D'où vient l'antisémitisme? Il est certain que la réponse à cette question tient aussi au statut si particulier du judaïsme dans le monothéisme et que nous aurons l'occasion de revenir sur cette question épineuse du point de vue du monothéisme. Mais il est certain aussi que l'on ne peut réduire le si vivace et tenace antisémitisme à une lubie de racistes dévoyés, car quand bien même ce serait le cas, ces racistes antisémites réactivent à chaque fois un sentiment millénaire. D'où vient le racisme antisémite sachant qu'il s'agit d'un racisme spécifique?
Pourquoi l'antisémitisme traverse-t-il les âges et les époques, les cultures et les continents? Il n'est pas question de défendre l'antisémitisme, qui pour le coup est indéfendable en tant que racisme. Il n'est même pas question de considérer naïvement que sans le cas spécifique du sionisme, le monde serait meilleur, ou que tout irait bien dans un monde antisioniste. En réalité, les choses sont comme toujours plus complexes, et c'est tant mieux.
Comprendre la prégnance et la récurrence universelles de l'antisémitisme conduit d'autant moins à défendre l'antisémitisme que l'on part d'un postulat inaliénable : les Juifs sont des hommes, ni mieux, ni pire. Dès lors, on peut trouver des raisons essentiellement sociologiques qui expliquent le sentiment récurrent de l'antisémitisme et qui surtout évitent de sombrer dans l'essentialisme fallacieux d'un type de métaphysique dévoyée conduisant à légitimer au nom des pires raisons le racisme et les classifications grotesques.
Il est frappant de constater que le terme antisémite repose sur une erreur car le Sémite ne recoupe certainement pas le seul Juif. Cette erreur encourage la confusion car il est d'autant plus dur de combattre un sentiment par ailleurs diffus que ce sentiment ne porte pas sur un objet précis et localisé. Ce n'est pas tout : sociologiquement, le judaïsme comporte comme tout mouvement culturel et/ou religieux ses explications internes d'extrémisme.
1) En tant que mouvement religieux, le judaïsme accouche ainsi de ses pulsions fondamentalistes comme toutes les religions, en particulier les religions monothéistes.
2) En tant que dénomination de culture ou de peuple, le judaïsme verse aussi dans le nationalisme et toutes se variantes attitrées, que l'on retrouve ainsi dans toutes les cultures à de degrés divers.
Il est certain de ce fait que les développements du judaïsme obéissent à des lois anthropologiques classiques qui ne différencient pas le judaïsme des autres formes de culture et de religion. La spécificité du judaïsme tient certes au rôle du judaïsme dans le mouvement monothéiste, mais pas seulement : il faut aussi inclure la spécificité sociologique du judaïsme à partir de la spécificité religieuse du judaïsme.
En gros, le judaïsme est un monothéisme très particulier, à cheval entre le monothéiste de type universaliste et le polythéisme, et de ce fait il a subi les persécutions, en particulier de la part du monothéisme qui en descend le plus directement chronologiquement, le christianisme. On se souvient des accusations rémanentes de peuple déicide en Occident et des conséquences dramatiques de ces accusations pour les populations juives persécutées.
Il ne faudrait pas minorer l'antisémitisme qui prévaut aussi en terre d'Islam, même si aujourd'hui les musulmans du monde subissent une vague d'islamophobie qui les désignent clairement comme les persécutés contemporains, qui d'une certaine manière auraient pris la place de boucs émissaires des Juifs d'hier, dans le mouvement monothéiste en particulier. Toujours est-il que c'est du fait de cette exclusion de type religieux que l'on peut sociologiquement et anthropologiquement expliquer la prédominance de certaines catégories de Juifs dans les cercles les plus influents économiques du commerce, de la finance et de la banque. La légende du Juif usurier est certes hideuse, mais il serait dangereux pour la compréhension et l'éradication de cette haine populaire viscérale que de la faire seulement reposer sur des causes spéculatives et illusoires.
Le problème de l'antisémitisme tient surtout au fait qu'il universalise à tous les Juifs une réalité qui n'est l'apanage que de quelques segments et factions provenant des communautés juives du monde. Autrement dit : la présence dans les circuits de l'économie de certains courants du judaïsme s'explique avant tout par le rejet des Juifs. On pourrait gloser avec intérêt sur la correspondance significative entre le rejet religieux et le refuge économique.
Comme si la catégorie de l'économie était réservée d'ores et déjà à des catégories de populations qui sont soumises au rejet et à ce que j'ai nommé l'identité différante avec cette idée que la différance refuse l'identité comme coordonnées spatio-temporelles. Il serait hâtif de penser que c'est le judaïsme en tant que religion ou culture qui se trouve attiré vers les sphères de l'économie. Certaines catégories du judaïsme tirent profit dans tous les sens du terme du rejet religieux.
Ces catégories sont parfaitement conséquentes. Il est tout à fait normal qu'elles recoupent les catégories du fondamentalisme juif et pas seulement du fondamentalisme de type religieux. Les composantes les plus nationalistes et les moins religieuses de la culture juive se trouvent également incorporées à ce mouvement. Il suffit de comprendre que le rejet religieux cristallise ainsi en réaction et réponse la réunion paradoxale et au premier abord contre-nature de toutes les factions rejetées à l'intérieur du judaïsme qui accordent la primauté à l'avoir sur l'être.
C'est ici que la nuance et la distinction sont des armes capitales pour comprendre en même temps qu'il est toujours plus facile de recourir à des outils conceptuels amalgamants comme le racisme pour fournir des clés d'interprétation simplistes et réductrices des évènements. Ce ne sont pas les Juifs du fait de leur judéité qui seraient l'ennemi des hommes et des sociétés. Ce réflexe nauséabond de rejet ne fait que s'ancrer à partir du rejet premier dont les Juifs sont les victimes. Les majoritaires rejettent ainsi les rejetés, dans un mouvement de double rejet qui en dit long sur les moyens de masquer le bouc émissaire et de rendre son mécanisme sain et légitime.
Il faut comprendre que le rejet s'opère de l'être vers l'avoir et qu'au départ les sphères de l'économique se trouvent dévalorisées par le rejet même. Les sphères de l'économique sont occupées par ceux qui sont rejetés de l'être et qui sont conduits à occuper les strapontins péjoratifs et dégradants de l'avoir. Tous les domaines économiques sont des dégradations de l'être, de la culture et de la religion en tant qu'ils relèvent de la possession et des activités humaines cadrant avec la possession.
Tous les mouvements fondamentalistes et nationalistes sont attirés de ce fait par la possession et par le sensible, non par haine de l'être, mais surtout par rejet. Egalement parce que l'avoir est le plus sûr moyen de s'assurer de la possession de l'être, pensée paradoxale en un sens, mais qui garantit aussi au fondamentalisme et à tous les mouvements en quête de certitude la sûreté de l'avoir en comparaison du caractère vague et spéculatif de l'être.
C'est parce que les Juifs sont victimes du rejet religieux du fait de leur position monothéiste paradoxale et ambivalente que les courants extrémistes du judaïsme se réfugient dans la certitude de l'avoir. Et cet avoir est essentiellement exprimé par l'économique. Dès lors, les préjugés populaires ont tôt fait d'assimiler les Juifs aux usuriers, alors que le rejet insufflé par le monothéisme universaliste envers son ancêtre judaïque a conduit seulement certains courants extrémistes à occuper l'espace de l'avoir de type économique (et ses ramifications bancaires mondialisées). Non pas pour des raisons premières de cupidité et de vilénie, mais simplement pour faire face au rejet.
L'espace de la différance économique est ainsi occupé en réponse au rejet comme renvoi vers le néant pur et simple. La compréhension de ce processus sociologique et anthropologique conduit certainement à condamner les mouvements extrémistes qui sont à l'oeuvre derrière les cercles et les circuits de la haute finance et de la banque mondiale, mais certainement pas à recourir à des anathèmes racistes comme l'antisémitisme.
Tout au contraire remarque-t-on que l'explication par le rejet permet de différencier le judaïsme des mouvements extrémistes du judaïsme, mais en sus d'ajouter d'autres composantes extrémistes que les seules composantes extrémistes juives. C'est ainsi que l'on note historiquement et comme par enchantement que les composantes extrémistes issues du rejet chrétien majoritaire en terre européenne, les protestants, se retrouvent aussi étroitement associés aux circuits économiques, en particulier la haute finance et la banque.
Comme de juste, c'est le rejet qui conduit à cette primauté de l'avoir sur l'être et c'est surtout auprès des courants extrémistes des rejetés que se recrutent les meilleurs valets et les soldats les plus convaincus de l'avoir triomphaliste et désespéré. La présence des fondamentalistes protestants suffit à montrer que ce n'est pas le fait du judaïsme si les factions extrémistes juives sont si bien représentées à l'intérieur des sphères économiques. L'antisémitisme n'est pas plus justifié/justifiable que n'importe quelle forme de racisme.
Aujourd'hui que l'on assiste à l'alliance objective à l'intérieur du monde anglo-saxon entre les extrémistes protestants et les extrémistes juifs, il en faut pas s'étonner de ces raccourcis qui permettent d'interpréter le cours des évènements en parant au plus pressé et en évitant les difficultés conceptuelles. Pour autant, l'alliance du monde protestant et du monde juif est historiquement avérée et il serait à cet égard extrêmement intéressant de relever toutes les références bibliques qui rapprochent les extrémistes protestants et les extrémistes juifs.
Je pense notamment aux nombreuses références qui donneront l'occasion aux protestants (un peu) illuminés de comparer leur exode vers les Amériques au sort des Juifs sortant d'Égypte et regagnant la Terre promise (épisode identique avec les protestants hollandais et/ou anglais en Afrique du Sud et/ou Rhodésie). L'alliance des rejetés du monothéisme (les Juifs) et des rejetés du christianisme (les protestants) est historiquement avérée, même s'il faut y ajouter une nouvelle nuance de plus et constater que l'alliance concerne surtout les franges les plus extrémistes des deux communautés (elles-mêmes scindées en de multiples et complexes fractions).
Si bien que je vois deux grandes catégories à préciser pour comprendre cette alliance et pour pénétrer les arcanes de l'antisémitisme :
1) le rejet comme catégorie essentielle de la différance;
2) l'alliance surprenante au premier abord du fondamentalisme religieux et du nationalisme politique et populaire.
Dès lors, on comprend pourquoi les circuits du fondamentalisme et du nationalisme tendent vers les circuits de la haute finance et de la banque, qu'ils soient des juifs, des chrétiens ou des musulmans. Que l'on constate ainsi que les milliardaires saoudiens ou ceux tribalement affiliés du Golfe arborent le plus souvent une mentalité islamiste wahhabite typiquement fondamentaliste et qu'ils cristallisent de manière presque caricaturale l'hédonisme occidentaliste le plus vulgaire et le respect le plus littéraliste de leurs principes religieux.
C'est ainsi qu'à l'aune de ces principes les nationalistes et les fondamentalistes juifs sont une sorte de saint dans le saint à l'intérieur du giron des rejetés. Ils forment de ce fait l'épicentre de l'immanentisme, quelque chose qui s'approche d'une bulle financière ou sociale. Ils sont en termes religieux les rejetés parmi les rejetés et cette malédiction devient presque une bénédiction pour peu qu'on la déchiffre du point de vue des intérêts économiques.
C'est-à-dire qu'historiquement l'économique a toujours constitué un activité d'autant plus essentielle qu'elle demeurait prohibée, proscrite et mise à l'index. Dans la morale transcendantale, l'avoir est primordial, mais en même temps il constitue un péril certain et de ce fait il encourage l'hypocrisie. Si on ferme les yeux sur les activités économiques nécessaires et incontournables, dans le même temps on les met à distance et on les réserve aux bannis et aux proscrits.
Le jour où le transcendantalisme rentre en crise, l'immanentisme surgit comme système et mentalité de crise et c'est lorsque le système de crise se présente comme alternative mensongère et viable que les anciens proscrits prennent le pouvoir. Les banquiers autrefois maudits et puissants (ambivalence transcendantale) sont aujourd'hui les princes de l'ombre (par référence au famélique Prince des ténèbres R. Perle). Ils tirent les ficelles du haut de leur pyramide. Si bien que les fondamentalistes et les nationalistes se retrouvent au pouvoir au moment où croule le système et que leurs méthodes ne peuvent qu'accentuer et accélérer l'effondrement en cours.
Précisons qu'ils ne maîtrisent rien et qu'ils ne comprenennt pas le fonctionnement profond des rouages du système. S'ils comprenaient d'ailleurs, il cesseraient immédiatement leurs exactions en tant qu'actions dévoyées et destructrices. Ils s'adaptent comme ils peuvent à la crise en appliquant des méthodes de crise inadaptées et fondées sur le court terme (bornées). Il faut constater le déplacement de l'antisémitisme. Appliqué jusqu'alors aux maudits par la majorité bien-pensante, il devient le ressentiment des masses contre les nouveaux nantis. Dans les deux cas, les dominants économiques ont toujours disposé d'une réputation de riches en avoirs et ont suscité de ce fait la jalousie.
A l'époque du transcendantalisme, cette domination par les avoirs était paradoxale puisqu'elle suscitait une jalousie matinée de répulsion. On enviait en quelque sorte l'objet du péché et de la malédiction, quelque chose comme le fruit du désir maudit. Aujourd'hui que l'on cherche à déculpabiliser à tout va le désir, le ressentiment contre les banquiers du système immanentiste ne va plus connaître de limite à mesure que les populations, qui sont tout sauf sottes, découvriront avec certitude que ce sont les financiers qui sont les responsables et les garants de la crise (à l'insu de leur plein gré?).
Les banquiers et les financiers seront bientôt les nouvelles résurgences et incarnations du mal, d'autant plus lynchables à merci que toute transcendance est interdite. De ce fait, la collusion entre l'univers de la finance et l'univers du judaïsme (par le prisme de l'extrémisme rassemblant les nationalistes et les fondamentalistes) suscitera une vague d'antisémitisme qui ne fait que commencer à poindre.
Il est totalement fallacieux d'estimer que l'antisémitisme ne repose sur aucun fondement. C'est l'inverse qui est vrai : l'antisémitisme prend sa source dans cette collusion initiale avérée de l'antisémitisme classique et de l'antisémitisme moderne. Le seul problème comme toujours est le processus de l'amalgame qui conduit à universaliser et essentialiser la responsabilité sur tous les Juifs en tant que tels en oubliant la distinction entre certaines factions extrémistes juives et l'ensemble des communautés juives.
Évidemment, le simple rappel de cette distinction suffit à abolir à tout jamais l'antisémitisme mais il n'est pas possible d'empêcher les amalgames tant la soif de boucs émissaires est grande chez les populations qui ont besoin de trouver des responsables aux problèmes et aux maux qu'elles supportent et subissent. Il est excellent pour finir d'ajouter une nouvelle distinction supplémentaire en rappelant que ce sont les extrémistes rejetés qui tendent à fournir le gros du bataillon des circuits, coteries et factions de l'économique et que ce n'est seulement que du haut de leur statut de rejetés parmi les rejetés que les Juifs subissent une telle réputation d'usuriers et de maudits en proie aux pulsions les plus diaboliques.
Non seulement l'antisémitisme s'explique et se comprend très bien, mais il est en gros la réponse simpliste et fausse que l'on apporte à un problème qui vous dépasse et que vous ne parvenez à résoudre de manière rapide et directe. Car pour résoudre le problème il faudrait considérer qu'il tient au système dans son ensemble et au fonctionnement du système. Résoudre l'antisémitisme, c'est non seulement s'attaquer au vrai visage de la crise immanentiste, mais de surcroît interroger les racines du monothéisme et le passage du polythéisme au monothéisme dans le transcendantalisme.
Tout un programme chargé et copieux, qui a de quoi rebuter l'esprit le plus tenace et qui explique en grande partie pourquoi la pensée préfère s'orienter vers des solutions réductrices comme les théories racistes stupides et détestables. Pourtant, on peut expliquer l'implication des courants juifs extrémistes et dénoncer ces courants spécifiques sans sombrer à aucun moment dans l'essentialisme raciste et dans l'antisémitisme caractérisé. Pour ce faire, il faut réussir à penser le transcendantalisme et à en tisser la genèse tarabiscotée et fascinante.
Pourquoi l'antisémitisme traverse-t-il les âges et les époques, les cultures et les continents? Il n'est pas question de défendre l'antisémitisme, qui pour le coup est indéfendable en tant que racisme. Il n'est même pas question de considérer naïvement que sans le cas spécifique du sionisme, le monde serait meilleur, ou que tout irait bien dans un monde antisioniste. En réalité, les choses sont comme toujours plus complexes, et c'est tant mieux.
Comprendre la prégnance et la récurrence universelles de l'antisémitisme conduit d'autant moins à défendre l'antisémitisme que l'on part d'un postulat inaliénable : les Juifs sont des hommes, ni mieux, ni pire. Dès lors, on peut trouver des raisons essentiellement sociologiques qui expliquent le sentiment récurrent de l'antisémitisme et qui surtout évitent de sombrer dans l'essentialisme fallacieux d'un type de métaphysique dévoyée conduisant à légitimer au nom des pires raisons le racisme et les classifications grotesques.
Il est frappant de constater que le terme antisémite repose sur une erreur car le Sémite ne recoupe certainement pas le seul Juif. Cette erreur encourage la confusion car il est d'autant plus dur de combattre un sentiment par ailleurs diffus que ce sentiment ne porte pas sur un objet précis et localisé. Ce n'est pas tout : sociologiquement, le judaïsme comporte comme tout mouvement culturel et/ou religieux ses explications internes d'extrémisme.
1) En tant que mouvement religieux, le judaïsme accouche ainsi de ses pulsions fondamentalistes comme toutes les religions, en particulier les religions monothéistes.
2) En tant que dénomination de culture ou de peuple, le judaïsme verse aussi dans le nationalisme et toutes se variantes attitrées, que l'on retrouve ainsi dans toutes les cultures à de degrés divers.
Il est certain de ce fait que les développements du judaïsme obéissent à des lois anthropologiques classiques qui ne différencient pas le judaïsme des autres formes de culture et de religion. La spécificité du judaïsme tient certes au rôle du judaïsme dans le mouvement monothéiste, mais pas seulement : il faut aussi inclure la spécificité sociologique du judaïsme à partir de la spécificité religieuse du judaïsme.
En gros, le judaïsme est un monothéisme très particulier, à cheval entre le monothéiste de type universaliste et le polythéisme, et de ce fait il a subi les persécutions, en particulier de la part du monothéisme qui en descend le plus directement chronologiquement, le christianisme. On se souvient des accusations rémanentes de peuple déicide en Occident et des conséquences dramatiques de ces accusations pour les populations juives persécutées.
Il ne faudrait pas minorer l'antisémitisme qui prévaut aussi en terre d'Islam, même si aujourd'hui les musulmans du monde subissent une vague d'islamophobie qui les désignent clairement comme les persécutés contemporains, qui d'une certaine manière auraient pris la place de boucs émissaires des Juifs d'hier, dans le mouvement monothéiste en particulier. Toujours est-il que c'est du fait de cette exclusion de type religieux que l'on peut sociologiquement et anthropologiquement expliquer la prédominance de certaines catégories de Juifs dans les cercles les plus influents économiques du commerce, de la finance et de la banque. La légende du Juif usurier est certes hideuse, mais il serait dangereux pour la compréhension et l'éradication de cette haine populaire viscérale que de la faire seulement reposer sur des causes spéculatives et illusoires.
Le problème de l'antisémitisme tient surtout au fait qu'il universalise à tous les Juifs une réalité qui n'est l'apanage que de quelques segments et factions provenant des communautés juives du monde. Autrement dit : la présence dans les circuits de l'économie de certains courants du judaïsme s'explique avant tout par le rejet des Juifs. On pourrait gloser avec intérêt sur la correspondance significative entre le rejet religieux et le refuge économique.
Comme si la catégorie de l'économie était réservée d'ores et déjà à des catégories de populations qui sont soumises au rejet et à ce que j'ai nommé l'identité différante avec cette idée que la différance refuse l'identité comme coordonnées spatio-temporelles. Il serait hâtif de penser que c'est le judaïsme en tant que religion ou culture qui se trouve attiré vers les sphères de l'économie. Certaines catégories du judaïsme tirent profit dans tous les sens du terme du rejet religieux.
Ces catégories sont parfaitement conséquentes. Il est tout à fait normal qu'elles recoupent les catégories du fondamentalisme juif et pas seulement du fondamentalisme de type religieux. Les composantes les plus nationalistes et les moins religieuses de la culture juive se trouvent également incorporées à ce mouvement. Il suffit de comprendre que le rejet religieux cristallise ainsi en réaction et réponse la réunion paradoxale et au premier abord contre-nature de toutes les factions rejetées à l'intérieur du judaïsme qui accordent la primauté à l'avoir sur l'être.
C'est ici que la nuance et la distinction sont des armes capitales pour comprendre en même temps qu'il est toujours plus facile de recourir à des outils conceptuels amalgamants comme le racisme pour fournir des clés d'interprétation simplistes et réductrices des évènements. Ce ne sont pas les Juifs du fait de leur judéité qui seraient l'ennemi des hommes et des sociétés. Ce réflexe nauséabond de rejet ne fait que s'ancrer à partir du rejet premier dont les Juifs sont les victimes. Les majoritaires rejettent ainsi les rejetés, dans un mouvement de double rejet qui en dit long sur les moyens de masquer le bouc émissaire et de rendre son mécanisme sain et légitime.
Il faut comprendre que le rejet s'opère de l'être vers l'avoir et qu'au départ les sphères de l'économique se trouvent dévalorisées par le rejet même. Les sphères de l'économique sont occupées par ceux qui sont rejetés de l'être et qui sont conduits à occuper les strapontins péjoratifs et dégradants de l'avoir. Tous les domaines économiques sont des dégradations de l'être, de la culture et de la religion en tant qu'ils relèvent de la possession et des activités humaines cadrant avec la possession.
Tous les mouvements fondamentalistes et nationalistes sont attirés de ce fait par la possession et par le sensible, non par haine de l'être, mais surtout par rejet. Egalement parce que l'avoir est le plus sûr moyen de s'assurer de la possession de l'être, pensée paradoxale en un sens, mais qui garantit aussi au fondamentalisme et à tous les mouvements en quête de certitude la sûreté de l'avoir en comparaison du caractère vague et spéculatif de l'être.
C'est parce que les Juifs sont victimes du rejet religieux du fait de leur position monothéiste paradoxale et ambivalente que les courants extrémistes du judaïsme se réfugient dans la certitude de l'avoir. Et cet avoir est essentiellement exprimé par l'économique. Dès lors, les préjugés populaires ont tôt fait d'assimiler les Juifs aux usuriers, alors que le rejet insufflé par le monothéisme universaliste envers son ancêtre judaïque a conduit seulement certains courants extrémistes à occuper l'espace de l'avoir de type économique (et ses ramifications bancaires mondialisées). Non pas pour des raisons premières de cupidité et de vilénie, mais simplement pour faire face au rejet.
L'espace de la différance économique est ainsi occupé en réponse au rejet comme renvoi vers le néant pur et simple. La compréhension de ce processus sociologique et anthropologique conduit certainement à condamner les mouvements extrémistes qui sont à l'oeuvre derrière les cercles et les circuits de la haute finance et de la banque mondiale, mais certainement pas à recourir à des anathèmes racistes comme l'antisémitisme.
Tout au contraire remarque-t-on que l'explication par le rejet permet de différencier le judaïsme des mouvements extrémistes du judaïsme, mais en sus d'ajouter d'autres composantes extrémistes que les seules composantes extrémistes juives. C'est ainsi que l'on note historiquement et comme par enchantement que les composantes extrémistes issues du rejet chrétien majoritaire en terre européenne, les protestants, se retrouvent aussi étroitement associés aux circuits économiques, en particulier la haute finance et la banque.
Comme de juste, c'est le rejet qui conduit à cette primauté de l'avoir sur l'être et c'est surtout auprès des courants extrémistes des rejetés que se recrutent les meilleurs valets et les soldats les plus convaincus de l'avoir triomphaliste et désespéré. La présence des fondamentalistes protestants suffit à montrer que ce n'est pas le fait du judaïsme si les factions extrémistes juives sont si bien représentées à l'intérieur des sphères économiques. L'antisémitisme n'est pas plus justifié/justifiable que n'importe quelle forme de racisme.
Aujourd'hui que l'on assiste à l'alliance objective à l'intérieur du monde anglo-saxon entre les extrémistes protestants et les extrémistes juifs, il en faut pas s'étonner de ces raccourcis qui permettent d'interpréter le cours des évènements en parant au plus pressé et en évitant les difficultés conceptuelles. Pour autant, l'alliance du monde protestant et du monde juif est historiquement avérée et il serait à cet égard extrêmement intéressant de relever toutes les références bibliques qui rapprochent les extrémistes protestants et les extrémistes juifs.
Je pense notamment aux nombreuses références qui donneront l'occasion aux protestants (un peu) illuminés de comparer leur exode vers les Amériques au sort des Juifs sortant d'Égypte et regagnant la Terre promise (épisode identique avec les protestants hollandais et/ou anglais en Afrique du Sud et/ou Rhodésie). L'alliance des rejetés du monothéisme (les Juifs) et des rejetés du christianisme (les protestants) est historiquement avérée, même s'il faut y ajouter une nouvelle nuance de plus et constater que l'alliance concerne surtout les franges les plus extrémistes des deux communautés (elles-mêmes scindées en de multiples et complexes fractions).
Si bien que je vois deux grandes catégories à préciser pour comprendre cette alliance et pour pénétrer les arcanes de l'antisémitisme :
1) le rejet comme catégorie essentielle de la différance;
2) l'alliance surprenante au premier abord du fondamentalisme religieux et du nationalisme politique et populaire.
Dès lors, on comprend pourquoi les circuits du fondamentalisme et du nationalisme tendent vers les circuits de la haute finance et de la banque, qu'ils soient des juifs, des chrétiens ou des musulmans. Que l'on constate ainsi que les milliardaires saoudiens ou ceux tribalement affiliés du Golfe arborent le plus souvent une mentalité islamiste wahhabite typiquement fondamentaliste et qu'ils cristallisent de manière presque caricaturale l'hédonisme occidentaliste le plus vulgaire et le respect le plus littéraliste de leurs principes religieux.
C'est ainsi qu'à l'aune de ces principes les nationalistes et les fondamentalistes juifs sont une sorte de saint dans le saint à l'intérieur du giron des rejetés. Ils forment de ce fait l'épicentre de l'immanentisme, quelque chose qui s'approche d'une bulle financière ou sociale. Ils sont en termes religieux les rejetés parmi les rejetés et cette malédiction devient presque une bénédiction pour peu qu'on la déchiffre du point de vue des intérêts économiques.
C'est-à-dire qu'historiquement l'économique a toujours constitué un activité d'autant plus essentielle qu'elle demeurait prohibée, proscrite et mise à l'index. Dans la morale transcendantale, l'avoir est primordial, mais en même temps il constitue un péril certain et de ce fait il encourage l'hypocrisie. Si on ferme les yeux sur les activités économiques nécessaires et incontournables, dans le même temps on les met à distance et on les réserve aux bannis et aux proscrits.
Le jour où le transcendantalisme rentre en crise, l'immanentisme surgit comme système et mentalité de crise et c'est lorsque le système de crise se présente comme alternative mensongère et viable que les anciens proscrits prennent le pouvoir. Les banquiers autrefois maudits et puissants (ambivalence transcendantale) sont aujourd'hui les princes de l'ombre (par référence au famélique Prince des ténèbres R. Perle). Ils tirent les ficelles du haut de leur pyramide. Si bien que les fondamentalistes et les nationalistes se retrouvent au pouvoir au moment où croule le système et que leurs méthodes ne peuvent qu'accentuer et accélérer l'effondrement en cours.
Précisons qu'ils ne maîtrisent rien et qu'ils ne comprenennt pas le fonctionnement profond des rouages du système. S'ils comprenaient d'ailleurs, il cesseraient immédiatement leurs exactions en tant qu'actions dévoyées et destructrices. Ils s'adaptent comme ils peuvent à la crise en appliquant des méthodes de crise inadaptées et fondées sur le court terme (bornées). Il faut constater le déplacement de l'antisémitisme. Appliqué jusqu'alors aux maudits par la majorité bien-pensante, il devient le ressentiment des masses contre les nouveaux nantis. Dans les deux cas, les dominants économiques ont toujours disposé d'une réputation de riches en avoirs et ont suscité de ce fait la jalousie.
A l'époque du transcendantalisme, cette domination par les avoirs était paradoxale puisqu'elle suscitait une jalousie matinée de répulsion. On enviait en quelque sorte l'objet du péché et de la malédiction, quelque chose comme le fruit du désir maudit. Aujourd'hui que l'on cherche à déculpabiliser à tout va le désir, le ressentiment contre les banquiers du système immanentiste ne va plus connaître de limite à mesure que les populations, qui sont tout sauf sottes, découvriront avec certitude que ce sont les financiers qui sont les responsables et les garants de la crise (à l'insu de leur plein gré?).
Les banquiers et les financiers seront bientôt les nouvelles résurgences et incarnations du mal, d'autant plus lynchables à merci que toute transcendance est interdite. De ce fait, la collusion entre l'univers de la finance et l'univers du judaïsme (par le prisme de l'extrémisme rassemblant les nationalistes et les fondamentalistes) suscitera une vague d'antisémitisme qui ne fait que commencer à poindre.
Il est totalement fallacieux d'estimer que l'antisémitisme ne repose sur aucun fondement. C'est l'inverse qui est vrai : l'antisémitisme prend sa source dans cette collusion initiale avérée de l'antisémitisme classique et de l'antisémitisme moderne. Le seul problème comme toujours est le processus de l'amalgame qui conduit à universaliser et essentialiser la responsabilité sur tous les Juifs en tant que tels en oubliant la distinction entre certaines factions extrémistes juives et l'ensemble des communautés juives.
Évidemment, le simple rappel de cette distinction suffit à abolir à tout jamais l'antisémitisme mais il n'est pas possible d'empêcher les amalgames tant la soif de boucs émissaires est grande chez les populations qui ont besoin de trouver des responsables aux problèmes et aux maux qu'elles supportent et subissent. Il est excellent pour finir d'ajouter une nouvelle distinction supplémentaire en rappelant que ce sont les extrémistes rejetés qui tendent à fournir le gros du bataillon des circuits, coteries et factions de l'économique et que ce n'est seulement que du haut de leur statut de rejetés parmi les rejetés que les Juifs subissent une telle réputation d'usuriers et de maudits en proie aux pulsions les plus diaboliques.
Non seulement l'antisémitisme s'explique et se comprend très bien, mais il est en gros la réponse simpliste et fausse que l'on apporte à un problème qui vous dépasse et que vous ne parvenez à résoudre de manière rapide et directe. Car pour résoudre le problème il faudrait considérer qu'il tient au système dans son ensemble et au fonctionnement du système. Résoudre l'antisémitisme, c'est non seulement s'attaquer au vrai visage de la crise immanentiste, mais de surcroît interroger les racines du monothéisme et le passage du polythéisme au monothéisme dans le transcendantalisme.
Tout un programme chargé et copieux, qui a de quoi rebuter l'esprit le plus tenace et qui explique en grande partie pourquoi la pensée préfère s'orienter vers des solutions réductrices comme les théories racistes stupides et détestables. Pourtant, on peut expliquer l'implication des courants juifs extrémistes et dénoncer ces courants spécifiques sans sombrer à aucun moment dans l'essentialisme raciste et dans l'antisémitisme caractérisé. Pour ce faire, il faut réussir à penser le transcendantalisme et à en tisser la genèse tarabiscotée et fascinante.
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