mardi 12 août 2008

La colonisation du réel

Israël est l'incarnation de l'Hyperreél. Tel un mirage dans le désert, il est l'excroissance sensible de l'Hyperréel. Avec Israël, l'Occident immanentiste voudrait nous faire croire que la colonisation du reél a commencé. On entend souvent parler des territoires occupés. Occupés... par des colons... israéliens.
Qui sont ces colons d'un genre si particulier? Quels sont ces territoires occupés? Dès qu'on se penche sur cette épineuse question, on se rend compte du caractère indéfendable de la politique israélienne, qui consiste en gros à coloniser de nouveaux territoires, jusqu'au moment où Israël aura enfin occupé l'intégralité de l'antique Judée pour former le Grand Israël.
De toute manière, quand on examine un tant soit peu attentivement le fonctionnement d'Israël, on est vite amené à conclure au caractère indéfendable de cette politique jusqu'au boutiste. Mais si cette politique que d'aucuns qualifient de suicidaire est si tendue, si la logique ne se laisse guère distinguer, à moins de postuler au fanatisme des dirigeants d'un pays soutenu par les Occidentaux, il est temps de comprendre que les territoires occupés signalent une occupation très spécifique : l'occupation du reél par l'Hyperréel.
Et les colons ne sont pas des hommes qui coloniseraient une terre déjà occupée par d'autres hommes. Ils colonisent le reél pour créer un territoire fantasmatique de l'Hyperréel. Si l'on intègre cette donnée, on comprend l'entêtement obtus et délirant des Israéliens à coloniser et à occuper envers et contre tout - y compris leurs intérêts institutionnels les plus évidents. On comprend également la portion chiche qu'occupe Israël en s'avisant que la défaite de l'Hyperréel est programmée.
Si l'Hyperreél parvenait véritablement à coloniser le reél, voilà longtemps qu'il aurait conquis des portions de territoires autrement plus importantes qu'un tout petit bout de désert. Le plus prévisible est qu'il n'y parvient (logiquement) pas. Les Occidentaux colonisateurs le savent très bien et sont obligés d'apporter une aide technologique et financière considérable pour perpétuer l'existence d'Israël malgré la résistance acharnée des autochtones, Palestiniens, Libanais et autres autochtones tout aussi Sémites, quoique relégués au rang des Arabes - et bientôt des sous-hommes privés de civilisation.
Quant à cette résistance que certains qualifient d'héroïque, elle ne comporte rien que de très normale : contrairement à ce qu'on estime généralement, les Palestiniens martyrisés subissent le martyr que le réel endure de la part de l'Hyperréel. Leur résistance n'est pas seulement moralement légitime. Elle est ontologiquement si cohérente que personne ne pourrait agir autrement. Les prétentions de l'Hyperréel à évacuer le réel sont non seulement délirantes; mais encore vouées à l'échec.
Il n'est pas étonnant que non seulement les faibles résistent, mais encore qu'ils l'emportent tôt ou tard. Faibles, ils ne le sont pas vraiment. La légitimité de leur combat est d'incarner la cause du réel contre les prétentions controuvées du désir humain à forcer les portes de son statut de partie et à atteindre celles de tout.
Ce n'est pas à une colonisation anodine à laquelle se livre Israël. C'est à une colonisation vouée d'ores et déjà à l'échec. En plus de cinquante ans, ne réussir qu'à annexer une chiche portion de réel montre que l'homme, aussi technologique et immanentiste soit-il, n'est pas capable de prendre la place du réel ou de recréer le reél à sa guise et selon ses attentes.
C'est l'aveu de l'échec d'un système qui a muté en croyant vraiment que la Raison était capable du prodige frelaté de transformer le monde en objet - de l'homme. Erreur sur toute la ligne. Fatal error, comme l'annonçaient avec une banalité rageante les premiers jeux vidéos. La réalité, c'est que la colonisation du réel est impossible et que l'histoire de la colonisation humaine traduit cette mutation, où l'on est passé de la conquête et de la colonisation de certains peuples par d'autres plus puissants à la colonisation du réel. Que s'est-il passé? L'homme aurait-il sombré dans la démesure?

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