L'identité suppose la compréhension du mécanisme de la responsabilité. Il est impossible de fonder l'identité sur l'individualité. L'individu est l'indivisible. On pourrait estimer que cette indivision est fort pratique pour trouver un fondement. Pourtant, les recherches métaphysiques d'un Aristote l'amènent à se demander où se situe la forme véritable : dans l'individu ou dans l'espèce?
Il est primordial de comprendre qu'on ne peut construire l'identité sur l'individu. Celui-ci est trop incomplet, trop insuffisant. Dans l'hypothétique état de nature, l'individu disparaîtrait dans le mois comme une espèce tarée et ratée; tandis qu'en société, animal politique, l'homme est le plus puissant des animaux connus.
Sur quel élément repose la supériorité humaine? L'homme et un animal politique/collectif parce que sa force découle de sa capacité à faire sens. Le sens en progression est l'apanage de l'homme. Les autres espèces animales sont quasiment bloquées dans un donné qui empêchent leur progression.
On peut séparer les animaux en ceux qui vivent en individus et ceux qui vivent en espèce. Les individus fondent leur force sur leurs qualités individuelles, quand les groupes sont plus forts en tant que groupes. L'individu est ainsi celui qui se révèle le plus complet possible quand sa complétude n'a pas besoin du groupe. Le regroupement suppose une meilleure complétude.
Les qualités individuelles qui ne nécessitent pas de dépasser l'individu pour fonder le groupe sont les qualités qui reposent sur la force physique. C'est dire que le regroupement devient inutile quand l'échange est le moins prégnant. Plus les qualités sont fondées sur le physique, plus le donné est stable et assuré. Une espèce qui fonde sa pérennité sur la force est une espèce qui se situe dans le domaine physique, soit dans le donné le plus stable et le moins changeant.
Les espèces collectives sont les espèces qui ont un autre système de référence que le physique. Ce n'est pas que le physique n'existe pas, c'est que le physique n'est pas le fondement du reél. D'ailleurs ces espèces sont plus capables d'adaptation et de pérennité que les espèces qui obéissent à un donné immuable et purement physique, aussi bien dotées soient-elles dans ces domaines.
Les espèces collectives mutualisent, pourrait-on suggérer; autre manière d'expliquer que la force physique est dépassée par la force collective, soit par la réunion et l'entraide. Ces qualités collectives signifient simplement qu'elles s'appuient sur l'approfondissement de l'échange. La nature n'est plus seulement simplement donnée une bonne fois pour toutes.
La nature est ce qui se transforme. Le donné est ce qui se transforme. La transformation est cependant limitée et finie, puisqu'elle s'arrête au collectif. Une fois le groupe formé, le donné est constitué et le changement s'arrête. C'est un changement fini et un changement prévisible.
Néanmoins cette capacité de changement plus grande implique la compréhension des mécanismes de l'échange, soit le fait que le fini se forme à partir de l'absolu, soit le fait aussi que le reél ne se limite pas au fini. C'est à l'aune de la notion d'échange que l'on comprend la répartition animale. Le donné est cependant à chaque fois clôturé, ce qui donne à l'espèce humaine une différence très nette : l'homme est le seul animal à sans cesse progresser, transformer et évoluer, comme si son donné était nettement moins stable et arrêté que les autres donnés animaux ou comme si sa spécificité animale consistait à sans cesse évoluer.
C'est au niveau de l'échange que l'homme diffère des autres animaux : l'animal individuel considère l'échange comme donné dès le départ. L'animal collectif considère que le donné est stable à partir de son élaboration partagée. L'homme ne cesse de se développer. C'est dire que l'interrogation d'Aristote se mesure grâce à ce mystère du développement.
Pourquoi diantre l'homme est-il le seul animal à se développer sans cesse? Qu'a-t-il saisi dans l'échange que les autres animaux n'aient pas saisi? Disons pour commencer que l'homme est le seul animal à présenter du religieux, c'est-à-dire à signifier que le divin existe et qu'il n'existe pas d'humain sans divin.
Cette formule est si vraie que l'homme est le seul animal à être en contact avec le divin. Qu'est-ce que le divin? Le divin renvoie à la complétude, mais aussi à l'idée qu'il existe un autre réel que le sensible ou le fini. Le jumeau de l'homme n'est autre que le divin. C'est dire que si l'homme est le seul à avoir accès au divin, il est le seul à deviner qu'il existe un autre réel que le donné.
Les autres animaux vivent dans le donné. Si l'homme est capable de modifier continuellement son donné, également de manière progressive, c'est qu'il a accès à ce qui modifie le donné et qui n'est pas le donné : je veux parler du reél absolu ou de l'infini. Autrement dit, les autres animaux n'ont pas accès à l'absolu. Les animaux collectifs pourraient laisser penser qu'ils ont accès à l'absolu, parce qu'ils changent leur donné, mais ils ne le changent que de manière stéréotypée et toujours finie.
L'absolu est l'élément qui permet la différence continuelle. La différence répétée ou stéréotypée n'est jamais qu'une variante du fini donné une fois pour toutes. Il est éclatant de constater que l'individu est l'indivision en ce que cette indivision se situe sur le terrain de la pure finitude.
L'individu est individu sur le terrain du fini. C'est la raison pour laquelle toute considération de cette indivision montre qu'elle accorde la prévalence de sa conception ontologique à la finitude, avec de manière extrême et en toile de fond l'immanentisme, soit le fait d'aller jusqu'à considérer que le seul reél se réduit au fini.
Finalement, la conception selon laquelle le fondement serait l'individu en ce que l'individu est l'expression de l'indivisible, cette croyance repose sur l'idée que la détermination ultime du réel renvoie au fini. L'identité est complète ou est satisfaisante si elle désigne l'individu comme le fondement qui qualifie la forme parfaite et complète.
Dès lors, tout processus qui tente de former un groupe obéit à une logique qui comprend que l'individu n'est jamais le fondement que du fini et que le fini n'équivaut en aucun cas au réel. Toute forme d'intelligence qui cerne que le fini n'est qu'une dimension du reél, et nullement le reél, est amenée à chercher à dépasser l'individu en ce que l'indivision ici en question est une indivision purement finie - dans tous les sens du terme.
Croître en puissance et en pérennité amène nécessairement à s'unir et à dépasser l'individu. D'ailleurs, les espèces qui vivent en individus fondent leur pérennité et leurs atouts sur des attributs physiques, soit sensibles et finis. Il est certain que les animaux sont des espèces qui se meuvent dans le fini. De ce point de vue, la grande différence entre les espèces collectives et les espèces individuelles tient davantage à une autre gestion du donné qu'à une différence qualitative de connaissance du réel.
L'espèce collective se meut dans le donné, mais elle a compris que la gestion du donné était plus simple en groupe que seule. C'est ainsi qu'on arrive à des paradoxes seulement apparents selon lesquels les fourmis en groupe sont bien plus fortes qu'un animal aussi redoutable en tant qu'individu qu'un prédateur du type léopard ou guépard. En vivant en groupes, les fourmis, les termites ou d'autres insectes dont j'ignore tout, étant fort peu au parfum des sciences éthologiques, sont en fait bien plus fortes que le seul lion, poru en citer que ce prédateur emblématique de la force et de la puissance physiques, au point que les fables et les légendes populaires ont pris pour coutume d'en faire le roi des animaux.
Il serait présomptueux et un brin niais de préjuger que les fourmis, pour aussi complexes et subtiles qu'elles soient, aient vent de l'absolu. N'exagérons pas, un peu comme ces grands-mères qui, la solitude ou la gâtisme venant, en oublient le bon sens et s'adressent à leur chien avec des emportements et des luxes d'anthropomorphisme, persuadées que le vieux clébard replet ou le caniche aussi roi que nain présentent les facultés pour suivre un raisonnement politique.
Quittons ces dérives aussi consternantes que comiques : les fourmis sont indubitablement des animaux collectifs et certains auteurs à succès, ni aussi nuls qu'on le prétend parfois, ni aussi incompris qu'ils se sentent en réaction, ont beau jeu de rappeler que les fourmis remplaceraient avec bonheur l'homme en cas de disparition de notre espèce. Pour autant, le caractère collectif des fourmis n'induit nullement que l'homme soit un animal collectif comme les fourmis.
Il est capital de rappeler, contre les anthropomorphismes et les rapprochements fâcheux, que l'homme diffère des autres espèces animales et qu'en particulier il diffère sur le point crucial de la conception du donné, de l'absolu et du réel. Les animaux collectifs présentent certes une approche du donné plus riche et plus approfondie, mais elle n'en demeure pas moins rivée au donné. Les fourmis ne sont pas capables de concevoir l'absolu. Ce qui les pousse à l'élaboration de leur groupe, à la vie sociale, c'est la compréhension que el donné peut se transformer plus aisément en groupe que seules.
De ce point de vue, leur faiblesse est une force, comme les défaites sont les plus profonds enseignements. On a coutume, avec raison, de constater que trop souvent, et de manière incompréhensible, les succès les plus éclatants accouchent des résultats les plus décevants et des défaites les plus irrémédiables. C'est ainsi que tel vainqueur, loin de profiter de sa victoire pour se bonifier ou s'améliorer, manifeste une mentalité de petit rentier minable et mesquin, qui, sans qu'il s'en avise, le fait stagner et régresser vers la médiocrité et l'arrivisme.
Les grands prédateurs, ainsi du lion symboliquement, mais aussi d'autres animaux dotés d'une force impressionnante et de qualités physiques exceptionnelles, vivent sur leurs acquis comme l'on dit, et au final se révèlent moins viables et pérennes que ceux qui ont été contraints de trouver des solutions plus ingénieuses et plus fouillées du fait de leur faiblesse constitutive et originelle.
Les fourmis ont compris, du ait de leur limite physique, que la réunion et la constitution du groupe leur conféraient une puissance sur leur environnement que même les animaux les plus forts ne pouvaient espérer individuellement. Mais les fourmis ont compris cette avancée décisive du fait de leur faiblesse, nullement du fait de leur compréhension plus approfondie du reél. Ce serait justement anthropomorphisme que de prêter aux fourmis ou autres espèces animales d'obédience collective des caractéristiques qui sont l'apanage des hommes.
Le détail décisif, c'est que les fourmis ne progressent pas dans le donné, une fois qu'elles ont enclenché le progrès de la force collective ou de la volonté générale. Elles sont capables de se réunir en groupes pour perdurer, mais elles cessent de progresser et s'installent dans le donné le plus stéréotypé à partir de ce donné. Si bien que l'homme a pu s'enorgueillir de sa supériorité manifeste, qui était une supériorité fondée sur les résultats : l'homme progresse sans cesse et s'adapte continuellement à toutes les situations, quand les autres espèces animales répètent et stagnent.
La différence entre sens collectif et sens individuel s'inscrit dans le donné chez l'animal, quand l'homme manifeste un autre sens qui le pousse à progresser davantage. C'est dire que l'homme n'appartient pas au même fonctionnement que les autres espèces animales. C'est dire également qu'il m'apparaît toujours douteux de vouloir à toute force et à tout prix séparer qualitativement l'homme de l'animal, au point de le différencier totalement et définitivement. L'animal est un animal; l'homme ne serait précisément pas du tout un animal.
Les récits sacrés qui donnent lieu au monothéisme insistent sur cette parenté de l'homme et de Dieu, qui du même coup sépare l'homme des animaux et des autres formes de vivant. Sans doute cette stratégie obéit-elle à la constatation que le fonctionnement de l'homme ne repose pas uniquement sur le fonctionnement des autres animaux et qu'il ne s'agit pas seulement d'une différence purement quantitative.
Reste que l'établissement d'une différence qualitative suppose que l'homme ne soit pas un animal. Les recherches éthologiques démontrent de manière irréfutable que si l'homme n'est pas un animal comme les autres, il descend bel et bien de cette tradition, et non d'une autre tradition. Il ne s'agit pas de prétendre que l'homme fonctionne sur le même mode que les autres animaux, mais de constater que les différences qualitatives entre les autres animaux et l'homme sont des différences internes et que la vraie différence entre l'homme et les animaux est de quantité.
C'est dire qu'il existe une véritable continuité entre l'homme et les animaux et que cette continuité dépasse de très loin les spécificités de l'animal et du vivant, mais qu'une chaîne d'ensemble relie l'homme au sensible. Au sensible : l'homme est ainsi plongé dans le réel en ce que le reél qu'il appréhende est le fini. De ce point de vue, on peut toujours définir des différences qualitatives internes, mais selon moi, la véritable différence qualitative se situe entre le reél fini et le réel absolu ou infini.
De ce point de vue, on peut établir des différences qualitatives entre l'homme et les autres animaux, mais ces différences sont internes et minimes. Je veux dire par là que la spécificité de l'homme sur les autres espèces animales est une différence qualitative interne qui n'obère en rien la continuité qualitative entre toutes ces espèces. Cette spécificité tend à la communauté sensible.
Effectivement, on peut énoncer comme différence fondamentale entre l'homme et les autres animaux la connaissance que le reél ne se limite pas au sensible. Cette connaissance est une avancée énorme et, en même temps, se révèle de fort peu de prix, puisque la connaissance est totalement négative. Telle la théologie du même nom, qui connaît Dieu sans rien connaître de Dieu, la spécificité de la connaissance humaine sait que le reél dépasse le fini sans savoir ce qu'est cet absolu.
Du coup, l'homme demeure un animal collectif tout en donnant à ses objectifs une qualité autre que celle des autres animaux. En gros, l'homme est le seul à pouvoir évoluer dans sa maîtrise du reél, en s'appropriant un espace de plus en plus important, au point qu'il maîtrise déjà le monde terrestre, ce qui n'a pas toujours été le cas; et qu'il maîtrisera bientôt l'espace, au point qu'on peut se demander si un jour, qu'on n'imagine pas encore, l'espace ne sera pas entièrement colonisé, du moins dans la dimension qu'on lui connaît à l'heure actuelle - et qui ne manquera là encore pas d'évoluer l'avenir.
On se regroupe quand on comprend que le groupe est plus fort que individu. Ce savoir, qui peut sembler élémentaire, est pourtant la preuve immédiate et évidente selon laquelle le reél infini est bien plus fort que le reél fini. Dans le cas des animaux collectifs, il domestique seulement une part toujours identique de cet absolu, part qui les pousse à se regrouper, mais qui n'engendre pas de changement supplémentaire. Tandis que l'homme ne cesse de changer et que son regroupement accélère encore ce processus.
La constitution d'un groupe ne suppose pas seulement la réunion de plusieurs individus, mais suppose la création d'un socle qui est la volonté générale et qui diffère de l'individu. Le groupe dépasse l'individu. C'est dire que l'individu est le fondement du fini; quand le groupe suppose l'immixtion de l'absolu dans le fini.
Comment reconnaître que des individus froment un groupe? De manière animale, et non humaine, soit sans la spécificité humaine, le groupe existe quand il possède ses propres buts, qui diffèrent des buts de l'individu. L'individu poursuit des buts individuels, autrement dit il poursuit des buts qui sont purement physiques et qui de ce fait se trouvent déconnectés du restant du reél.
C'est ainsi que l'animal individuel poursuit des buts qui sont toujours au service de son individualité et qui jamais ne prennent en considération l'espèce. On expliquera (avec raison) que l'espèce se trouve servie dans cet individualisme qui ainsi travaille pour l'universel sans s'en rendre compte. Mais il importe de constater que l'individualisme est moins fort que le collectif en ce que les liens de la volonté générale servent plus longtemps et plus solidement les membres du groupe que les menées individuelles.
Peut-être l'individu présente-t-il une force exceptionnelle, mais cette force est totalement stéréotypée et se montre incapable de s'adapter à d'éventuels changements. Je donnerais presque l'exemple caricatural des dinosaures en illustration si le destin des dinosaures ne demeuraient soumis à des aléas aussi hypothétiques et si changeants. Les dinosaures étaient-ils des animaux seulement individuels?
Rien n'est moins sûr; comme il est à l'inverse certain que des espèces collectives n'auraient pas davantage su s'adapter tant les changements en question requéraient des facultés d'adaptation importantes, que seules l'homme peut avancer - et encore. Toujours est-il que le groupe offre une capacité d'adaptation plus importante. Non pas plus souple, car cette capacité se trouve figée, sauf chez l'homme.
Le caractère figé montre qu'un espèce animale est fonction d'un certain état et que tout changement lui est fatal. Ce changement peut intervenir après plusieurs millénaires de relative stabilité, tant il est certain que l'échelle du temps est variable en fonction du témoin (et que ce qui semble infini aux yeux d'un individu humain est en réalité une goutte d'océan dans l'infini réel). Quant à la différence, elle se manifeste surtout dans le degré de résistance : l'individu ne résiste qu'aux différences physiques, quand le groupe résiste à ce qui s'apparente au métaphysique ignoré.
Je veux dire que si le groupe animal n'a pas connaissance de l'absolu, il ne s'arrête déjà plus aux portes du physique pur en ce qu'il est capable de pallier à l'anéantissement d'un de ses membres. Par définition, l'individu cède s'il tombe sur plus fort que ses forces individuelles; quand le groupe résiste, persiste et souvent signe. Voilà qui signifie à l'évidence que le pur physique ou le pur sensible est limité aux portes des potentialités individuelles, qui, quelle que soit l'étendue de ses potentialités, sont inférieures aux potentialités du groupe.
La limite de l'individu, c'est l'individu; quand la limite du groupe, c'est le groupe. Tel est le donné et telle est la situation dans le giron de l'animalité, qui quelles que soient les formes d'animalité s'arrête à chaque fois à un stade puremnet donné et fixé une bonne fois pour toutes. On notera que le donné est à chaque fois arrêté puisque les limites sont données. De ce fait, la différence interne qu'introduit l'homme n'est pas tant une différence quantitative pure, soit une plus grand puissance ou une plus grand potentialité, qu'une capacité plus étendue à s'adapter aux changements.
La spécificité de l'homme, on l'a vu, c'est sa connaissance négative de l'absolu, ce qui fit dire à Sophocle (je crois) que l'homme est l'animal qui s'adapte à tous les chemins (et le nihiliste Clément Rosset aura beau jeu de remarquer que tous les chemins signifie du même coup aucun). La connaissance négative de l'absolu permet à l'homme de mieux supporter le changement en ce qu'il le précipite. C'est peut-être l'explication fondamentale à la tactique de l'attaque comme meilleure défense.
L'homme précipite le changement et c'est en ce sens qu'il supporte mieux le changement car la différence émane de l'avènement de l'absolu dans le fini. De ce fait, la différance est vraiment l'alternative conceptuelle immanentiste à la différence de type classique (quand elle n'est pas subvertie par un Deleuze, roi des sophistes te des postmodernes). La nature animale de l'homme tient au fait que tous les animaux, et tous les vivants, et tous les objets, se tiennent avec une belle unanimité dans le sensible.
Mais l'homme seul connaît négativement l'absolu et c'est pour cette raison que l'homme a cru se mouvoir dans une autre sphère ontologique que le reste du reél. De fait, la notion de groupe chez l'homme est expansive, c'est-à-dire qu'elle ne cesse de croître. C'est la définition du groupe qui montre que le mécanisme du groupe ou de la volonté générale est enclenché : le groupe possède un sens ou une direction à partir du moment où il croît.
Du coup, le groupe humain est beaucoup plus résistant aux changements et aux différences que n'importe quel groupe animal soumis aux stéréotypes. Le groupe humain se constitue ainsi pour mieux supporter son environnement que les individus et pour croître. Il constitue un progrès par rapport au groupe animal stéréotypé.
La spécificité du groupe humain consiste dans la croissance. On reconnaît qu'un groupe humain fonctionne au fait qu'il possède une intériorité et une extériorité et qu'il croît. Encore plus simplement énoncé : un intérieur et un extérieur qui croissent. Cette constitution, qui annonce ontologiquement la constitution politique, est la marque de fabrique du groupe humain et distingue ce dernier du groupe animal.
La croissance du groupe humain est sa marque de fabrique. Le donné humain croît. Toute cette relation s'inscrit donc dans la continuité du fini, mais avec une prévalence de plus en plus grande de l'absolu. Notons cependant que l'absolu demeure à jamais caché, comme si l'inscription dans le fini empêchait de dévoiler ce qui s'impose comme le sceau du secret ou la marque de fabrique du caché.
Il est primordial de comprendre qu'on ne peut construire l'identité sur l'individu. Celui-ci est trop incomplet, trop insuffisant. Dans l'hypothétique état de nature, l'individu disparaîtrait dans le mois comme une espèce tarée et ratée; tandis qu'en société, animal politique, l'homme est le plus puissant des animaux connus.
Sur quel élément repose la supériorité humaine? L'homme et un animal politique/collectif parce que sa force découle de sa capacité à faire sens. Le sens en progression est l'apanage de l'homme. Les autres espèces animales sont quasiment bloquées dans un donné qui empêchent leur progression.
On peut séparer les animaux en ceux qui vivent en individus et ceux qui vivent en espèce. Les individus fondent leur force sur leurs qualités individuelles, quand les groupes sont plus forts en tant que groupes. L'individu est ainsi celui qui se révèle le plus complet possible quand sa complétude n'a pas besoin du groupe. Le regroupement suppose une meilleure complétude.
Les qualités individuelles qui ne nécessitent pas de dépasser l'individu pour fonder le groupe sont les qualités qui reposent sur la force physique. C'est dire que le regroupement devient inutile quand l'échange est le moins prégnant. Plus les qualités sont fondées sur le physique, plus le donné est stable et assuré. Une espèce qui fonde sa pérennité sur la force est une espèce qui se situe dans le domaine physique, soit dans le donné le plus stable et le moins changeant.
Les espèces collectives sont les espèces qui ont un autre système de référence que le physique. Ce n'est pas que le physique n'existe pas, c'est que le physique n'est pas le fondement du reél. D'ailleurs ces espèces sont plus capables d'adaptation et de pérennité que les espèces qui obéissent à un donné immuable et purement physique, aussi bien dotées soient-elles dans ces domaines.
Les espèces collectives mutualisent, pourrait-on suggérer; autre manière d'expliquer que la force physique est dépassée par la force collective, soit par la réunion et l'entraide. Ces qualités collectives signifient simplement qu'elles s'appuient sur l'approfondissement de l'échange. La nature n'est plus seulement simplement donnée une bonne fois pour toutes.
La nature est ce qui se transforme. Le donné est ce qui se transforme. La transformation est cependant limitée et finie, puisqu'elle s'arrête au collectif. Une fois le groupe formé, le donné est constitué et le changement s'arrête. C'est un changement fini et un changement prévisible.
Néanmoins cette capacité de changement plus grande implique la compréhension des mécanismes de l'échange, soit le fait que le fini se forme à partir de l'absolu, soit le fait aussi que le reél ne se limite pas au fini. C'est à l'aune de la notion d'échange que l'on comprend la répartition animale. Le donné est cependant à chaque fois clôturé, ce qui donne à l'espèce humaine une différence très nette : l'homme est le seul animal à sans cesse progresser, transformer et évoluer, comme si son donné était nettement moins stable et arrêté que les autres donnés animaux ou comme si sa spécificité animale consistait à sans cesse évoluer.
C'est au niveau de l'échange que l'homme diffère des autres animaux : l'animal individuel considère l'échange comme donné dès le départ. L'animal collectif considère que le donné est stable à partir de son élaboration partagée. L'homme ne cesse de se développer. C'est dire que l'interrogation d'Aristote se mesure grâce à ce mystère du développement.
Pourquoi diantre l'homme est-il le seul animal à se développer sans cesse? Qu'a-t-il saisi dans l'échange que les autres animaux n'aient pas saisi? Disons pour commencer que l'homme est le seul animal à présenter du religieux, c'est-à-dire à signifier que le divin existe et qu'il n'existe pas d'humain sans divin.
Cette formule est si vraie que l'homme est le seul animal à être en contact avec le divin. Qu'est-ce que le divin? Le divin renvoie à la complétude, mais aussi à l'idée qu'il existe un autre réel que le sensible ou le fini. Le jumeau de l'homme n'est autre que le divin. C'est dire que si l'homme est le seul à avoir accès au divin, il est le seul à deviner qu'il existe un autre réel que le donné.
Les autres animaux vivent dans le donné. Si l'homme est capable de modifier continuellement son donné, également de manière progressive, c'est qu'il a accès à ce qui modifie le donné et qui n'est pas le donné : je veux parler du reél absolu ou de l'infini. Autrement dit, les autres animaux n'ont pas accès à l'absolu. Les animaux collectifs pourraient laisser penser qu'ils ont accès à l'absolu, parce qu'ils changent leur donné, mais ils ne le changent que de manière stéréotypée et toujours finie.
L'absolu est l'élément qui permet la différence continuelle. La différence répétée ou stéréotypée n'est jamais qu'une variante du fini donné une fois pour toutes. Il est éclatant de constater que l'individu est l'indivision en ce que cette indivision se situe sur le terrain de la pure finitude.
L'individu est individu sur le terrain du fini. C'est la raison pour laquelle toute considération de cette indivision montre qu'elle accorde la prévalence de sa conception ontologique à la finitude, avec de manière extrême et en toile de fond l'immanentisme, soit le fait d'aller jusqu'à considérer que le seul reél se réduit au fini.
Finalement, la conception selon laquelle le fondement serait l'individu en ce que l'individu est l'expression de l'indivisible, cette croyance repose sur l'idée que la détermination ultime du réel renvoie au fini. L'identité est complète ou est satisfaisante si elle désigne l'individu comme le fondement qui qualifie la forme parfaite et complète.
Dès lors, tout processus qui tente de former un groupe obéit à une logique qui comprend que l'individu n'est jamais le fondement que du fini et que le fini n'équivaut en aucun cas au réel. Toute forme d'intelligence qui cerne que le fini n'est qu'une dimension du reél, et nullement le reél, est amenée à chercher à dépasser l'individu en ce que l'indivision ici en question est une indivision purement finie - dans tous les sens du terme.
Croître en puissance et en pérennité amène nécessairement à s'unir et à dépasser l'individu. D'ailleurs, les espèces qui vivent en individus fondent leur pérennité et leurs atouts sur des attributs physiques, soit sensibles et finis. Il est certain que les animaux sont des espèces qui se meuvent dans le fini. De ce point de vue, la grande différence entre les espèces collectives et les espèces individuelles tient davantage à une autre gestion du donné qu'à une différence qualitative de connaissance du réel.
L'espèce collective se meut dans le donné, mais elle a compris que la gestion du donné était plus simple en groupe que seule. C'est ainsi qu'on arrive à des paradoxes seulement apparents selon lesquels les fourmis en groupe sont bien plus fortes qu'un animal aussi redoutable en tant qu'individu qu'un prédateur du type léopard ou guépard. En vivant en groupes, les fourmis, les termites ou d'autres insectes dont j'ignore tout, étant fort peu au parfum des sciences éthologiques, sont en fait bien plus fortes que le seul lion, poru en citer que ce prédateur emblématique de la force et de la puissance physiques, au point que les fables et les légendes populaires ont pris pour coutume d'en faire le roi des animaux.
Il serait présomptueux et un brin niais de préjuger que les fourmis, pour aussi complexes et subtiles qu'elles soient, aient vent de l'absolu. N'exagérons pas, un peu comme ces grands-mères qui, la solitude ou la gâtisme venant, en oublient le bon sens et s'adressent à leur chien avec des emportements et des luxes d'anthropomorphisme, persuadées que le vieux clébard replet ou le caniche aussi roi que nain présentent les facultés pour suivre un raisonnement politique.
Quittons ces dérives aussi consternantes que comiques : les fourmis sont indubitablement des animaux collectifs et certains auteurs à succès, ni aussi nuls qu'on le prétend parfois, ni aussi incompris qu'ils se sentent en réaction, ont beau jeu de rappeler que les fourmis remplaceraient avec bonheur l'homme en cas de disparition de notre espèce. Pour autant, le caractère collectif des fourmis n'induit nullement que l'homme soit un animal collectif comme les fourmis.
Il est capital de rappeler, contre les anthropomorphismes et les rapprochements fâcheux, que l'homme diffère des autres espèces animales et qu'en particulier il diffère sur le point crucial de la conception du donné, de l'absolu et du réel. Les animaux collectifs présentent certes une approche du donné plus riche et plus approfondie, mais elle n'en demeure pas moins rivée au donné. Les fourmis ne sont pas capables de concevoir l'absolu. Ce qui les pousse à l'élaboration de leur groupe, à la vie sociale, c'est la compréhension que el donné peut se transformer plus aisément en groupe que seules.
De ce point de vue, leur faiblesse est une force, comme les défaites sont les plus profonds enseignements. On a coutume, avec raison, de constater que trop souvent, et de manière incompréhensible, les succès les plus éclatants accouchent des résultats les plus décevants et des défaites les plus irrémédiables. C'est ainsi que tel vainqueur, loin de profiter de sa victoire pour se bonifier ou s'améliorer, manifeste une mentalité de petit rentier minable et mesquin, qui, sans qu'il s'en avise, le fait stagner et régresser vers la médiocrité et l'arrivisme.
Les grands prédateurs, ainsi du lion symboliquement, mais aussi d'autres animaux dotés d'une force impressionnante et de qualités physiques exceptionnelles, vivent sur leurs acquis comme l'on dit, et au final se révèlent moins viables et pérennes que ceux qui ont été contraints de trouver des solutions plus ingénieuses et plus fouillées du fait de leur faiblesse constitutive et originelle.
Les fourmis ont compris, du ait de leur limite physique, que la réunion et la constitution du groupe leur conféraient une puissance sur leur environnement que même les animaux les plus forts ne pouvaient espérer individuellement. Mais les fourmis ont compris cette avancée décisive du fait de leur faiblesse, nullement du fait de leur compréhension plus approfondie du reél. Ce serait justement anthropomorphisme que de prêter aux fourmis ou autres espèces animales d'obédience collective des caractéristiques qui sont l'apanage des hommes.
Le détail décisif, c'est que les fourmis ne progressent pas dans le donné, une fois qu'elles ont enclenché le progrès de la force collective ou de la volonté générale. Elles sont capables de se réunir en groupes pour perdurer, mais elles cessent de progresser et s'installent dans le donné le plus stéréotypé à partir de ce donné. Si bien que l'homme a pu s'enorgueillir de sa supériorité manifeste, qui était une supériorité fondée sur les résultats : l'homme progresse sans cesse et s'adapte continuellement à toutes les situations, quand les autres espèces animales répètent et stagnent.
La différence entre sens collectif et sens individuel s'inscrit dans le donné chez l'animal, quand l'homme manifeste un autre sens qui le pousse à progresser davantage. C'est dire que l'homme n'appartient pas au même fonctionnement que les autres espèces animales. C'est dire également qu'il m'apparaît toujours douteux de vouloir à toute force et à tout prix séparer qualitativement l'homme de l'animal, au point de le différencier totalement et définitivement. L'animal est un animal; l'homme ne serait précisément pas du tout un animal.
Les récits sacrés qui donnent lieu au monothéisme insistent sur cette parenté de l'homme et de Dieu, qui du même coup sépare l'homme des animaux et des autres formes de vivant. Sans doute cette stratégie obéit-elle à la constatation que le fonctionnement de l'homme ne repose pas uniquement sur le fonctionnement des autres animaux et qu'il ne s'agit pas seulement d'une différence purement quantitative.
Reste que l'établissement d'une différence qualitative suppose que l'homme ne soit pas un animal. Les recherches éthologiques démontrent de manière irréfutable que si l'homme n'est pas un animal comme les autres, il descend bel et bien de cette tradition, et non d'une autre tradition. Il ne s'agit pas de prétendre que l'homme fonctionne sur le même mode que les autres animaux, mais de constater que les différences qualitatives entre les autres animaux et l'homme sont des différences internes et que la vraie différence entre l'homme et les animaux est de quantité.
C'est dire qu'il existe une véritable continuité entre l'homme et les animaux et que cette continuité dépasse de très loin les spécificités de l'animal et du vivant, mais qu'une chaîne d'ensemble relie l'homme au sensible. Au sensible : l'homme est ainsi plongé dans le réel en ce que le reél qu'il appréhende est le fini. De ce point de vue, on peut toujours définir des différences qualitatives internes, mais selon moi, la véritable différence qualitative se situe entre le reél fini et le réel absolu ou infini.
De ce point de vue, on peut établir des différences qualitatives entre l'homme et les autres animaux, mais ces différences sont internes et minimes. Je veux dire par là que la spécificité de l'homme sur les autres espèces animales est une différence qualitative interne qui n'obère en rien la continuité qualitative entre toutes ces espèces. Cette spécificité tend à la communauté sensible.
Effectivement, on peut énoncer comme différence fondamentale entre l'homme et les autres animaux la connaissance que le reél ne se limite pas au sensible. Cette connaissance est une avancée énorme et, en même temps, se révèle de fort peu de prix, puisque la connaissance est totalement négative. Telle la théologie du même nom, qui connaît Dieu sans rien connaître de Dieu, la spécificité de la connaissance humaine sait que le reél dépasse le fini sans savoir ce qu'est cet absolu.
Du coup, l'homme demeure un animal collectif tout en donnant à ses objectifs une qualité autre que celle des autres animaux. En gros, l'homme est le seul à pouvoir évoluer dans sa maîtrise du reél, en s'appropriant un espace de plus en plus important, au point qu'il maîtrise déjà le monde terrestre, ce qui n'a pas toujours été le cas; et qu'il maîtrisera bientôt l'espace, au point qu'on peut se demander si un jour, qu'on n'imagine pas encore, l'espace ne sera pas entièrement colonisé, du moins dans la dimension qu'on lui connaît à l'heure actuelle - et qui ne manquera là encore pas d'évoluer l'avenir.
On se regroupe quand on comprend que le groupe est plus fort que individu. Ce savoir, qui peut sembler élémentaire, est pourtant la preuve immédiate et évidente selon laquelle le reél infini est bien plus fort que le reél fini. Dans le cas des animaux collectifs, il domestique seulement une part toujours identique de cet absolu, part qui les pousse à se regrouper, mais qui n'engendre pas de changement supplémentaire. Tandis que l'homme ne cesse de changer et que son regroupement accélère encore ce processus.
La constitution d'un groupe ne suppose pas seulement la réunion de plusieurs individus, mais suppose la création d'un socle qui est la volonté générale et qui diffère de l'individu. Le groupe dépasse l'individu. C'est dire que l'individu est le fondement du fini; quand le groupe suppose l'immixtion de l'absolu dans le fini.
Comment reconnaître que des individus froment un groupe? De manière animale, et non humaine, soit sans la spécificité humaine, le groupe existe quand il possède ses propres buts, qui diffèrent des buts de l'individu. L'individu poursuit des buts individuels, autrement dit il poursuit des buts qui sont purement physiques et qui de ce fait se trouvent déconnectés du restant du reél.
C'est ainsi que l'animal individuel poursuit des buts qui sont toujours au service de son individualité et qui jamais ne prennent en considération l'espèce. On expliquera (avec raison) que l'espèce se trouve servie dans cet individualisme qui ainsi travaille pour l'universel sans s'en rendre compte. Mais il importe de constater que l'individualisme est moins fort que le collectif en ce que les liens de la volonté générale servent plus longtemps et plus solidement les membres du groupe que les menées individuelles.
Peut-être l'individu présente-t-il une force exceptionnelle, mais cette force est totalement stéréotypée et se montre incapable de s'adapter à d'éventuels changements. Je donnerais presque l'exemple caricatural des dinosaures en illustration si le destin des dinosaures ne demeuraient soumis à des aléas aussi hypothétiques et si changeants. Les dinosaures étaient-ils des animaux seulement individuels?
Rien n'est moins sûr; comme il est à l'inverse certain que des espèces collectives n'auraient pas davantage su s'adapter tant les changements en question requéraient des facultés d'adaptation importantes, que seules l'homme peut avancer - et encore. Toujours est-il que le groupe offre une capacité d'adaptation plus importante. Non pas plus souple, car cette capacité se trouve figée, sauf chez l'homme.
Le caractère figé montre qu'un espèce animale est fonction d'un certain état et que tout changement lui est fatal. Ce changement peut intervenir après plusieurs millénaires de relative stabilité, tant il est certain que l'échelle du temps est variable en fonction du témoin (et que ce qui semble infini aux yeux d'un individu humain est en réalité une goutte d'océan dans l'infini réel). Quant à la différence, elle se manifeste surtout dans le degré de résistance : l'individu ne résiste qu'aux différences physiques, quand le groupe résiste à ce qui s'apparente au métaphysique ignoré.
Je veux dire que si le groupe animal n'a pas connaissance de l'absolu, il ne s'arrête déjà plus aux portes du physique pur en ce qu'il est capable de pallier à l'anéantissement d'un de ses membres. Par définition, l'individu cède s'il tombe sur plus fort que ses forces individuelles; quand le groupe résiste, persiste et souvent signe. Voilà qui signifie à l'évidence que le pur physique ou le pur sensible est limité aux portes des potentialités individuelles, qui, quelle que soit l'étendue de ses potentialités, sont inférieures aux potentialités du groupe.
La limite de l'individu, c'est l'individu; quand la limite du groupe, c'est le groupe. Tel est le donné et telle est la situation dans le giron de l'animalité, qui quelles que soient les formes d'animalité s'arrête à chaque fois à un stade puremnet donné et fixé une bonne fois pour toutes. On notera que le donné est à chaque fois arrêté puisque les limites sont données. De ce fait, la différence interne qu'introduit l'homme n'est pas tant une différence quantitative pure, soit une plus grand puissance ou une plus grand potentialité, qu'une capacité plus étendue à s'adapter aux changements.
La spécificité de l'homme, on l'a vu, c'est sa connaissance négative de l'absolu, ce qui fit dire à Sophocle (je crois) que l'homme est l'animal qui s'adapte à tous les chemins (et le nihiliste Clément Rosset aura beau jeu de remarquer que tous les chemins signifie du même coup aucun). La connaissance négative de l'absolu permet à l'homme de mieux supporter le changement en ce qu'il le précipite. C'est peut-être l'explication fondamentale à la tactique de l'attaque comme meilleure défense.
L'homme précipite le changement et c'est en ce sens qu'il supporte mieux le changement car la différence émane de l'avènement de l'absolu dans le fini. De ce fait, la différance est vraiment l'alternative conceptuelle immanentiste à la différence de type classique (quand elle n'est pas subvertie par un Deleuze, roi des sophistes te des postmodernes). La nature animale de l'homme tient au fait que tous les animaux, et tous les vivants, et tous les objets, se tiennent avec une belle unanimité dans le sensible.
Mais l'homme seul connaît négativement l'absolu et c'est pour cette raison que l'homme a cru se mouvoir dans une autre sphère ontologique que le reste du reél. De fait, la notion de groupe chez l'homme est expansive, c'est-à-dire qu'elle ne cesse de croître. C'est la définition du groupe qui montre que le mécanisme du groupe ou de la volonté générale est enclenché : le groupe possède un sens ou une direction à partir du moment où il croît.
Du coup, le groupe humain est beaucoup plus résistant aux changements et aux différences que n'importe quel groupe animal soumis aux stéréotypes. Le groupe humain se constitue ainsi pour mieux supporter son environnement que les individus et pour croître. Il constitue un progrès par rapport au groupe animal stéréotypé.
La spécificité du groupe humain consiste dans la croissance. On reconnaît qu'un groupe humain fonctionne au fait qu'il possède une intériorité et une extériorité et qu'il croît. Encore plus simplement énoncé : un intérieur et un extérieur qui croissent. Cette constitution, qui annonce ontologiquement la constitution politique, est la marque de fabrique du groupe humain et distingue ce dernier du groupe animal.
La croissance du groupe humain est sa marque de fabrique. Le donné humain croît. Toute cette relation s'inscrit donc dans la continuité du fini, mais avec une prévalence de plus en plus grande de l'absolu. Notons cependant que l'absolu demeure à jamais caché, comme si l'inscription dans le fini empêchait de dévoiler ce qui s'impose comme le sceau du secret ou la marque de fabrique du caché.
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