Le processus de colonisation est un grand classique du comportement humain. C'est grâce à ce type d'expansionnisme que l'humanité s'agrandit, s'unifie et se mondialise. Autant dire que les deux piliers du processus d'unification mondiale de l'humanité sont la guerre et le colonialisme. C'est tout à fait logiquement que le colonialisme se fait, comme adjoint de l'impérialisme.
Il est pertinent de considérer le colonialisme comme le prolongement de la guerre. Le rôle de la guerre dans les affaires humaines consiste moins à pratiquer la victoire et la défaite, les larmes et les armes, qu'à perpétuer directement et efficacement le mouvement d'unification de l'humanité.
Dans ce cadre et ce mouvement, dont le monothéisme exprime la réalisation religieuse, le colonialisme signale simplement que l'expansion se stabilise de manière politique et que peu à peu le vainqueur (le colonisateur) installe ses pions et ses collaborateurs colons en attendant que sa puissance retombe et qu'un nouveau jeu de forces s'instaure. Le colonialisme est toujours un processus paradoxal en ce qu'il paraît comme l'expression du triomphe, alors qu'il signale le vent de la défaite et l'idée que le colonisateur finira colonisé par le colonisé lui-même.
Dialectique du maître et de l'esclave chez Hegel; mais aussi lucidité de la morale chrétienne (bien moins crétine que la surmoraline nietzschéenne), selon laquelle la victime est supérieure au bourreau et finit toujours par triompher (au grand dam de Nieztsche qui en sombrera de rage et de ressentiment dans le mutisme). Dans le cas du Christ, celui que Dieu envoie sur Terre racheter les fautes humaines finit crucifier entre deux voleurs vagabonds. Dans le cas du colonialisme, le colonisé se trouve avantagé par la colonisation parce qu'il bénéficie de la force de son vainqueur et qu'il l'utilise pour triompher à son tour.
Raison pour laquelle l'histoire est constellée de renversements de situations et de passations de pouvoir. Un siècle, c'est la Grèce qui domine; l'autre, c'est Rome. Bien entendu, la domination des Grecs était toute relative puisqu'en fait les Perses étaient bien plus puissants qu'eux (n'en déplaise à Eschyle). Les Egyptiens attestent que les Africains présentaient des Empires florissants durant l'Antiquité (et bien avant). D'ailleurs, au Moyen-Age, ces Empires poursuivaient leur vitalité exubérante, avant que l'Occident n'acquière une supériorité technique et scientifique qui lui permettra d'instaurer l'esclavage et le colonialisme moderne.
C'est un fait que la modernité est une période de colonialisme d'un genre un peu particulier. D'abord, c'est l'Occident qui a lancé les grandes conquêtes coloniales modernes. Puis, c'est encore lui qui a amorcé la fin de la réunion babellienne de l'homme, avec la découvert de l'Amérique et avec la colonisation du monde (l'Afrique et l'Asie en sus de l'Amérique). Enfin, c'est lui qui a amorcé ce que l'on pourrait nommer la colonisation moderne.
On note souvent qu'il existe une grande différence entre l'esclavage et le colonialisme institués par l'Occident - et les autres formes d'esclavage et de colonialisme, qui ont toujours existé. Il serait temps de ne pas tomber dans la panneau de ceux qui croient (ou font croire) que ce sont les Occidentaux et les Blancs qui ont lancé la mode de l'esclavage. Si c'était le cas, qu'on explique pourquoi l'esclavage a toujours existé, de même que le colonialisme ou l'impérialisme.
Ce qui a changé profondément, c'est la nature technique du colonialisme moderne. L'esclavage de ce point de vue prend une tournure qualitativement et quantitativement plus effrayante et monstrueuse, parce qu'il ne s'agit plus de réduire des prisonniers, des captifs ou des perdants d'une petite dimension et durant une courte période à l'esclavage; il s'agit bel et bien d'organiser un esclavage systématique et systématisé, que seule la technique triomphante et la domination du Progrès permettent. Les Traites négrières témoignent de cette mutation radicale et effrayante.
La domination technique manifeste la fin du processus d'unification de l'homme, si bien que la profonde crise de la modernité coïncide de manière prévisible avec la fin du long et séculaire processus d'unification, comme si l'humanité ne savait plus quel sens adopter avec la fin de cet objectif travesti en guerre, colonisation et impérialisme constants et provisoires. Si l'on relie la colonisation avec l'unification, on constate le rôle prédominant de la guerre dans les affaires humaines et de la tentative constante, presque l'instinct qui poussent l'homme à s'unir et se réunir.
C'est d'ailleurs l'un des sens du mythe de Babel. L'autre sens, c'est la démesure, qui explique ce besoin irrépressible selon lequel toute velléité d'unification finit en ruines et en larmes. Justement, on peut considérer que la prise de pouvoir de l'immanentisme s'explique par le changement de sens général qui ne manque pas d'accompagner l'accomplissement de l'unification.
L'homme se trouve perdu parce que l'objectif principal qu'il s'était fixé est terminé et qu'il n'a plus aucun repère, plus aucune direction, plus aucun sens, en fait. L'homme moderne est perdu. Eperdu, il témoigne de son désarroi en jouant au roi. Dès lors, le processus se retourne contre lui-même : au lieu de poursuivre l'unification, désormais, la colonisation sert d'autres intérêts, en particulier la domination. Du coup, la destruction devient le principal symptôme de la colonisation, alors qu'auparavant, c'était plutôt la construction, au moins à terme.
C'est ici qu'il faut constater que la colonisation typiquement immanentiste des États-Unis, le massacre des autochtones et leur remplacement par des réprouvés d'Europe ne sont pas une colonisation particulière qui accompagnerait par hasard la colonisation du monde qu'entreprennent les marchands. L'esclavagisme n'est qu'une donnée impitoyable, monstrueuse et tragique de cette colonisation. En fait, tous les types de colonisation moderne sont de type immanentiste.
Ils consistent à envahir le monde et à le placer sous le joug occidental et occidentaliste. Bien entendu, l'immanentisme nécessite une justifiaction hyperrationnelle et ce sera la morale du Progrès, bientôt maquillée et retouchée en Droits de l'homme et autres billevesées, qui laissent accroire à des principes universels, alors que l'universalisme en l'occurrence renvoie de fait à la domination occidentaliste et à la morale occidentaliste.
Si l'on analyse le parallélisme entre les Empires coloniaux (français et anglais) et la création de toutes pièces des États-Unis, on se rend compte que l'essentiel de la Traite négrière, soit de l'esclavage moderne, rendu possible par la technique, aura servi à alimenter en main-d'oeuvre gratuite le nouveau continent. Les Africains colonisés et esclavagisés sont déportés pour aménager le territoire annexé, selon les désirs de leurs maîtres.
C'est dire que les Empires coloniaux sont des créations européennes des deux principales nations du continent et qu'elles servent les desseins de l'immanentisme. Si l'on considère attentivement l'Empire britannique, que constate-t-on? Que le colonialisme est rendu possible par l'hégémonie technique et que cette supériorité engendre l'exploitation économique et les échanges commerciaux unilatéraux. Les colonies sont pillées au profit de la métropole.
L'exploitation coloniale se trouve au service du véritable objectif de l'immanentisme : piller et détruire le zeste et le reste du monde pour favoriser la prospérité matérielle et technique de l'Occident. Nous en sommes toujours à ce stade aujourd'hui. La création des États-Unis n'est qu'une partie visible d'un projet bien plus vaste, un projet de domination et surtout de reconfiguration du monde selon les attentes et les projets de l'Occident.
Le vrai projet est de détruire le monde pour créer un Occident luxuriant et paradisiaque. Bien entendu, ce vrai sens du Progrès est présenté comme la transformation du monde aux fins intéressées de l'humanité entière. La concurrence entre les deux Empires, français et anglais, ne doit pas étonner. La France est l'Empire le plus faible, non parce que la France vaudrait moins, tant s'en faut, mais parce que le vrai projet immanentiste se manifeste avec l'Empire britannique et le Commonwealth. Où apparaît le libéralisme, soit le signe éclatant de l'immanentisme? Qui est le premier pays d'Occident à opérer sa Révolution? Pourquoi Cromwell lance-t-il le Commonwealth à l'époque moderne? Qui est Cromwell, par rapport au restaurationnisme en particulier?
Tous ces paramètres et ces indices démontrent que l'Empire britannique est le fer de lance du colonialisme occidentaliste et que l'Empire français est un Empire mimétique qui agit de la même manière que l'Empire britannique, seulement avec une once supplémentaire d'hypocrisie, qui ne fait que le désavantager au final dans son efficacité. Que l'on en juge avec la colonisation des États-Unis. Bien qu'au départ les Français aient joué un rôle de premier plan dans l'entreprise, au final, ils finissent par perdre leur influence et par céder le terrain aux Britanniques.
Tout un symbole. Les Français sont simplement moins enclins au libéralisme, qui est la marque de fabrique de l'immanentisme. Le colonialisme moderne en ce sens ne pouvait que s'épanouir avec réussite dans l'Empire britannique. Le fait que les scandales postcoloniaux aient éclaboussé en premier lieu l'ancienne métropole française montrent que le moralisme hypocrite s'est retourné contre ses géniteurs faussement progressistes; en même temps, c'est une chance pour la culture française que de ne pas avoir sombré dans les délires et les exactions du libéralisme d'obédience britannique.
Car en refusant par exemple la guerre en Irak, signe du colonialisme et de l'immanentisme tardifs (participant d'un remodelage de la région, encore un!), les Français ont montré qu'ils n'appartenaient pas aux premiers cercles des financiers britanniques qui mènent la marche du monde en même temps qu'ils manipulent l'immanentisme globalisé et mondialisé. Est-on au courant de scandales coloniaux et/ou néocoloniaux touchant à l'Empire britannique? C'est le signe, non de son honêteté supérieure, mais de sa puissance et de sa réussite.
Comprendre la modernité immanentiste passe par la considération historique et anthropologique de l'Empire britannique. On ne peut comprendre factuellement ce qui relève de l'interprétation du sens et de la connaissance du sens. Sans intuition religieuse et sans l'usage de la raison non dévoyée, l'immanentisme demeure un mystère dans l'ombre de son fonctionnement et ce qui apparaît n'est jamais que la partie émergée du processus véritable.
La réduction et l'identité faussées sont les armes de manipulation et de propagande avec lesquelles l'immanentisme progresse. Le colonialisme immanentiste exprime une mutation de l'impérialisme classique en ce qu'il consiste à asseoir la domination de l'Occident sur le reste du monde, et bientôt, de l'oligarchie occidentale sur l'Occident en plus du reste du monde. Le colonialisme consiste à asservir après avoir consisté à unir et réunir.
C'est dans ce contexte d'immanentisme explicite que la phase historique de décolonisation n'est jamais que la poursuite de la fuite en avant du processus amorcé. La décolonisation ne signale pas que l'Occident renonce à sa politique d'hégémonie et de dénomination et que la colonisation est finie. Cette anecdote piquante et consternante, c'est ce que voudrait nous faire accroire la propagande immanentiste. On nous a répété que la décolonisation signifiait que les anciens colonisés prenaient en main leur destin. De manière inexplicable, les anciens colonisés ont sombré dans un excès de pauvreté et d'impéritie, ce qui a permis aux conservateurs et aux bonimenteurs hypocrites de marteler que mieux valait le colonialisme dans ces conditions.
Si l'on restaure la vérité factuelle par de l'interprétation honnête, la décolonisation signale en fait une accélération du processus immanentiste et le passage à un néocolonialisme travesti en identité frelatée, soit en décolonisation noble et affirmée. La décolonisation, c'est l'accélération du système dû à l'effondrement de son fonctionnement. La machine s'emballe pour conjurer sa panne prochaine. Il ne reste plus qu'à comprendre que le néocolonialisme est une surenchère par rapport au colonialisme en ce qu'il abandonne les prérogatives classiques de domination politique pour ne plus conserver que les attributs révolutionnaires de l'immanentisme : le commerce et l'économie. On se rappelle que le colonialisme moderne présentait déjà ces traits originaux.
Désormais, l'immanentisme tardif dégénère au point que l'économie prédomine avec l'hégémonie de la finance. C'est l'hégémonie du coucou ou du pirate, soit la domination d'un système de moins en moins pérenne, promis à la ruine. La décolonisation est la phase terminale du colonialisme immanentiste. Le colonialisme immanentiste mettait en place la domination du système immanentiste en remplacement du transcendantalisme.
C'est dans ce cadre immanentiste qu'intervient la colonisation si particulière de l'Amérique avec le remplacement pur et simple des autochtones par des Européens. L'Amérique du sud a subi ce phénomène en s'exprimant en espagnol (et en portugais). Les États-Unis sont le signe paroxystique de la crise de pouvoir de l'immanentisme, de son putsch sur le reél.
Toute la colonisation de l'Amérique à partir de 1492, date symbolique, doit être interprétée comme une tentative plus ou moins réussie de remplacer le réel par l'Hyperréel. A quel prix? Il est certain que l'échec tient à la dichotomie entre le reél et la représentation. Les États-Unis comme puissance hégémonique et tête d'affiche de l'immanentisme occidentaliste n'ont jamais réussi à sortir de cette dichotomie et la majeure partie de leur politique impérialiste catastrophique provient de cet échec retentissant - de cette identité frelatée autant que frauduleuse.
La décolonisation manifeste l'étape finale et décisive qui met à nu et à vif le processus intime de l'immanentisme. Qu'est-ce que la décolonisation? Sous couvert d'instaurer une noble application des Droits de l'Homme et des principes de la Raison engendrant le Progrès, il s'agit en fait de mettre en place ce qui se définit assez explicitement comme un néo-colonialisme, soit comme un nouveau colonialisme.
Tout ce qui se présente comme nouveau mérite d'être taxé d'immanentisme. Le nouveau philosophe est ainsi le propagandiste de l'immanentisme. Le nouveau colonialisme signifie en fait que le colonialisme se débarrasse de sa tutelle politique lourde et pesante et ne conserve que les prérogatives typiques de l'immanentisme, c'est-à-dire le volet économique. Cet économisme grandiloquent et délirant, qui tend à remplacer le politique, est typique du colonialisme immanentiste et en est l'originalité. Jusqu'alors, le colonialisme était marqué par le sceau de la prédominance politique.
La décolonisation est effectivement une décolonisation de type politique, qui conserve en fait ses attributs économiques. C'est le stade où le colonialisme abandonne tout ce qui n'est pas immanentiste pour se concentrer sur ce qui est le coeur de l'immanentisme. Le propre de l'immanentisme réside dans le déploiement du volet économique. C'est ce qui s'est produit avec la décolonisation, qui est la poursuite du dessein terriblement pervers instauré par l'immanentisme.
Si l'on comprend le dessein de l'immanentisme, on en cerne son destin tragique. Le colonialisme occidental aura consisté à asseoir la mainmise sur le reste du monde. L'universalisme était la billevesée principale de ce coup de force travesti en opération rationnelle et philanthropique. Quand l'immanentisme commence à s'essouffler, il se commue en opération de séduction avec la décolonisation, baptisée par les esprits lucides néocolonialisme, soit colonialisme hypocrite, pervers et économique.
Il est certain que l'avènement d'Israël à cette période signe cet immanentisme pur et dur, contigu des deux Guerres mondiales, qui signent la fin du processus de mondialisation. Désormais, la mondialisation sera destruction, entreprise de domination qui se retourne contre elle. Après avoir dominé le monde pendant la phase de colonisation, la phase de décolonisation annonce que l'Occident va se détruire à son tour et qu'il ne restera plus que la domination des élites oligarchiques et financières de type occidentaliste et mondialisé.
Après que le monde ait été dominé par un cinquième de sa population, désormais, le monde sera dominé par les élites de ce cinquième occidental, qui s'adjoindront le concours des collaborateurs mondialisés de la haute finance. Le projet immanentiste ne peut que mener à la ruine. C'est ce qu'enseigne l'histoire du colonialisme moderne, dont il importe d'urgence de comprendre qu'il n'est pas un nouvel avatar de colonialisme, mais que derrière le colonialisme toujours renouvelé se cache l'originalité mortifère et moribonde de l'immanentisme comme esprit de crise.
Il est pertinent de considérer le colonialisme comme le prolongement de la guerre. Le rôle de la guerre dans les affaires humaines consiste moins à pratiquer la victoire et la défaite, les larmes et les armes, qu'à perpétuer directement et efficacement le mouvement d'unification de l'humanité.
Dans ce cadre et ce mouvement, dont le monothéisme exprime la réalisation religieuse, le colonialisme signale simplement que l'expansion se stabilise de manière politique et que peu à peu le vainqueur (le colonisateur) installe ses pions et ses collaborateurs colons en attendant que sa puissance retombe et qu'un nouveau jeu de forces s'instaure. Le colonialisme est toujours un processus paradoxal en ce qu'il paraît comme l'expression du triomphe, alors qu'il signale le vent de la défaite et l'idée que le colonisateur finira colonisé par le colonisé lui-même.
Dialectique du maître et de l'esclave chez Hegel; mais aussi lucidité de la morale chrétienne (bien moins crétine que la surmoraline nietzschéenne), selon laquelle la victime est supérieure au bourreau et finit toujours par triompher (au grand dam de Nieztsche qui en sombrera de rage et de ressentiment dans le mutisme). Dans le cas du Christ, celui que Dieu envoie sur Terre racheter les fautes humaines finit crucifier entre deux voleurs vagabonds. Dans le cas du colonialisme, le colonisé se trouve avantagé par la colonisation parce qu'il bénéficie de la force de son vainqueur et qu'il l'utilise pour triompher à son tour.
Raison pour laquelle l'histoire est constellée de renversements de situations et de passations de pouvoir. Un siècle, c'est la Grèce qui domine; l'autre, c'est Rome. Bien entendu, la domination des Grecs était toute relative puisqu'en fait les Perses étaient bien plus puissants qu'eux (n'en déplaise à Eschyle). Les Egyptiens attestent que les Africains présentaient des Empires florissants durant l'Antiquité (et bien avant). D'ailleurs, au Moyen-Age, ces Empires poursuivaient leur vitalité exubérante, avant que l'Occident n'acquière une supériorité technique et scientifique qui lui permettra d'instaurer l'esclavage et le colonialisme moderne.
C'est un fait que la modernité est une période de colonialisme d'un genre un peu particulier. D'abord, c'est l'Occident qui a lancé les grandes conquêtes coloniales modernes. Puis, c'est encore lui qui a amorcé la fin de la réunion babellienne de l'homme, avec la découvert de l'Amérique et avec la colonisation du monde (l'Afrique et l'Asie en sus de l'Amérique). Enfin, c'est lui qui a amorcé ce que l'on pourrait nommer la colonisation moderne.
On note souvent qu'il existe une grande différence entre l'esclavage et le colonialisme institués par l'Occident - et les autres formes d'esclavage et de colonialisme, qui ont toujours existé. Il serait temps de ne pas tomber dans la panneau de ceux qui croient (ou font croire) que ce sont les Occidentaux et les Blancs qui ont lancé la mode de l'esclavage. Si c'était le cas, qu'on explique pourquoi l'esclavage a toujours existé, de même que le colonialisme ou l'impérialisme.
Ce qui a changé profondément, c'est la nature technique du colonialisme moderne. L'esclavage de ce point de vue prend une tournure qualitativement et quantitativement plus effrayante et monstrueuse, parce qu'il ne s'agit plus de réduire des prisonniers, des captifs ou des perdants d'une petite dimension et durant une courte période à l'esclavage; il s'agit bel et bien d'organiser un esclavage systématique et systématisé, que seule la technique triomphante et la domination du Progrès permettent. Les Traites négrières témoignent de cette mutation radicale et effrayante.
La domination technique manifeste la fin du processus d'unification de l'homme, si bien que la profonde crise de la modernité coïncide de manière prévisible avec la fin du long et séculaire processus d'unification, comme si l'humanité ne savait plus quel sens adopter avec la fin de cet objectif travesti en guerre, colonisation et impérialisme constants et provisoires. Si l'on relie la colonisation avec l'unification, on constate le rôle prédominant de la guerre dans les affaires humaines et de la tentative constante, presque l'instinct qui poussent l'homme à s'unir et se réunir.
C'est d'ailleurs l'un des sens du mythe de Babel. L'autre sens, c'est la démesure, qui explique ce besoin irrépressible selon lequel toute velléité d'unification finit en ruines et en larmes. Justement, on peut considérer que la prise de pouvoir de l'immanentisme s'explique par le changement de sens général qui ne manque pas d'accompagner l'accomplissement de l'unification.
L'homme se trouve perdu parce que l'objectif principal qu'il s'était fixé est terminé et qu'il n'a plus aucun repère, plus aucune direction, plus aucun sens, en fait. L'homme moderne est perdu. Eperdu, il témoigne de son désarroi en jouant au roi. Dès lors, le processus se retourne contre lui-même : au lieu de poursuivre l'unification, désormais, la colonisation sert d'autres intérêts, en particulier la domination. Du coup, la destruction devient le principal symptôme de la colonisation, alors qu'auparavant, c'était plutôt la construction, au moins à terme.
C'est ici qu'il faut constater que la colonisation typiquement immanentiste des États-Unis, le massacre des autochtones et leur remplacement par des réprouvés d'Europe ne sont pas une colonisation particulière qui accompagnerait par hasard la colonisation du monde qu'entreprennent les marchands. L'esclavagisme n'est qu'une donnée impitoyable, monstrueuse et tragique de cette colonisation. En fait, tous les types de colonisation moderne sont de type immanentiste.
Ils consistent à envahir le monde et à le placer sous le joug occidental et occidentaliste. Bien entendu, l'immanentisme nécessite une justifiaction hyperrationnelle et ce sera la morale du Progrès, bientôt maquillée et retouchée en Droits de l'homme et autres billevesées, qui laissent accroire à des principes universels, alors que l'universalisme en l'occurrence renvoie de fait à la domination occidentaliste et à la morale occidentaliste.
Si l'on analyse le parallélisme entre les Empires coloniaux (français et anglais) et la création de toutes pièces des États-Unis, on se rend compte que l'essentiel de la Traite négrière, soit de l'esclavage moderne, rendu possible par la technique, aura servi à alimenter en main-d'oeuvre gratuite le nouveau continent. Les Africains colonisés et esclavagisés sont déportés pour aménager le territoire annexé, selon les désirs de leurs maîtres.
C'est dire que les Empires coloniaux sont des créations européennes des deux principales nations du continent et qu'elles servent les desseins de l'immanentisme. Si l'on considère attentivement l'Empire britannique, que constate-t-on? Que le colonialisme est rendu possible par l'hégémonie technique et que cette supériorité engendre l'exploitation économique et les échanges commerciaux unilatéraux. Les colonies sont pillées au profit de la métropole.
L'exploitation coloniale se trouve au service du véritable objectif de l'immanentisme : piller et détruire le zeste et le reste du monde pour favoriser la prospérité matérielle et technique de l'Occident. Nous en sommes toujours à ce stade aujourd'hui. La création des États-Unis n'est qu'une partie visible d'un projet bien plus vaste, un projet de domination et surtout de reconfiguration du monde selon les attentes et les projets de l'Occident.
Le vrai projet est de détruire le monde pour créer un Occident luxuriant et paradisiaque. Bien entendu, ce vrai sens du Progrès est présenté comme la transformation du monde aux fins intéressées de l'humanité entière. La concurrence entre les deux Empires, français et anglais, ne doit pas étonner. La France est l'Empire le plus faible, non parce que la France vaudrait moins, tant s'en faut, mais parce que le vrai projet immanentiste se manifeste avec l'Empire britannique et le Commonwealth. Où apparaît le libéralisme, soit le signe éclatant de l'immanentisme? Qui est le premier pays d'Occident à opérer sa Révolution? Pourquoi Cromwell lance-t-il le Commonwealth à l'époque moderne? Qui est Cromwell, par rapport au restaurationnisme en particulier?
Tous ces paramètres et ces indices démontrent que l'Empire britannique est le fer de lance du colonialisme occidentaliste et que l'Empire français est un Empire mimétique qui agit de la même manière que l'Empire britannique, seulement avec une once supplémentaire d'hypocrisie, qui ne fait que le désavantager au final dans son efficacité. Que l'on en juge avec la colonisation des États-Unis. Bien qu'au départ les Français aient joué un rôle de premier plan dans l'entreprise, au final, ils finissent par perdre leur influence et par céder le terrain aux Britanniques.
Tout un symbole. Les Français sont simplement moins enclins au libéralisme, qui est la marque de fabrique de l'immanentisme. Le colonialisme moderne en ce sens ne pouvait que s'épanouir avec réussite dans l'Empire britannique. Le fait que les scandales postcoloniaux aient éclaboussé en premier lieu l'ancienne métropole française montrent que le moralisme hypocrite s'est retourné contre ses géniteurs faussement progressistes; en même temps, c'est une chance pour la culture française que de ne pas avoir sombré dans les délires et les exactions du libéralisme d'obédience britannique.
Car en refusant par exemple la guerre en Irak, signe du colonialisme et de l'immanentisme tardifs (participant d'un remodelage de la région, encore un!), les Français ont montré qu'ils n'appartenaient pas aux premiers cercles des financiers britanniques qui mènent la marche du monde en même temps qu'ils manipulent l'immanentisme globalisé et mondialisé. Est-on au courant de scandales coloniaux et/ou néocoloniaux touchant à l'Empire britannique? C'est le signe, non de son honêteté supérieure, mais de sa puissance et de sa réussite.
Comprendre la modernité immanentiste passe par la considération historique et anthropologique de l'Empire britannique. On ne peut comprendre factuellement ce qui relève de l'interprétation du sens et de la connaissance du sens. Sans intuition religieuse et sans l'usage de la raison non dévoyée, l'immanentisme demeure un mystère dans l'ombre de son fonctionnement et ce qui apparaît n'est jamais que la partie émergée du processus véritable.
La réduction et l'identité faussées sont les armes de manipulation et de propagande avec lesquelles l'immanentisme progresse. Le colonialisme immanentiste exprime une mutation de l'impérialisme classique en ce qu'il consiste à asseoir la domination de l'Occident sur le reste du monde, et bientôt, de l'oligarchie occidentale sur l'Occident en plus du reste du monde. Le colonialisme consiste à asservir après avoir consisté à unir et réunir.
C'est dans ce contexte d'immanentisme explicite que la phase historique de décolonisation n'est jamais que la poursuite de la fuite en avant du processus amorcé. La décolonisation ne signale pas que l'Occident renonce à sa politique d'hégémonie et de dénomination et que la colonisation est finie. Cette anecdote piquante et consternante, c'est ce que voudrait nous faire accroire la propagande immanentiste. On nous a répété que la décolonisation signifiait que les anciens colonisés prenaient en main leur destin. De manière inexplicable, les anciens colonisés ont sombré dans un excès de pauvreté et d'impéritie, ce qui a permis aux conservateurs et aux bonimenteurs hypocrites de marteler que mieux valait le colonialisme dans ces conditions.
Si l'on restaure la vérité factuelle par de l'interprétation honnête, la décolonisation signale en fait une accélération du processus immanentiste et le passage à un néocolonialisme travesti en identité frelatée, soit en décolonisation noble et affirmée. La décolonisation, c'est l'accélération du système dû à l'effondrement de son fonctionnement. La machine s'emballe pour conjurer sa panne prochaine. Il ne reste plus qu'à comprendre que le néocolonialisme est une surenchère par rapport au colonialisme en ce qu'il abandonne les prérogatives classiques de domination politique pour ne plus conserver que les attributs révolutionnaires de l'immanentisme : le commerce et l'économie. On se rappelle que le colonialisme moderne présentait déjà ces traits originaux.
Désormais, l'immanentisme tardif dégénère au point que l'économie prédomine avec l'hégémonie de la finance. C'est l'hégémonie du coucou ou du pirate, soit la domination d'un système de moins en moins pérenne, promis à la ruine. La décolonisation est la phase terminale du colonialisme immanentiste. Le colonialisme immanentiste mettait en place la domination du système immanentiste en remplacement du transcendantalisme.
C'est dans ce cadre immanentiste qu'intervient la colonisation si particulière de l'Amérique avec le remplacement pur et simple des autochtones par des Européens. L'Amérique du sud a subi ce phénomène en s'exprimant en espagnol (et en portugais). Les États-Unis sont le signe paroxystique de la crise de pouvoir de l'immanentisme, de son putsch sur le reél.
Toute la colonisation de l'Amérique à partir de 1492, date symbolique, doit être interprétée comme une tentative plus ou moins réussie de remplacer le réel par l'Hyperréel. A quel prix? Il est certain que l'échec tient à la dichotomie entre le reél et la représentation. Les États-Unis comme puissance hégémonique et tête d'affiche de l'immanentisme occidentaliste n'ont jamais réussi à sortir de cette dichotomie et la majeure partie de leur politique impérialiste catastrophique provient de cet échec retentissant - de cette identité frelatée autant que frauduleuse.
La décolonisation manifeste l'étape finale et décisive qui met à nu et à vif le processus intime de l'immanentisme. Qu'est-ce que la décolonisation? Sous couvert d'instaurer une noble application des Droits de l'Homme et des principes de la Raison engendrant le Progrès, il s'agit en fait de mettre en place ce qui se définit assez explicitement comme un néo-colonialisme, soit comme un nouveau colonialisme.
Tout ce qui se présente comme nouveau mérite d'être taxé d'immanentisme. Le nouveau philosophe est ainsi le propagandiste de l'immanentisme. Le nouveau colonialisme signifie en fait que le colonialisme se débarrasse de sa tutelle politique lourde et pesante et ne conserve que les prérogatives typiques de l'immanentisme, c'est-à-dire le volet économique. Cet économisme grandiloquent et délirant, qui tend à remplacer le politique, est typique du colonialisme immanentiste et en est l'originalité. Jusqu'alors, le colonialisme était marqué par le sceau de la prédominance politique.
La décolonisation est effectivement une décolonisation de type politique, qui conserve en fait ses attributs économiques. C'est le stade où le colonialisme abandonne tout ce qui n'est pas immanentiste pour se concentrer sur ce qui est le coeur de l'immanentisme. Le propre de l'immanentisme réside dans le déploiement du volet économique. C'est ce qui s'est produit avec la décolonisation, qui est la poursuite du dessein terriblement pervers instauré par l'immanentisme.
Si l'on comprend le dessein de l'immanentisme, on en cerne son destin tragique. Le colonialisme occidental aura consisté à asseoir la mainmise sur le reste du monde. L'universalisme était la billevesée principale de ce coup de force travesti en opération rationnelle et philanthropique. Quand l'immanentisme commence à s'essouffler, il se commue en opération de séduction avec la décolonisation, baptisée par les esprits lucides néocolonialisme, soit colonialisme hypocrite, pervers et économique.
Il est certain que l'avènement d'Israël à cette période signe cet immanentisme pur et dur, contigu des deux Guerres mondiales, qui signent la fin du processus de mondialisation. Désormais, la mondialisation sera destruction, entreprise de domination qui se retourne contre elle. Après avoir dominé le monde pendant la phase de colonisation, la phase de décolonisation annonce que l'Occident va se détruire à son tour et qu'il ne restera plus que la domination des élites oligarchiques et financières de type occidentaliste et mondialisé.
Après que le monde ait été dominé par un cinquième de sa population, désormais, le monde sera dominé par les élites de ce cinquième occidental, qui s'adjoindront le concours des collaborateurs mondialisés de la haute finance. Le projet immanentiste ne peut que mener à la ruine. C'est ce qu'enseigne l'histoire du colonialisme moderne, dont il importe d'urgence de comprendre qu'il n'est pas un nouvel avatar de colonialisme, mais que derrière le colonialisme toujours renouvelé se cache l'originalité mortifère et moribonde de l'immanentisme comme esprit de crise.
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