lundi 11 août 2008

Le combat de l'Hyperréel

Israël est une création de l'Occident. Si l'on regarde bien, le sionisme, qui est une idéologie comme le communisme ou le libéralisme, surgit en Occident à la fin du dix-neuvième siècle (explicitement). La notion de peuple juif est extrêmement problématique d'un point de vue historique. Qu'est-ce que le peuple juif? Quelle est la filiation historique et non mythologique entre les Hébreux et les Israéliens?
Ces questions fort polémiques suffisent à montrer que la paternité de l'État si particulier d'Israël revient à des milieux occidentaux et que les pères du sionisme étaient des Occidentaux. Pas seulement les Juifs d'Europe slave, que l'on cite toujours. Il est capital dans l'histoire d'Israël comme aboutissement du militantisme idéologique sioniste de comprendre que le sionisme est initié historiquement par des protestants fondamentalistes que l'on nomme les restaurationnistes et que l'on retrouve fort présent dans les milieux anglo-saxons, entre le Royaume-Uni et les États-Unis.
Troisième donnée historique : Israël surgit comme par enchantement au berceau du néocolonialisme qui est un colonialisme économique masqué et qui se présente hypocritement comme la phase de la décolonisation. Décolonisation politique, oui. Décolonisation, certainement pas. L'État d'Israël coïncide avec la nouvelle phase de la colonisation, qui est une colonisation économique. Le colonialisme mute et de ce fait se présente comme décolonisation.
La décolonisation signifie en fait que l'immanentisme le plus décadent arrive aux manettes du pouvoir et que le processus de mondialisation est enclenché dans sa phase actuelle. En réalité, le colonialisme signale le processus de colonisation d'un point de vue politique et parachève le monothéisme religieux comme processus d'unification divine. Il est capital de comprendre que le colonialisme politique est la fin de la mondialisation et que son statut est des plus ambigus.
De ce fait, il manifeste la perte d'identité qui est présente dans l'immanentisme comme crise et qui culmine avec l'achèvement du processus de colonisation en phénomène de mondialisme. La décolonisation officieuse, dont la vraie identité est le néocolonialisme de moins en moins officieux,
signifie la perte d'identité dont l'immanentisme est l'aboutissement.
L'État d'Israël surgit dans ce processus en pleine marche et ce n'est pas un hasard si c'est un cadre de l'Empire britannique qui officiellement signe l'acceptation par l'Empire d'Israël (un certain Balfour, après Disraeli). Ce mépris souverain pour les peuples colonisés et autochtones n'est pas seulement une incompréhension passagère. C'est tout simplement le résultat de la transformation du colonialisme en néocolonialisme qui aboutit à Israël comme produit de l'immanentisme.
Israël est une création ex nihilo qui est la première création dans l'histoire d'un État totalement artificielle d'un point de vue historique. Si la légitimité historique d'Israël est des plus contestables, il convient de se demander si c'est par philanthropie ou par intérêt idéologique que l'Occident a appuyé la création d'Israël. La réponse coule de source, surtout quand on comprend que le processus d'exploitation et de destruction du colonialisme n'a jamais cessé et s'est même intensifié avec la décolonisation officielle et grotesque.
Israël est l'allié naturel de l'Occident car Israël correspond à la création du colonialisme explicitement immanentiste et décadent en lieu et place du colonialisme. Si l'immanentisme consiste en son projet politique à substituer l'Hyperreél au réel, alors Israël est cette incarnation stupéfiante et fascinante du projet de l'Hyperréel qui correspond au projet du colonialisme version tardive et immanentiste.
De ce point de vue, le destin d'Israël n'est pas à comprendre comme l'influence perverse de Juifs sionistes qui auraient utilisé leur infuence politique et surtout économique en Ocicdent pour satisfaire à leurs desseins tribalistes. Il s'agit en fait de la conjonction d'une idéologie tribaliste, le sionisme, puissamment soutenue par les milieux financiers et bancaires d'Occident qui avaient intérêt à cette création hyperréelle, et d'une conception fondamentaliste de la religion chrétienne.
Le prétexte moral fourni pour expliquer Israël prête à sourire : la Shoah survient bien trop tardivement pour expliquer un processus qui remonte à au moins un siècle auparavant, en fait aux Lumières. Israël est l'enfant de l'immanentisme, du mondialisme et de l'occidentalisme. A chaque fois que les critiques contre le sionisme situe le problème et la source dans Israël, ces critiques qui croient le plus souvent défendre la cause palestinienne font montre d'un certain simplisme, car si la politique actuelle d'Israël est ignominieuse et abjecte, la cause d'Israël, de sa création et de son soutien, sont à chercher en Occident - pas chez les improbables Juifs.
Qui aujourd'hui soutient le plus fermement Israël? Les États-Unis, considérés comme le fer de lance de l'Occident. Qui en Occident empêche sérieusement la politique mortifère et destructrice d'Israël? Personne. En effet, cette politique est tout à fait cohérente quand on comprend qu'Israël n'est pas un État résultant d'une injustice comme la Shoah, mais un État tirant parti du prétexte de la Shoah pour mener à bien la politique immanentiste
Israël est soutenu par l'Occident parce qu'il incarne la création immanentiste en lieu et place du réel colonisé. C'est l'Occident qui colonise ainsi dans sa phase terminale le monde avec la création d'Israël. Israël serait la vitrine du remplacement du réel par l'Hyperreél. Si l'on ne comprend pas les raisons du soutien indéfectible de l'Occident envers Israël, on est incapable d'agir correctement pour contrer la politique immanentiste d'Israël. Si l'Occident, les États-Unis singulièrement, soutiennent aussi massivement Israël, ce n'est pas la ridicule motivation philanthropique qui constitue la source de l'explication, c'est l'immanentisme : c'est parce qu'Israël est leur créature immanentiste et que dans cette perspective, Israël signale le rôle institutionnel que certains Juifs sionistes ont joué dans l'immanentisme.
Où? En Occident, pas en Afrique ou en Orient. Il faut être très clair : la décolonisation s'est décidée en Occident. Elle s'est décidée non à Paris ou dans l'Empire français, mais à Londres comme capitale de l'Empire britannique. Israël s'est également décidé à Londres. Son soutien actuel et inconditionnel par les États-Unis ne s'explique pas autrement que par le fait que les États-Unis sont le fer de lance actuel de l'Empire britannique.
De ce point de vue, la naissance d'Israël correspond à l'avènement religieux de l'immanentisme. Ce n'est pas le retour mythique des Juifs sur leur terre biblique qui survient, car ce fait signifierait que c'est le monothéisme qui triomphe, avec l'alliance du judéo-protestantisme. La vérité, c'est que cette présentation controuvée correspond aux intérêts de l'immanentisme et que la guerre incessante entre Israël et ses voisins signifie que l'Hyperreél lutte pour s'imposer aux dépens du réel.
Il n'y parviendra pas, l'issue est signée d'avance. Pis, Israël sera la victime collatérale du combat entre le réel et l'Hyperreél. Au lieu de chercher la cause d'Israël dans une idéologie comme le sionisme, il faut comprendre que c'est le sionisme qui est la conséquence du combat premier entre le réel et l'Hyperréel. Si Israël est toujours en guerre depuis sa création, si les conflits sont interminables, si la résolution du conflit israélo-palestinien est une gageure, c'est que la finalité d'Israël n'est pas de vivre dans la paix, soit de s'insérer dans le réel. Elle est de lutter contre le réel au nom de la cause immanentiste.
Voilà bien longtemps qu'un accord aurait été conclu avec les voisins autochtones, en dépit du fait qu'Israël s'est implanté de manière colonialiste, éhontée, illégale et immorale en lieu et place des Palestiniens. Si l'affrontement, la destruction, la mort, la violence et les exactions se poursuivent, c'est que les rouages d'Israël tendent à perpétuer sans cesse le combat entre le réel et l'Hyperréel.

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