Chose promise, chose, due, Atmoh. Avec le temps, ce que je pense de Zeitgeist, film que j'ai visionné sur Dailymotion. C'est plus que pratique et avant-gardiste, Dailymotion : c'est l'image au service de la volonté humaine, et non plus l'image qui sert de paravent et de guide au mimétisme de la volonté humaine, comme c'est trop souvent le cas dans les images imposées, de la télévision notamment.
Bon, Zeitgeist, au pas de charge : mon problème n'est pas vraiment de commenter ce film, que j'ai trouvé de bonne qualité. Pas même de me demander si l'interprétation du christianisme comme un mythe est correcte. Sans doute les faits sont-ils intéressants, mais je trouve que le principal défaut de ce film est de verser dans une conception du monde qui ne se rend pas compte qu'en louant le rationalisme comme esprit de critique supérieur à l'archaïsme du religieux, elle transforme sa propre critique en esprit à la mode et en esprit du temps.
Je m'explique.
1) Pour commencer, il va falloir m'expliquer la réduction du mythe au mensonge. Malheureusement, les mythes qui sont purement mensongers sont artificiels. Ainsi le 911 entre-t-il dans la catégorie des mythes artificiels qui de ce fait sont appelés à signifier l'échec et le déclin de la culture épuisée qui le porte (l'Occident).
2) Mais surtout l'apologie du rationalisme comme esprit de critique et de synthèse en mesure de dépasser l'esprit du religieux est très simpliste et superficielle. La principale critique que je lui adresserais revient à coopter la propagande de son temps, quelque chose comme l'esprit de son temps. Qu'est-ce que l'esprit du temps?
C'est l'esprit de la modernité, un vent de changement qui souffle depuis la date symbolique de 1492, la Renaissance, soit la mutation de la raison classique et antique en Raison mutante et omnipotente. La Raison décrète soudain que le monde conquis est un monde à portée de vue et de contrôle; que le monde est un donné défini autant que fini.
Ne pas se rendre compte que l'esprit moderne est un esprit fortement connoté qui ne peut mener qu'à la ruine de l'homme, c'est verser dans l'interprétation simpliste selon laquelle l'esprit moderne de la Raison mutante est forcément l'Esprit supérieur, le bon Esprit (dans un sens très connoté par Hegel, en fin de compte). Problème : c'est à l'aune de la critique de cet esprit que l'on comprend véritablement la faillite du monde moderne et que l'on prend conscience de ce que signifie le 911.
C'est un paradoxe que d'interpréter le 911 à l'aune de la mentalité rationaliste moderne alors que le 911 est précisément le produit de la modernité et l'expression paradigmatique des dérives graves que cet esprit produit. Comment comprendre l'esprit du temps si l'on postule qu'il est le bon? Comment surtout comprendre le 911 si l'on part du principe que le rationalisme qui l'inspire et l'engendre est le Bien par excellence?
3) C'est ici qu'intervient la critique du religieux et la principale faiblesse de ce genre d'explication rationaliste au sens où l'on évoquerait à son sujet le tout-rationalisme. Car la modernité accrédite l'idée selon laquelle elle serait sortie de la religion. La raison était inféodée au religieux; mais la Raison dépasse le religieux.
Fort bien : qu'est-ce alors que le 911 si ce n'est le produit de ce fantasme qui consiste à croire que l'on peut sortir de la religion? Du coup, on produit des mythes rationalistes en diable, des mythes qui se veulent suprareligieux, et l'on confond le mythe et le mensonge (soit la croyance dans le fait que c'est la Raison qui gouverne le monde et qui remplace ainsi tel un deux ex machina le démiurge).
La Raison produit le mythe du 911 comme mensonge en tant que l'abolition du religieux, son dépassement n'engendrent jamais plus que le mensonge en lieu et place du mythe. Qu'est-ce que le mensonge? C'est l'idée que la Raison peut remplacer le religieux et que la Raison est ce qui meut le réel en tant que donné fini et défini.
4) Mais plus encore, le mensonge ici ontologique désigne l'illusion selon laquelle on peut sortir du religieux? Qu'est-ce que la modernité, sinon la culture rationaliste de l'hyperrationalité? Mais qu'est-ce que le religieux par rapport à la culture? L'étymologie nous fournit un précieux renseignement : la culture, c'est le culte.
Dès lors, la sortie de la religion est le slogan de la culture qui prétend être sortie de la religion, soit de la religion qui prétend être sortie de la religion. Fumeux mensonge que cette prétention proche de la démesure (antique)! Quel est le culte de la sortie de la religion? Quels sont les rites de cette religion si particulière qui se nie en tant que religion? Je crois qu'à cet égard le 911 nous fournit en tout cas un enseignement et un renseignement précieux quant à la nature des sacrifices qui sont rendus dans le cadre de la religion de la sortie de la religion. J'insiste bien sur un point : le mensonge. Le mensonge qui est au coeur de la religion de la sortie de la religion, puisque sortir de la religion implique un dépassement qui en l'occurrence n'est jamais qu'une fuite en avant.
C'est pourquoi le film me semble d'un optimisme quasi mythique et béat quand il n'affronte pas la vraie question, la seule qui vaille quand on compare une forme religieuse et un mythe mensonger. Peut-on vraiment réduire la religion à l'explication selon laquelle elle est un mensonge auquel des esprits crédules adhèrent par crédulité? Le peut-on vraiment quand on garde bien présent à l'esprit que toute forme de culture est religieuse? En adhérant au postulat rationaliste si particulier de la Raison mutante, auquel nous Occidentaux modernes, sommes si habitués, le film ne passe-t-il pas à côté de la vraie question?
N'est-ce pas le destin de trop d'esprits épris de vérité que de se croire à la pointe du Progrès dans la mesure où le Progrès n'est jamais que la forme d'adoubement de la Raison? Comment contester vraiment si dans le fond on est d'accord avec les fondements du système que l'on prétend remettre en question? Comment comprendre le 911 si l'on adhère au message de la Raison?
Je crois que la meilleure distinction tient dans la différence entre religieux et religion. La religion est une forme religieuse comme il y en eut tant depuis que les hommes existent. Il est certain que la forme religieuse du christianisme disparaîtra tôt ou tard, puisque toute forme religieuse est appelée à disparaître, ainsi qu'en atteste l'histoire des religions. Mais le religieux, lui, désigne le lien de l'homme au mystère du réel. Tant qu'il y aura des hommes, il y aura de ce fait du religieux.
La Raison n'est de ce point de vue qu'une forme religieuse appelée elle aussi à disparaître d'autant plus vite qu'elle sanctionne une crise du religieux en tant que négation du religieux. Il serait alors bon de distinguer entre le mythe religieux, qui consiste à convoquer l'imaginaire pour intégrer l'absolu au fini, et le mythe rationaliste, qui ne peut être qu'une forme de mensonge, puisque la religion de la sortie de la religion repose sur le mensonge et l'illusion que l'on peut sortir de la religion.
Deux types de mythe donc : le mythe religieux et le mythe mensonger. Et la principale illusion, apologue éculé de la paille et de la poutre, se situe dès lors dans les préjugés du réalisateur de Zeitgeist : non de considérer que le christianisme s'inscrit dans une tradition religieuse qui le précède de loin et le suit immanquablement. Mais de croire que le religieux est aboli et que de ce fait il se rapporte au même type de mensonges que ce que l'on nomme les - mythes.
P.S. : un dernier détail : quand je vois l'épuisement qui gangrène le monde moderne, je suis loin d'être persuadé que le christianisme soit une forme religieuse dépassée et que nous nous situions dans des ères postchrétiennes. Il se pourrait de ce point de vue que le mourant enterré trop vite montre des signes de vitalité que les bien-portants eux-mêmes, non seulement ne soupçonnent pas, mais encore dont les ventripotents ne sont pas capables.
Bon, Zeitgeist, au pas de charge : mon problème n'est pas vraiment de commenter ce film, que j'ai trouvé de bonne qualité. Pas même de me demander si l'interprétation du christianisme comme un mythe est correcte. Sans doute les faits sont-ils intéressants, mais je trouve que le principal défaut de ce film est de verser dans une conception du monde qui ne se rend pas compte qu'en louant le rationalisme comme esprit de critique supérieur à l'archaïsme du religieux, elle transforme sa propre critique en esprit à la mode et en esprit du temps.
Je m'explique.
1) Pour commencer, il va falloir m'expliquer la réduction du mythe au mensonge. Malheureusement, les mythes qui sont purement mensongers sont artificiels. Ainsi le 911 entre-t-il dans la catégorie des mythes artificiels qui de ce fait sont appelés à signifier l'échec et le déclin de la culture épuisée qui le porte (l'Occident).
2) Mais surtout l'apologie du rationalisme comme esprit de critique et de synthèse en mesure de dépasser l'esprit du religieux est très simpliste et superficielle. La principale critique que je lui adresserais revient à coopter la propagande de son temps, quelque chose comme l'esprit de son temps. Qu'est-ce que l'esprit du temps?
C'est l'esprit de la modernité, un vent de changement qui souffle depuis la date symbolique de 1492, la Renaissance, soit la mutation de la raison classique et antique en Raison mutante et omnipotente. La Raison décrète soudain que le monde conquis est un monde à portée de vue et de contrôle; que le monde est un donné défini autant que fini.
Ne pas se rendre compte que l'esprit moderne est un esprit fortement connoté qui ne peut mener qu'à la ruine de l'homme, c'est verser dans l'interprétation simpliste selon laquelle l'esprit moderne de la Raison mutante est forcément l'Esprit supérieur, le bon Esprit (dans un sens très connoté par Hegel, en fin de compte). Problème : c'est à l'aune de la critique de cet esprit que l'on comprend véritablement la faillite du monde moderne et que l'on prend conscience de ce que signifie le 911.
C'est un paradoxe que d'interpréter le 911 à l'aune de la mentalité rationaliste moderne alors que le 911 est précisément le produit de la modernité et l'expression paradigmatique des dérives graves que cet esprit produit. Comment comprendre l'esprit du temps si l'on postule qu'il est le bon? Comment surtout comprendre le 911 si l'on part du principe que le rationalisme qui l'inspire et l'engendre est le Bien par excellence?
3) C'est ici qu'intervient la critique du religieux et la principale faiblesse de ce genre d'explication rationaliste au sens où l'on évoquerait à son sujet le tout-rationalisme. Car la modernité accrédite l'idée selon laquelle elle serait sortie de la religion. La raison était inféodée au religieux; mais la Raison dépasse le religieux.
Fort bien : qu'est-ce alors que le 911 si ce n'est le produit de ce fantasme qui consiste à croire que l'on peut sortir de la religion? Du coup, on produit des mythes rationalistes en diable, des mythes qui se veulent suprareligieux, et l'on confond le mythe et le mensonge (soit la croyance dans le fait que c'est la Raison qui gouverne le monde et qui remplace ainsi tel un deux ex machina le démiurge).
La Raison produit le mythe du 911 comme mensonge en tant que l'abolition du religieux, son dépassement n'engendrent jamais plus que le mensonge en lieu et place du mythe. Qu'est-ce que le mensonge? C'est l'idée que la Raison peut remplacer le religieux et que la Raison est ce qui meut le réel en tant que donné fini et défini.
4) Mais plus encore, le mensonge ici ontologique désigne l'illusion selon laquelle on peut sortir du religieux? Qu'est-ce que la modernité, sinon la culture rationaliste de l'hyperrationalité? Mais qu'est-ce que le religieux par rapport à la culture? L'étymologie nous fournit un précieux renseignement : la culture, c'est le culte.
Dès lors, la sortie de la religion est le slogan de la culture qui prétend être sortie de la religion, soit de la religion qui prétend être sortie de la religion. Fumeux mensonge que cette prétention proche de la démesure (antique)! Quel est le culte de la sortie de la religion? Quels sont les rites de cette religion si particulière qui se nie en tant que religion? Je crois qu'à cet égard le 911 nous fournit en tout cas un enseignement et un renseignement précieux quant à la nature des sacrifices qui sont rendus dans le cadre de la religion de la sortie de la religion. J'insiste bien sur un point : le mensonge. Le mensonge qui est au coeur de la religion de la sortie de la religion, puisque sortir de la religion implique un dépassement qui en l'occurrence n'est jamais qu'une fuite en avant.
C'est pourquoi le film me semble d'un optimisme quasi mythique et béat quand il n'affronte pas la vraie question, la seule qui vaille quand on compare une forme religieuse et un mythe mensonger. Peut-on vraiment réduire la religion à l'explication selon laquelle elle est un mensonge auquel des esprits crédules adhèrent par crédulité? Le peut-on vraiment quand on garde bien présent à l'esprit que toute forme de culture est religieuse? En adhérant au postulat rationaliste si particulier de la Raison mutante, auquel nous Occidentaux modernes, sommes si habitués, le film ne passe-t-il pas à côté de la vraie question?
N'est-ce pas le destin de trop d'esprits épris de vérité que de se croire à la pointe du Progrès dans la mesure où le Progrès n'est jamais que la forme d'adoubement de la Raison? Comment contester vraiment si dans le fond on est d'accord avec les fondements du système que l'on prétend remettre en question? Comment comprendre le 911 si l'on adhère au message de la Raison?
Je crois que la meilleure distinction tient dans la différence entre religieux et religion. La religion est une forme religieuse comme il y en eut tant depuis que les hommes existent. Il est certain que la forme religieuse du christianisme disparaîtra tôt ou tard, puisque toute forme religieuse est appelée à disparaître, ainsi qu'en atteste l'histoire des religions. Mais le religieux, lui, désigne le lien de l'homme au mystère du réel. Tant qu'il y aura des hommes, il y aura de ce fait du religieux.
La Raison n'est de ce point de vue qu'une forme religieuse appelée elle aussi à disparaître d'autant plus vite qu'elle sanctionne une crise du religieux en tant que négation du religieux. Il serait alors bon de distinguer entre le mythe religieux, qui consiste à convoquer l'imaginaire pour intégrer l'absolu au fini, et le mythe rationaliste, qui ne peut être qu'une forme de mensonge, puisque la religion de la sortie de la religion repose sur le mensonge et l'illusion que l'on peut sortir de la religion.
Deux types de mythe donc : le mythe religieux et le mythe mensonger. Et la principale illusion, apologue éculé de la paille et de la poutre, se situe dès lors dans les préjugés du réalisateur de Zeitgeist : non de considérer que le christianisme s'inscrit dans une tradition religieuse qui le précède de loin et le suit immanquablement. Mais de croire que le religieux est aboli et que de ce fait il se rapporte au même type de mensonges que ce que l'on nomme les - mythes.
P.S. : un dernier détail : quand je vois l'épuisement qui gangrène le monde moderne, je suis loin d'être persuadé que le christianisme soit une forme religieuse dépassée et que nous nous situions dans des ères postchrétiennes. Il se pourrait de ce point de vue que le mourant enterré trop vite montre des signes de vitalité que les bien-portants eux-mêmes, non seulement ne soupçonnent pas, mais encore dont les ventripotents ne sont pas capables.
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