperréel, mais que le reél n'est jamais consulté. A force de plier, il serait logique qu'il cède. Voilà qui n'est nullement le cas : c'est l'Hyperréel qui ploiera, fort bientôt, puisque si l'assassinat de JFK signalait rien de moins que l'effondrement de la démocratie à l'américaine, à l'occidentale et à la libérale, le 911 franchit encore une étape : cette fois, c'est l'effondrement du système dan son intégralité qui est annoncée.
Cette fois toujours, le déni est si impressionnant que le monde se tait, vaque à ses petites occupations morbides et que le silence est la déflagration la plus flagrante du mensonge systémique qui s'est emparé des coeurs, des consciences - et des reins. Il ne faut pas s'étonner du silence qui entoure de sa gangue coupable le 911 comme si l'on prenait le train en marche : les populations sous régime occidentaliste et immanentiste ont été éduquées pour fermer les yeux, leur gueule et ne se préoccuper surtout pas de problèmes politiques. Le système est géré par une caste d'invisibles et d'intouchables et le bon peuple n'est pas loin de considérer que ces affaires, et autres problèmes, ne le concernent pas. On vote de loin en loin, de temps en temps, pour avoir la paix.
Il est plus important de changer les langes, de promener son chien et d'acheter une maison. Il est aussi plus important de bosser comme un âne et de ne jamais trop se poser de questions, mais c'est une affaire aussi sordide que déplacée à évoquer. Sont-ce les seuls terroristes qui osent contester? Ou faut-il conclure que les moutons sont de doux imbéciles? Commencer à parler politique, c'est bien entendu déterrer le cadavre du placard immanentiste. Dans la mentalité immanentiste, on applique, et ce mimétisme servile permet au moins de ne pas se poser la question de la pérennité et de la viabilité du système.
Au final, le 911 achève un cycle, celui du système immanentiste, qui est le mensonge de l'Hyperréel revendiquant sa propagande de substitution ontologique. L'hyperreél croit qu'il peut à loisir et à discrétion susciter le réel et le remplacer au besoin quand le réel est source d'embarras. Mais les versions hyperréelles ne résistent pas au reél parce que la représentation humaine n'est jamais qu'une faculté de création à partir du réel. Selon l'hypertrophie hyperréelle, la représentation est le reél en ce que c'est la représentation qui fait le reél.
Au contraire, il faut opposer à ce kantisme extrémiste et dégénéré, ce postmodernisme qui dénie le reél et la vérité au profit du tout-sens et du tout-représentation, que le réel existe bien en dehors et indépendamment de la représentation et que ce n'est qu'à la suite des fantasmes de toute-puissance et de confort du désir humain que la représentation s'est crue en mesure de remplacer une bonne fois pour toutes le réel. Heureusement, la partie n'est pas le tout et c'est tant mieux : car cette défaite de l'Hyperréel signifie aussi que le hideux 911 ne signale pas la disparition de l'homme, qui coïnciderait avec la disparition du réel, mais le retour du reél comme retour du refoulé et prolongement de l'action humaine - aux confins de l'espace et de l'espèce.

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