lundi 24 mars 2008

En quête de données

Pour ceux qui douteraient que les vrais articles de fond sur le monde mondialisé se trouvent davantage sur Internet que dans la presse écrite formatée et alignée au Nouvel Ordre Mondial, voici un exemple. Cet article est d'un certain Morice, rédigé le jeudi 13 mars 2008. Que j'aimerais retrouver ces débats de fond et ces informations véritables à des heures de grande écoute sur une chaîne hertzienne! A-t-on le droit de préférer un reportage impartial et impertinent aux news people nous annonçant que telle starlette camée jusqu'à la moelle portait heureusement une culotte (molletonnée) lorsqu'elle s'est rendue derrière les vitrines remplies de journalistes de son magasin de fringues pour bimbos préféré?

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=37256


"Le terrorisme a bon dos


J’ai mis en ligne récemment dans un post lors d’une conversation sur le forum Agoravox une référence qui en a étonné plus d’un, et que j’imaginais plus connu que cela : celle d’un remarquable reportage de la BBC, intitule "The Power of Nightmares", signé Adam Curtis, qui détonne plutôt dans le paysage audiovisuel. Et pourtant, il n’est pas tout récent, date de 2004, a été diffusé pour la première fois par la BBC le 18 janvier 2005, et affirme sans ambages... qu’Al-Qaïda n’existe pas, tout simplement. Evidemment ça peut en choquer certains, même trois ans après la sortie du film. Les plus incrédules d’entre nous, qui depuis 2001 gobent tout ce que la propagande gouvernementale américaine veut bien leur faire gober (il y en a, et pas mal ici même chez Agoravox !).

Dans ce remarquable reportage, les auteurs, qui ne sont pourtant ni islamistes ni illuminés, arrivent à démontrer avec brio que la "guerre au terrorisme" n’est qu’une création de l’esprit, et que son outil principal s’appelle Al-Qaïda, pure création des services secrets américains. A voir les marchés ensanglantés de Bagdad ou les attentats revendiqués, on est en droit de crier au fou. Et pourtant. A bien y regarder, nos journalistes sont plus que crédibles dans leurs assertions, Curtis étant une sommité reconnue, et rejoignent directement des thèses comme celle développées par Webster G.Tarpley, dans sa bible de La Terreur fabriquée (aux Editions demi-lune) dont on ne saurait trop recommander la lecture. Dans le reportage, un ancien gradé de la CIA n’y va pas par quatre chemins : “Al Qaeda is not an organization. Al Qaeda is a way of working ... but this has the hallmark of that approach.” Voilà c’est dit une bonne fois pour toutes.

Vous vous dites que ça ne tient pas debout, comme théorie ? Et pourtant. Il faut revenir aux sources de la fondation d’Al-Quaïda pour s’apercevoir du décalage énorme entre ce qui en a été dit ou ce qu’on peut encore en dire aujourd’hui, et la réalité. Personne ne peut nier aujourd’hui qu’Al-Qaïda est à l’origine une créature de la CIA, qui, pour lutter contre les troupes russes avait mis en place des cellules afghanes qu’elle entraînait et qu’elle armait. Parmi ces cellules, celle d’Al-Qaïda, alors sans nom véritable, où un dénommé Ben Laden est alors simple trésorier. Pour s’en rappeler, il suffit de tomber sur n’importe quel reportage où l’on voit Ben Laden tirant à la Kalachnikov. Outre qu’on s’aperçoit sur les reportages qu’il ne sait pas la tenir, sa mitraillette, on s’aperçoit que ce sont les seuls documents de ce type, et qu’ils font partie des archives de la CIA et non de celles du mouvement islamiste, qui n’en a que fort peu. Quelques années après, on retrouve un Ben Laden traqué et amaigri filmé dans une région qui semble être le Pakistan, car l’homme est devenu à lui tout seul le représentant de ce que W. Bush appelle "l’axe du mal". On lui a fait porter un chapeau que beaucoup d’observateurs trouvent trop grand pour ce frêle personnage sans aucun charisme. Oui, mais, entre-temps, la CIA a fait son œuvre d’information ou de désinformation, c’est selon ce qu’on considère comme bord politique à l’opération. Or, ce chapeau a été tressé de main de maître par un homme, Jamal Ahmed al-Fadl, un Soudanais présenté comme le second de Ben Laden, qui aurait quitté l’organisation pour rejoindre la CIA, via l’Erythrée, et venir habiter aux Etats-Unis en 1996, lesté de 100 000 dollars "volés à Ben Laden" selon sa propre légende. Offerts par la CIA selon une autre. L’homme depuis est à la base de tout ce qui a pu être raconté sur Ben Laden, ce qui induit un doute considérable sur ce qu’on peut savoir sur l’individu. Et bénéficie depuis de toutes les protections possibles, selon le "Witness Protection Program", un système calqué sur celui des repentis mafieux. Et d’une aide financière, qui atteindra 950 000 dollars, toujours offerts par le FBI en... 2001 !

Dans un remarquable article, le Guardian, le 15 octobre 2004, revient sur notre personnage. Et précise des choses assez intrigantes : avant 2001, le nom même d’Al-Quaïda n’existait pas. Sur 661 détenus incarcérés au nom de la guerre au terrorisme en Angleterre, seuls 17 ont été maintenus accusés, et aucun.... n’était en relation directe avec Al-Quaïda ! Selon les spécialistes, seuls les attentats de Madrid semblent clairement avoir eu un lien avec la nébuleuse Ben Laden, par des voies détournées. Tous les autres ont été perpétrés par des groupes distincts de terroristes sans trop de liens entre eux et surtout sans contacts aucun avec Ben Laden. Car ce que démontre avec brio ce documentaire, c’est le fait que le terrorisme international et la guerre au terrorisme sont étroitement liés : les pouvoirs ayant perdu de leur influence auprès des populations ont trouvé dans un phénomène comme Al-Quaïda un repoussoir idéal à leurs actions violentes (on répond à une violence par une autre violence, celle de l’Etat), les terroristes isolés trouvant dans une appellation unique un sentiment de plus grande existence que ne leur offre la réalité. A partir de là, les deux partis ne peuvent plus que mentir l’un et l’autre : l’un en reliant n’importe quel attentat obligatoirement à cet Al-Quaïda virtuel, l’autre étant ravi d’obtenir le label, même si son opération est peu glorieuse ou mal montée. Ce qui compte, pour les deux parties, c’est que la violence monte d’un cran : plus terribles sont les attentats, plus forte peut être la répression, quitte à la déguiser en contrôle de l’ensemble de la population du pays, ou Homeland Security.

Quelques exemples récents vont nous montrer qu’Al-Quaïda a bon dos dans un bon nombre d’événements actuels. Aujourd’hui, depuis quelques mois, ressurgit dans l’actualité le spectre d’une "bombe sale", à savoir celui d’une bombe thermonucléaire fabriquée à la sauvette par des illuminés. La dernière en date provient des informations d’Uribe, ce dirigeant prêt à tout pour venger la mort de son père, y compris à désinformer sa population ou le monde entier. Cet été, c’était l’interception de traces d’uranium à la frontière tchèque, et en automne dans un ancien pays du bloc soviétique, avec en arrière-fond des annonces alarmantes sur "Al-Quaïda et la préparation d’une bombe radioactive". On a retrouvé récemment des éléments de soi-disant "preuves" de cette préparation : leur indigence prêterait à sourire si le sujet n’était pas aussi grave. Or, en 2001, via la CIA, on apprend que, dès 1993, le groupe de Ben Laden, qui à l’époque n’a pas encore de nom, a déjà tenté d’acheter de l’uranium au Soudan ! Très vite, donc, on charge al-Fadl de diaboliser le groupuscule en lui donnant une valeur qu’il n’a absolument pas. On récidivera de même avec Saddam Hussein et l’affaire Palme, comme si la détention d’uranium était pour le gouvernement américain l’adoubement nécessaire au statut d’organisation terroriste "sérieuse". Vous avez dû vous faire la même réflexion que moi lors de cette annonce pour les Farc : vous vous êtes dit c’est ridicule, en pleine jungle de se balader avec ce matériau. Sauf si ce faisant on veut diaboliser un groupe terroriste qui n’en demandait peut-être pas tant. Et qui aurait été bien incapable de fabriquer une bombe atomique au milieu de la jungle.

Un autre phénomène de désinformation choquante est celle des attentats de début d’année à Bagdad, un véritable massacre de plus de cent personnes, survenu après une période d’accalmie. Comme à ce moment-là le gouvernement de W. Bush annonce au Congrès américain que ça va beaucoup mieux, en Irak, grâce à une rallonge financière pour activer "The Surge", un bien meilleur contrôle de Bagdad, selon lui. En fait un calme relatif uniquement dû à un leader chiite qui a décidé de driver davantage ses troupes. L’explosion fait alors mauvais genre car elle tombe mal question relations publiques. Qu’à cela ne tienne, dans la journée on va lui rajouter une dimension ignominieuse, censée provoquer encore plus de dégoût chez des gens comme vous et moi, dans le but de démontrer que l’horreur est telle... que n’importe quelle répression pourrait être acceptée, du genre... admettre et surtout ne pas condamner la torture de prisonniers, par n’importe quel supplice, peu importe... pourvu qu’on puisse démontrer qu’un seul aveu éviterait une tuerie de ce genre.

Souvenez-vous : un officiel, quelques heures après les attentats, annonce que les deux kamikazes sont des femmes, et qu’elles sont... mongoliennes. Le terme, édulcoré dans les traductions françaises de l’annonce des attentats, est bien présent dans les originaux. C’est d’abord un général américain qui s’y colle pour dénoncer l’odieux attentat : "a U.S. military spokesman for the Baghdad area, Lt. Col. Steve Stover, also said at the time that medical experts with his division had examined the photos and agreed the women probably suffered from the genetic disorder. "They were both females and they both looked like they had Down syndrome." Puis c’est à un chef de la police irakienne, aux ordres, on le sait, des Américains : "Lt. Gen. Abboud Qanbar, the chief Iraqi military commander in Baghdad, said soon after the attacks that photos of the women’s heads showed they had Down syndrome, but he did not offer any other proof". Un autre insiste encore pour la thèse déjà évoquée "We found the mobiles used to detonate the women, Major-General Qassim Moussawi, an Iraqi military spokesman, said. He said that both women had Down’s syndrome."

Mais très vite, déjà, les conclusions bien hâtives des militaires sont mises en doute par les journalistes sur place "A cell phone image of one of the heads viewed by The Associated Press was inconclusive." "There was speculation that the heads could have been distorted by the blast, leading police initially to believe they had Down syndrome." Cela n’empêche un intervenant de poids d’affirmer que ce sont bien des femmes atteintes de mongolisme, en insistant sur le fait que c’est donc encore plus horrible que d’habitude, si tenté que l’on puisse parler d’habitude "Iraqi and American officials blamed al-Qaeda, and accused the terrorist organisation of plumbing new depths of depravity." C’est obligatoirement Al-Quaïda, puisque c’est pire que la "normale". Dont acte. Or, l’homme qui fait la déclaration officielle du lien entre l’attentat et Al-Quaïda n’est autre que... Ryan Crocker, l’ambassadeur américain à Bagdad ! L’Etat irakien ajoutant la touche finale : "Le modus operandi de l’attaque correspond aux habituels modes d’action d’Al-Qaïda, a relevé la source au ministère de l’Intérieur." Les deux s’accordent bien sur le fait : c’est abject comme procédé : "Iraqi and American officials blamed al-Qaeda, and accused the terrorist organisation of plumbing new depths of depravity." Des dépravés, mon bon monsieur, des dépravés. Avec ça en face, on a toutes les excuses pour torturer !

En fait, très vite l’histoire sordide se dégonfle : de mongolisme, il n’y a pas, et cela devient donc obligatoirement des femmes traitées en hôpital psychiatrique pour dépression "The director of the Ibn-Rushd psychiatric teaching hospital in central Baghdad, Dr. Shalan al-Abboudi, said that one of the pet market bombers, a 36-year-old married woman, had been treated there for schizophrenia and depression, according to her file. Refusing to identify her, he said she received electric shock therapy and was released into the custody of an aunt". Impossible en effet après avoir parlé de mongolisme de ne pas se retrouver en psychiatrie, sinon le sentiment d’horreur créé dans les médias s’effondre. Mais ça se dégonfle encore plus quelques heures après. Après nous avoir raconté qu’il s’agissait de deux pauvres femmes ayant perdu la tête (sans mauvais jeu de mots) et équipées à leur insu de bombes téléguidées par téléphones portables... on commence déjà à revoir la théorie. A un détail près, en effet, mais de taille : un journaliste indique qu’on n’est pas sûr de l’origine de l’explosion : "But a police official told McClatchy Newspapers that authorities were still investigating whether the explosion at the second market might have come from a bomb hidden in a cage or a box of eggs." Au départ, on a des certitudes mongoliennes téléguidées, l’horreur sans nom, l’abjection totale, de ces "dépravés", au final un attentat assez commun en Irak (sans être péjoratif, c’est une simple constatation), à part son nombre effarant de victimes qui implique l’emploi de fortes charges, assez incompatibles avec l’usage de deux kamikazes seulement portant leurs bombes sur elles. Personne n’a remarqué que deux kamikazes qui font cent morts au final est un record peu banal. Surtout pas les autorités, qui avaient déjà les porteurs et le commanditaire obligatoire de prêts quelques minutes à peine après l’explosion. Al-Quaïda avait été cité avant même l’implosion du WTC7, ici c’est un peu la même chose : le marché baigne dans le sang à cause de "dépravés" qui utilisent des fous ou des personnes diminuées comme vecteurs de bombe.

Un journaliste plus curieux que la moyenne va plus loin, beaucoup plus loin encore dans cette quête de la vérité sur ces actions horribles. Il est pourtant de la BBC, radio et télévision d’Etat, et affirme lui que des "escadrons de la mort" circulent librement à Bagdad. On en connaît le principe : pour rejeter la faute d’un groupe sur un autre, on fait exploser quelque part une bombe qui laisse suffisamment de traces accusant l’un des deux groupes. Il ne reste plus qu’à attendre les représailles et à compter les points bien au chaud. Tout gouvernement corrompu a pratiqué un jour ce genre de sport. Un ministre irakien en place l’a même avoué "Iraq’s interior minister has admitted death squads and other unauthorised armed groups have been carrying out sectarian killings in the country." L’auteur apportant d’autres précisions : "The ministry of the interior in Baghdad, which is run by the CIA, directs the principal death squads. Their members are not exclusively Shia, as the myth goes. The most brutal are the Sunni-led Special Police Commandos, headed by former senior officers in Saddam’s Ba’ath Party. This was formed and trained by CIA", dit John Pilger, qui évoque clairement une collusion entre d’anciens partisans de Saddam Hussein et les Américains ! Un comble, et bien le contraire en tout cas du langage officiel ! A deux étages, la collusion : non seulement c’est un ancien Baassiste qui aide les soldats américains, mais aussi les troupes de la mort sont sunnites et non chiites ! Une accusation gravissime ! Qui accuse des vétérans d’une bonne vieille méthode inaugurée il y a bien longtemps déjà "According to the investigative writer Max Fuller (National Review Online), the key CIA manager of the interior ministry death squads ’cut his teeth in Vietnam before’ in Vietnam before moving on to direct the US military mission in El Salvador"... Du Vietnam à l’Irak, en passant par le Salvador. Le terrorisme a décidément souvent bon dos au pays de la liberté... A vous de vérifier davantage désormais ces informations qui fleurent tant la propagande éhontée.

Les derniers exemples en date étant l’annonce, à peu près à la même époque de l’usage d’enfants comme kamikazes ou comme leurres par les islamistes. La dépêche qui l’annonce partout est signée APS "Diplomat News Services"... Les sites qui relaient les images mettent cependant des guillemets au mot preuve ("proof"). Aussi abject, se dit-on que la version précédente des kamikazes mongoliens. Et c’est là où ça coince : dans le propos du général américain qui explique les vidéos saisies dans un repère... d’Al-Quaïda, on s’en doute... on explique que l’horreur, là, est religieuse : un musulman, un VRAI, ne ferait jamais ça. En poussant un peu le bouchon, certains en arrivent même à affirmer que des "terroristes" vont jusqu’à manger des petits enfants, comme au temps des contes d’Anderssen. Ne rêvez pas j’ai trouvé un site qui évoque le cas ! La propagande pour un Américain moyen se situe au niveau CM2 en moyenne !
Sachant que l’on a affaire à un extrémisme qui se réclame de l’islamisme pur et dur, on comprend bien que ce ne sont pas les enfants qui importent dans le discours, mais bien le discrédit sur une religion qu’apporte leur emploi comme kamikazes. Les vidéos, tournées dans des cours fermées ou dans des chambres sans repère extérieur ne prouvent en définitive qu’assez peu de choses : on a déjà eu un Ben Laden filmé dans de pires conditions avec une fois la barbe grise et une fois la barbe noire, on se dit que de donner 300 dollars à un gamin pour qu’il joue au kamikaze devant une caméra ne doit pas revenir beaucoup plus cher que l’heure de Photoshop pour teindre la barbe du grand satan. S’il n’y avait pas eu antériorité de "preuves" ainsi fabriquées, comme l’épisode des bombes vivantes mongoliennes, nous aurions pu les croire sans problème, ces soldats américains, car, chaque jour, à Bagdad des femmes et des enfants se font déchiqueter par de véritables fous de Dieu, des islamistes extrêmes emportés dans leur folie destructrice. Le problème, c’est qu’il n’y en a pas qu’une de violence. L’une se nourrit de l’autre, et inversement. Le terrorisme nourrit la guerre contre le terrorisme qui fabrique à tour de bras de nouveaux petits terroristes. C’est pourquoi évoquer le terrorisme, dans ces colonnes, ce n’est pas en évoquer qu’un seul. A regarder les attentats qui se succèdent, soyez désormais un peu plus attentifs, et tentez de discerner au mieux ce qui est information de ce qui est pure propagande. Je peux vous faire un aveu : pour l’attentat engageant des mongoliennes, j’ai fait comme tout le monde : j’ai d’abord cru à la thèse officielle. Avant de me renseigner, et de m’apercevoir qu’encore une fois on m’avait mené par le bout du nez... le terrorisme a si bon dos pour les pouvoirs forts..."

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