"Je n'aimais pas l’auteur du blog éponyme Eric Hufschmid. Cet homme valait moins que tous ses ennemis ensemble; je n’ai jamais approuvé ni les erreurs de son blog, ni les vérités triviales qu’il débite avec emphase. J’ai pris son parti à ma mesure, quand des hommes absurdes l’ont condamné pour ces mensonges mêmes."
Koffi Cadjehoun, Questions sur l'amalgame, article 911.
Koffi Cadjehoun, Questions sur l'amalgame, article 911.
«Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire.»
Voltaire, citation apocryphe.
Voltaire, citation apocryphe.
A en croire Wikipédia, cette pseudo-citation du grand Voltaire tire sa source certainement du passage suivant :
"J’aimais l’auteur du livre de l’Esprit Helvétius. Cet homme valait mieux que tous ses ennemis ensemble; mais je n’ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu’il débite avec emphase. J’ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l’ont condamné pour ces vérités mêmes." (Questions sur l’Encyclopédie, article "Homme).
Au passage, la grandeur de Voltaire est des plus particulières : cet écrivain qui pariait sur ses tragédies et ses combats philosophiques est aujourd'hui reconnu comme un honnête tragédien tout au plus (fort ennuyeux et stéréotypé) - et un piètre philosophe. En fait, Voltaire fut grand par son style d'ironiste et de polémiste et par ses contes, sur lesquels il ne misait pas un sou et qu'il traitait en aimables bagatelles.
C'est la modernité laïque qui essaye de faire accroire que le penseur fut de qualité supérieure, alors qu'il n'a rien pensé de particulier et qu'il a surtout réussi l'exploit de ne rien comprendre à ses contemporains, en particulier Leibniz ou Malebranche. En matière d'idée, Voltaire brille surtout par son ironie mordante, qui évoque l'esprit français du siècle des Lumières. Bien qu'il se soit beaucoup moqué (parfois non sans raison) de Rousseau, il est certain que ce dernier lui était très supérieur d'un point de vue conceptuel et que Voltaire n'a jamais rien compris aux idées aussi géniale qu'exaltées de Rousseau. A cet égard, la citation également qu'on impute à Voltaire concernant Malebranche est édifiante.
Mais revenons au sujet du débat : Hufschmid. Hufschmid comme incarnation de la diversion et de la diabolisation. Hufschmid comme instrumentalisation de la haine et refus de la critique. Dans le fond, la haine est circulaire, car tant Hufschmid que ceux qui dénigrent les propos de Hufschmid au nom de son négationnisme sont mus par la haine et l'intolérance.
Avant d'analyser le cas Hufschmid, j'aimerais pasticher la citation précédente de Voltaire pour expliquer en quelques mots ma position vis-à-vis de Hufschmid, et surtout de ses positions :
"Je n'aimais pas l’auteur du blog éponyme Eric Hufschmid. Cet homme valait moins que tous ses ennemis ensemble; je n’ai jamais approuvé ni les erreurs de son blog, ni les vérités triviales qu’il débite avec emphase. J’ai pris son parti à ma mesure, quand des hommes absurdes l’ont condamné pour ces mensonges mêmes."
Maintenant, entrons dans les détails.
Le cas Hufschmid est très intéressant, car il illustre le problème de la liberté et de la tolérance dans des sociétés qui se réclament de la tolérance et de la liberté. En analysant un peu le cas Hufschmid, on mesure que le formatage et la censure sont tout à fait compatibles avec la liberté et la tolérances proclamées comme bannières et étendards, à condition de décréter que l'on se situe du côté du Bien.
Rien de plus simple que de défendre conjointement la liberté et la censure : le formatage découle de l'affirmation selon lequel le point de vue que l'on endosse est le bon point de vue. Dès lors, on est d'autant plus libre et tolérant que l'on suit le point de vue du Bien et que l'on s'aligne sur le camp qui comme par hasard est le sien (le Bien est le sien). Défendre la Liberté quand on s'estime du côté du Bien, c'est précisément plonger pieds et poings liés dans le fanatisme et l'intolérance.
C'est ainsi que la critique qui s'abat sur Hufschmid est unilatérale, sans nuance et sans discernement. Que l'on se comprenne bien : je ne défends nullement Hufschmid. A vrai dire, je le défendrai d'autant moins que je connais très mal ses positions et que les quelques visites que j'ai osées sur son site m'ont dissuadé de poursuivre mes recherches. Non que je sois simplement en désaccord.
Je ne me sens pas d'approfondir ma compréhension d'un théoricien famélique qui remet en question la Shoah (révisionnisme ou négationnisme, peu importe) ou qui explique que tous les problèmes du monde viennent des sionistes. Non seulement de telles positions sont des postures amalgamantes, confusionnelles et généralisantes, mais en plus ces propositions simplistes tiennent lieu d'explication unique et facile (absurde) du monde.
On pourrait gloser à l'envie sur Hufschmid et ses préjugés. Il est préférable de se borner à cette constatation après tout attristante : Hufschmid présente des discours qui sont négationnistes, antisémites et paranoïaques. Mais le principal n'est certainement pas d'analyser le cas Hufschmid du point de vue de ses discours et de leur valeur. L'important est plutôt de déplacer le point de vue et d'analyser la réception des discours de Hufschmid dans la mentalité du système officiel.
Pour ce faire, nul besoin de connaître à fond la pensée de Hufschmid (je crains que pensée soit un bien grand mot pour qualifier les élucubrations systématiques d'un négationniste).
a) On pourrait commencer par remarquer que certains discours autorisés se complaisent à divertir leurs destinataires avec des propositions comme : Hufschmid, le contestataire de la version officielle du 911, est un antisémite et un négationniste invétéré et acharné. C'est un moyen commode de faire disparaître l'examen des faits du 911 sous des polémiques moralisantes connexes et adjacentes.
Pendant ce temps au moins, le grand public ne pense plus à examiner les thèses contestataires sur l'événement systémique qui révèle le fonctionnement du système, notamment que le système est en décomposition.
b) L'important n'est pas là. L'important est que quelles que soient les positions de Hufschmid, aussi inadmissibles soient-elles, il est inadmissible de les réfuter sans les examiner. J'oserai même : il est d'autant plus inadmissible de les réfuter a priori qu'elles sont elles-mêmes inadmissibles. Il est inadmissible de substituer le rejet dogmatique à l'examen critique sous prétexte que les théories générales nauséabondes de l'impétrant invalideraient de manière unilatérale et globale l'intégralité de ses travaux.
On m'a reproché, dans une lettre que j'ai envoyée par Internet à Stéphane Malterre (auteur d'un reportage partisan et très réducteur sur le sujet des Rumeurs, intox : les nouvelles guerres de l'info et le statut de l'information Internet), d'avoir semé une certaine confusion quant à mes propos sur Hufschmid. J'accepte tout à fait la critique et reconnaît que ce n'était pas le lieu opportun pour établir ce type de nuances forcément polémiques (pas davantage qu'il n'était opportun d'user dans cette lettre de remarques concernant le journaliste Thompson, dont le caractère ironique pouvait justement prêter à confusion).
Mon propos consistait en fait à défendre la nuance et la distinction contre l'esprit d'amalgame, quel qu'il soit. Je ne cherchais nullement à défendre le dénommé Hufschmid, d'autant que j'ignorais quasiment tout de ses travaux (depuis que j'en ai pris connaissance, son négationnisme réducteur me rebute). Je voulais simplement distinguer l'erreur fondamentale de son principe d'explication et de raisonnement de l'erreur qui consisterait à étendre le principe erroné à tous ses propos et tous ses raisonnements.
Ce n'est pas la même chose d'affirmer que Hufschmid se trompe quant à son raisonnement de principe et que Hufschmid se trompe toujours et tout le temps. Il y a là confusion, extension abusive et amalgame entre l'idée directrice et les idées connexes. Bien entendu, pour accepter ce raisonnement précautionneux, il faut intégrer la nuance, le principe d'incertitude et la complexité du monde. Il faut d'une certaine manière refuser le simplisme qui consiste à expliquer le réel par une seule cause pour opposer à cette vision réductrice le principe de la causalité plurielle, éclatée et souvent peu évidente.
D'une certaine manière, le simplisme obvie de Hufschmid est rejeté intégralement et unilatéralement par des adversaires qui partagent la même structure de pensée : soit la vision simpliste d'un monde unilatéral ou bipolaire (le Bien/le Mal). Il est certes simpliste et inadmissible d'expliquer le fonctionnement du monde par le sionisme; il l'est tout autant de croire que toute théorie antisémite ou négationniste engendre de ce fait l'erreur et l'invalidation de tous les propos connexes au nom de l'antisémitisme.
Imagine-t-on sérieusement un témoin qui dirait : "J'ai croisé hier Hufschmid et il m'a invité à partager avec lui un sandwich. J'ai refusé le sandwich qu'il me proposait, car Hufschmid est antisémite. En effet, si Hufschmid est antisémite, le sandwich qu'il me propose ne saurait être comestible."?
Bien entendu, je m'amuse, mais il ressort de cet exemple que Hufschmid pourrait préparer d'excellents sandwichs tout en étant un antisémite forcené. L'antisémitisme de Hufschmid ne présuppose nullement que les talents culinaires de Hufschmid soient incriminables. Si Hufschmid cuisine mal, ce n'est en tout cas pas du fait de son antisémitisme. Il n'existe aucun rapport entre l'antisémitisme de Hufschmid et ses talents culinaires, de la même manière qu'il n'existe aucun rapport a priori entre le raisonnement principal et les raisonnements secondaires. Ces raisonnements secondaires peuvent certes être dérivés du raisonnement principal; mais ils peuvent tout aussi bien se trouver indépendants, totalement ou partiellement. Il est très important de noter que le lien entre le principe et le secondaire peut être aussi bien :
- l'absence totale de dérivés;
- l'absence partielle de dérivés;
- la présence partielle de dérivés;
- la présence totale de dérivés.
Le rejet du sandwich reviendrait à prétendre que l'antisémitisme de Hufschmid s'applique à toutes ses actions et pensées. Cette contamination est insensée et tout aussi délirante que l'antisémitisme de Hufschmid.
De même que l'antisémitisme de Hufschmid est dangereux, de même l'invalidation automatique de ses discours et actions au nom de son antisémitisme de principe constitue un amalgame dangereux. La raison principale en est simple : le rejet unilatéral et intégral relève de l'intolérance. La nuance commande au contraire de distinguer entre le principe et les applications d'ensemble. Le principe peut être faux sans incriminer forcément l'ensemble des applications.
Ce n'est pas parce que Hufschmid est antisémite que tout ce qu'il dit est frappé du sceau de l'erreur, de la folie ou de l'infamie. Cette constatation de bon sens n'implique nullement son inverse automatique : ce n'est pas non plus parce que Hufschmid est antisémite que tout ce qu'il dit est juste.
Entre les deux propositions également fanatiques, la nuance et le bon sens commandent d'affirmer simplement : le seul moyen de savoir si ce que dit Hufschmid est juste ou faux est de réfuter (ou d'approuver) ses propos en les examinant. Toute réfutation fonctionnant sur le principe du raccourci réducteur (Hufschmid est antisémite, donc ce qu'il dit est faux) obéira au préjugé et à l'amalgame.
Le discours que tient d'ordinaire la critique concernant Hufschmid est calqué sur ce modèle. Il s'agit d'invalider tous les propos de Hufschmid au nom de son antisémitisme. Ce discours pseudo-critique (car sa critique fonctionne sur l'amalgame, non sur la bonne foi rationnelle) énonce à peu près que Hufschmid étant antisémite, ses propos, productions et pensées concernant le 911 sont forcément erronées. Toute critique de cette critique repose nécessairement sur l'antisémitisme, partant du principe selon lequel si tout antisémite tient des propos nécessairement antisémites, toute contestation du raisonnement critique premier verse nécessairement à son tour dans l'antisémitisme.
Pourtant, une analyse sommaire permet d'affirmer que ces propos sont révoltants et choquants par leur amalgame grossier et intolérant. Si l'on en vient aux faits, il est reproché à Hufschmid, du fait de son antisémitisme ampoulé et outrancier, de tenir des théories tout aussi délirantes sur le 911. Le raisonnement se fait ici par induction analogique, sur le modèle : Hufschmid est antisémite, donc ses travaux sur le 911 sont antisémites. Ce raisonnement est aussi choquant intellectuellement que l'analogie entre l'antisémitisme de Hufschmid et la qualité putative de ses sandwichs.
Tout d'abord, l'induction est un modèle de raisonnement qui est par principe plus incertain que la déduction. D'autre part, l'induction ici utilisée est un modèle d'induction particulièrement incertain. L'induction analogique implique en effet que l'on postule l'unicité finaliste pour expliquer tous les phénomènes à partir d'une seule et même cause. C'est effectivement un moyen explicatif simpliste, plus simple que l'explication causale complexe.
Néanmoins, ce modèle laisse lieu à tous les amalgames et à toutes les confusions car il ne respecte pas le caractère essentiellement complexe et incertain du réel. En outre, il tend à se rapprocher dangereusement du modèle qu'il prétend combattre : l'induction analogique est ainsi autant l'apanage de ceux qui prétendent critiquer le monde à peu de frais que de ceux qui prétendent expliquer le monde à peu de frais.
Autant de ceux qui expliquent le monde par l'explication unique et lumineuse de l'antisémitisme que de ceux qui réfutent toute contestation au nom de l'antisémitisme. Dans les deux cas, le modèle de raisonnement est étonnamment proche. Il est pourtant absolument évident que Hufschmid a pu réaliser de bons documentaires sur le 911 tout en étant antisémite. Il est certain que son explication du 911 par l'implication des sionistes risque d'être faussée par son antisémitisme virulent et partisan, mais là n'est pas la question.
La question est : si Hufschmid dit faux, que l'on démontre en quoi il dit faux. C'est le meilleur moyen d'entrer dans les faits et d'examiner les détails sans généralisation ni amalgame. Il est très aisé de démonter un discours antisémite tout simplement parce que l'antisémitisme est une erreur, comme tout type de racisme. Il est donc très facile d'invalider les raisonnements de Hufschmid antisémites. Mais il est profondément malhonnête d'induire de son antisémitisme à la fausseté radicale de tous ses travaux, notamment sur le 911; et, plus encore, d'amalgamer toutes les contestations de la version officielle du 911 à l'antisémitisme de Hufschmid.
A ce compte, la réduction ad hitlerum est éloquente : si Hitler appréciait Mozart, c'est que Mozart était déjà nazi.
Bien entendu, ce raisonnement est aberrant, comme le raisonnement selon lequel si Hufschmid est antisémite, c'est que tous les contestataires de la version officielle du 911 sont peu ou prou antisémites.
Mais aussi deux corolaires :
1) Si Hufschmid est antisémite, c'est que tous ses propos concernant sur le 911 sont antisémites.
2) Si Hufschmid est antisémite, c'est que tous ses propos sont faux.
Malheureusement, le monde n'est pas si simple. Il faut admettre au contraire et par honnêteté le principe d'incertitude, de complexité et de vérité éclatée. Il faut au contraire, au nom de la nuance et de la distinction, affirmer :
1) Bien que Hufschmid soit antisémite, tous ses propos concernant le 911 ne sont pas forcément antisémites.
2) Bien que Hufschmid soit antisémite, tous ses propos ne sont pas forcément faux.
Pour user d'une analogie, on peut estimer que le communisme viscéral d'Arlette Laguiller est une aberration tout en jugeant en même temps que sa condamnation du capitalisme débridé et de ses méfaits est fondée.
Ainsi pour Hufschmid : ce n'est pas parce qu'il est antisémite que des travaux qu'il aurait réalisées sur le WTC ou le Pentagone seraient nécessairement délirants car antisémites; pas plus que certaines accusations qu'il porte sur les Juifs sont nécessairement toutes fausses parce qu'il est antisémite.
A ce compte, si un raciste notoire se fait voler son blouson par un Arabe, ce n'est pas parce qu'il accuse cet Arabe du larcin que son témoignage est faux car raciste. Il se peut même que notre raciste impénitent mêle insidieusement la véracité du témoignage (cet Arabe m'a volé mon blouson) et la fausseté de son explication théorique générale (tous les Arabes sont des voleurs et des moins que rien).
Ainsi pour Hufschmid : si Hufschmid affirme que le WTC 7 n'a pu s'effondrer à 17 heures 20 des suites de simples incendies, aussi violents soient-ils par ailleurs, ce n'est pas parce que Hufschmid est antisémite que cette affirmation sans rapport avec l'antisémitisme est fausse. A ce compte, la considération d'éléments techniques serait amalgamée avec des éléments racistes.
Mais aussi le mélange insidieux de faits bruts et d'antisémitisme : si Hufschmid relève que cinq Arabes présumés dansaient sur le toit d'un van en se réjouissant en direct de la chute des Tours et que l'enquête a démontré qu'il s'agissait d'Israéliens travaillant probablement pour le Mossad (j'espère m'être montré de mémoire précis et exhaustif!), Hufschmid ne saurait être déclaré par principe antisémite du fait de cette affirmation, pas plus que cette affirmation ne saurait être considérée comme fausse du fait de l'antisémitisme de Hufschmid. En effet, cette remarque est attestée par le quotidien Ha'aretz et par de nombreux journalistes sérieux et dénués d'antisémitisme.
D'autre part (surtout?), dire le réel n'est jamais antisémite.
On mesure à quel point la nuance est le plus sûr rempart aux dégâts vicieux et très insidieux du raisonnement par analogie inductive et par amalgame. Mais je crois surtout que la principale gêne que ressentent tous ceux qui usent du raisonnement par analogie et par amalgame réside dans l'incertitude radicale que signale la fausseté de leur méthode. Il serait tellement plus simple de tenir une méthode finaliste et causale qui résulte d'un principe intangible et évident! C'est l'inverse qui est heureusement vrai : le Bien n'est pas opposé au Mal, pas plus que le Vrai ne l'est au Faux. Les deux sont souvent mélangés au sein de la même forme, à tel point qu'il est plus réaliste de penser que le vrai et le faux marchent main dans la main qu'ils sont séparés par des frontières stables et précises. Précieuses?
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